La Nanophysique
Science et Vie juillet 1997
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Nanophysique Science et Vie juillet 1997
LA NANOPHYSIQUE
L’avancée technologique, en réduisant la taille des systèmes macroscopiques et en
augmentant celle des systèmes microscopiques a permis aux scientifiques d’explorer la frontière
entre deux univers : celui de la physique dite “classique”, qui rendait compte des phénomènes à
l’œuvre à l’échelle macroscopique, et celui de l’infiniment petit, royaume de la physique
quantique, habité de particules-ondes au curieux comportement. En explorant ces deux univers, les
scientifiques se retrouvent aujourd’hui dans un no man’s land de quelques nanomètres, peuplé de
phénomènes étranges qu’ils commencent à peine à découvrir.
Certes, les nanoconducteurs et les nanoparticules magnétiques récemment fabriqués
s’ajoutent à une déferlante* technologique qui pourrait trouver sous peu des applications
révolutionnaires en informatique, électronique, biologie, etc. Mais le véritable enjeu de la recherche
actuelle est bien de fonder une nouvelle physique : la physique mésoscopique (appelée aussi
nanoscopique).
La nanophysique a hérité son caractère étrange de la physique quantique. Cette dernière, née
entre le début du siècle et les années 20, fut l’un des évènements les plus importants de l’histoire de
la physique. Avant sa découverte, les scientifiques admettaient implicitement quelques principes
“évidents”. Ils pensaient, par exemple, qu’il existait dans l’Univers deux sortes d’objets
élémentaires distincts : les particules (matière) et les ondes (rayonnement). De plus, croyaient-ils,
aucun objet (particule ou onde) ne pouvait se trouver en deux lieux (ni en deux états)
simultanément. La physique quantique ruina ces croyances, si naturelles chez l’homme qu’il
commence à peine à accepter ces bouleversements.
D’abord, il existe non pas deux mais une seule sorte d’objet physique : l’onde-corpuscule.
La découverte de cette dualité est due au physicien français Louis de Broglie (prix Nobel de
physique en 1929). Une onde-particule dévoilera un seul de ses deux visages suivant qu’on la
mesurera avec un appareil sensible à l’un ou à l’autre. Voilà une première entorse** au sens
commun! Ensuite, la physique quantique s’est attaquée au principe d’unicité des lieux et des états :
une onde (ou, ce qui revient au même, une particule) possède le don d’ubiquité.
La preuve : supposons que l’on éclaire avec une lampe (émettant dans une seule longueur
d’onde) une plaque sur laquelle on a percé deux minuscules trous. En plaçant un écran à une
certaine distance derrière cette plaque, on observe des figures d’interférences : des cercles
concentriques alternés de lumière et d’obscurité. Cette expérience célèbre, dite “des trous
d’Young”, dévoile seulement la nature ondulatoire de la lumière.
Mais l’onde lumineuse est aussi particule (le photon). Ainsi, lorsque les photons se
rejoignent sur l’écran, leurs ondes associées interfèrent. Que se passe-t-il si l’on arrive à filtrer les
photons émis par la lampe, de manière à n’en envoyer qu’un seul vers les deux trous? Intuitivement,
il ne devrait pas se former de figure d’interférences car le photon, qui est indivisible, ne peut
logiquement passer que par un seul trou! Or, des physiciens ont effectué cette expérience à un seul
photon et ont observé la formation d’une figure d’interférence sur l’écran. Conclusion : le photon,
sans se fractionner, passe par les deux trous en même temps! Cette caractéristique “contre-intuitive”
est appelée principe de non-localité quantique. Le photon délocalisé agit comme une double
entité que l’on désigne par le terme de “photons corrélés”.
UNE UBIQUITÉ BIEN FRAGILE
Pour jouir du don d’ubiquité, les particules élémentaires doivent respecter une certaine contrainte :
aussi importante que soit la délocalisation, les deux particules corrélées doivent garder
constamment “contact” l’une avec l’autre. Autrement dit, s’il arrive quelque chose à l’une, l’autre
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* déferlante : (da : déferler (verbe) : irrompere, dilagare) subst. (pop.): déferlante
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** entorse : strappo, infrazione
est immédiatement perturbée. On parle alors de cohérence quantique. Notamment, si on place un
appareil de mesure sur le chemin du photon corrélé qui est parti vers le trou de gauche et que cet
appareil l’intercepte et le mesure, son jumeau* - qui est parti vers le trou de droite - doit
immédiatement “disparaître” car il est impossible de ne mesurer qu’une fraction de photon.
Le phénomène de re-localisation du photon (suppression de la cohérence) est appelé
décohérence quantique. Suivant le même principe d’ubiquité, une même onde-corpuscule peut se
trouver dans deux états en même temps (par exemple, “très excité” et ”peu excité”). Enfin, plusieurs
ondes-corpuscules peuvent superposer mutuellement leurs états pour ne former qu’une méga-onde-
corpuscule cohérente - c’est le cas du condensat** de Bose-Einstein. Mais la cohérence est si fragile
que la moindre perturbation du système la détruit, renvoyant les ondes-corpuscules à leur
individualité première.
