Un financement adéquat du climat et non une comptabilité
créative c’est la pierre angulaire d’un nouvel accord internatio-
nal sur le climat en 2015
Nicole Werner
Résumé
De quoi s’agit-il?
1. Dans les années à venir, pour protéger le climat et s’adapter au changement climatique
il faudra consentir d’importants investissements additionnels, partout dans le monde. A
long terme, agir va coûter moins cher que ne rien faire, car le retour sur investissement va atténuer
le changement climatique et les dégâts qui en résultent. Mais à court et moyen terme, les besoins
en investissement sont beaucoup plus élevés que ceux d’un développement économique tradi-
tionnel, basé sur les énergies fossiles.
2. Ayant profité depuis des décennies d’une stratégie de croissance liée à des sources
d’énergie fossile, les pays industrialisés, pollueurs historiques, doivent assumer la plus
grande partie des coûts additionnels du développement pro-climat des pays en dévelop-
pement. De surcroît, ils ont le devoir de compenser les dégâts climatiques qu’ils ont eux-mêmes
causés en finançant des mesures d’adaptation aux conséquences du changement climatique.
3. A la conférence de l’ONU sur le climat de 2009, à Copenhague, les pays industrialisés
ont promis de verser chaque année, s 2020, 100 milliards USD en faveur des mesures
pro-climat dans les pays en développement. Pour générer un bénéfice additionnel pertinent
pour le climat, l’argent pour le financement du climat doit venir de nouvelles sources, en plus du
business as usual. Il doit donc être additionnel à celui consenti à ce jour pour la coopération au
développement, aux investissements directs réalisés de toute façon et à l’achat de certificats de
CO2.
4. Il faut combler le trou de financement pour la période 2012 - 2020 afin que les pays émer-
gents et en développement adhèrent à un nouvel accord sur le climat, en 2015, et qu’ils
s’engagent pour des objectifs climatiques ambitieux dès 2020. Lors des conférences prévues
à Lima et à Paris, la Suisse doit aussi garantir un financement climatique approprié et additionnel,
afin que les négociations internationales et les engagements de tous les pays en faveur des ob-
jectifs climatiques de 2015 ne tombent pas à l’eau.
5. La Suisse a besoin d’une feuille de route pour augmenter son financement climatique
d’ici 2020 et participer de façon équitable aux investissements nécessaires à la protection
et l’adaptation du climat dans les pays en développement. Des mesures climatiques véritables
et additionnelles exigent des sources de financement réelles et additionnelles. Compter deux fois
de l’argent déjà promis pour le développement ne génère pas de bénéfices climatiques addition-
nels, mais mine la confiance des pays en développement et l’objectif de faire avancer la protection
du climat.
A quoi sert le financement du climat?
6. Le changement climatique exige, partout dans le monde, des investissements dans les
nouvelles technologies pour parvenir à un développement pauvre en carbone. Alors que les
pays industrialisés disposent des technologies les plus récentes et ont délocalisé la plupart de la
production intensive en carbone dans des pays moins développés, les pays émergents et en dé-
veloppement ont besoin d’être soutenus financièrement et technologiquement pour passer rapi-
dement à des technologies pro-climat. Le financement du climat sert donc à la protection addi-
tionnelle du climat dans les pays émergents et en développement, mais elle bénéficie au climat
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Papier de position dAlliance Sud sur le financement du climat Ɩ septembre 2014 Ɩ page 2
dans le monde entier.
7. Le changement climatique provoque des dégâts déjà aujourd’hui et il nécessite des me-
sures d’adaptation aux nouvelles conditions environnementales. Une augmentation du ni-
veau des mers exige par exemple davantage de protection des crues et les nouvelles donnes
climatiques une adaptation de l’agriculture. Comme le changement climatique a été causé surtout
par l’industrialisation du Nord, qui repose sur les sources d’énergie fossile, et que ses consé-
quences se font sentir surtout dans les pays en développement, c’est d’abord aux pays industria-
lisés d’assumer les coûts de l’adaptation.
