Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (10)
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LE SYNDROME DE CYTOLYSE HEPATIQUE CHRONIQUE EN AFRIQUE NOIRE
risques évolutifs de cirrhose et d’hépatocarcinome. Si la
définition des hépatites chroniques est avant tout histo-
logique leur diagnostic peut être facilement évoqué sur
des données sérologiques et fonctionnelles hépatiques.
Les marqueurs viraux sériques utiles sont l’antigène HBs
(Ag HBs), l’anticorps anti-HBc de type IgM (AC HBc
IgM), l'antigène HBe (Ag HBe), si possible l'ADN
viral B (ADN B), l'anticorps anti-delta (AC VHD) et
maintenant l'anticorps anti-virus C (AC VHC). L’ e x i s -
tence d’une infection chronique par le virus B (VHB) est
quasiment affirmée par la présence de l’Ag HBs en
l’absence d’AC HBc IgM ; la présence de l’Ag HBe (ou
mieux de l’ADN B) témoignant de la persistance d’une
replication complète du virus est bien corrélée à l’évo-
lutivité de la maladie et au risque de contagiosité. La
présence des AC VHD et des AC VHC traduit plus sou-
vent une infection chronique qu’une cicatrice séro-
logique. En présence des stigmates sérologiques d’infec-
tion virale chronique, l’existence d’une cytolyse chro-
nique traduit l’existence d’une hépatite chronique
évolutive ; en ce qui concerne le VHB le niveau de la
cytolyse est assez prédictif du type histologique (HCA
ou HCP) ce qui n’est pas du tout le cas pour le VHC (7).
La PBH a dans tous les cas un intérêt pronostique ; en
cas d’HCP il existe un infiltrat inflammatoire portal et
intra-lobulaire modéré avec discrets signes de souffrance
hépatocytaire. L’HCA est caractérisée par des lésions
plus sévères avec destruction de la lame bordante et
parfois nécrose hépatocytaire en pont (“bridging
necrosis”) d’importance pronostique capitale puisqu’elle
est fortement corrélée à une évolution cirrhogène. On
peut cependant s’interroger sur la nécessité d’un dia-
gnostic histologique formel et précis dans la mesure où
les possibilités thérapeutiques sont encore limitées. Si
d’importants progrès ont été réalisés ces dix dernières
années (12), l’efficacité de la vidarabine et des inter-
férons reste partielle ou transitoire au prix d’effets
secondaires et d’un coût importants qui risquent d’en
limiter considérablement la diffusion, notamment en
Afrique. La surveillance de ces patients, même asymp-
tomatiques est cependant nécessaire. Elle doit reposer sur
la sérologie, l’EFH, le dosage de l’alpha-fœtoprotéine
(AFP) et l’échographie. Si une élévation importante du
taux sérique d’AFP (> 400 UI/L) est quasi spécifique
d’un hépatocarcinome, une élévation modérée traduit le
plus souvent une régénération hépatocytaire au
cours d’une HCA très évolutive. L’échographie joue un
rôle fondamental dans la surveillance, elle permet sou-
vent d’évoquer une évolution vers la fibrose et la
cirrhose. Elle doit aussi rechercher avec attention la
moindre lésion focale dont la nature doit être précisée par
une micro-biopsie dirigée dont la sensibilité en matière
de cancer est excellente. Cette surveillance, dont le béné-
fice en terme de survie n’a pas encore été formellement
démontré (5) sera d’autant plus justifiée que les espoirs
thérapeutiques représentés par l’alcoolisation percutanée
guidée par échographie des petits hépatocarcinomes
(< 5 cm) auront reçus confirmation (2).
Les autres causes d’hépatites chroniques doivent égale-
ment être recherchées. Une origine médicamenteuse doit
être systématiquement évoquée dans des régions où la
vente libre, l’auto-médication et les prescriptions non
conformes sont des causes majeures de toxicité accrue.
Les principaux médicaments responsables d’hépatites
chroniques et/ou de cirrhose sont nombreux : acide
tiénilique, amiodarone, clométacine, dantorlène, halo-
thane, iproniazide, méthotrexate, alpha-méthyldopa,
nitrofurantoïne, papavérine et vitamine A (13). Les
intoxications sont plus rarement responsables d’hépato-
pathies chroniques ; certains alcaloïdes de plantes appar-
tenant aux genres Senecio et Crotolaria, contenant des
pyrazolidines et habituellement responsables de syn-
dromes veino-occlusifs aigus, peuvent être cause de
cytolyse hépatique chronique (4). Enfin une étiologie
auto-immune, très rare dans ce contexte de cytolyse
isolée, est à rechercher s’il existe des éléments d’orien-
tation cliniques ou biologiques ;
- le dernier cadre diagnostique est représenté par de multi-
ples affections plus rares mais parfois révélées par une
cytolyse silencieuse. L’hémochromatose, dont la fré-
quence n’est pas connue en Afrique, doit être distinguée
de l’hémosidérose décrite surtout en Afrique du Sud, au
Ghana et en Ouganda ; la ferritinémie en est un excellent
marqueur. La maladie de Wilson et le déficit en alpha 1
anti-trypsine sont exceptionnellement recherchés, leur
prévalence est inconnue en Afrique. Il est rare qu’une
cytolyse chronique vienne révéler une maladie de
système d’autant que la sarcoïdose y est peu fréquente.
Les granulomatoses pourraient constituer une cause
importante de cytolyse chronique en Afrique, mais le
diagnostic est le plus souvent posé devant des mani-
festations extra-hépatiques. Ainsi la tuberculose est
rarement isolée et s’intègre le plus souvent dans le cadre