IFPEK Institut de Formation Ergothérapie de Rennes « Les oubliés de l’Alzheimer » : état des lieux et réflexion autour de la prise en charge en ergothérapie UE 6.5.S6 Évaluation de la pratique professionnelle et recherche Bourdeau Cora 24 MAI 2013 Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale. IFPEK Institut de Formation Ergothérapie de Rennes « Les oubliés de l’Alzheimer » : état des lieux et réflexion autour de la prise en charge en ergothérapie UE 6.5.S6 Évaluation de la pratique professionnelle et recherche Sous la direction de Madame DIPLAS Caroline Bourdeau Cora 24 MAI 2013 Remerciements: J’adresse toute ma gratitude aux personnes qui m’ont aidée dans la réalisation de ce mémoire. Tout d’abord, je remercie Mme DIPLAS, directrice de mémoire, pour sa disponibilité, ses conseils avisés et son accompagnement tout au long de ce travail. Je remercie également, Mme SILVESTRE pour m’avoir fait part de son savoir, ainsi que l’ensemble des professionnels qui ont pris le temps de répondre à mes questions. J’adresse une pensée particulière pour Chloé TARDIVEL et mes proches pour leur écoute, leurs encouragements et corrections. Enfin, à mes futurs collègues et amis de promotion je leur dis merci pour leur soutien et ces trois années de formation. « Il n’est pas encore démontré que l’oubli existe ; tout ce que nous savons, c’est qu’il n’est pas en notre pouvoir de nous ressouvenir. » Friedrich NIETZSCHE, Aurore,1881. « Le regard que l’on porte, les mots que l’on utilise sont importants, vous en conviendrez, le poids des mots est énorme… […] Mais avant d’être une malade de plus, je suis avant tout une personne, complètement, entièrement. Comme chacun d’entre vous, j’ai des rêves, et par-dessus tout j’aime la vie. Et certes, j’ai une particularité, une petite distinction, un petit plus…une foutue maladie qui va peu à peu me faire disparaître à vos yeux. Peu à peu, on va parler de moi en ma présence, sans même avoir la décence de me consulter ou de baisser la voix, on m’animera, on m’infantilisera. Car je vais disparaître derrière cette maladie. » Association France Alzheimer, Paroles de malades « jeunes », Mars 2012 SOMMAIRE INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 1 1. PROBLÉMATIQUE ..................................................................................................................................... 2 1.1 1.1.1 L’expérience des stages ..................................................................................................................... 3 1.1.2 Les représentations sociales de la maladie d’Alzheimer ................................................................... 4 1.2 2. PRÉSENTATION DES CONCEPTS....................................................................................................................... 7 1.2.1 Maladie d’Alzheimer : entre la notion de démence et les avancées contemporaines ..................... 7 1.2.2 Maladie d’Alzheimer et le sujet âgé de 55 à 65 ans ........................................................................ 14 1.2.3 Prise en charge actuelle de la maladie d’Alzheimer ........................................................................ 17 ELÉMENTS DE RECHERCHE ..................................................................................................................... 27 2.1 METHODOLOGIE GENERALE DE LA RECHERCHE ................................................................................................ 27 2.2 MODALITÉS DU RECUEIL DE DONNÉES ........................................................................................................... 27 2.2.1 Outils utilisés ................................................................................................................................... 27 2.2.2 Choix de la population ..................................................................................................................... 28 2.3 3. L’ORIGINE D’UNE RECHERCHE ........................................................................................................................ 2 ANALYSES DES DONNÉES ............................................................................................................................ 28 2.3.1 Entretiens ........................................................................................................................................ 28 2.3.2 Questionnaires ................................................................................................................................ 38 DISCUSSION ........................................................................................................................................... 43 3.1 VALIDATION DES HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ................................................................................................. 43 3.2 CONCLUSION DE LA RECHERCHE ................................................................................................................... 44 3.3 REFLEXION AUTOUR DE LA PRISE EN CHARGE EN ERGOTHERAPIE ......................................................................... 45 3.4 RETOUR CRITIQUE DE LA RECHERCHE............................................................................................................. 47 3.5 OUVERTURE DE LA RECHERCHE .................................................................................................................... 48 CONCLUSION .................................................................................................................................................. 