Troubles de l’alimentation Hany Bissada MD Professeur agrégé de Psychiatrie Université d’Ottawa ANOREXIE MENTALE Trouble des conduites alimentaires pouvant se définir comme l’état d’une personne qui, sans perte d’appétit, restreint volontairement et consciemment sa prise d’aliments et fait de l’exercice de façon intensive pour atteindre la minceur et éviter de « grossir ». La personne nie énergiquement sa perte de poids et son émaciation apparente. ANOREXIE MENTALE En 1919, M. Allbutt a publié cette description frappante de l’apparence générale d’une patiente anorexique: « Une jeune femme atteinte de ce trouble, ses vêtements tenant à peine sur son corps, son pouls lent et lâche, sa température 2 degrés inférieurs à la température normale, ses intestins ne fonctionnant plus, ses cheveux secs et sans lustre semblables à ceux d’un cadavre, son teint terreux et ses membres froids, ses yeux creux étant le seul aspect vivide chez elle. » (Traduction sans autorisation) DSM IV Critères diagnostiques de 307.1 L’anorexie mentale A. Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et pour la taille (p. ex. perte de poids conduisant au maintien du poids à moins de 85 % du poids attendu, ou incapacité à prendre du poids pendant la période de croissance conduisant à un poids inférieur à 85 % du poids attendu). B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale. DSM IV Critères diagnostiques de 307.1 L’anorexie mentale C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur actuelle. D. Chez les femmes postpubères, aménorrhée, c.-à-d. absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs. (Une femme est considérée comme aménorrhéique si les règles ne surviennent qu’après administration d’hormones, par exemple œstrogènes.) DSM IV Critères diagnostiques de 307.1 L’anorexie mentale Spécifier le type : Type restrictif : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c.-à-d. laxatifs, diurétiques, lavements) Type avec crises de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c.-à-d. laxatifs, diurétiques, lavements) ANOREXIE MENTALE L’âge de manifestation a une distribution bimodale à 14 et à 18 ans Poids Adolescence Poids à la puberté Poids requis pour la ménarche Enfance Âge 0 10 11 12 13 14 15 16 17 18 ANOREXIE MENTALE La prévalence de l’anorexie mentale chez les adolescentes ou les jeunes femmes adultes (15 à 24 ans) est de 0,5 % dans les cultures occidentales. Proportion femme à homme 9 :1֠ Complications médicales de l’inanition Appareil cardiovasculaire -Bradicardie -Hypotension -Étourdissements -Évanouissements -Œdème des pieds et des chevilles --Arrêt cardiaque et mort subite dans les cas graves Appareil digestif Appareil rénal -Météorisme et constipation à cause de la baisse d’activité de l’intestin -Dysfonctionnement du pancréas et taux élevé d’enzymes hépatiques dans les cas graves -Syndrome de l’artère mésentérique supérieure nécessitant une intervention chirurgicale dans les cas graves -Taux élevé d’azote uréique dans le sang à cause de la déshydratation -Formation éventuelle de néphrolithiases à cause de la déshydratation -Possibilité d’atteinte rénale à long terme dans les cas graves, s’accompagnant possiblement d’hypokaliémie chronique Complications médicales de l’inanition Altérations de la peau Appareil génital Appareil locomoteur -Peau sèche et gercée -Cessation des règles en raison ↓ de la LH et la FSH, ce qui entraînera une faible sécrétion d’œstrogène et de progestérone -Faiblesse musculaire due à la déshydratation et à la déperdition de tissu adipeux souscutanés -Teint pâle due à l’anémie -Ongles cassants -Perte de cheveux -Baisse de la température corporelle -Mains et pieds prenant une teinte empourprée en raison de la cyanose -Réduction du tissu mammaire -Infertilité (Pas définitive. Peut habituellement être renversée avec la prise de poids) -Ostéoporose (Déminéralisation osseuse) entraînant des fractures pathologiques ↑ Cortisol ↓ Masse des adipocytes à < 10% Anorexie mentale Pronostic: -50% des patientes achèvent une guérison complète -25% font une guérison partielle -25% auront une évolution défavorable -Environs 5.6% des patientes anorexiques meurent tous les dix ans. -La probabilité de décès des patientes anorexiques par rapport aux femmes non anorexiques de même âge est de 12 à 1 respectivement Anorexie mentale : mortalité Le taux de mortalité due à l’AM est un des plus élevé de tous les troubles psychiatriques – Analyse des causes de décès1 • Complications médicales dues à l’inanition et/ou la purgation (50 %) • Suicide (50 %) – Présence concomitante de dépression majeure chez plus de 50 % des anorexiques – Taux de toxicomanie de 12 % à 21 %2 Facteurs de risque associés à l’anorexie mentale Individuels Familiaux Sociétaux -Manque d’autonomie -Timidité -Empressement à faire plaisir -Manque d’estime de soi -Caractéristiques obsessionnelles -Perfectionnisme Évitement des conflits -Attentes déraisonnablement élevées -Mauvais traitements sexuel, verbal ou physique -Maladie de l’enfant tient la famille ensemble -Idéalisation de la minceur -Croyance que l’apparence physique détermine la valeur de la personne -Croyance qu’embonpoint égal absence de maîtrise de soi -Blâme implicite que la victime de mauvais traitements a invité ce traitement FACTEURS INTERDÉPENDANTS ANOREXIE MENTALE Le dernier cri, CETTE PAGE : Plongez dans l’été avec cette culotte à taille montante et ce haut bain de soleil en lycra enduit caoutchouc semblable à une combinaison de plongée. 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(traduction sans autorisation) ANOREXIE MENTALE Hilde Bruch a décrit les trois domaines de dysfonctionnement psychologique suivants chez les personnes atteintes d’anorexie mentale : 1) Perturbation de l’image corporelle et du concept du corps de type délirant ANOREXIE MENTALE Hilde Bruch a décrit les trois domaines de dysfonctionnement psychologique suivants chez les personnes atteintes d’anorexie mentale : 2) Perception et interprétation inexactes et confuses des stimuli physiques, dont le déficit le plus important est l’incapacité de reconnaître les signaux indiquant le besoin de s’alimenter ANOREXIE MENTALE Hilde Bruch a décrit les trois domaines de dysfonctionnement psychologique suivants chez les personnes atteintes d’anorexie mentale: 3) Une impression paralysante d’inefficacité envahissant toutes les pensées et les actions de la patiente. Anorexie mentale: facteurs présageant un pronostic défavorable – Très jeune âge (moins de 11 ans) ou âge plus avancé au moment de l’établissement du tableau clinique – Psychothérapie et hospitalisations antérieures ayant données peu d’amélioration – Relations familiales perturbées – Très faible poids à la manifestation – Faible poids au moment du congé – Prolongation de la durée de la maladie BOULIMIE - Le boulimie est un état qui se définit par une avidité anormale pour des aliments qui entraîne des crises de boulimie (binging) suivies de purges. -Les aliments consommés sont habituellement riches en calories et sont ingurgités tellement rapidement que la personne prend à peine le temps de les mâcher. La personne signale un sentiment de perte de contrôle et une incapacité d’arrêter la crise de boulimie. - La crise de boulimie est habituellement suivie d’anxiété, de sentiments de culpabilité et d’autocritique. Ces sentiments désagréables sont en partie soulagés par l’induction de vomissements ou la surconsommation de laxatifs. Boulimie avec purgation DSM IV Critères diagnostiques de 307.51 La boulimie A. Survenue récurrente de crises de boulimie (« binge eating »). Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes: (1) absorption, en une période de temps limitée (p. ex. moins de 2 heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances (2) sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (p. ex. sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange) DSM IV Critères diagnostiques de 307.51 La boulimie B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que: vomissements provoqués; emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments; jeûne; exercice physique excessif. C. Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en moyenne, au moins deux fois par semaine pendant trois mois. D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle. E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale (anorexia nervosa). DSM IV Critères diagnostiques de 307.51 La boulimie Préciser le type : Type avec vomissements ou prise de purgatifs (purging type): pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements. Type sans vomissements ni prise de purgatifs (nonpurging type): pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a présenté d’autres comportements compensatoires inappropriés, tels que le jeûne ou l’exercice physique excessif, mais n’a pas eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements Boulimie La prévalence de la boulimie chez les adolescentes ou les jeunes femmes adultes (15 à 24 ans) est d’approximativement 2 % dans les cultures occidentales. Proportion femme à homme 9 :1֠ Boulimie Complications médicales de la purge - Hémorragie conjonctivale -« Joues enflées » à cause de l’élargissement des glandes parotides - Érosion de l’émail des dents à cause de l’acide dans l’estomac -Irritation et rougeur de la peau autour de la bouche à cause du contact avec l’acide de l’estomac -Oedème des pieds et des mains Vomissements Brûlure d’estomac et hernie hiatale Faible taux de potassium Faiblesse et crampes musculaires Palpitations, arythmie et mort subite Laxatifs Diarrhée sanglante Côlon dépendant des laxatifs Rétention aqueuse par effet rebond Facteurs de risque associés à la boulimie Individuels Familiaux -Changements d’humeur -Milieu familial volatil et conflictuel et anxiété chronique -Dépression récidivante -Faible maîtrise des et/ou alcoolisme impulsions -Timidité -Attentes déraisonnable-Difficulté à exprimer la ment élevées colère - Faible estime de soi -Mauvais traitements sexuel, verbal ou physique Sociétaux -Idéalisation de la minceur -Croyance que l’apparence physique détermine la valeur de la personne -Croyance que l’embonpoint égal absence de maîtrise de soi -Blâme implicite que la victime de mauvais traitements a invité ce traitement FACTEURS INTERDÉPENDANTS BOULIMIE Boulimie : facteurs présageant un pronostic défavorable – Personnalité impulsive – Gravité de la pathologie alimentaire et fréquence des vomissements au début du traitement – Durée prolongée de la maladie – Comorbidité avec une dépression majeure et ou l’anxiété généralisée chez 50% des patientes boulimiques. – Comorbidité avec la toxicomanie – Comportement suicidaire TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DES TROUBLES DE CONDUITE ALIMENTAIRE ANOREXIE MENTALE Médicament de choix : Aucun Durant la phase de réadaptation : Une étude contrôlée contre placebo et en double insu a été effectuée pour évaluer les effets de l’olanzapine favorisant le gain de poids et la réduction de l’anxiété associée à la consommation d’aliments • Bissada et al. AJP (2008) 165:1281-1288 Après le gain de poids et avant le congé : Les ISRS aident à réduire la grande anxiété associée au gain de poids et ainsi à prévenir les risques de rechute Prise en charge de l’anorexie mentale L’hospitalisation est indiquée dans les cas suivants: -Anomalies métaboliques, y compris hyponatrémie < 125 mmol/l, hypokaliémie < 2,5 mmol/l, hypophosphatémie à jeun inférieure à la normale, magnésémie < 0,55 mmol/l, et hypoglycémie < 2,5 mmol/l. -Diabète associé non contrôlé, afin de surveiller les prises alimentaires, l’exercice et l’administration d’insuline. -Grossesse, si le fœtus est jugé en danger. TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DES TROUBLES DE CONDUITE ALIMENTAIRE BOULIMIE On prescrit des ISRS afin de réduire l’envie de s’adonner à un épisode de consommation frénétique. On croit qu’une carence de sérotonine centrale déclenche les crises de consommation boulimique de glucides. En augmentant la production d’insuline, les glucides augmentent la concentration de tryptophane sérique, lui permettant ainsi de traverser la barrière hémato-encéphalique pour atteindre le SNC. De plus, de nombreux patients boulimiques ont des antécédents familiaux et personnels positifs de troubles affectifs graves qui justifient la prescription d’antidépresseurs • Fluoxetine in the treatment of bulimia nervosa. A multicenter, placebo-controlled, double-blind trial. Fluoxetine Bulimia Nervosa Collaborative Study Group. Arch Gen Psychiatry 49:139, 1992. TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DES TROUBLES DE CONDUITE ALIMENTAIRE Les agents stimulant la motilité gastrique tels que la dompéridone (motilium) sont utiles pour soulager le ballonnement qui se manifeste après les repas et qui mène certaines personnes atteintes d’un trouble de l’alimentation à induire les vomissements pour obtenir un soulagement. Ce médicament est utile à la fois pour les anorexiques et pour les boulimiques Les Frénésies Alimentaires DSM IV – CRITÈRES DIAGNOSTIQUES A. 1- 2- Survenue récurrente de crises de boulimie (« binge eating »). Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes: absorption en une période de temps limitée (p. ex. moins de 2 heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (p. ex. sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange Les Frénésies Alimentaires DSM IV – CRITÈRES DIAGNOSTIQUES B. Les crises de boulimie sont associées à trois des problèmes suivants (ou plus) : 1- ingestion plus rapide que la normale 2- ingestion de nourriture jusqu’à ressentir une sensation pénible de distension abdominale 3- ingestion de grandes quantités de nourriture sans avoir faim pour celle-ci 4- manger seul parce qu’on a honte face à la quantité de nourriture ingérée 5- sentiment de dégoût envers soi, dépression ou grand sentiment de culpabilité par rapport à sa consommation d’aliments Les Frénésies Alimentaires DSM IV – CRITÈRES DIAGNOSTIQUES C. Présence d’un sentiment de détresse prononcé par rapport aux crises de boulimie D. Les crises de boulimie surviennent en moyenne deux jours par semaine durant 6 mois E. Les frénésies alimentaires ne sont pas associées à l’adoption régulière de comportements compensatoires inappropriés (p. ex. purge, jeûne, pratique excessive d’exercice) et ne surviennent pas uniquement durant des épisodes d’anorexie mentale ou de boulimie Les Frénésies Alimentaires Pas de purgation ou tout autre comportement compensatoire Les Frénésies Alimentaires Épidémiologie Il est estimé qu’entre 20 % et 30 % des personnes obèses qui s’adressent à une clinique de traitement de l’obésité signalent avoir des problèmes de boulimie La prévalence des troubles des conduites alimentaires dans la population générale est plus faible. Les estimations sont d’entre 5% à 8 %. La proportion hommes à femmes est estimée à 3 pour 2֠ ֠ Corpulence anormale: facteurs de mortalité à considérer chez les hommes Risque relatif de mortalité Risques de mortalité due à l’obésité - hommes 3,25 3,00 2,75 2,50 2,25 Bender Calle NS, No dis Harvard Alumni Study NS, No dis 1979 Build/BP Study 2000 Lincoln Build Study NS 2,00 1,75 1,50 1,25 1,00 0,75 16-18 19-21 22-24 25-27 28-30 31-33 34-36 37-39 40-42 43-45 46-48 2 IMC (kg/m) Bender et coll., Am J Epi 147:42-8 1998 Calle et coll., NEJM 341:1097-105 1999 Lee et coll., JAMA 270:2823-28 1993 Corpulence anormale: facteurs de mortalité à considérer chez les femmes Risque relatif de mortalité Risques de mortalité due à l’obésité : femmes 2,5 2,25 2 1,75 Bender Calle NS, No dis NAHNES I 57% NS, No dis Nurses HS NS, No dis 1979 Build/BP Study 1,5 1,25 1 0,75 16-18 19-21 22-24 25-27 28-30 31-33 34-36 37-39 40-42 43-45 46-48 2 IMC (kg/m ) Bender et coll., Am J Epi 147:42-8 1998 Calle et coll., NEJM 341:1097-105 1999 Durazo-Arvizu et coll., Ann Epidem 7:383-95 1997 Allison et coll., JAMA 282:1530-38 1999 DIRECTIVES PRATIQUES RELATIVES AU TRAITEMENT DES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES - APA 2006 CLASSIFICATION [I] Recommandation empiriquement bien fondée [II] Recommandation en général justifiée [III] Recommandation réservée à des cas cliniques isolés Prise en charge de l’anorexie mentale Réadaptation nutritionnelle -Les objectifs d’une réadaptation nutritionnelle chez les patients en insuffisance pondérale est de retrouver un poids normal, de normaliser les modèles alimentaires, d’obtenir des perceptions normales de faim et de satiété et de corriger les séquelles biologiques et psychologiques de la malnutrition [I]. -Selon un consensus clinique, il est réaliste de cibler un gain de poids compris entre 2 et 3 livres par semaine chez les patients hospitalisés et entre 0,5 et 1 livre par semaine chez les patients faisant partie de programmes de jour (consultation externe) [II]. Prise en charge de l’anorexie mentale Réadaptation nutritionnelle -Les apports caloriques journaliers devraient généralement débuter entre 30 et 40 kcal/kg (environ 1000 à 1600 kcal/jour). Au cours de la phase de prise de poids, les apports pourront progressivement être augmentés entre 70 et 100 kcal/kg par jour chez certains patients [II] -Il est recommandé de doser régulièrement la kaliémie des patients qui continuent de se faire vomir [I]. L’hypokaliémie doit être traitée par supplémentation orale ou intraveineuse de potassium et réhydratation [I]. Prise en charge de l’anorexie mentale Interventions psychosociales -Il est bénéfique de fournir une prise en charge psychothérapeutique aux patients atteints d’anorexie mentale au cours d’une phase de renutrition aiguë en même temps que se produit la prise de poids. Cette prise en charge peut comporter les aspects suivants: compréhension