Inquisition Breviaire Historique Ce bréviaire vous présente les éléments historiques les mieux connus par les protagonistes de 1243. Le compilateur a pris soin d’y faire apparaitre tous les faits supposés, uchroniques ou essentiels à la compréhension des enjeux comme à la résolution des intrigues à l’œuvre dans cet opus de Faust : Inquisition. Les Prémices : Le XIeme siècle Une noblesse en conflits permanents Alors que les royaumes d’Europe occidentale se livrent des guerres de conquête incessantes, alors que les populations sont à la merci de seigneurs s’adonnant avec violence au jeu de la féodalité pour maîtriser toujours plus de territoires, l’Eglise entre sur l’échiquier du pouvoir : elle se débarrasse du joug du Saint-Empire Romain Germanique, qui avait auparavant le pouvoir de nomination du Pape. La réforme grégorienne promeut l’indépendance de l’Eglise, qui veut maintenant se hisser à la tête des royaumes et des empires, et non plus être leur instrument. Les origines d’une nouvelle Foi Un nouveau courant de spiritualité est cependant apparu. D’abord le fait de quelques congrégations isolées, puis de quelques cités, le mouvement des “Manichéens” se fonde en clamant l’absence de Dieu en ce monde. Prisonniers dans un royaume soumis à la corruption et au Mal, les esprits des humains ne se libèrent de cette prison que pour retourner vers Dieu qui les protègera du Néant. Le Mal habite notre monde et l’a façonné tel une prison de tourment, mais arrivera un jour ultime où il sera défait par Dieu. Mille ans après le message christique, cette promesse arrive à point nommé pour soulager des esprits affligés par les privations et insatisfaits des réponses de l’Eglise. Les valeurs de ces révélations sont proches du message des évangiles : humilité, simplicité, austérité et carême, mais elles ne sont prônées ni par des moines à la goinfrerie bedonnante, ni par des évêques richissimes et décadents. Une croisade de pénitence Dans les campagnes, on subit les conflits avec abnégation, mais après une poignée d’hivers plus rudes que jamais, on se rend aussi compte que les terres perdent peu à peu en fertilité. Inexorablement. La colère gronde devant ce qui apparait comme un signe de désapprobation divine. A la fin du siècle, une fois le schisme de 1054 entre Eglise d’Occident et d’Orient consommé, le Pape Urbain II reçoit des ambassadeurs de l’Empire Romain d’Orient. Ceux-ci lui révèlent que des famines et des troubles similaires sévissent aussi sur leurs territoires, ce qui coïncide avec la montée de la menace de l’Islam à l’Est. L’héritier de Saint Pierre en appelle alors à la Sainte Croisade : Les chrétiens doivent tous s’unir et partir délivrer la Terre Sainte des infidèles, en échange de la rémission de leurs péchés et du retour en grâce au regard de Dieu. Presqu’inexplicablement, la première croisade est un Franc succès et Godefroy de Bouillon prend Jérusalem en 1099. 1 Faust : Jeu Grandeur Nature Rome la suprême : Le XIIeme siècle Les fous de Dieu La Croisade n’apporte finalement pas la stabilité souhaitée aux royaumes d’Occident, qui souffrent de pénuries s’aggravant lentement mais sûrement : les greniers s’épuisent peu à peu, les plantes médicinales manquent, par conséquent le brigandage abonde et le mécontentement gronde. Le Pape en appelle donc à toujours plus de Croisades. Dès 1129, est fondée la milice des “Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon”, pour que ses Templiers protègent les pèlerins contre les brigands, qui pullulent à présent partout, et pour défendre les territoires chrétiens en orient. Le sang des païens est versé de plus belle, comme d’ailleurs celui des preux chevaliers chrétiens. L’Eglise multiplie les prières, les appels à l’abnégation, à l’autodafé et au sang. En réalité, elle est plus forte et plus riche que jamais, la prise de Constantinople ayant assurée au Vatican à la fois puissance et unité. Les royaumes de France, d’Angleterre, d’Espagne et le Saint Empire sont toujours à couteaux tirés, mais se doivent de réduire l’intensité des conflits pour répondre aux appels du Pape. L’essor