50 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 51 ANNEXES ............................................................................................................................................................ GLOSSAIRE ......................................................................................................................................................... INTRODUCTION Depuis une dizaine d’année, la maladie d’Alzheimer touche de plus en plus de personne. En France, selon l’INSERM1 en 2007, on estime en moyenne 860 000 personnes atteintes et 225 0002 nouveaux cas par an. En effet, que ce soit à travers les médias, par notre entourage proche ou éloigné, nous entendons fréquemment parler de cette pathologie. Mais savons-nous réellement à quoi correspond-elle et qui touche-t-elle ? Aujourd’hui, deux courants de recherche se dessinent dans la course à l’origine de cette pathologie. Certains y voient une des facettes inéluctables de l’augmentation de l’espérance de vie et donc du vieillissement cérébral. Pour d’autres, comme son nom l’indique, la maladie d’Alzheimer reste avant tout une pathologie et non un phénomène physiologique. Reconnue problème de Santé Publique, la maladie d’Alzheimer a été intégrée au groupe des affections de longue durée, et les soins sont pris en charge entièrement par la sécurité sociale. En effet, l’Etat fait avancer depuis quelques années les recherches sur les traitements, les modalités de prise en charge et sur l’information autour de cette maladie, notamment par la mise en place depuis 2001 de divers « Plans Alzheimer ». Progressivement, l’on voit apparaître au sein de ces derniers des mesures consacrées à l’accompagnement des malades Alzheimer jeunes. Mais qui sont-ils ? Comment le système actuel de santé intègre ce public encore peu connu dans les soins ? Sur le plan épidémiologique, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer chez des adultes de moins de 55ans est en augmentation. Selon les chiffres actuels issus de la Fondation pour la recherche sur Alzheimer, on recense environ 200003 personnes de moins de 65 ans atteintes de la maladie d’Alzheimer en France. Le centre national de référence des malades Alzheimer jeunes, estime en 2011 l’incidence chez les moins de 60 ans à 2000 nouveaux cas de maladie d’Alzheimer, et maladies apparentées, par an. C’est autour de cette thématique que va se consacrer ce mémoire. Dans un premier temps, une réflexion personnelle enrichie d’apports théoriques va être présentée. L’analyse des échanges avec les professionnels constituera la deuxième partie de cet écrit. Enfin, un bilan de la recherche conclura ce mémoire. 1 Insitut National de la Santé et de la Recherche Médicale 2 Fondation recherche Alzheimer. http://fondation-recherche-alzheimer.com/category/comprendre-la-maladie/chiffres/. Consulté le 27/01/2013. 3 Chiffres issu du site web http://fondation-recherche-alzheimer.com/category/comprendre-la-maladie/chiffres/. Consulté le 07/01/2013 1 1. PROBLÉMATIQUE 1.1 L’ORIGINE D’UNE RECHERCHE C’est au cours de ma formation en ergothérapie que j’ai décidé de me pencher plus particulièrement sur cette pathologie encore mystérieuse pour les scientifiques. Cette maladie dite dégénérative m’a amenée à m’interroger sur le rôle de l’ergothérapeute face à ces personnes dont nous savons que la guérison à l’heure actuelle n’est pas possible : comment adapter sa prise en charge ? De quelles manières rester rassurant et stimulant pendant toute la durée de son intervention alors que nous savons que les fonctions des personnes diminuent petit à petit? Pour les thérapeutes, l’intervention auprès de personnes ayant une pathologie dégénérative demande beaucoup d’énergie et de remise en cause. « L'ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l'activité humaine et la santé. L'objectif de l'ergothérapie est de maintenir, de restaurer et de permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Elle prévient, réduit ou supprime les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement. L'ergothérapeute est l'intermédiaire entre les besoins d'adaptation de la personne et les exigences de la vie quotidienne en société. »4 Ainsi, dans le cas d’un suivi d’une personne ayant une pathologie dégénérative, l’ergothérapeute en lien avec le patient se doit de penser au présent, mais également de prévoir l’avenir en adaptant l’environnement de la personne progressivement. Dans ce contexte, notre intervention n’a pas pour but de rééduquer, d’augmenter les performances mais plus d’aménager, de maintenir les capacités restantes. Sur le plan personnel, l’ergothérapeute est « face à ses limites », il ne peut contrer l’évolution de la maladie malgré tout ce qui pourra être mis en place : c’est l’image du professionnel même de santé en tant que « sauveur », « guérisseur » qui est remise en cause. C’est sous cette première facette que la maladie d’Alzheimer m’a interpellée. Par la suite, lors de cours théoriques sur la gériatrie, une intervenante nous a informée sur la maladie d’Alzheimer et sur les adultes jeunes qui pouvaient également en être atteints. Comme beaucoup, j’associais alors la maladie d’Alzheimer à la personne âgée, au vieillissement ainsi qu’aux troubles de la mémoire, à la désorientation temporelle et spatiale. Savoir que des personnes encore professionnellement actives et en pleine force de 4 Définition issu du site web de l’ANFE http://www.anfe.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=47&Itemid=64. Consulté le 07/01/2013 2 l’âge pouvaient être touchées par la maladie Alzheimer m’a interpellée sur mon rôle de future professionnelle. En effet, que savons-nous vraiment des problématiques qui concernent cette population d’adultes jeunes ? Les cas précocement diagnostiqués sont-ils nombreux ? Existe-t-il une spécificité dans l’expression de la maladie ? Comment les malades Alzheimer jeunes sont-ils pris en charge dans le milieu médical aujourd’hui? Comment se positionne l’ergothérapeute dans la prise en charge de ces personnes ? 