Le monde selon
Sterling
Deux sujets importants pour 2010
« L’erreur de l’optimisme meurt dans la crise, mais en mourant elle donne vie à
une erreur de pessimisme. Cette nouvelle erreur est née non pas comme un
enfant, mais comme un ant. »
Arthur C. Pigou (1920)
En examinant les marchés financiers mondiaux en 2009, il
est juste de dire que la plupart des investisseurs sont à la fois
étonnés et soulagés que les marchés boursiers mondiaux - et
les économies qu’ils reflètent - aient affiché des rendements
plus élevés que prévus au cours de l’année. Comparé aux
craintes généralisées de la grande dépression 2.0 qui
prévalaient plus tôt en 2009, la reprise dans les données
économiques de la plupart des nations industrielles et les
preuves des conditions d’expansion dans des nations en voie
de développement comme la Chine représentaient des
nouvelles favorables.
Après une période aussi tumultueuse que celle que nous
venons de traverser, nous suspectons que plusieurs
économistes et pontes du marcsont peut-être encore trop
prudents à l’égard de la perspective économique. Comme la
citation ci-haut de l’économiste renommé de Cambridge
University Arthur Pigou l’indique, historiquement les crises
économiques ont contribués aux « erreurs de pessimisme »
tout comme les périodes d’expansion précédentes ont peut-
être été influencées par de l’optimisme mal placé. Avec plus
de 770 mesures de stimulation annoncées dans le monde
depuis la crise de 2008, nous sommes plus aptes à chercher
davantage de hausses dans la croissance mondiale en 2010
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que de se préoccuper d’un nouveau marasme. Cela dit, nous
sommes conscients que notre optimisme à propos des
dynamiques de croissance pourrait indiquer une conjoncture
des marchés financiers plus difficile, alors que les investisseurs
s’inquiètent au sujet de la possibilité de taux d’intérêt plus
élevés et de conditions de liquidité plus serrées avec la
progression de la reprise mondiale.
Au lieu d’examiner les perspectives de tous les principaux pays,
nous soulignerons deux sujets qui, selon nous, seront clés à la
perspective des marchés financiers en 2010 : Le premier est si
l’économie américaine connaîtra une reprise sans emploi,
comme dans les deux cycles économiques précédents. L’autre
est si la Chine enregistrera une hausse importante de
l’inflation enponse à la montée récente de la croissance de
la liquidité.
Sujet #1 : Une autre reprise sans emploi aux É.-U.?
Il y a plusieurs décennies, les tendances de l’emploi aux
É.-U. étaient marquées par d’importants licenciements au
cours des récessions suivis d’importants rappels au travail des
employés pendant les reprises. Cette tendance de
licenciement-rappel était plus prononcée dans les industries
de fabrication les syndicats ont développé des protocoles
élaborés avec la direction à propos de qui serait licencet qui
serait rappeselon la fonction professionnelle, la durée de
service, etc.
La situation a totalement chanau cours des 20 dernières
années alors que des millions de postes dans la fabrication ont
disparu et que l’adhésion aux syndicats a chuté à environ
10 % de la main-d’œuvre américaine totale. Alors que des
vagues importantes de changement structural ont modifié
l’économie suite à la crise « de l’épargne et des prêts » à la fin
des années 1980 et le « débâcle technologique » au début des
années 2000, la tendance licenciement-rappel a semblé
disparaître pour toujours. Au début des années 1990, le taux
de chômage a contin à monter pendant 15 mois après la fin
de la récession, tel qu’indiqué par le sommet atteint dans les
demandes initiales de chômage. Pour la récession de 2001,
cela a pris 20 mois pour au taux de chômage pour commencer
à baisser suite au sommet atteint dans les demandes initiales
de chômage.
Si on se fie aux deux derniers cycles pour nous guider, le taux
de chômage ne commencera à baisser qu’au cours de la
deuxième moitié de 2010, car les demandes initiales de
chômage ont atteint un sommet en mars 2009. Ce niveau
constamment élevé de chômage fera probablement en sorte
que laservedérale ne changera pas sa position pour une
bonne partie de l’année. De même, cela signalerait une
période prolongée de faiblesse du dollar et de hausse de prix
des produits de base. Une des inquiétudes principales dans ce
cas serait l’apparence de bulles financières dans les nations de
marché émergent qui continuent de se lier à la politique
monétaire des É.-U., même si le faible niveau actuel des taux
d’intérêt pourrait ne pas convenir à leurs propres circonstances
(pensez à la Chine).