8. Un développement pauvre en carbone et adapté au changement climatique exige d’im-
portantes stratégies de développement pro-climat, qui vont au-delà des projets et pro-
grammes individuels de la coopération « traditionnelle » (de la DDC et du Seco). Pour cela,
il faut alimenter copieusement le Green Climate Fund multilatéral. Toutes les économies na-
tionales doivent passer de la production d’énergie fossile à celle d’énergies renouvelables. Dans
certaines régions, construire des barrages ne va plus suffire. Des groupes entiers de populations,
qui vivent en-dessous du niveau des mers et dans certains Etats insulaires, vont devoir être dé-
placées. Le financement climatique de tous les pays doit être concentré dans le Green Climate
Fund pour permettre aux pays en développement de passer, avec leur accord, à un veloppe-
ment économique pro-climat.
9. Tous les gouvernements des pays émergents et en développement qui revendiquent des
activités de protection et adaptation du climat doivent être soutenus rapidement et effica-
cement. Pour cela il faut de « l’argent climat» additionnel, non lié au crédit cadre de la coopération
au développement, ni aux pays de concentration de la DDC et du Seco.
10. En 2015, les pays en développement et émergents ne vont adhérer à un « pacte clima-
tique » global et à des engagements individuels pour la protection du climat que si les pays
industrialisés en assument le financement selon leur capacité de paiement. « L’argent pro-
climat » des pays industrialisés n’est pas d’abord une aide aux pays en développement, mais une
contribution à la protection du climat qui bénéficie à tous. Cela va profiter directement aux pays
industrialisés eux-mêmes car, si les pays en développement n’adhèrent pas aux mesures de pro-
tection du climat, l’objectif international de limiter le réchauffement global à moins de 2 degrés
Celsius (objectif des deux degrés) ne sera pas atteint.
Combien doit payer la Suisse?
11. Selon les méthodes de calcul, en 2020 la Suisse va devoir payer entre 460 millions et 1,3
milliards de francs suisses par an pour le financement international du climat. En moyenne, cela
représente plus d’un quart de ce que la Suisse a l’intention de payer à partir de 2015 au titre de
l’aide au développement.
Où la Suisse peut-elle trouver cet argent ?
12. Il faut de nouvelles sources innovantes pour financer le climat. Dans un premier temps,
vue l’extrême urgence et comme il n’existe pas de sources communes de financement au niveau
international, tous les Etats doivent puiser dans des sources nationales innovantes la Suisse
aussi. Ce sont surtout les responsables du changement climatique qui doivent en assumer le
financement, par exemple via une taxe sur les billets d’avion ou sur le CO2. Cela aurait un effet
additionnel de protection du climat. Une taxe sur les transactions financières permettrait de pren-
dre en compte aussi le facteur de la puissance économique individuelle.
13. Des investissements privés dans les mesures de protection du climat sont inévitables
si on veut réussir le passage à un monde pauvre en carbone. Cependant, il ne faut pas su-
restimer le potentiel du financement privé. Par souci de transparence et de comparaison au niveau
national et international, il faut fixer des critères clairs de comptabilisation qui garantissent que les
investissements privés sont pertinents pour le climat et mesurables et qu’ils sont additionnels au
business as usual.
Papier de position dAlliance Sud sur le financement du climat Ɩ septembre 2014 Ɩ page 3
14. Un „bénéfice climatique“ additionnel ne peut être généré que si le financement clima-
tique est fourni en plus de la coopération publique au développement (ODA). Chaque franc
pris du budget du développement et de la réduction de la pauvreté et alloué à des projets clima-
tiques va avoir, à long terme, des répercussions négatives sur le climat. La formation est une
condition essentielle pour que les gens comprennent les défis du changement climatique. Ici
comme dans d’autres secteurs de la coopération au développement, il ne faut pas faire d’écono-
mies pour financer le climat.