1.1.1 L’EXPERIENCE DES STAGES Toutes ces interrogations et ces doutes quant aux malades Alzheimer jeunes se sont accrus au cours de l’un de mes stages au sein d’une équipe spécialisée Alzheimer se déplaçant au domicile des personnes. Ces équipes ont été conçues dans le cadre du troisième plan Alzheimer, mesure 6 «Renforcement du soutien à domicile, en favorisant l’intervention de personnels spécialisés ». Pendant ma période de stage, nous avons reçu une demande d’intervention au domicile d’une personne âgée tout juste de 60 ans et pour qui le diagnostic d’une maladie d’Alzheimer venait d’être posé. Cette femme, pédopsychiatre de métier s’est trouvée dans l’incapacité de continuer sa profession au vue de l’aggravation des troubles. Lorsque l’ergothérapeute et moi-même avons reçu cette demande, nous avons été surprises et un peu démunies au regard de l’âge de la personne. De nouvelles questions ont fait surface : Comment pallier l’arrêt de la profession ? Quelles ressources sont à la disposition de l’ergothérapeute ? Existe-t-il des structures adaptées? Comment accompagner l’entourage qui parfois concerne également des enfants, des adolescents ? Quelles réactions adopter, comment se positionner dans la relation thérapeutique alors que la précocité de l’atteinte renvoie des émotions, des craintes au thérapeute ? Ces questions ont été renforcées par une autre expérience, lors d’une réunion de coordination au sein d’un accueil de jour, le suivi d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer dans cet établissement avait du être interrompu. Cette personne âgée de 62 ans, refusait de rester à l’accueil de jour, elle était attristée et tentait de fuguer. L’une des explications données à cette réaction est l’effet miroir, c’est « la réflexion de soi à travers le regard de l’autre(…) il peut être utilisé chez l’autre par le biais de l’observation »5. Ainsi, cette femme se retrouvait face à des personnes plus âgées dans le centre d’accueil et pour certaines à des stades plus avancés dans la pathologie ce qui était probablement 5 Margot Phaneuf, inf. PhD.L’effet miroir médiateur de connaissance et d’image de soi. Conférence prononcée dans le cadre du congrès de philosophie et d’éducation d’Evora, Portugal, février 2005. 3 insupportable. La directrice du centre nous a fait part de son sentiment d’impuissance face à cette situation, et que, malgré tout ce qui avait été mis en place, rien n’avait fonctionné. En tant que future professionnelle, je pense qu’il est intéressant et important de se pencher sur ce type de spécificité d’accompagnement qui peut parfois déstabiliser même les professionnels du milieu médical. La société, y compris le corps médical, paraît trop peu sensibilisée à cette population pouvant être touchée par la maladie d’Alzheimer. Alors que, paradoxalement l’information autour de cette pathologie est de plus en plus médiatisée au sein de la société, la maladie d’Alzheimer souffre toujours d’une image négative que nous allons tenter d’appréhender. 1.1.2 LES REPRESENTATIONS SOCIALES DE LA MALADIE D’ALZHEIMER Tout comme l’évolution de la recherche autour de cette pathologie, la notion de maladie d’Alzheimer a également évolué que ce soit dans les termes employés (démence sénile, démence de type Alzheimer, maladie d’Alzheimer) comme dans les mentalités. La maladie d’Alzheimer est une pathologie autour de laquelle beaucoup de fausses idées, de représentations sociales, la plupart du temps négatives, s’installent. Nous entendons par représentation sociale« une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social ». D. Jodelet (1993)6. Ces représentations, ces croyances influencent le comportement de chacun, il est donc important de les cerner pour mieux les atténuer. Nous allons à présent mettre en avant les représentations sociales de la maladie d’Alzheimer notamment en France, pour le grand public mais aussi pour les professionnels de santé. Pour cela, nous nous sommes notamment appuyés sur un rapport7 faisant un état des lieux de ces représentations et de leurs impacts auprès des personnes Alzheimer précoces. POUR LE GRAND PUBLIC La maladie d’Alzheimer est souvent restreinte par l’opinion publique à une perte de mémoire accompagnant « naturellement » la vieillesse. En effet, les troubles mnésiques, présents aux phases initiales de la pathologie, sont souvent considérés comme un phénomène inévitable du vieillissement physiologique de la personne. Bien souvent, les 6 http://www.psychoweb.fr/articles/psychologie-sociale/128-representations-sociales-definition.html.consulté le 31/12/2012.11h30. 7 O. Douville (2008) 4 autres troubles cognitifs (des difficultés d’organisation, de planification des tâches, d’orientation temporo-spatiale, etc.), associés à la maladie d’Alzheimer sont placés au second plan, bien que leurs impacts sur la vie quotidienne soient non négligeables. Cette fausse idée fait parfois reculer le diagnostic et donc la prise en charge de la personne. Aujourd’hui, quand on parle de la maladie d’Alzheimer, la société, dans sa quasitotalité, y associe les termes de « personne âgée », « grabataire », de « mauvaise vieillesse », « la maladie du vieux », mais également de « folie ». Comme Ngatcha-Ribert a pu le mettre en avant en 2008, « la maladie d’Alzheimer demeure la figure archétypique de la mauvaise vieillesse et une étiquette désignant le naufrage sénile, où se côtoient folie, déraison, aliénation, pertes, déchéance, mort psychique et sociale »8. Au vu de ses représentations sociales, nous pouvons donc imaginer que les personnes jeunes sont difficilement intégrées et considérées par les autres. Selon Fabrice GZIL et Emmanuel HIRSCH (2012. p90), « Le terme est à ce point connoté « vieillesse » que la question des malades jeunes pose problème. Sont –ils des vieux avant l’heure (…) et/ou interrogent-ils, fragilisent-ils nos représentations sociales ? ». Dès lors, les personnes atteintes de la pathologie à cette âge se trouvent, au fur et mesure, privées de leurs droits, de leurs capacités d’expression et de décision. Selon Fabrice GZIL et Emmanuel HIRSCH (2012. p92), « le malade a une conscience affûtée de son affection et, en même temps, se trouve privé de ses conduites adaptatives et intégratives, parce que les professionnels et les proches les lui confisquent et se les approprient en définissant les stratégies qui conviennent. Le malade ne s’appartient plus ! Posons-nous la question de la protection de qui, pour qui. ». Les sociétés occidentales « hypercognitives » ne laissent pas de place aux personnes présentant des incapacités cognitives. Discréditées, elles sont bien souvent reléguées au second plan, perçues comme non-conscientes, et ayant perdues toute intelligence et capacité d’intention. Ce sont des termes forts mis en avant dans un article de presse par Scodellaro C. et Al (Décembre 2008). Ainsi, la perception de l’opinion publique laisse supposer que même dans le milieu médical, les professionnels de santé ont des représentations, des aprioris au regard de la maladie d’Alzheimer qui peuvent influencer leur pratique dans le cas de l’accompagnement d’une personne jeune. Comment ces personnes trouvent-elles leur place dans la société actuelle ? Comment sont-elles perçues et reçues dans le milieu du soin ? 8 Ngatcha-Ribert L. (2008). Evolution récentes de l’image de la maladie d’Alzheimer, Réalité Familiales, p.85-87. 5 POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTE Comme nous avons pu l’avancer ci-dessus, la maladie d’Alzheimer est étiquetée. Pour l’opinion publique, tout comme pour des professionnels du milieu médical : la maladie d’Alzheimer est associée, à défault, uniquement à la personne âgée. Selon le rapport O.Douville, à l’initiative de la Fondation Médéric Alzheimer, (Mars 2006) intitulé « Recherche sur les représentations de la maladie d’Alzheimer auprès des professionnels soignants et aidants », les inquiétudes et images des accompagnants des personnes porteuses de cette pathologie ont été rescencées. Ce rapport se base sur des entretiens d’un échantillon de 40 professionnels pouvant côtoyés des personnes touchées par la maladie d’Alzheimer. D’après cet écrit, cette pathologie fait peur aux soignants, quelque soit leur fonction, catégorie professionnelle. Elle est perçue par 32 des professionnels comme étant « l’expression la plus complète de la perte de soi, la plus radicale, la plus brutale, la plus cruelle. […]. En effet pour beaucoup (17 sujets), cette peur est aussi une peur de subir leur propre vieillissement « comme » le subissent les patients. La maladie d’Alzheimer souvent définie comme une perte quasi-totale de la capacité de se souvenir et de se représenter est elle-même de l’ordre du non représentable. ». Dans le monde médical, ces représentations sont d’autant plus importantes à prendre en compte qu’elles peuvent nuire à la relation soignant-soigné. Comme Scodellaro. C. et Al (Décembre 2008) a pu le mettre en avant dans un article « la honte s’installe : les personnes malades présentent leur maladie comme un sujet tabou, dont elles répugnent à parler même avec des professionnels de santé ». Les représentations sociales portent atteinte de différentes manières à ces personnes, à leur vécu de la pathologie et à son acceptation. Cette image de la maladie est présente dans l’esprit d’une majorité de la population, mais également chez des professionnels du milieu médical. Ainsi, en tant que professionnel, et malgré le fait que cela doit être évité, ces représentations vont inéluctablement influencer notre entrée en relation et notre accompagnement de ce public. Dans le cas de personnes atteintes de la pathologie avant 65 ans, comment la prise en charge peut elle être optimale si même les professionnels du milieu médical ont des difficultés, des réticences à prendre en charge ces personnes ? L’équipe soignante se doit aussi d’être accompagnée et soutenue lors de la prise en soin de personnes atteintes précocement de la maladie d’Alzheimer 6 L’IMPACT DE CES REPRESENTATIONS POUR LES MALADES ALZHEIMER JEUNES Cette pathologie stigmatise les personnes qui en sont porteuses, favorisant une exclusion sociale. Dès lors, la qualité de vie des « Alzheiler jeune » est impactée négativement, « Un malade Alzheimer, pour le grand public, c’est quelqu’un de grabataire, qui ne parle plus, qui ne reconnaît plus son entourage, qui ne connaît plus ni son nom ni son prénom, qui neconnaît plus rien quoi et qui est un légume. C’est pour cela que nous, malades « jeunes », par rapport à cette image, on n’est pas du tout crédible »9, Il est important que ces représentations changent surtout dans le milieu médical, c’est un réel besoin exprimé par ces personnes, « C’est une maladie dégénérative, on le sait. Ce qui est fait est fait mais après on peut se battre pour garder un minimum, pour être dans la société, dans la vie. On ne passe pas forcément de la vie à la mort cérébrale ! » 10 . La précocité de l’atteinte fait que l’opinion publique et le monde médical ont des difficultés à se représenter cette population et à comprendre leurs particularités. Cependant, aujourd’hui avec les témoignages des personnes Alzheimer jeunes et la publication de rapport, la société commencent à laisser la parole et à comprendre ceux qui ont été pendant longtemps « les oubliés de l’Alzheimer » (Fabienne PIEL, 2009, p.12). En effet, la prise en compte de ces représentations et l’évolution de la perception autour de la maladie d’Alzheimer a été incluse dans le troisième axe du plan Alzheimer 2008-2012 « se mobiliser pour un enjeu de société », et il correspond à la mesure 37 visant à améliorer la « connaissance du regard porté sur la maladie ». 1.2 PRÉSENTATION DES CONCEPTS 1.2.1 MALADIE D’ALZHEIMER : ENTRE LA NOTION DE DEMENCE ET LES AVANCEES CONTEMPORAINES HISTORIQUE La maladie d’Alzheimer est une pathologie connue depuis plus d’un siècle, découverte par Alois Alzheimer11 en1906, elle a été le centre d’intérêt des grands chercheurs tels que Nissl, Kraepelin, Alzheimer, etc. Cette pathologie a été diagnostiquée pour la première fois à 9 Témoignage issu d’une brochure de l’Association France Alzheimer, « Ecoutez-nous autrement » : paroles de malades jeunes, Mars 2012, page 12. 10 Issu du journal des adhérents de France Alzheimer, n°98, Février 2012, Edition de l’union nationale des associations Alzheimer et maladies apparentées. Page 14 « zoom sur… l’étude malade jeune ». 11 Alois Alzheimer (1864-1951), médecin psychiatre, neurologue et neuopathologiste allemand, célèbre pour sa découverte sur la maladie d’Alzheimer. 7 partir de l’étude de cas de démences préséniles, et pendant une grande partie du 20ème le terme de « maladie d’Alzheimer » était attribué aux adultes. Progressivement, le terme de démence de type Alzheimer a regroupé sous son appellation un large panel de démences de tpyes séniles. Ce n’est que depuis une trentaine d’années que la société a fait le lien entre la maladie d’Alzheimer et celle que l’on nommait la démence présénile. LA DEMENCE La maladie d’Alzheimer est une des démences les plus fréquentes. La démence est définie selon la CIM 10 chapitre V, F00-03 comme étant « un syndrome dû à une maladie cérébrale, habituellement chronique et progressive, caractérisé par une altération de nombreuses fonctions corticales supérieures, telles que la mémoire, l'idéation, l'orientation, la compréhension, le calcul, la capacité d'apprendre, le langage et le jugement- Le syndrome ne s'accompagne pas d'un obscurcissement de la conscience- Les déficiences des fonctions cognitives s'accompagnent habituellement (et sont parfois précédées) d'une détérioration du contrôle émotionnel, du comportement social ; ou de la motivation- Ce syndrome survient dans la maladie d'Alzheimer, dans les maladies vasculaires cérébrales, et dans d'autres affections qui de manière primaire ou secondaire, affectent le cerveau ». La démence est donc une notion large qui regroupe des pathologies diverses telles que la maladie d’Alzheimer, la démence à corps de Lewy, les démences vasculaires, les démences mixtes, etc. DEFINITION DE LA MALADIE D’ALZHEIMER On parle ainsi de démence de type Alzheimer, cette dernière est définie selon la CIM 10 comme étant « une maladie cérébrale dégénérative primitive d'étiologie inconnue dont la neuropathologie et la neurochimie sont caractéristiques- Elle débute habituellement de façon insidieuse et progresse lentement mais régulièrement en quelques années ». Cette pathologie est également décrite dans le DSM IV (ANNEXE 1). Afin d’éttoffer, nous allons nous référer à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui définie la maladie d’Alzheimer comme étant une maladie neuro-dégénérative caractérisée par « l’altération progressive de la mémoire et de l’idéation suffisamment marquées pour handicaper la vie quotidienne » de la personne. Pour parler de maladie d’Alzheimer, l’atteinte mnésique doit être associée au minimum à un autre trouble cognitif (atteinte du langage, des fonctions exécutives12, l’altération de la pensée abstraite, modification de la personnalité.). L’ensemble de ces troubles, présents depuis au moins six mois, sont suffisamment marqués 12 Exemples de fonctions exécutives : inhibition, flexibilité, attention divisée, planification, organisation… 8 pour impacter le quotidien des personnes et nécessiter la présence d’une aide. En d’autres termes, c’est l’autonomie de la personne qui diminue progressivement. LA MALADIE D ’ALZHEIMER : NEUROANATOMIE ET MECANISMES NEUROLOGIQUES D’une manière générale, au niveau neurologique, la maladie d’Alzheimer se caractérise par une détérioration progressive et durable des neurones dans certaines zones du cerveau. Les neurones sont des composantes principales du cerveau humain. C’est par l’intermédiaire de l’activité de ces cellules cérébrales que le cerveau fonctionne. Cet organe est l’unité centrale, c’est la commande principale chez l’être humain. Chaque lobe cérébral est responsable de fonctions précises (ANNEXE 2). Ainsi, toute atteinte d’un des lobes entraîne des conséquences plus ou moins visibles sur la personne que ce soit sur son comportement, sur le plan moteur, sensitif, cognitif, visuel, etc. La maladie est ainsi responsable de la dégradation des fonctions cognitives, intellectuelles et de la perturbation du comportement de l’individu. Chez la personne souffrant de la maladie d’Alzheimer, les neurones les plus atteints se situent au niveau de l’hippocampe (une des régions essentielles de la mémoire, permet la consolidation, atteinte initialement dans la maladie d’Alzheimer), du cortex temporal, certains noyaux de l’amygdale (ayant un rôle dans la mémoire et l’émotion) et le noyau basal de Meymert (structure du système limbique* ayant un rôle dans la mémoire, l’attention et l’apprentissage). La mort neuronale entraîne également une atrophie des zones touchées et en conséquence une diminution du volume du cerveau. La dégénérescence des neurones est responsable à long terme de la mort de la cellule. Cette mort neuronale est un mécanisme physiologique du vieillissement cérébral. Elle devient pathologique lorsqu’elle est présente en quantité massive dans des zones définies, habituellement saines ou moins atteintes dans le vieillissement physiologique de l’être humain. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, il existe deux mécanismes différents qui conduisent à la mort du neurone. Le premier se traduit par un développement de plaques séniles, dû à un dépôt de la protéine Béta Amyloïde autour du neurone. Ce dernier « étouffe » et prive progressivement le neurone de son activité, ce qui le conduit inéluctablement à sa mort. À l’heure actuelle, les traitements médicamenteux ne peuvent inhiber ce processus. Le second mécanisme s’attaque à l’activité du neurone en elle-même. Un surplus de protéine TAU engendre, par l’intermédiaire de sécrétion de protéines nouvelles et de mécanismes de rétroactiviation, un déficit en acétylcholine (neurotransmetteur). Ce dernier 9 conduit à une hypoactivation du neurone et au long terme à sa mort. C’est sur celui-ci que les thérapies médicamenteuses ont un impact. Les recherches actuelles ont mis en évidence des marqueurs biologiques, tel que le marqueur TAU (par l’analyse du