du gnosticisme Loin des Croisades, le mouvement Manichéen est à présent bien installé dans le sud-ouest de la Francie, en Lombardie et dans les contreforts du Nord de l’Empire Byzantin. Il s’est mieux organisé et ses tenants ont été débattus et précisés : l’intuition primitive a donné naissance à un système de pensée complet. Sur de nombreux points, on le constate austère et réformateur mais aussi révolutionnaire sur d’autres. Sa spiritualité gnostique commence à séduire les érudits et les nobles, qui y déchiffrent une métaphysique intellectuelle, proche des classiques antiques. Bientôt, les plus fervents se font appeler les « Consolés », en référence à leur sacrement le plus important : le Consolamentum. Le temps des fléaux Dans la seconde moitié du siècle, on assiste aux premières grandes émeutes causées par la famine. Elles sont réprimées dans le sang dans tout le nord de l’Europe. On commence dès lors à se rendre compte que la pénurie ne touche pas aussi durement certaines terres, toutes étant détenues par des Consolés. Ces derniers paraissent dès lors suspects et l’Eglise les qualifie de “Cathares” du grec kataros, les “Purs”, les “Innocents”, les désignant comme des profiteurs et des usurpateurs. Malgré cet ostracisme, les marchands viennent de toute l’Europe pour s’approvisionner auprès d’eux, profitant de l’occasion pour accumuler richesse et faveurs. En 1180, les premiers cas de Peste Grise touchent l’Europe, la maladie ayant visiblement été rapportée d’orient par les Croisés. L’épidémie s’étend doucement mais semble inéluctable. Dans les pays touchés, la colère cède au désespoir et les malades sont victimes de violences, quand ils ne mettent pas fin eux-mêmes à leur vie, pour éviter de subir l’agonie longue et affreuse causée par ce mal. Francis de Salence, moine célèbre pour ses connaissances en médecine, est excommunié après avoir prophétisé le Jugement dernier à Aix-en-Provence. Pourchassé, on témoigne de ses prêches millénaristes dans plusieurs grandes villes. Sa conversion à la foi des Consolés attira l’œil, et les foudres, de Rome... Créée en 1199, l’Inquisition romaine a pour but de maintenir l’unité de la religion catholique, et se prépare à soumettre les croyants à toute Question d’ordre théologique. Le Vatican compte bien l’utiliser contre ces nouveaux « Cathares ». 2 Inquisition L’ère du Jugement : Le XIIIeme siècle De la répression à la Croisade contre l’hérésie La trop grande prégnance des croyances consolées amène l’Eglise catholique à commencer à les réprimer. Le pape Innocent III envoie en Occitanie plusieurs légats afin de contrôler les seigneurs semblant protéger de cette nouvelle Eglise. Il pense, non sans raison, qu’il s’agit là d’une opposition virulente des seigneurs du sud de la Francie, qui refusent de payer les taxes au Roi de France, et semblent plus enclins à s’agenouiller devant la Castille et l’Aragon. Mais le 14 janvier 1208, à la suite de l’assassinat de son légat Pierre de Castelnau, le pape se voit contraint de déclarer une croisade contre les Cathares, qui sont à présent accusés d’être à l’origine de tous les maux. La main de Dieu Cette grande croisade ne dure en fait qu’une année, jusqu’au Miracle de Béziers. Les forces catholiques réunies autour de la ville sont relativement importantes (près de 20.000 hommes furent envoyés). Pour affirmer la puissance de l’Eglise catholique, le légat du Pape Arnaud Amaury décide d’immoler l’évêque consolé de Béziers, Renault de Montpeyroux, qui était sorti de la ville assiégée pour négocier. On hisse Montpeyroux sur le bûcher, mais alors que le bois commence à s’embraser, on aperçoit les premières fumées qui s’élèvent au-dessus la ville. Les Croisés qui s’y précipitent voient que les villageois s’y immolent d’eux-mêmes, et sont témoins du sacrifice des derniers citadins, qui rentrent en priant sereinement dans les maisons en flamme. Ils y brûlent en chantant des psaumes, sans grimace ni hurlement. Cette vision d’horreur saisit les chevaliers chrétiens, qui jettent leurs épées au sol, et ressortent de la ville en criant. Lorsqu’ils rejoignent leur camp, ils y découvrent qu’Arnaud Amaury faisant alimenter frénétiquement le bucher, rajoutant bûche sur bûche au calvaire de Renault de Montpeyroux. Sans succès. Les flammes le caressent sans le tuer. La main de Dieu est sur lui. Terrifiés, alors que leur campement commence à prendre feu autour d’eux, tous les croisés s’agenouillent derechef pour prier. Ses liens consumés depuis longtemps, Montpeyroux descend du bûcher, indemne, en scandant les mots : “Deus perfectus, Perfectus Homo !”. Les chevaliers comprennent alors que Dieu ne les avertira pas deux fois. Les Croisés qui assistèrent au Miracle de Béziers sont parmi les premiers à se convertir à la nouvelle Eglise de la Consolation. Même l’Ordre du Temple met genou à terre devant l’Evêque Consolé. Renault de Montpeyroux devient le premier Parfait (“catholicus perfectus”). Arnaud Amaury revient de sa croisade avortée avec moins de 5000 hommes précédé par la rumeur du miracle : Dieu protège les Consolés et punit les Chrétiens. Le début des conversions L’effet d’un tel miracle ne tarde pas à se faire sentir. Ebranlé dans tous ses préceptes, le catholicisme se tourne rapidement vers la Consolation En 1215, le IVe concile de Latran accepte la doctrine Consolée comme « l’une des doctrines les plus avérées du christianisme originel », au grand damne du courant traditionnel catholique qui, considérant une telle révolution comme l’abdication de la tradition catholique, commence dès lors à organiser la lutte contre le courant des Consolés. Les Catholiques 3 Faust : Jeu Grandeur Nature prennent, lors du Concile d’Avignon de 1217, le nom de « Baptisés », afin de désigner les vrais catholiques, ceux qui résistent aux sirènes de la Consolation. Une guerre de religion est née. Pour les royaumes d’Europe occidentale, l’Eglise de la Consolation parait nouvelle : les traditions restent bien ancrées, et ce n’est pas un miracle obscur du sud de l’Occitanie qui peut remettre en cause des siècles d’habitude religieuse. La succession de fléaux qui frappent l’Europe entre 1215 et 1243 (date de notre jeu) va toutefois ébranler les certitudes de la majorité des croyants. La guerre entre Consolés et Baptisés C’est d’abord la partie visible du conflit religieux qui secoue les forces européennes : de l’Occitanie, la religion Consolée se répand dans le Comté de Provence et dans tout le Nord de l’Italie. Les Baptisés se défendent particulièrement en Avignon, qui résista jusqu’en 1226. La prise et le sac de la ville par les forces consolées du Comte Raymond VII de Toulouse signe le début de la conquête de l’Europe par les Consolés : de nouveaux foyers Consolés se créent dans le Royaume de France et dans le Saint Empire Romain Germanique, qui s’en sert pour s’opposer à nouveau au Vatican. Une véritable guerre de religion fait rage entre 1220 et 1240, date à laquelle la plupart des nobles français ont finalement adopté la doctrine de la Consolation. Le Roi de France reste officiellement catholique, mais prend publiquement conseil auprès du Parfait Pierre Roger de Cabaret. On murmure parmi la noblesse qu’il a embrassé la Foi de la Consolation... Ad imperfectam naturam A partir de 1232, des changements climatiques violents ravagent es champs de toute l’Europe, et déclenchent des maladies nouvelles pour les récoltes et les bêtes. Les récoltes, déjà faiblissantes depuis une génération entière, sont irrémédiablement touchées. La famine s’installe dans les régions les moins riches à partir du grand hiver de 1237, ce qui réfrène les envies belliqueuses. Affamés, des religieux attestent même le retour de rites cannibales dans certains villages d’Auvergne. A partir de 1238 et jusqu’à maintenant, on rapporte une propagation accélérée de la Peste Grise dans la côte Sud de l’Espagne et en Aquitaine, accentuant le sentiment d’insécurité, de terreur et de damnation universelle au sein des populations. Encore une fois, les territoires Consolés les plus fervents sont moins durement touchés, mais il est évident que la conversion n’a pas systématiquement sauvé les régions sinistrées. Le déclin parait irréversible. L’Inquisition