
CABINET Forum Med Suisse No11 14 mars 2001 265
Introduction
Les troubles du sommeil sont l’un des pro-
blèmes les plus fréquents en pratique médicale.
Selon certaines études épidémiologiques inter-
nationales, entre 19 et 46% des gens présentent
des insomnies, dont 13% à symptomatologie
modérée à grave [1]. En prenant scrupuleuse-
ment les critères diagnostiques, c‘est-à-dire
présence simultanée de troubles de l’endor-
missement et du maintien du sommeil, avec
perturbations diurnes du bien-être général,
leur fréquence est de 1,3%. Une enquête effec-
tuée auprès de généralistes suisses a confirmé
ces chiffres: la prévalence globale des insom-
nies a été de 44%, dont 30% modérées et 5%
graves. 59% des insomnies n’étaient pas
connues du médecin [2]. Selon une étude qui
vient d’être publiée, 45% d’une population ac-
tive suisse ont souffert d’insomnie au moins
une fois dans leur vie. La prévalence des
troubles de l’endormissement et du maintien
du sommeil lors de cette étude était de 19%,
avec une somnolence diurne significative chez
13% [3].
Les insomnies présentent souvent une évolu-
tion intermittente, avec tendance à la chronifi-
cation. D’après une enquête américaine, env.
9% des gens souffrent de problèmes chroniques
résultant de leur insomnie.
Parmi les conséquences des insomnies, il faut
citer des problèmes de mémoire ou de concen-
tration, une agitation, une irritabilité, une
anxiété et une fatigue diurne. Et les absences
au travail, avec les accidents dus à la fatigue,
représentent des problèmes considérables,
dont les conséquences sont souvent sous-esti-
mées [3]. Rares sont les patients demandant de
l’aide à leur médecin en premier lieu pour leurs
problèmes de sommeil. Ce qui est fâcheux, c’est
qu’ils sont nombreux à se traiter eux-mêmes
par l’alcool ou des médicaments en vente libre.
Nous connaissons les facteurs de risque sui-
vants d’installation des insomnies: âge avancé,
sexe féminin, autres problèmes de santé, ma-
ladies psychiatriques et stresses psychiques
aspécifiques avec tension émotionnelle.
Tout cela pour exprimer l’importance et la né-
cessité d’un traitement de ce problème à évo-
lution en partie chronique. Malheureusement,
les insomnies sont trop souvent considérées
comme une fatalité, et non pas comme des pro-
blèmes pouvant être guéris, ou tout au moins
atténués par un traitement ciblé [12].
Classifications diagnostiques
Les schémas diagnostiques de la Médecine du
sommeil se basent sur des critères pathogéné-
tiques, cliniques et polysomnographiques, de-
vant satisfaire certaines exigences scienti-
fiques. La société nord-américaine des centres
des troubles du sommeil ne distingue pas moins
de 88 diagnostics différents [4]. Leur classifica-
tion n’a pas grand intérêt en pratique, car la
discussion et l’appréciation du médecin ont peu
de poids, et elle est surtout fonction de critères
polysomnographiques.
Les critères du manuel de diagnostic de la so-
ciété américaine de Psychiatrie (DSM-IV), exis-
tant depuis le début des années ’90, et celui de
l’OMS (ICD-10) permettent de poser un dia-
gnostic sans enregistrement en laboratoire du
sommeil. Selon ces classifications, une répar-
tition phénoménologique des troubles du
sommeil en dyssomnies (anomalie de la quan-
tité, de la qualité ou du moment du sommeil),
avec insomnies, hypersomnies et troubles du
rythme veille-sommeil, et en parasomnies
(dysfonctions du sommeil, des stades du som-
meil et de l’éveil partiel) est courante en pra-
tique [5].
Dyssomnies
Insomnie. L’insomnie la plus fréquente se défi-
nit par les critères suivants de l’ICD-10 et du
DSM-IV:
1. Plaintes concernant des troubles de l’endor-
missement, du maintien du sommeil et/ou
une mauvaise qualité du sommeil.
2. Fréquence au moins trois fois par semaine
pendant au moins un mois.
3. L’insomnie soit provoque une souffrance
manifeste, soit perturbe les performances
sociales et professionnelles.
4. Préoccupation envahissante de l’insomnie
et souci excessif, nocturne et diurne, sur ses
conséquences négatives.
Hypersomnies. Elles sont beaucoup plus rares,
et se caractérisent par une somnolence exces-
sive, ou des attaques de sommeil pendant la
journée, et ne peuvent s’expliquer par une
quantité insuffisante de sommeil [6]. Selon
l’ICD-10, ce trouble doit durer plus d’un mois,
ou récidiver par périodes de plus longue durée,
et entraîner un épuisement, ou amputer les per-
formances sociales et professionnelles. Les
causes les plus communes sont les dépressions
à symptômes dits atypiques, le syndrome
d’apnées du sommeil et la narcolepsie.
Diagnostic des
troubles du sommeil
J. Hättenschwilera, M. Hatzingerb
aClinique psychiatrique
universitaire de Zurich
bCentre de Médecine du Sommeil
des Hôpitaux universitaires de
Bâle, laboratoire du sommeil
du Service de Recherche sur
la Dépression, Médecine du
sommeil et Neurophysiologie
Correspondance:
Dr Josef Hättenschwiler
Clinique psychiatrique
universitaire de Zurich
Lenggstrasse 31
CH-8029 Zurich
E-mail:
Dr méd. Martin Hatzinger
Clinique psychiatrique
universitaire de Bâle
Wilhelm Klein-Strasse 27
CH-4025 Bâle
E-mail: