Développer la recherche en médecine générale et en soins

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Développer la recherche en médecine générale
et en soins primaires en France : Propositions
Rapport remis à
Monsieur le Ministre de la Santé
Monsieur le Ministre Délégué à la Recherche
par Gérard de Pouvourville,
Directeur de Recherche au CNRS,
Coordonnateur du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale.
31 mai 2006
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Introduction ................................................................................................................................ 3
1. Qu’est-ce que la recherche en médecine générale ? .............................................................. 4
La recherche et les médecins généralistes. ............................................................................. 4
La recherche en soins primaires. ............................................................................................ 9
2. La recherche en médecine générale en France : état des lieux ........................................... 10
Les « producteurs de recherche » ......................................................................................... 10
La production scientifique française en médecine générale ................................................. 15
Un milieu dynamique mais des ressources insuffisantes et dispersées ................................ 16
3. Propositions d’action ........................................................................................................... 17
Créer les bases d’un potentiel de recherche universitaire .................................................... 17
Une organisation en pôles inter-régionaux. .......................................................................... 20
La filière universitaire en médecine générale ...................................................................... 20
Le rôle des sociétés savantes ................................................................................................ 23
La formation à la recherche .................................................................................................. 24
Le financement de la recherche ............................................................................................ 28
Le développement de bases de données ............................................................................... 29
4. Synthèse des propositions. .................................................................................................... 30
Annexe 1- Liste des personnalités rencontrées ........................................................................ 34
Annexe 2 : Compte-rendu d’entretien ...................................................................................... 36
Professeur Didier Giet .......................................................................................................... 36
Annexe 3 – La recherche en médecine générale au Royaume-Uni. ......................................... 38
Annexe 4- La recherche en médecine générale aux Pays-Bas ................................................. 40
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Développer la recherche en médecine générale et en soins primaires en France :
Propositions
Introduction
Pour toutes les spécialités médicales, la recherche est un moteur essentiel de l’amélioration de
la qualité de soins. Or, la médecine générale souffre indéniablement en France d’un handicap
par rapport aux autres spécialités médicales, tant en matière de formation à et par la recherche
au cours des études médicales, que par la faiblesse quantitative et l’éparpillement des travaux
qui sont conduits sur l’amélioration de la prise en charge des malades par les services de santé
de première ligne. Certes, il existe des travaux de très grand intérêt conduits avec abnégation
par des médecins « missionnaires », au sein des Départements Universitaires de Médecine
Générale, des sociétés savantes et au sein de réseaux qui se sont constitués pour répondre aux
besoins de recherche. Mais ces initiatives peinent à atteindre une masse critique, en
comparaison avec ce qui se passe dans d’autres pays développés, qui ont investi bien avant
notre pays dans la recherche en soins primaires et dans l’organisation de la médecine de
première ligne. Aujourd’hui, l’accession à l’internat de la médecine générale et au statut de
spécialité qui y est attaché est l’occasion de structurer de façon durable dans notre pays une
recherche conduite par des médecins généralistes sur leurs pratiques et sur leur rôle dans le
système de soins.
Par lettre de mission du 4 novembre 2005, M. le Professeur Gérard Bréart, au nom de M. le
Ministre de la Santé, M. Xavier Bertrand, et M. le Professeur Philippe Thibault, au nom de M.
le Ministre Délégué à la Recherche, M. François Goulard, m’ont demandé de présenter des
propositions d’actions pour le développement de la recherche en médecine générale. Au cours
de cette mission, j’ai mené près de quarante entretiens avec des représentants des
Départements Universitaires de Médecine Générale, des sociétés savantes de la spécialités,
avec des doyens de Faculté de Médecine, des représentants des trois Ministères concernés, la
Santé, L’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur, la Recherche ; les trois Médecins
Conseils Nationaux des régimes d’assurance maladie, le Président du Conseil Scientifique de
la CNAMTS, les représentants de syndicats médicaux, de l’URML de l’Ile-de-France et du
syndicat des internes ; enfin, j’ai effectué des missions au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, et en
Belgique. Je remercie tous mes interlocuteurs de leur écoute, et je peux témoigner qu’ils ont
tous manifesté leur soutien à l’idée du développement d’une recherche forte réalisée par des
médecins généralistes ayant reçu une formation de qualité aux méthodes scientifiques. Je les
remercie aussi pour les idées qu’ils m’ont suggérées, et sur les conditions de la faisabilité des
mes propres idées. Néanmoins, selon la formule consacrée, la synthèse de ces entretiens est de
ma responsabilité et les propositions qui en découlent n’engagent que moi. Enfin, je n’ai pas
pu organiser tous les entretiens que j’aurais souhaité tenir, et je m’en excuse auprès de ceux
qui ont un point de vue légitime et important sur le sujet.
C’est en tant que coordinateur du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale que cette
mission m’a été confiée. Ce comité a été créé en 2000 par M. le Professeur Claude Griscelli,
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alors Directeur Général de l’INSERM, qui avait compris l’importance de ce domaine de
recherche en santé. J’ai été confirmé dans mes fonctions par M. le Professeur Christian
Bréchot, actuel Directeur Général de l’INSERM, qui a pris l’initiative en 2003 de
l’organisation d’un premier appel d’offre permettant d’accueillir des médecins généralistes au
sein d’unités de recherche de l’Institut, dans un partenariat avec les Départements
Universitaires de Médecine Générale et les principales sociétés savantes de la spécialité. La
Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés a également soutenu cette
initiative. Cet appel d’offre s’est renouvelé en 2005.