en charge de l’Unicité de l’Eglise Constatant le dépérissement des populations, l’Eglise de la Consolation fait pression sur le Vatican et obtient de Rome l’envoi d’Inquisiteurs dans les régions touchées par la famine et la peste, pour maintenir le respect de la foi et lutter contre tout acte « hérétique ». Les Consolés obtiennent également le prononcé d’une Bulle papale en 1240 : “De Catholica Fidei”, qui donne comme mission à l’Inquisition de rester neutre dans le débat entre Consolés et Baptisés. Elle doit dès lors assurer de la conformité de la foi « telle qu’elle est déclarée dans le territoire soumis à l’enquête ». En territoire baptisé, l’Inquisition vérifie que chacun suit le dogme catholique traditionnel, alors qu’en terre consolée, elle doit contrôler le respect des rites de la Consolation. A l’image de l’Eglise, l’Inquisition devient un instrument de terreur, partagé entre deux mouvements contradictoires, soumettant à la question quiconque remet en cause “l’Eglise”, que celle-ci soit consolée ou baptisée. Mais il ne fait pas de doute non plus que sans elle, le monde catholique aurait déjà sombré dans le chaos… 4 Inquisition Les dernières années: De 1240 à 1243 Les derniers bienheureux Au milieu de toutes ces ténèbres, seuls les Consolés fleurissent. Certains territoires consolés semblent en effet épargnés par tous ses fléaux, aux frontières desquels on repousse des flots d’immigrants affamés ou malades... La progression de l’Eglise de la Consolation est devenue inexorable, et de nombreux seigneurs d’Europe occidentale se convertissent, guidés par les prophètes et les faiseurs de miracle des Consolés. Ces individus, que l’on nomme « Parfaits », refusent d’être vus comme des saints, mais sont rapidement reconnus comme les héros de l’Eglise de la Consolation. On les murmure acceptés au royaume de Dieu et capables de protéger les vrais Consolés de tous les maux. En croiser un est rare, mais dès 1240, la plupart sont présents en Europe occidentale à des points stratégiques des provinces occitanes. Ils sont une poignée de nobles, de religieux, et d’hommes du peuple qui représentent, pour les Consolés, l’unique rempart contre le Malin, en cette époque annonciatrice de fin des temps... Depuis la mort d’Innocent III en décembre 1241, l’Eglise Catholique reste sans pape. Cette vacance du pontificat dure maintenant depuis plus d’un an et demi et démontre la force de l’Eglise de la Consolation dont le mouvement est devenu plus que majoritaire au sein de l’Eglise Catholique. . On affirme même que le prochain pape sera cathare… Le feu à la poudrière En 1242, le conflit s’intensifie entre les seigneurs d’Europe occidentale, l’enjeu des batailles étant les dernières terres suffisamment fertiles et saines. Les royaumes de Castille et d’Aragon, forts d’une Reconquista victorieuse, commencent à tourner leur regard vers l’Occitanie, riche berceau des Consolés, dont les seigneurs sont encore –théoriquement– vassaux du Roi de France. En réponse à ces désirs de conquêtes et malgré la menace que constitue toujours le Saint Empire Germanique à l’Est, Louis lance son champion, le nouveau Duc du Gévaudan, Astorg de Peyre, à l’assaut de l’Aquitaine anglaise. Il souhaite ainsi intimider durablement les comtés de Toulouse et Béziers. Le jugement dernier est aux portes, mais celui qui contrôlera l’Occitanie sera peut-être épargné et il pourra sans nul doute dicter sa loi au Vatican. En 1243, les autorités vaticanes, en accord avec les Consolés, décident de réunir un conclave en la cité de Béziers, lieu symbolique de la division de l’Eglise. S’y acheminent la plupart des Cardinaux, ainsi que des marchands, de grands seigneurs et des voyageurs, attirés mais inquiets de l’issue d’une telle réunion. Tout ce que l'Europe compte de sages et de philosophes affirme en effet que le monde chrétien ne saurait tenir encore plus d'une ou deux années, avant de s'effondrer face à tant de fléaux et de conflits internes. Sans être ni rois ni évêques, c’est sur la route de Béziers que vos personnages se retrouvent à la veille de cet ultime conclave… 5