liquide céphalo-rachidien), qui permettent de renforcer la précision du diagnostic de la pathologie du patient de son vivant. Cependant, le diagnostic certain de la maladie d’Alzheimer est post mortem. Seule une analyse du tissu cérébral permet de certifier que les troubles observés étaient en lien avec cette pathologie. ETIOLOGIE DE LA MALADIE D ’ALZHEIMER La maladie d'Alzheimer est une maladie complexe, d’origine multifactorielle, qui résulte de l’interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux, en fonction de l’âge et du sexe de la personne. A l’heure actuelle, les chercheurs ne connaissent pas l’origine du déclenchement de cette pathologie. Cependant, les facteurs de types génétiques seraient prédominants (60% à 80%13 selon le CNR-MAJ), mais leur expression est favorisée par un contexte environnemental plus ou moins délétère. Ce dernier regroupe des facteurs internes (stress, personnalité, mode de vie, de consommation) ou externes (produits chimiques, etc.). Ces derniers peuvent être répartis en trois catégories en fonction de la véracité de leur influence14 : les facteurs de risques définis ; les facteurs de risques probables ; les facteurs de riques possibles. Le tableau présenté en ANNEXE 3 regroupe les facteurs de risques les plus « populaires ». De cette analyse, nous pouvons retenir toute la complexité qui règne autour de cette maladie, rendant la prise en charge de patient tout aussi complexe. Comme Harry Cayton (2004 cité dans Peter J. Whitehouse, 2009, p 83.) a pu l’avancer, « La maladie d’Alzheimer, telle que la science tente de l’appréhender, semble nous glisser entre les doigts. Les interactions complexes entre la neurochimie, la génétique, l’environnement, l’histoire de vie et la personnalité jouent toutes un rôle dans la manière dont les individus font l’expérience de la démence. Aucune approche unique n’expliquera tout. » SEMIOLOGIE DE LA MALADIE D ’ALZHEIMER La maladie d’Alzheimer est une pathologie cérébrale à expression multiple. Nous entendons, en ce sens, que la dégénérescence neuronale atteint différentes fonctions cérébrales de laquelle résulte des troubles spécifiques. 13 Chiffres issue sur centre national de référence pour les malades Alzheimer de Lille. http://www.centre-alzheimerjeunes.com/alzheimer.php?id=1. Consulté le 02/02/2013. 14 « Du vieillissement cérébral à la maladie d’Alzheimer. Autour de la notion de plasticité. » deSchenk ; Leuba ; Büla. Edition de boeck 2004. 10 A présent, l’ensemble de ces troubles vont être énoncés. Tous ne sont pas systématiquement présents chez les personnes, et leur apparition est éparse dans le développement de la pathologie. La maladie d’Alzheimer étant dégénérative, les troubles initialement présents vont s’intensifier et se diversifier au cours de l’évolution de la maladie. Les troubles de la mémoire sont généralement les premiers repérés. Il n’existe en réalité pas une mémoire mais plusieurs mémoires ayant chacune une spécificité. La première touchée est nommée mémoire épisodique, elle concerne les faits personnels, le vécu de la personne et est en lien avec le contexte spatio-temporel.Par la suite, ce sont les faits anciens qui sont omis, ceci traduisant la dégradation des autres mémoires (sémantique* ; procédurale* ; autobiographique*). A long terme, les fonctions mnésiques sont atteintes massivement. Celle qui est souvent nommée mémoire de travail, résulte d’un processus attentionnel. C’est un phénomène actif, rapidement atteint lors du développement de la pathologie, et qui permet d’établir un lien entre les informations stockées et l’environnement. Les troubles de l’orientation temporo-spatial évoluent parallèlement à l’avancée de la pathologie. Souvent considérée comme un trouble à part entière, la désorientation temporospatiale est une des conséquences de la dégradation de la mémoire. Les personnes ne savent plus se repérer dans le temps (quel jour ? quel mois ? quelle année ?), parfois elles peuvent être comme figées dans une période antérieure de leur vie. Au niveau spatial, c’est le même raisonnement, les personnes ont des difficultés à se repérer, voire dans des stades avancés, ne savent plus où elles sont. Les troubles des fonctions exécutives sont également présents. Les fonctions exécutives regroupent les capacités de planification, de flexibilité mentale, de maintien de l’attention, d’inhibition, de raisonnement. Concrètement ces fonctions permettent à l’être humain de s’adapter face à des situations nouvelles ou complexes. L’atteinte des fonctions exécutives peut amener les personnes à une incapacité à réaliser certaines tâches, bien qu’elles en soient physiquement aptes, c’est leur raisonnement qui est altéré. Le maintien de l’attention sur des activités devient alors difficile la personne est distractible. Sur le plan comportemental, la personne peut être désinhibée, c'est-à-dire avoir un comportement inadapté, rendant le quotidien et le maintien des relations sociales compliqué pour elle et son entourage. Des troubles du langage sont possibles. La personne peut développer une aphasie progressive qui impacte en premier lieula production du langage puis sa compréhension. Autrement dit, tout d’abord la personne comprend mais n’arrive plus à retrouver au niveau cérébral le mot correspondant, elle aura ainsi des difficultés à trouver ses mots, à s’exprimer (souvent les mots sont remplacés par des « mots valises », passe partout. Puis dans un 11 second temps, la personne ne comprend plus ce qu’on lui dit, elle n’associe plus les mots à leur signification. L’aphasie peut mener la personne à un mutisme progressif. Les troubles praxiques sont définis comme étant une incapacité à effectuer un geste alors que les fonctions sensorielles et motrices sont intactes. Ils ont un impact important sur la perte d’autonomie de la personne. Il existe différents types d’apraxie telles que l’apraxie reflexive*, visuoconstructrice*, idéomotrice*, de l’habillage*. Les troubles gnosiques sont une