Alg`ebre 1-GROUPES et G´
EOM´
ETRIE
David Harari
1. Le groupe lin´eaire GL(E)
Dans toute cette section, on d´esignera par Kun corps commutatif et par E
un K-espace vectoriel de dimension finie n. Le groupe lin´eaire (GL(E),)
des endomorphismes bijectifs de Eest isomorphe au groupe multiplicatif
matriciel GLn(K); nous travaillerons indif´eremment avec l’un ou l’autre. On
a d´ej`a vu (dans le chapitre ”Groupes”) une d´ecomposition en produit semi-
direct GLn(K)'SLn(K)oK.
1.1. G´en´erateurs et centres de GL(E),SL(E)
Deux types de transformations vont jouer un ole privilegi´e : les dilatations
et les transvections.
Proposition 1.1 Soient Hun hyperplan de Eet uGL(E)dont la restric-
tion `a Hest l’identit´e. Les assertions suivantes sont ´equivalentes :
1. Le eterminant λde uest diff´erent de 1.
2. uest diagonalisable et admet une valeur propre λ6= 1.
3. Im (uId) n’est pas inclus dans H.
4. Il existe une base dans laquelle la matrice de uest Diag(1,1, ..., 1, λ)
avec λ6= 1.
On dit alors que uest une dilatation d’hyperplan H, de droite D:=
Im (uId), et de rapport λ.
1
emonstration : 4.1.est trivial.
1.2.: on a d´ej`a 1 comme valeur propre de multiplicit´e au moins n1
puisque la restriction de u`a Hest l’identit´e. L’autre valeur propre est λ6= 1,
donc la dimension de chaque sous-espace propre est la multiplicit´e de la valeur
propre associ´ee, et uest diagonalisable.
2.3.: Soit Dle sous-espace propre (de dimension 1) associ´e `a λ, alors
la restriction de (uId) `a Dest une homoth´etie de rapport non nul, donc
Im (uId) contient Dqui n’est pas incluse dans H(les sous-espaces propres
sont en somme directe).
3.4.: Comme (uId) est de rang 1 (ce n’est pas 0 par 3., et son noyau
contient un hyperplan), son image est une droite Det 3. dit que Eest la
somme directe de Het D. D’autre part Dest stable par ucar c’est l’image
de (uId); en recollant une base de Havec une base de D, on obtient une
base de Edans laquelle la matrice de uest de la forme voulue.
Proposition 1.2 Soient Hun hyperplan de Eet uGL(E)dont la re-
striction `a Hest l’identit´e. On suppose u6= Id et on fixe une forme lin´eaire
non nulle fsur Etelle que H= ker f. Alors les assertions suivantes sont
´equivalentes :
1. Le eterminant λde uest 1.
2. un’est pas diagonalisable
3. Im (uId) est incluse dans H.
4. L’endomorphisme induit ¯u:E/H E/H est l’identit´e.
5. Il existe a6= 0 dans Htel que u(x) = x+f(x)apour tout xde E.
6. Il existe une base dans laquelle la matrice de us’´ecrit (par blocs)
In20
0U
o`u Uest la matrice (2,2) efinie par
U=1 1
0 1
On dit alors que uest une transvection d’hyperplan Het de droite D:=
Im (uId).
2
Remarque : Attention ud´etermine compl`etement les sous-espaces H
et Dmais r´eciproquement n’est pas compl`etement d´etermin´e par eux (en
changeant dans la matrice ci-dessus le 1 qui n’est pas sur la diagonale par
n’importe quel λ6= 0, on obtient encore une transvection de mˆeme hyperplan
et mˆeme droite). On fera ´egalement tr`es attention au fait que par convention,
l’identit´e n’est pas une transvection (en particulier dans la formule du 5., il
est important que asoit non nul).
On notera τ(a, f) la transvection donn´ee par τ(a, f)(x) = x+f(x)aquand
fest un ´el´ement non nul du dual E, et aun ´el´ement non nul de ker f(ceci
est sans ambiguˆıt´e). En particulier l’inverse de τ(a, f) est la transvection
τ(a, f).
Preuve de la proposition : 6.1., 1.2., et 2.3.s’obtiennent par
contrappos´ee `a partir de la proposition pr´ec´edente.
3.4.: si xest dans E, alors u(x)xest dans D, donc dans Hdonc sa
classe dans E/H est nulle, i.e. ¯u(¯x) = ¯x.
4.5.: On choisit x0tel que f(x0) = 1 et on pose a=u(x0)x0,
alors aest dans Hcar ¯a= 0 d’apr`es 4. D’autre part a6= 0 car x0n’est pas
dans H, qui est le noyau de (uId) vu que u6= Id. Maintenant l’´egalit´e
u(x) = x+f(x)aa lieu pour tout xde Het pour x0donc pour tout xde E
puisque Eest la somme directe de Het de Kx0.
5.6.: on compl`ete en1:= aen une base (e1, ..., en1) de H, puis on
compl`ete encore avec un vecteur entel que f(en) = 1 (donc qui n’est pas dans
l’hyperplan H). Alors u(ei) = eipour 1 in1, et u(en) = en+f(en)a=
en+en1.
Il est int´eressant de savoir ce qui se passe quand on conjugue une transvec-
tion.