Voici ce que l’histoire de la reprise sans emploi ne révèle
pas : (1) la liquidation massive des stocks aux États-Unis qui
était un élément important de « la Grande Récession » et (2)
comment les dynamiques des stocks réagissent aux conditions
financières globales, qui se sont largement améliorées.
Comme nous le montrons dans le graphique 1, la réduction
des stocks aux É.-U. au cours de ce cycle n’a pas de précédent
dans les temps modernes, le changement réel dans les stocks
comme pourcentage du PIB ayant atteint une moyenne de
1 % au cours des trois trimestres terminés en septembre 2009.
Les stocks étant à un niveau si faible et la demande finale
ayant haussée, le terrain est préparé pour une reprise des stocks
sur plusieurs trimestres. Une telle reprise pourrait encourager
une croissance annualisée du PIB de peut-être deux points de
pourcentage dans chacun des quatre trimestres subséquents.
Historiquement, le rétablissement des stocks provoque une
hausse dans l’embauche, le revenu salarial et la constitution
des fondements d’un « cercle vertueux » et d’une reprise
économique durable.
Jusqu’à ce point, la reprise naissante au niveau de la
production industrielle donne suite à une réduction de la
main d’œuvre et une augmentation importante de la
productivité et des bénéfices de sociétés. Mais les gains de
Le monde selon
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productivité ont été si démesurés - 8 % de la croissance
annuelle au cours des deux derniers trimestres - qu’il est très
probable que le marcdu travail sera assujetti à un « effet de
fronde », où l’embauche peut surpasser la croissance du PIB
pendant plusieurs trimestres.
Comme nous l’avons remarqdans d’autres rapports, les
conditions financières aux É.-U. ont connu une amélioration
importante telle que mesurée par l’indice Bloomberg
Financial Conditions. À la fin de décembre 2009, l’indice est
revenu au niveau moyen qu’il avait entre 1992 et la moitié de
2007, après avoir chuté à une mesure de moins 11.5 écarts
types suite à la crise de Lehman en octobre 2008. Cela veut
dire que l’indice a connu un choc positif important au cours
de la dernière année qui n’a pas de précédent aux É.-U.
Comme nos recherches précédentes l’ontmontré, l’indice
Bloomberg est un bon indicateur avancé de la croissance
réelle globale du PIB américain et il présage des résultats
économiques meilleurs que prévus depuis l’année dernière.
Il se trouve que l’indice Bloomberg est un très bon indicateur
des conditions de prêts des banques - surtout pour les prêts
commerciaux et industriels - telles que mesurées par le Senior
Loan Officer Survey de la Réserve fédérale.
Comme nous le montrons dans le graphique 2, le Loan
Survey de la Fed offre de très forts signaux concernant
l’établissement des stocks au cours des prochains trimestres.
Historiquement, il y a eu une forte corrélation entre les
conditions de prêt du trimestre actuel et les fluctuations des
stocks deux trimestres plus tard. Bien que le sondage de la Fed
montre que les agents principaux des prêts resserrent leurs
conditions, le pourcentage net de ceux qui le font a baissé à
seulement 14 % au quatrième trimestre. Ceci se compare au
sommet de 84 % atteint il y a deux trimestres suite à la faillite
de Lehman. Selon nous, le plus récent sondage de la Fed
reflète un important assouplissement des conditions de prêt
qui devrait permettre un renversement de la politique des
stocks des firmes.
Si nous avons raison, cela indique une reprise précoce de la
croissance de l’emploi et que les salaires professionnels seront
plus élevés que prévus. Supposant que nous commençons à
voir la croissance de l’emploi dépasser 200 000 par mois cette
ane, il y aura sans doute des conquences pour les marchés
financiers. Tout d’abord, les taux d’intérêt basés sur le marc
pourraient fortement augmenter alors que les participants du
Attention à « l’effet de fronde » :
La réduction des stocks américains dépassent les records Fluctuation
réelle des stocks privés comme part du PIB réel
Source : Haver Analytics et ITG Hoenig
Part (%) Moyenne mobile sur 3 trimestres *
*Moyenne (.41) Plus et moins un écart type (.40)
60 65 70 75 80 85 90 95 00 05
1,5
1,0
0,5
0,0
-0,5
-1,0
-1,5
Graphique 1 : Les firmes américaines ont drastiquement réduit les
stocks au cours des derniers trimestres, ce qui prépare le terrain
pour un « effet de fronde » alors que les niveaux des stocks se
normaliseront au cours des prochaines années.
