Tout sur la toux Douleur et troubles du sommeil : l’approche pharmacologique U n hypnotique est un médicament destiné à favoriser l’endormissement et le maintien du sommeil. La grande majorité des hypnotiques appartient à la classe des benzodiazépines, mais leur utilisation chronique est un facteur pouvant Article basé sur une présentation perpétuer l’état d’insomnie. Un grand nombre de pathologies chroniques donnée dans le douloureuses sont associées à des troubles du sommeil, telles que la fibromyalgie, cadre du les céphalées, les maux de dos (pour lesquels environ deux tiers des patients soufSymposium 2010 sur la douleur : frent de troubles du sommeil) et les douleurs musculaires. De plus, ilnat été noté euve nnel p Douleur et troubles s ée que plus la douleur est sévère, plus les chances de perturbations sont rso du sommeil, pesommeil toris age du u a s s e u grandes (Lavigne et coll., 2004). organisé par n ur on ur le du sommeil, rendant ainsi pers l’architecture l’Université de o s p Certains analgésiques peuvent altérer e e ée. L e coupi Sherbrooke, à hibmême o n sont efficaces dans le traitement de la douleur. r ce dernier plus difficile, us’ils p Magog-Orford, avril est imer e r é p s i 2010. m Alors, traiter un patient souffrant de douleur chronique r comment pouvons-nous i auto liser et n qui o a n présente des troubles du sommeil sans aggraver ces derniers? Malheureuseu ation cher, vis s i l i t ment, il existe peu de données quant aux effets des analgésiques sur le sommeil, L’u affi ger, r a h en particulier pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les opioïdes, téléc qui sont les plus prescrits. Ainsi, à l’heure actuelle, il n’existe pas de consensus dans la littérature internationale quant à la prise en charge des patients présentant douleurs et troubles du sommeil. Pierre Beaulieu, M.D., Ph.D. © t h g i le r a i y c r p Co n comme et e t n Ve es t i d r inte io t u b i distr U n manque Défis du traitement commun de la douleur de sommeil et de l’insomnie De nombreux médicaments aident au traitement de la douleur ou des troubles du peut donc sommeil, mais leur combinaison peut être délétère et troubler l’état de vigilance déclencher diurne ou la qualité du sommeil. Un autre défi est de savoir à quel moment administrer les analgésiques de manière à être aussi efficace que possible, tout en une diminu- n’aggravant pas les troubles du sommeil. tion de la Les problèmes de douleur et de sommeil sont fréquemment liés et ils ne doivent être considérés isolément (Meyer-Rosberg et coll., 2001; Linton & tolérance à pas MacDonald, 2007). Ainsi, la prévalence des troubles du sommeil chez les patients la douleur souffrant de douleur chronique est plus grande que dans la population générale. Les troubles du sommeil et la douleur chronique interagissent. Un manque de et du seuil sommeil peut donc déclencher une diminution de la tolérance à la douleur et du douloureux. seuil douloureux. À l’opposé, la douleur chronique peut conduire à un sommeil non réparateur et à une fragmentation du sommeil dont les effets principaux sont : • des changements fréquents de stades de sommeil; • une augmentation des réveils nocturnes; le clinicien juillet/août 2011 45 Douleur et troubles du sommeil Au réveil Midi Soirée Nuit • Migraine • Céphalées matinales • Angine de poitrine • Polyarthrite rhumatoïde • Douleur cancéreuse • Douleur du travail • Douleur associée à une lésion de la mœlle épinière • Colique biliaire • Céphalées • Pic de douleur si fibromyalgie ou désordre temporo-mandibulaire • Douleurs dentaires • Cervicalgies • Dorsalgies 6h 12 h 18 h 0h Figure 1. Périodes de perception maximale de la douleur dans certaines pathologies en fonction du nycthémère Modifiée d’après Bentley, 2007. • une diminution du temps passé en stade 3 et 4 (sommeil profond), puis en sommeil paradoxal ou REM (Rapid Eye Movement); • une augmentation de la durée des stades 1 et 2 (sommeil superficiel); • un plus grand nombre de mouvements