Mon rapport est organisé en trois parties. Dans un premier temps, il importe de répondre à la
question : qu’est-ce que la recherche en médecine générale ? Quelle place a-t-elle dans la
recherche médicale, et plus généralement, dans la recherche en santé ? Dans une deuxième
partie, l’organisation actuelle de la recherche française en médecine générale sera analysée, au
regard de l’organisation existante au niveau international. La troisième partie sera consacrée
aux propositions détaillées d’action. La quatrième partie est une synthèse de l’ensemble du
rapport.
1. Qu’est-ce que la recherche en médecine générale ?
La recherche et les médecins généralistes.
Ce rapport repose sur un principe général : la recherche est une condition nécessaire à
l’existence d’une médecine de haute qualité. Ce principe a été à la base de la réforme de 1958,
dont un des objectifs a été de mettre la recherche scientifique au cœur des facultés de
médecine, pour encourager le progrès des connaissances et leurs diffusions dans les pratiques.
L’existence d’une masse critique de spécialistes formés à la recherche et consacrant une
partie significative de leur temps à des projets scientifiques, la possibilité pour un plus grand
nombre de futurs médecins généralistes de recevoir au cours du troisième cycle une formation
à et par la recherche, aura des retombées positives à la fois sur la formation de l’ensemble des
étudiants et sur les pratiques médicales. A l’heure où en France, comme dans la plupart des
pays développés, on encourage la diffusion d’une culture médicale fondée sur les preuves
(l’evidence based medicine) il paraît difficile de soustraire la moitié des médecins à une
formation leur permettant de comprendre les méthodes scientifiques et la valeur des preuves
qu’elles apportent.
On pourrait penser que la médecine générale est principalement un domaine d’application, de
diffusion de connaissances produites par les recherches en sciences de la vie et les recherches
en santé. Dans cette conception, la seule question pertinente serait celle des conditions d’un
transfert optimal de connaissances produites en amont dans les pratiques des médecins de
ville. Il s’agit en soi d’une question de recherche, dont on conçoit mal qu’elle puisse se
conduire sans une participation active des intéressés, qui seront a priori bien placés pour
analyser les conditions de leurs pratiques et la transposition de résultats obtenus dans des
contextes expérimentaux. Ce point de vue est cependant trop restrictif.
En effet, la médecine générale occupe dans les systèmes de santé de nos pays une place
particulière, qui justifie l’existence d’un questionnement scientifique spécifique qui n’est pas
à l’heure actuelle (du moins dans notre pays) pris en charge par les autres spécialités, à
l’exception partielle de la santé publique.
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Une première façon de positionner la médecine générale est de rendre compte de son
importance quantitative dans les soins délivrés. Si l’on raisonne en termes de contacts avec les
patients, en 2003, les omnipraticiens libéraux ont réalisé environ 294 millions de
consultations et visites, soit 4,9 contacts par habitants. Par comparaison, l’ensemble des
médecins spécialistes libéraux ont réalisé environ 123 millions de consultations, visites et
actes techniques, soit 42% du volume des contacts des omnipraticiens et 2 contacts par
habitant. Enfin, en cumulant toutes les modalités de prise en charge à l’hôpital, on aboutit à
une activité de 39,7 millions de venues sur la même année, soit 13% des contacts réalisés par
les omnipraticiens et 0,7 contact par habitant.
Le carré de White
En 1961, White et al. ont publié un article dans le New England Journal of Medicine un article intitulé
The Ecology of Medical Care. En se fondant sur plusieurs sources, les auteurs avaient estimé pour les
Etats-Unis et la Grande Bretagne que dans une population de 1000 habitants, 750 signalaient une
maladie, 250 consultaient un médecin, 9 étaient hospitalisés, 5 dirigés vers un autre médecin et 1
hospitalisé dans un centre universitaire. White a réactualisé ses travaux en 1997, ainsi que Green et al.
en 2001. Sur la base d’une enquête sur un échantillon représentatif de la population américaine, les
auteurs ont réactualisé les premiers résultats de White et ont trouvé des résultats très similaires. Ce
résultat a conduit tant aux Etats-Unis qu’en Grande Bretagne à préconiser un rééquilibrage de la
formation médicale et de la recherche clinique de l’hôpital et les spécialités vers la médecine de
première ligne. Les résultats initiaux de White avaient été présentés sous la forme de carrés emboîtés
qui ont contribué à diffuser l’argument selon lequel il n’était pas raisonnable de laisser en friche
l’étude des problèmes de santé les plus fréquents dans la population.
White KL, Williams TE, Greenberg BG. The Ecology of Medical Care. N Engl J Med 1961 265:885-92
White K. The ecology of medical care: origins and implpications for healthcare research. Health Serv Res 1997; 32:11-21
Green L, Fryer G, Yawn B, Lanier D, Dovey SM. The ecology of medical care revisited. N Engl J Med 2001; 344:2021-25.
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