Le Loan Survey de la Fed indique une reconstitution
des stocks en 2010
Le Senior Loan Officer Survey versus la fluctuation réelle des stocks privés comme part du PIB
Source : Haver Analytics et ITG Hoenig
1,2
0,8
0,4
0,0
-0,4
-0,8
-1,2
-1,6
-40
-20
0
20
40
60
80
100
Pourcentage de resserrement, décalage de 2 trimestres (gauche)
Fluctuation réelle des stocks, part du PIB (droit)
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 1009
Graphique 2 : Même si les banquiers restent prudents, le Senior Loan
Officer Survey de la Fed révèle un assouplissement important des
conditions de prêts bancaires au cours du quatrième trimestre. Cela
devrait soutenir la reconstitution des stocks en 2010.
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marché commencent à réévaluer le temps et l’importance de
la stratégie de sortie de la Fed de la politique monétaire de
taux nul. Deuxièmement, le dollar pourrait se redresser
davantage par rapport aux autres devises en réponse aux
attentes changeantes pour les taux d’intérêt et la croissance
aux États-Unis. En dernier lieu, les prix des produits de base
pourraient être assujettis à la pression alors que la croissance
du dollar réduit le pouvoir d’achat dans le reste du monde
pour les produits de base évalués en dollars.
Sujet #2 : La montée de la croissance de liquidien Chine
provoquera-t-elle une inflation plus élevée?
Une des surprises positives pour les marchés boursiers
mondiaux en 2009 a été la vitesse et l’ampleur de la reprise
économique de la Chine de la crise financière mondiale. Les
mesures de stimulation monétaire et fiscale agressives ont
suscité une reprise rapide du taux de croissance économique
en Chine. Elles ont aussi stimulé les prix des produits de base
mondiaux et ont aidé les efforts de la Fed pour éviter que les
attentes de déflation de type japonais s’ancrent dans la
mentalité des décisionnaires économiques.
Maintenant, la principale question est si les autorités chinoises
ont réagit exagérément dans leur tentative d’isoler leur
économie du choc économique mondial. Traiter cette
question est aussi difficile parce que plusieurs économistes
craignent que les données économiques officielles de la Chine
puissent sous-estimer les hausses et les baisses cycliques de
l’économie chinoise massive. Cela pourrait rendre difficile
pour les responsables chinois et les participants du marché
d’évaluer si le génie de l’inflation est sorti de sa lampe.
Selon les preuves actuelles, le jury est encore en délibération.
Tel que démontré dans le graphique 3, les prix à la
consommation en Chine en novembre étaient en hausse de
seulement 0,6 % par rapport à l’année précédente, ce qui
suggère que l’inflation n’est pas un facteur, malgré l’économie
prospère. Cela dit, l’indice des prix à la consommation
désaisonnalisé a augmenté à un taux annuel de 4 % depuis
juillet et on peut faire valoir des arguments irréfutables que
l’économie commence à surchauffer en réponse aux
importants efforts de stimulation qui, au cours des derniers
mois, ont poussé la croissance de la monnaie au sens large
(M2) à la hausse de presque 30 % par rapport à la dernière
année.
Les économistes de Lombard Street Research prévoient que
sur une base désaisonnalisée, le PIB de la Chine a haussé à
un taux annuel supérieur à 30 % au cours du troisième
trimestre. Les données mensuelles récentes sur la production
industrielle, les exportations et les placements en actifs
immobilisés suggèrent que l’économie se prépare à croître à
un taux annuel de presque 20 % au cours du quatrième
trimestre. Il s’agit de chiffres étonnants qui suggèrent que le
niveau de la capacité excédentaire dans l’économie créé par
la baisse des exportations en 2008 et au début de 2009 a été
plus que compenpar l’explosion dans la demande nationale
et la reprise récente dans la croissance des exportations.
L’ampleur de la reprise en Chine est en partie le résultat du
programme de stimulation massif de quatre billions de yuan
(équivaut à plus de 600 milliards de dollars canadiens)
annoncé à la fin de 2008. Cela représentait à peu près 13 %
du PIB, ce qui s’approche sans doute d’un niveau record pour
toute économie en-dehors d’une riode de guerre. Toutefois,
L’inflation du prix à la consommation en Chine devient positive
Fluctuation en pourcentage, d’il y a un an
Source : Haver Analytics
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
10
8
6
4
2
0
-2
Graphique 3: Après près d’un an de déflation, l’inflation du prix à la
consommation en Chine est devenue positive au mois de novembre.
L’inflation en Chine s’accélérera sans doute au cours des prochains
mois en réponse à la croissance importante de la masse monétaire.
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il y a eu une hausse dans la création du crédit encore plus
impressionnante menée par les banques chinoises appartenant
à l’état qui a jeté de l’huile sur le feu. Dans la première moitié
de 2009, les prêts bancaires ont augmenté d’un étonnant sept
billions de yuan, ce qui représentait presque la moitié du PIB
du pays au cours de cette riode. Selon un taux de croissance
plus normal de 15 %, les prêts bancaires auraient
augmenter de seulement deux billions de yuan au cours cette
de période, ce qui souligne le caractère extraordinaire de
l’augmentation du crédit en Chine.
La devise chinoise étant ancrée au dollar américain, la
combinaison d’une expansion monétaire de 30 % et d’une
dévaluation effective de 10 % de sa devise semble indiquer la
probabilité d’une accélération dans l’inflation au cours des
prochains moins. Bien que le Politburo de la Chine ait mis
l’accent sur la stabilité et la continui de la politique
économique au cours de son récent énoncé économique, la
cision récente d’accumuler du capital bancaire et de mettre
en vigueur une taxe de 5,5 % sur la vente de certains biens
indique les craintes des autorités au sujet de l’augmentation
du crédit.
Une façon de comprendre à quel point les dynamiques
monétaires en Chine ne peuvent pas durer est d’examiner les
données du graphique 4, qui compare les tendances récentes
dans la masse monétaire M2 en Chine à la tendance aux
É.-U. Ce qui est curieux, c’est que la masse monétaire en
Chine dépassait celle des É.-U. en juillet 2009, malgré le fait
que le PIB nominal en Chine est seulement de 4,6 billions
de dollars US comparé à 14 billions de dollars aux É-U. Selon
les tendances des 10 dernières années, la masse monétaire de
la Chine sera le double de celle des États-Unis à la fin de 2012
et quatre fois celle des États-Unis à la fin de 2015. Mais cela
n’arrivera pas, car ça nécessiterait un taux d’inflation en Chine
que les leaders ne supporteraient pas. Alors, les questions
principales sont quand est-ce que la Chine va devoir ralentir
sa croissance monétaire et à quel rythme.
Bref, le succès des mesures de stimulation économique aux
É-U. et en Chine pourrait signifier que le « point idéal » pour
les marchés boursiers qui existe depuis mars pourrait
disparaître, ainsi que certaines « négociations à sens unique »,
comme un dollar plus faible et des prix élevés de produits de
base. Par contre, la bonne nouvelle est qu’une expansion
économique mondiale autonome semble être bien enracinée.
Le fi pour les investisseurs sera d’éviter de agir exagérément
aux périodes épisodiques de volatilité qui se produiront sans
doute au fur et à mesure que les responsables essaient de se
sortir des politiques mises en place en 2009.
William Sterling
Directeur des placements
Trilogy Global Advisors, LLC
La masse monétaire M2 de la Chine surpasse celle
des États-Unis :
Réelle versus tendance, 1999 à 2009
Source : Haver Analytics, Trilogy Global Advisors
Remarque : La masse monétaire de la Chine est convertie en $ US au taux de change mensuel moyen USD/CNY
9 000
8 000
7 000
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
M2 É.-U.
M2 Chine
Graphique 4: La masse monétaire M2 de la Chine a surpassé celle
des États-Unis en juillet 2009. Une extrapolation des tendances
récentes verrait la masse monétaire de la Chine doubler celle des
États-Unis en 2012 et la tripler en 2015.
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