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Contenu
Glossaire 5
Problématique: Davantage de protection du climat et nouveau financement du
climat: le b.a-ba d'un nouvel accord sur le climat en 2015 7
«L’argent pro-climat» est la clé du nouveau traité sur le climat 10
Classement de la Suisse dans les objectifs climatiques et financiers 10
1. Besoin de financement créé par le changement climatique dans les pays
émergents et en développement 11
Coûts élevés du changement climatique dans le monde entier 12
2. Financement international du climat et financement public du
développement 12
Principes importants du financement du climat 14
Financement du climat dans le cadre du développement durable 15
3. Sources et allocation efficaces de „l’argent climat international“ 15
Des critères stricts pour le financement climatique privé 17
Principes communs du financement du climat et du développement 18
4. Financement suisse du climat, aujourd’hui et demain 19
Sources publiques de financement additionnel en Suisse 21
5. Pistes pour le financement suisse du climat 24
Papier de position dAlliance Sud sur le financement du climat Ɩ septembre 2014 Ɩ page 5
Glossaire
Adaptation: cf. Adaptation au changement climatique
Adaptation-Fund (AF): le fonds d’adaptation de l’ONU a été créé par le Protocole de Kyoto pour
aider les pays en développement particulièrement affectés par les conséquences négatives du
changement climatique à financer des projets et programmes concrets dadaptation à celui-ci.
Additionnalité: En lien avec le financement du climat: financement additionnel par rapport au
business as usual, c’est à dire à l’argent qui aurait été investi ou versé dans tous les cas.
Pays de l’annexe I: L’annexe I de la Convention-cadre sur le climat (UNFCCC) comprend tous
les pays qui se sont engagés à ramener leurs émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de
1990 d’ici à 2000. En font partie les pays de l’OCDE de 1992 (pays d’Europe occidentale, Turquie,
Etats-Unis, Canada, Japon, Australie et Nouvelle Zélande) et les pays en transition d’Europe cen-
trale et orientale (pays d’Europe centrale et orientale et républiques de l’ex-Union Soviétique). Ce
concept est souvent synonyme de « pays industrialisés ».
Pays de l’annexe II: L’annexe II de la Convention-cadre sur le climat comprend tous les pays
industrialisés de l’OCDE de 1992, c’est à dire les pays de l’annexe I sans les pays en transition.
Les pays de l’annexe II se sont engagés à allouer des moyens financiers pour aider les pays en
développement à réduire leurs émissions. En plus, ils doivent soutenir le transfert de technologies
pro-climat dans les pays en développement et en transition.
Adaptation au changement climatique: Processus de reconversion et orientation de sys-
tèmes naturels et sociaux vers des changements climatiques réels ou attendus et leurs consé-
quences, afin d’en réduire les impacts négatifs et d’en rendre visibles les avantages (comparer
IPCC 2007 a; IPCC 2012).
APD: Aide publique au développement, voir aussi ODA
PIB: Produit intérieur brut
OFE: Office fédéral de l’environnement
Taxe sur le CO2: La taxe sur le CO2 est prélevée sur tous les combustibles fossiles (p. ex. mazout,
gaz naturel). Depuis 2014, elle correspond à 60 francs par tonne de CO2, à savoir 16 centimes
par litre de mazout.
Equivalent de CO2: Le potentiel (relatif) d’effet de serre (anglais : global warming potential, GWP),
ou équivalent de CO2 d’un composé chimique, est une mesure de l’effet relatif de la contribution
à l’effet de serre.
Impôts sur le CO2: aussi taxe carbone, c’est une taxe environnementale sur le dioxyde de car-
bone et autres gaz à effet de serre
DDC: Direction du développement et de la coopération
Green Climate Fund (GCF): Le Green Climate Fund est un fonds climat de l‘UNFCCC. Il a été
créé pour financer des projets climatiques dans les pays en développement, aussi bien dans le
domaine de la réduction des gaz à effet de serre que de l’adaptation au changement climatique.
Pour cela il faut allouer 100 milliards USD par an d’ici 2020, dont une partie par le biais du GCF.
ICAO: Organisation internationale de l’aviation civile (anglais: International Civil Aviation Organi-
zation)
IMO: Organisation maritime internationale (anglais: International Maritime Organization)
IPCC: Conseil climatique mondial de l‘ONU (anglais: Intergovernmental Panel on Climate
Change)
Protocole de Kyoto: Le protocole de Kyoto de la Convention-cadre des Nations Unies sur le
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