empathique, explications, appréciations des efforts, encadrement, soutien, encouragements et autres attitudes de renforcement positif [I]. -Une psychothérapie formelle peut s’avérer infructueuse chez des patients qui jeûnent, sont souvent négativistes, obsessifs ou présentent une légère atteinte des facultés cognitives [II] Prise en charge de l’anorexie mentale Interventions psychosociales -Des données récentes étayent l’utilisation après correction de la malnutrition et début de la prise de poids, de la thérapie cognitivocomportementale (TCC) ou de la thérapie interpersonnelle (TIP) chez les patients adultes, en séances individuelles ou de groupe [II] -Les patients atteints d’anorexie mentale chronique font généralement preuve d’une absence de réponse clinique avérée à la psychothérapie formelle. Toutefois, des cliniciens ont observé que certains patients atteints d’anorexie mentale présentent, après plusieurs années d’effort, une rémission avérée. Il est donc justifié de maintenir les mesures psychothérapeutiques afin d’impliquer et motiver les patients dont la maladie résiste au traitement [II]. Prise en charge de l’anorexie mentale Médicaments et autres traitements somatiques -Des données empiriques limitées sur des patients dénutris indiquent que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ne semblent pas apporter un avantage sur le plan de la prise de poids [I]. -L’association d’ISRS et d’une psychothérapie est largement utilisée pour traiter les patients atteints d’anorexie mentale et dont le poids est rétabli, en particulier ceux présentant des symptômes de dépression, d’anxiété, de trouble obsessionnel compulsif ou des signes de boulimie. [II] Prise en charge de l’anorexie mentale Médicaments et autres traitements somatiques - Des antipsychotiques de deuxième génération (en particulier l’olanzapine et la quétiapine) ont été utilisés dans une petite série de patients et sur des cas cliniques individuels chez des patients présentant une résistance grave à la prise de poids, un trouble obsessionnel sévère, et un refus de la réalité qui confère au délire. L’impression clinique est qu’ils pourraient être utiles chez ces patients [III]. - Il est important de suivre régulièrement les patients afin de déceler la survenue possible d’effets indésirables liés aux antipsychotiques de deuxième génération, pouvant conduire à une résistance à l’insuline, des anomalies du métabolisme des lipides et un allongement de l’intervalle QTc [I]. Prise en charge de l’anorexie mentale Médicaments et autres traitements somatiques -Il peut être utile d’administrer des agents stimulant la motilité gastrique comme la métoclopramide chez certains patients présentant des ballonnements et des douleurs abdominales au cours de la période de renutrition [II]. -L’électroconvulsivothérapie (ECT) s’est généralement avérée inutile chez les patients atteints d’anorexie mentale, sauf chez ceux atteints de trouble comorbide sévère pour lequel l’ECT est par ailleurs indiquée [I]. Prise en charge de l’anorexie mentale Médicaments et autres traitements somatiques - Bien que l’hormonothérapie substitutive (HTS) soit souvent prescrite pour accroître - la densité minérale osseuse des patientes, il n’existe aucune donnée probante solide étayant son utilisation chez les adultes ou les adolescents [II]. Avant d’offrir des œstrogènes, il est recommandé de fournir des efforts pour augmenter le poids et obtenir le retour de menstruations normales [I]. L’utilisation de biphosphonates comme l’alendronate n’est pas indiquée chez les patients atteints d’anorexie mentale [II]. L’administration de suppléments de calcium et/ou de vitamine D ne renverse pas la perte de densité minérale osseuse. Cette supplémentation est indiquée si les apports alimentaires restent inadéquats ou en l’absence d’exposition quotidienne à la lumière du jour [I]. Prise en charge de la boulimie Counseling en réadaptation nutritionnelle Aider les patients à élaborer un plan de repas structuré afin de diminuer les épisodes de restriction alimentaires et les épisodes de frénésie alimentaire et de vomissements [I]. - Évaluer les apports nutritionnels de tous les patients, même ceux dont l’indice de masse corporelle est normal (ou IMC normal) car un poids normal ne garantit pas un apport nutritionnel adéquat ou une composition corporelle normale [I]. - Pour les patients dont le poids est normal, les conseils nutritionnels comporteront