difficulté, voire une incapacité de la personne à reconnaître, identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes. Il existe différents types d’agnosies (visuelle, spatiale, tactiles, auditives, etc.). Sur le long terme, la personne peut ne plus reconnaître ses proches, c’est ce que l’on nomme la prosopagnosie. Les troubles comportementaux peuvent également apparaître au cours de l’évolution de la pathologie. Ils se traduisent différemment en fonction de chaque individu et de l’évolution de la pathologie. Les troubles du comportement peuvent être en lien avec une forme d’apathie, la personne ne prend plus d’initiatives, se replie sur elle-même, le plaisir et l’émotion semblent être absents. Parfois, les personnes ont des phases délirantes avec des hallucinations, des idées délirantes à titre de persécution, préjudice, jalousie, etc. La personne peut présenter un état d’agitation verbale ou motrice. Cela se caractérise par une incapacité de la personne à rester en place. De plus, les besoins primaires tels que l’alimentation, le sommeil, le sexe peuvent progressivement être mis de côté. Le cycle circadien de veille/sommeil peut être bouleversé, la personne présente alors des troubles du sommeil, elle se retrouve à dormir le jour et à déambuler la nuit. A un stade avancé de la maladie, des troubles neurologiques peuvent apparaître. Ils se traduisent par des troubles de la marche, une rétropulsion* de la personne, favorisant les risques de chutes. L’EVOLUTION DE LA MALADIE D’ALZHEIMER L’évolution de la maladie d’Alzheimer est interprétée et analysée de plusieurs façons dans certains ouvrages. Cependant même si le nombre et les noms des stades ne sont pas similaires, l’évolution globale de la pathologie est commune à tous.Selon l’ouvrage d’OLLIVET C ; HERVYM.P. ; MOULIAS R. « Alzheimer et maladies apparentées : traiter, soigner et accompagner au quotidien », la maladie d’Alzheimer évolue en deux phases. La limite entre les phases est dépendante du niveau d’autonomie de la personne. La première nommée phase pré-démentielle se compose de deux stades. Le stade préclinique caractérisé par l’apparition de plaintes de mémoire importantes auxquelles s’associent un léger déclin cognitif non décelable lors de tests neuropsychologiques. Par la 12 suite, les troubles cognitifs augmentent mais sans engendrer de retentissement significatif sur l’autonomie de la personne dans son quotidien. Vient ensuite la phase démentielle, durant laquelle, les perturbations cognitives et comportementales sont considérées comme pathologiques et impactent significativement la participation de la personne dans ses activités de vie quotidienne. L’ensemble de ces perturbations ont été décrites dans le paragraphe ci-dessus. THERAPIES ACTUELLES POUR MALADIE D ’ALZHEIMER Actuellement, la recherche n’a pas encore pu mettre en place un traitement médicamenteux curatif contre la maladie d’Alzheimer. Les thérapies médicamenteuses ont dans un premier temps, été le centre des recherches, mais petit à petit l’intérêt s’est porté sur les thérapies dites non-médicamenteuses. Les traitements médicamenteux, présents aujourd’hui sur le marché, agissent sur l’aspect symptomatique de la pathologie. Il existe deux grandes catégories de médicaments aujourd’hui. Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, comprenant le Donépézil 15 , la Rivastigmine, la Galantamine. Ils permettent de ralentir le déclin cognitif voir même d’améliorer certains troubles comportementaux tel que l’apathie et les phénomènes hallucinatoires. La Mémantine quant à elle, renforce l’action des inhibiteurs à acétylcholine, elle est préconisée dans les stades modérés à avancés de la pathologie. Concernant les prises en charge non-pharmacologiques, ces dernières ont pour objectifs de stimuler et donc de favoriser le maintien des capacités restantes de la personne. Un bon nombre de thérapies diverses ont été crées ces dernières années, mais leur efficacité n’a pas pu être prouvée par manque d’études. Il existe des thérapies non médicamenteuses d’approches cognitives, psychosociales, sensorielles (l’art-thérapie ; la luminothérapie ; le concept snoezelen (basé sur une stimulation sensorielle et multisensorielle) ; l’aromathérapie ; stimulation comportementale, etc. CONCLUSION AUTOUR DU CONCEPT DE LA MALADIE D’ALZHEIMER Pour conclure, la maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative connue depuis plus d’un siècle, mais dont les causes et les traitements ne sont pas encore clairement définies et établies. L’ensemble de ces troubles sont très anxiogènes et peuvent favoriser les troubles du comportement quand ils ne sont pas bien compris ou gérés. Chez les personnes qui en sont porteuses, la dégradation progressive des fonctions cognitives impute progressivement leur autonomie* et leur indépendance*. Cette personne devient alors progressivement 15 Molécules médicamenteuses présentent sur le marché pharmacologique 13 dépendante d’une aide extérieure dans la gestion de son quotidien et pouvant l’amener à un état de grabatisation au long terme. Cependant, il est nécessaire de maintenir la place de la personne au centre de la prise en charge. Bien que ce soit compliqué, il faut continuer à stimuler la personne et à la laisser maître de ses actions, de ses envies. Un point important est à mettre en avant : il n’existe pas une maladie d’Alzheimer à expression unique. Lorsque l’on parle de maladie d’Alzheimer, il existe en réalité de multiples expressions de la pathologie. C’est ce qui va nous amener à présent à nous intéresser à l’expression de la pathologie chez les personnes de 55 à 65 ans. 1.2.2 MALADIE D’ALZHEIMER ET LE SUJET AGE DE 55 A 65 ANS Cette idée de multiples expressions de la pathologie a été abordée au cours d’un entretien avec une neuropsychologue. En effet, cette rencontre m’a permis de mieux cibler la population concernée par ma recherche. Chez les personnes atteintes précocement par la maladie d’Alzheimer, les adultes