Bref, l’univers quantique est aussi flou et incompréhensible - du moins pour les humains -
que le nôtre est clair et déterminé. Lourde hérédité pour la physique mésoscopique (union du
quantique et du classique), rejeton*** de deux systèmes en apparence incompatibles ! Justement, la
question se pose : comment concilier les phénomènes quantiques avec ce que l’on observe à
l’échelle macroscopique? Car, pas de doute, en additionnant de petites choses, on en obtient de
grandes : les lois de la physique quantique aboutissent, d’une manière ou d’une autre, aux lois de la
physique classique lorsque l’on fait croître la taille des systèmes.
Si la question du passage du quantique au classique est d’actualité depuis plus de soixante-
dix ans, jusque-là elle appartenait à la sphère théorique. Avec le développement des techniques de
fabrication de nanostructures, elle a migré vers le domaine expérimental, se muant en une question
plus pratique : quels “objets” habitent l’”entre-deux” et à quoi peuvent-ils servir?
DES ÉLECTRONS PARTOUT EN MÊME TEMPS
Le plus étrange de tous est sans conteste le fluide électrique. A notre échelle, le courant
électrique qui circule dans un conducteur (un fil de cuivre par exemple) peut être décrit comme une
assemblée de milliards de billes microscopiques (les électrons) qui, pour avancer, doivent sauter
d’une marche à une autre. Suivant l’écart entre les marches (la résistance du fil), le saut est plus ou
moins aisé. Cet écart est à la structure désordonnée du fil et à la présence d’impuretés. Pour
fournir aux électrons l’énergie nécessaire aux sauts, il faut appliquer une tension (exprimée en
volts) aux extrémités du fil.
La facilité des électrons à sauter, et donc la rapidité avec laquelle ils progresseront dans le
conducteur, représente l’intensité du courant (exprimée en ampères). Lorsque le câble électrique est
un nanocâble (son diamètre mesure moins d’un nanomètre), les phénomènes quantiques font leur
apparition. En premier lieu, en guise d’électrons, un tel câble contient une “onde électrique globale”
étalée sur toute sa longueur et qui regroupe l’ensemble des électrons (cohérence quantique des
électrons). Tous les électrons se trouvent partout en même temps !
Si l’on injecte un électron à l’une des extrémités du nanocâble, celui-ci va immédiatement
“gonfler” jusqu’à occuper une grande partie du volume du nanocâble et mêler son onde à celle de
tous les autres électrons. La cohérence quantique permet donc de faire transiter des électrons un par
un par simple étalement de leur onde sans avoir à fournir plus d’énergie que celle cessaire à leur
injection dans le nanocâble : la résistance du nanocâble est nulle.
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* jumeau : gemello
** condensat : condensa
*** rejeton (m.) : rampollo
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ABSENCE D’IMPURETÉS
L’existence d’une cohérence quantique est due non pas directement à la taille du câble mais
à sa structure parfaitement symétrique (formée de cellules hexagonales) et exempte d’impuretés. La
taille joue cependant un rôle essentiel puisque plus une structure est grande, plus elle risque de se
désorganiser, ce qui détruit la cohérence quantique.
n’est pas la seule manipulation possible des électrons, loin s’en faut*. On arrive à
construire des “nanoboîtes” (ou boîtes quantiques) capables d’en piéger un, deux ou plus... De tels
systèmes sont à la base du concept de transistor à un seul électron ou de mémoire à un seul électron,
probables composants de circuits électroniques nanoscopiques et d’ordinateurs du futur !
Et ce n’est pas tout. Les phénomènes magnétiques présentent, eux aussi, d’étonnants
comportements lorsque l’on frôle la dizaine de nanomètres. Ainsi, une particule qui s’aimante
comme le fer (ferromagnétique), si elle ne mesure que 20 nanomètres, subira ce qu’on appelle une
superposition d’ondes de spin. Le spin est une grandeur quantique très abstraite mais qui, à grande
échelle, régit les propriétés magnétiques de la matière. Il est symbolisé par une flèche dont
l’orientation détermine le sens de l’aimantation.
Les atomes de fer ont un spin non nul. Sous l’effet d’un champ magnétique extérieur, un
échantillon macroscopique de fer s’aimantera par rotation progressive des spins des atomes qui le
composent jusqu’à ce que tous les spins soient orientés dans la même direction. A l’échelle
nanoscopique, l’aimantation d’une particule est non plus progressive mais quantifiée : le spin de la
particule (spin géant) passe brutalement d’une orientation à une autre. Du point de vue quantique,
ce saut de spin (par exemple de la position “vers le haut” à la position “vers le bas”) se fait par
disparition de l’onde “spin haut” et l’apparition de l’onde “spin bas”. Entre le début et la fin de la
transition, le spin sera en cohérence, simultanément en haut et en bas !...........
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TEST
Questions :
n°1 . Que signifie “cohérence quantique ? (pas plus de 35 mots)
utiliser : chaque - si - devoir (conjuguer si nécessaire)
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* loin s’en faut : tutt’altro
n°2 . Que se passe-t-il si l’on place un appareil de mesure sur le
chemin du photon corrélé parti dans une certaine direction ?
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n°3. Que signifie la particule “nano” dans le terme nanophysique?
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