du corps; • plus d’éveils. La Figure 1 montre les périodes de perception maximale de la douleur pour certaines maladies (Bentley, 2007). I l a été démontré que le stade 2 du Effets des analgésiques sur l’achitecture du sommeil sommeil Le patient souffrant peut, grâce au traitement de sa douleur, bénéficier des effets non REM sédatifs de certains analgésiques pour obtenir une meilleure qualité de sommeil (Tableau 1). Néanmoins, peu de données dans la littérature permettent de conclure est celui avec certitude de l’effet des divers analgésiques sur la structure du sommeil, pas plus que sur l’efficacité des différentes substances. le plus Il a été démontré que le stade 2 du sommeil non REM est celui le plus perturbé perturbé par la douleur aiguë. Les effets sur les autres stades plus profonds (3 et 4) sont par la moins marqués. De plus, les seuils de perturbation du sommeil par la douleur sont plus élevés pendant le sommeil REM. Ces anomalies peuvent aller de brèves douleur périodes d’éveil (3 à 15 sec) à un réveil complet d’une minute ou plus. aiguë. Les rares études au sujet des effets des analgésiques sur le sommeil (Baker et coll., 2002) ont montré que l’acétaminophène ne semble pas altérer la structure du sommeil chez le sujet sain, alors que l’AAS et les AINS ont probablement un effet plus négatif chez ces mêmes sujets (Gengo et coll., 2006). Opioïdes Dr Beaulieu enseigne au département de pharmacologie de l’Université de Montréal. 46 Concernant les opioïdes, il faut mentionner la rareté des données humaines disponibles quant à leur effet à court et long terme sur l’architecture du sommeil. Néanmoins, dans une étude effectuée auprès de sept sujets ayant reçu, de façon aléatoire, de la morphine ou un placebo, les données de polysomnographie ont montré que la morphine altère l’architecture du sommeil en réduisant les stades 3 et 4 et plus ou moins le sommeil paradoxal, tout en augmentant le stade 2 du sommeil (Shaw et coll., 2005). Des résultats identiques ont été obtenus par Dimsdale et coll. (2007) avec la morphine en libération prolongée et la méthadone. Ainsi, le clinicien juillet/août 2011 Douleur et troubles du sommeil Tableau 1 Résumé des effets des divers analgésiques sur l’architecture du sommeil Stades du sommeil Médicaments Stades 1 et 2 Stades 3 et 4 Sommeil paradoxal Acétaminophène Pas de changement Pas de changement Pas de changement AINS* Pas de changement Diminution? Pas de changement Opioïdes Augmentation Diminution Diminution Antidépresseurs Fonction de la substance Augmentation Diminution Anticonvulsivants Pas de changement Fonction de la substance Fonction de la substance Gabapentinoïdes** Pas de changement Augmentation Pas de changement Cannabinoïdes Augmentation Fonction de la substance Fonction de la substance * anti-inflammatoires non stéroïdiens; ** gabapentine et prégabaline. Modifié d’après Cairns, 2007. les opioïdes semblent perturber le sommeil, et ce, même en absence de douleur. Ils semblent aussi altérer l’architecture du sommeil, ce qui est un problème clinique significatif. Antidépresseurs Les antidépresseurs sont fréquemment utilisés chez les patients souffrant de douleur neuropathique ou de fibromyalgie. Ils entraînent une sédation (dont l’intensité varie selon les substances) et des modifications du sommeil. Ainsi, en ce qui concerne les antidépresseurs tricycliques, l’amitriptyline est « intéressante » à faible dose le soir. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS : fluoxétine, citalopram, etc.), de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN : venlafaxine, duloxétine, etc.) augmentent plutôt l’éveil et les réveils, en entraînant une suppression du sommeil paradoxal. Par contre, la duloxétine a donné des résultats intéressants dans le traitement de la douleur neuropathique chez les diabétiques. Pour ce qui est des antidépresseurs atypiques (bupropion, trazodone et néfazodone), ils sont moins susceptibles de perturber les stades du sommeil et ne possèdent pas d’effets sur le sommeil REM. Finalement, une méta-analyse a montré que l’utilisation à court terme d’amitriptyline et de duloxétine peut être considérée pour le traitement de la douleur et des troubles du sommeil (Häuser et coll., 2009). Anticonvulsivants Les sujets souffrant de douleur chronique prennent des anticonvulsivants pour traiter des céphalées, des névralgies post-herpétiques ou du trijumeau et pour toute autre douleur neuropathique. La majorité des L es plus anciens anticonvulsivants semblent avoir des effets négatifs sur l’architecture du sommeil. Douleur et troubles du sommeil anticonvulsivants produit une normalisation et une stabilisation du sommeil qui seraient indépendantes de l’activité antiépileptique. Les plus anciens anticonvulsivants semblent avoir des effets négatifs sur l’architecture du sommeil, mais les gabapentinoïdes améliorent les troubles du sommeil associés à la douleur neuropathique, selon de nombreuses études (Sabatowski et coll., 2004; Irving et coll., 2009; Straube et coll., 2010). Cannabinoïdes Une bibliographie est disponible, joignez-nous à l’adresse suivante : [email protected] Le cannabis est disponible au Canada sous plusieurs formes : marijuana, atomiseur de Δ9-tétrahydrocannabinole (THC) et de cannabidiol, nabilone et dronabinol (composés synthétiques du THC), pour le traitement de certaines conditions douloureuses et pour le traitement des nausées et vomissements (Desroches et Beaulieu, 2008). Des études récentes montrent un potentiel intéressant des cannabinoïdes dans le traitement de la douleur chronique et des troubles du sommeil (Nurmikko et coll., 2007. Ware et coll., 2010.). Hypnotiques Une autre question est actuellement posée : est-ce que le traitement adéquat de l’insomnie causée par la douleur peut soulager la douleur? Un exemple récent concerne les effets de l’eszopiclone sur l’insomnie chez des patients atteints de pol- Douleur et troubles du sommeil Tableau 2 Propositions pour la gestion de la douleur et des troubles du sommeil Étape 1 – Détection des troubles du sommeil primaire Consultation avec un médecin du sommeil pour éliminer la présence d’apnées du sommeil, d’insomnie, de mouvements périodiques des membres, etc. Étape 2 – Hygiène de sommeil adéquate • Temps total de sommeil (6 à 9 heures selon le sujet); • Environnement du sommeil (calme < 35 dB; lit confortable, air frais, etc.); • Cycle d’éveil et de sommeil (sieste < 20 minutes); • Habitudes de vie (contrôle de la consommation de café, tabac, diète, exercice, etc.); Étape 3 – Intervention pharmacologique À court terme Analgésiques • acétaminophène ± AINS (ex. : ibuprofène) dans la soirée Condition légère à modérée Analgésiques • acétaminophène ± ibuprofène dans la soirée Facilitateurs de sommeil • eszopiclone • zaléplone • zopliclone • zolpidem • témazepam Cas graves • gabapentine ou prégabaline • faible dose d’amitriptyline en soirée • duloxétine • trazodone • néfazodone • ± morphine Modifié d’après Beaulieu & Walczak, 2007. yarthrite rhumatoïde (Roth et coll., 2009). La moitié des patients sous eszopiclone ne souffrait pas d’insomnie après quatre semaines vs 30 % des patients sous placebo. L’eszopiclone était également supérieur dans des scores de douleurs et de qualité de vie. Synthèse des données La relation complexe qu’entretiennent troubles du sommeil et douleur pose le problème délicat du traitement le mieux adapté pour le sujet. La prise en charge des problèmes de sommeil passe par une détection du trouble primaire, une hygiène adéquate et, si nécessaire, une intervention pharmacologique peut être envisagée (Tableau 2). Le but est d’obtenir une efficience de sommeil ≥ 80 %. Dans tous les cas, il est important de prendre en compte la nature de l’interaction bidirectionnelle entre sommeil et douleur, et de traiter la douleur en pensant aux troubles du sommeil possiblement induits par le traitement. La combinaison idéale entre analgésiques et hypnotiques reste toujours à trouver. C