Gérard Grosse, chantier travail, IRFSU Notes sur : Sandrine Nicourd (dir), Le travail militant, PUR 2009 Ouvrage collectif, composé d’articles courts, portant plus sur l’engagement que le « travail », dans des sphères très diverses religieuses, associatives, syndicales. Ne sont retenues que les contributions en relation avec l’activité syndicale. Introduction, S. Nicourd. Expliquer les engagements par les dispositions biographiques et le maintien dans le temps de ces engagements par les conditions sociales et organisationnelles. S’engager = entrer dans un travail organisé, une hiérarchie, des régulations ; les militants obéissent à des normes et des obligations. Dans les travaux regroupés ici, la « cause » n’est pas envisagée comme le principal moteur de l’engagement, mais plutôt les normes et les contraintes de l’organisation. Il s’agit plus de saisir l’activité collective qui donne corps à l’engagement que les logiques individuelles. Il faut se garder de croire sur parole, les déclarations d’engagement au nom d’un idéal, dans une perspective strictement individualiste de l’engagement. Il importe de le resituer dans son contexte sociopolitique. « S’engager signifie toujours être engagé, c’est-à-dire être tenu par des liens sociaux signifiants au sein de collectifs ». Les engagements ne sont donc pas dissociables des pratiques situées dans des organisations régulées par des normes, des règles, des interactions. Les engagements peuvent s’enraciner dans des socialisations, dans des filiations. Plus les collectifs sont institutionnalisés (ex syndicats), plus la différence entre les positions qu’y occupent les hommes et les femmes y est marquée, et plus les plus de 40 ans y sont sur-représentés, posant la question du renouvellement générationnel. Si la seconde proposition est probablement vraie, la seconde demande à être vérifiée s’agissant des syndicats, notamment enseignants de la FSU compte tenu du poids démographiques des deux sexes dans les effectifs. Weber a distingué deux concepts idéaltypiques : l’église, institution qui vise à régler la conduite de sociétés globales la secte, association volontaire en rupture avec l’ordre social. Y sont associé des formes différentes d’organisation : parti et syndicats versus association. Laurent Willemetz, Un engagement fort dans une institution instable, militants syndicaux dans les conseils de Prud’hommes. Les militants syndicaux (confédérés et patronaux) aux Prud’hommes sont confrontés à un risque d’éloignement des mandats syndicaux : le développement d’une expertise fait courir au militant un risque d’institutionnalisation et de prise de distance avec son organisation d’appartenance. Les militants sont en tension : ils sont là comme représentants d’une partie, mais chargés de « dire le droit » et de l’appliquer. A voir : l’engagement de militants syndicaux dans les CHSCT n’induit-elle pas un risque similaire. La fonction exige une grande technicité, notamment juridique. Les militants interviewés qui sont membres d’un CHSCT y font référence. Désignés par leur syndicat, ils courent néanmoins un risque d’éloignement « oligarchique » vis-à-vis des collègues d’une part et ‘une « fraternisation » techniciste avec les représentants de l’employeur (ministères ici le plus souvent), d’autre part. S Nicourd, Travail associatif et travail syndical : la proximité des répertoires d’action. Je ne retiens que ce qui concerne le travail syndical. Les militants syndicaux (ou politiques) sont plus souvent que la moyenne engagés par ailleurs dans des associations. Première explication : les mêmes dispositions poussent aux eux types d’engagement. Autre explication, explorée ici : similitude des formes de régulation (en sociologie, régulation = production, maintien, application et transformation des règles dans les organisations) des types d’organisations. Dans le champ syndical, le travail de terrain de l’auteur a été réalisé avec des sections CFDT. Cécile Guillaume et Sophie Pochic ont montré (CFDT) que l’insertion durable est un préalable à l’engagement et C. Guillaume et S. Nicourd ont montré un clivage entre les formes d’engagement dans les structures locales et dans les structures fédérales ou régionales. Ces clés de lecture sont-elles valables ans les syndicats de la FSU ? La prise de responsabilité suit-elle « l’installation » dans le métier (titularisation ou poste fixe par exemple) ? Les mobiles de l’engagement, le contenu des tâches militantes, les compétences mobilisées, etc. sont-ils de nature différente selon qu’il s’agit d’un engagement local (secrétaire de S1, membre d’un bureau départemental, élu en CAPD) ou ‘un engagement à un niveau supérieur (secrétaire départemental ou académique, membre d’un secrétariat national, etc.) Le militant peut, en théorie, partir à tout moment, son engagement est « libre », mais l’organisation du travail peut le retenir. En particulier, les syndicalistes, par leurs mandats, accèdent à des espaces sociaux nouveaux et à une autonomie plus importante que celle qui résultait de leur position professionnelle (probablement moins vrai pour le syndicalisme enseignant FSU). Cette autonomie et son maintien devient un enjeu du travail militant. La responsabilité syndicale permet d’élargir son capital social et induit l’accès à des biens symboliques (reconnaissance …). Elle permet d’acquérir des compétences « quel que soit le cas de figure, s’engager représente un travail. Le « professionnalisme » apparaît alors comme un horizon de description légitime de leur activité devenant là aussi valorisante car synonyme d’une exigence enter mes cognitifs et organisationnels (connaître un dossier, savoir organiser une réunion …) ». Les représentants syndicaux qualifient positivement leur travail syndical (intéressant, épanouissant …) et le valorise par rapport à leur travail professionnel. C’est probablement moins vrai aussi pour les militants FSU, en particulier dans l’enseignement. Même les (rares) permanents ne caractérisent généralement pas leurs activités syndicales comme un métier, et les militants sont même souvent réticents à les caractériser comme un travail. Ils continuent généralement plus à se reconnaitre dans leur métier (i.e. enseignant) que comme syndicaliste. Et le syndicalisme ne semble pas plus valorisé que l’enseignement (ou les autres activités professionnelles), ni individuellement (ce que ça apporte à l’acteur) ni collectivement (la « fonction sociale » de l’activité) Cas particulier, Yvon (SNASUB) : poste faiblement qualifié en regard de son capital scolaire, permanent, bénéficiant par sa situation syndicale (secrétaire départemental de son syndicat) d’un accès à une gamme d’activités et à un capital social très supérieurs à ce que son métier lui permettrait. Le travail militant est rythmé par des épreuves successives : négocier, gagner ou perdre des élections, défendre, avec succès ou non, un salarié, etc. L’ancrage local et l’autonomie de la fonction syndicale peuvent conduire es militants à s’installer dans leur(s) mandat(s) et/ou à les cumuler. Le désengagement correspond souvent à l’impossibilité de pouvoir maintenir ou améliorer sa place dans le « jeu ». L’auteure distingue deux types de sociabilités : statutaire, formelle et fonctionnant au consensus, d’une part, affinitaires, plus libre et admettant les désaccords, de l’autre. Elle estime que, dans tous les cas, ces sociabilités sont structurées par l’existence d’un leader, « personne de référence ». S’agissant des relations avec les adhérents, l’auteure distingue trois registres : - Celui de la réparation des difficultés vécues par les adhérents (aide juridique, accompagnement auprès du chef, etc.) - Celui d’une relation, à installer dans le long terme, visant l’émancipation personnelle de l’adhérent - celui d’une relation visant l’émancipation collective (opérations de mobilisation).