Proposition 1.3 Soient uGL(E)et τune transvection de droite Det
d’hyperplan H. Alors u1est une transvection de droite u(D), d’hyperplan
u(H). Plus pr´ecis´ement, si τ=τ(a, f ), on a u1=τ(u(a), f u1).
emonstration : Si τ(x) = x+f(x)a, alors τ(u1(x))=u1(x) +
f(u1(x))aet (u1(x)) = x+f(u1(x))u(a), avec u(a) non nul dans le
noyau de la forme lin´eaire (fu1).
On en d´eduit :
3
Proposition 1.4 Le centre Zde GL(E)est constitu´e des λId,λK. Le
centre de SL(E)est SL(E)Z, c’est-`a-dire que c’est l’ensemble des λId avec
λn= 1.
emonstration : Il suffit de montrer que si uGL(E) commute avec
toutes les transvections, alors uest une homoth´etie. Mais d’apr`es la proposi-
tion pr´ec´edente, une telle ulaisse stable toute droite de E. C’est un exercice
´el´ementaire de v´erifier alors que uest une homoth´etie.
Passons `a l’engendrement :
Theor`eme 1.5 Les transvections engendrent SL(E). Les transvections et
les dilatations engendrent GL(E).
emonstration : Le deuxi`eme point se d´eduit imm´ediatement du pre-
mier car si uGL(E) est de d´eterminant λ, on obtient un ´el´ement de SL(E)
en composant uavec une dilatation de rapport λ1. Pour montrer que les
transvections engendrent SL(E), on commence par un lemme (qui ne marche
pas en dimension 1, attention...) :
Lemme 1.6 Supposons n2et soient x, y deux vecteurs non nuls de E.
Alors il existe une transvection ou un produit de deux transvections envoyant
xsur y.
emonstration : Supposons que xet yne soient pas colin´eaires. Posons
a=yx, il existe alors un hyperplan Hcontenant aet pas x, puis une forme
lin´eaire fd’hyperplan Havec f(x) = 1. Alors la transvection uefinie par
u(z) = z+f(z)aenvoie xsur y. Si maintenant xet ysont colin´eaires,
on utilise l’hypoth`ese n2 pour trouver un troisi`eme vecteur w6= 0 qui
n’est pas colin´aire `a xet y. D’apr`es ce qu’on a vu plus haut, il existe des
transvections u,vavec u(x) = wet v(w) = ydonc vu(x) = y.
Nous montrons maintenant le th´eor`eme par r´ecurrence sur n. Pour n= 1,
il est ´evident. Supposons donc n2, et le th´eor`eme d´emontr´e pour n1.
Soit uSL(E) et x06= 0 dans E. D’apr`es le lemme, on peut supposer
u(x0) = x0(quitte `a composer uavec un produit de transvections qui ram`ene
u(x0) sur x0). Soit Dla droite Kx0, alors l’endomorphisme ¯u:E/D E/D
induit par uest encore de d´eterminant 1 : pour le voir il suffit de prendre une
base (¯e2, ..., ¯en) de E/D, alors (x0, e2, ..., en) est une base de Edans laquelle
la matrice de us’´ecrit par blocs
4
1
0M
o`u Mest la matrice de ¯udans (¯e2, ..., ¯en).
En appliquant alors l’hypoth`ese de r´ecurrence `a ¯u, on peut ´ecrire ¯u=
¯τ1...¯τr, o`u les ¯τisont des transvections de E/D (rappelons que l’inverse d’une
transvection est encore une transvection). ´
Ecrivons ¯τi=τ(¯
fi,¯ai) avec aiE
et ¯
fi(E/D). D´efinissons fiEpar fi(x) = ¯
fi(¯x), alors τi:= τ(ai, fi) est
une transvection de E. Soit alors v=τ1...τr, on observe que uet vco¨ıncident
en x0car u(x0) = x0et τi(x0) = x0vu que fi(x0) = ¯
fi(¯x0) = ¯
fi(¯
0) = 0.
D’autre part ¯v= ¯udonc w:= v1uest une transvection ou l’identit´e de E
car Im (wId) D, avec Dincluse dans ker(wId) (qui est de dimension
nou n1 puisque Im (wId) est de dimension au plus 1).
Remarque : Le proc´ed´e ci-dessus ne donne pas le nombre minimal de
transvections dans la d´ecomposition de u. Le nombre optimal est nsi u
n’est pas une homoth´etie, n+ 1 sinon, ce qu’on peut montrer en utilisant
des m´ethodes matricielles plus algorithmiques (op´erations ´el´ementaires sur
les lignes et les colonnes).
1.2. Conjugaison et commutateurs
On commence par la proposition ´evidente suivante, qui esulte par exemple
de la forme matricielle d’une dilatation :
Proposition 1.7 Deux dilatations sont conjugu´ees dans GL(E)si et seule-
ment si elles ont eme rapport.
Pour les transvections, l’´enonc´e est un peu plus compliqu´e.
Proposition 1.8 Deux transvections sont toujours conjugu´ees dans GL(E).
Si n3, elles sont conjugu´ees dans SL(E).
emonstration : Soient uet vdeux transvections. Comme elles ont
mˆeme matrice dans deux bases diff´erentes, il existe gGL(E) tel que v=
gug1. Soit λ= det g. Pour montrer que uet vsont conjugu´ees dans SL(E),
il suffit de trouver sGL(E), de d´eterminant λ1, et qui commute avec v
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