la promotion d’un modèle d’activités physiques sain et non compulsif [I]. - Prise en charge de la boulimie Interventions psychosociales - Des données probantes soutiennent fortement la TCC comme intervention unique la plus efficace en cas de boulimie aiguë [I]. - Certains patients qui ne répondent pas initialement à la TCC peuvent répondre à la thérapie interpersonnelle (TIP) ou à l’administration de fluoxétine [II]. - Une thérapie familiale doit être envisagée, en particulier pour les patients adolescents qui vivent encore avec leurs parents [II]. - Les patients ayant des problèmes conjugaux peuvent bénéficier d’une thérapie de couple [II]. Prise en charge de la boulimie Traitement pharmacologique : • -Les antidépresseurs, qui constituent l’une des composantes d’un programme thérapeutique initial, sont efficaces chez la plupart des patients atteints de boulimie [I]. Les ISRS présentent les données probantes les plus nombreuses en terme d’efficacité et le moins d’effet indésirable [I]. • -À ce jour, l’ISRS le plus étudié est la fluoxétine. Il s’agit aussi du seul médicament approuvé par la FDA pour la boulimie. La sertraline est le seul autre ISRS ayant démontré son efficacité dans le cadre d’un petit essai clinique contrôlé et randomisé. • -En l’absence de thérapeute qualifié pour traiter la boulimie par une TCC, il est recommandé d’administrer de la fluoxétine en première intention [I]. Prise en charge de la boulimie Traitement pharmacologique : - Des doses d’ISRS supérieures à celles utilisées pour la dépression (ex. fluoxétine à raison de 60 mg/jour) sont plus efficaces pour traiter les symptômes boulimiques [I]. - L’utilisation de buproprion (welbutrin) dans le traitement de la boulimie avec vomissements doit être évitée, car le déséquilibre électrolytique associé pourrait déclencher une crise tonico-clonique (grand mal). - En l’absence de données adéquates, la plupart des cliniciens recommandent de poursuivre les antidépresseurs pendant au moins 9 mois et probablement un an chez la plupart des patients atteints de boulimie [II]. - Au cours de certaines études, l’association d’antidépresseurs et d’une TCC a permis d’obtenir des taux de rémission plus élevés. Cette association est recommandée en première intention si des thérapeutes en TCC qualifiés sont disponibles [II]. Prise en charge de la frénésie alimentaire Counseling en réadaptation nutritionnelle -Les programmes comportementaux de contrôle pondéral incorporant des régimes alimentaires peu ou très peu caloriques peuvent participer à la perte de poids et généralement à la diminution des symptômes de frénésie alimentaire [I]. -Il est important d’avertir les patients que la perte pondérale n’est souvent pas conservée et que la frénésie alimentaire peut réapparaître en cas de prise de poids [I]. -Les patients ayant des antécédents d’une alternance de pertes de poids suivies de prises de poids (« effet yoyo ») ou en cas de survenue précoce de frénésie alimentaire, peuvent bénéficier des programmes qui mettent l’accent sur la diminution des épisodes de frénésie alimentaire plutôt que sur la perte de poids [II]. Prise en charge de la frénésie alimentaire Traitement psychosocial : - Des données probantes solides étayent l’efficacité des TCC en session individuelle ou en groupe pour le traitement des symptômes comportementaux et psychologiques de la frénésie alimentaire [I]. - La TIP s’est également avérée efficace sur les symptômes comportementaux et psychologiques et peut être considérée comme une alternative [II]. - Des approches de lutte contre la toxicomanie du type de l’approche en 12 étapes, les groupes d’entraide et les programmes thérapeutiques basés sur le modèle des Alcooliques anonymes ont été tentés. Cependant, il n’existe aucune étude clinique systématique sur ces programmes [III]. Prise en charge de la frénésie alimentaire Traitement pharmacologique : - Des données probantes solides suggèrent que le traitement par des antidépresseurs (en particulier les ISRS) est associé à une diminution, au moins à court terme, des épisodes de frénésie alimentaire, mais qu’il n’a pas d’effet marqué sur la perte de poids chez la plupart des patients [I]. - Le topiramate, un anticonvulsivant, est efficace pour diminuer les épisodes de frénésie alimentaire et entraîner une perte de poids. Toutefois, ses effets indésirables peuvent limiter son utilité clinique à certains individus sibutramine [II].