de moins de 50 ans environ, ne sont pas pris en charge par le réseau actuel de la gériatrie. Ces personnes sont généralement suivies par des services de neurologie spécialisés. Les cas étant très rares, cela aurait été compliqué de rencontrer des professionnels spécialisés. Ce mémoire s’intéressera aux personnes âgées de 55 à 65 ans porteuses d’une maladie d’Alzheimer. Pour cette population donnée, la recherche actuelle tend à mettre en évidence une spécificité dans l’expression clinique de la pathologie (imagerie cérébrale ; symptomatologie). La maladie d’Alzheimer serait alors dite « de type focale ». Ce terme n’est pas encore référencé cependant il est abordé dans les articles récents sur la recherche de la maladie. D’après des études récentes16 sur des cerveaux malades post mortem, ces syndromes sont bien en lien avec la maladie d’Alzheimer. LES SPECIFICITES DE LA MALADIE D ’ALZHEIMER A FORME FOCALE D’après les dernières recherches, l’évolution et les atteintes initiales de la pathologie chez les 55-65ans seraient différentes de la maladie d’Alzheimer communément entendue chez la personne âgée. 16 « Focal cortical presentations of Alzheimer’sdisease”, the Author (2007) S.Alladi, J.Xuereb, P. Nestor, J.knibb, K. Patterson and J.R. Hodges Research criteria for the diagnosis of Alzheimer’s disease : revising the NINCDS-ADRDA criteria ; B. Dubois, Howard H Feldman Vol 6 Août 2007 14 Les mécanismes neurologiques ne sont pas différents de ceux présentés dans la maladie d’Alzheimer du sujet âgé. Cependant, la maladie d’Alzheimer à forme focale présente des lésions neurologiques ciblées sur des zones cérébrales spécifiques, auxquelles s’associent une atrophie cérébrale ou un hypométabolisme isolé. Les zones d’atteintes étant différentes, il en va de même pour l’expression clinique de la pathologie. Concernant l’étiologie de la maladie chez ce public jeune, il n’y aurait pas de différence avec la maladie déclarée chez la personne âgée. Sémiologie Nous allons à présent présenter un à un les trois syndromes focaux présents chez des personnes âgées de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer. L’atrophie Corticale Postérieure (ACP) Egalement nommée atrophie corticale occipito-pariétale, ce syndrome se traduit sur le plan clinique de deux manières. La forme ventrale ou l’atteinte du « quoi », s’exprime par une dégénérescence neuronale ciblée sur la zone occipito-temporale qui a un rôle notamment dans l’association d’image visuel, la lecture, l’écriture, etc. Les troubles qui en découlent sont regroupés dans un syndrome appelé le syndrome de Benson. Ce dernier regroupe des troubles cognitifs précis tel qu’une agnosie associative*, une agraphie*, une alexie*, simultagnosie (incapacité d’appréhender le sens d’une scène complexe globale, alors que les différents éléments isolés qui la constituent sont bien reconnus), une désorientation spatiale, une anomie des doigts*, une acalculie*, des formes d’apraxies* (idéomotrice et de l’habillage). Une personne ayant cette forme d’ACP va présenter des difficultés dans l’élaboration de ces gestes, dans l’exécution de certaines activités courantes telles que l’écriture et la lecture. L’autonomie de la personne va rapidement diminuer bien qu’elle ait conscience de ses troubles. Une seconde forme clinique dite corticale, l’atteinte du « où », est localisée au niveau de la région occipito-pariétale qui a pour fonction proncipale les praxies* et les gnosies*. Cette forme est caractérisée par la présence du syndrome de Balint, regroupant des troubles majoritairement d’ordre visuo-spatiaux tels que l’ataxie optique*, la paralysie psychique du regard et le déficit de l'attention spatiale. Concrètement, ce syndrome s’apparente chez une personne à une perte des capacités visuelles, comme si la personne devenait malvoyante. Alors que ces capacités visuelles sont intactes. Ces troubles sont anxiogènes car la personne a des difficultés à appréhender, analyser et comprendre son environnement. 15 L’Aphasie Primaire Progressive logopénique (APP) Ce syndrome est caractérisé par une atteinte de la zone pariéto-temporale ayant pour fonction principale le langage. Sur le plan clinique l’altération de cette zone du cerveau engendre des troubles du langage et parfois de certaines fonctions exécutives. En effet, cette forme focale de la maladie d’Alzheimer crée un manque de mot isolé mais fréquent chez la personne, le discours reste pendant un temps fluide grâce à des compensations mais la communication verbale devient progressivement difficile. De plus, les personnes ont des troubles de la planification qui apparaissent progressivement. Concrètement cela se traduit par un ralentissement de la personne dans le faire, des problèmes de compréhension syntaxique, et une disgression progressive (c'est-à-dire que la personne a des difficultés à organiser sa pensée.). Le Syndrome Amnésique ou Syndrome Hippocampique Comme son nom l’indique, les atteintes neurologiques sont situées au niveau de l’hippocampe. L’hippocampe est une structure cérébrale jouant un rôle dans le système limbique. Elle a un rôle dans l’acquisition des connaissances, la concentration. L’hippocampe a une fonction importante dans le contrôle de l’humeur ainsi que dans la mémorisation (acquisition d’informations nouvelles). L’atteinte de l’hippocampe laisse donc penser que les troubles principaux seront d’ordre mnésique. Chez une personne porteuse de ce syndrome, les informations perçues sont difficilement intégrées dans la mémoire* et un bon nombre d’informations vont ainsi être oubliées. D’une manière récurrente, la personne va présenter des difficultés d’accès aux informations cela peut se traduire par le manque du mot qui va altérer le langage de la personne et donc sa capacité à communiquer. Un phénomène d’intrusion peut être présent, la personne va alors enregistrer de mauvaises informations. Ce syndrome est en lien avec une atteinte de la mémoire antérograde qui est un processus d’acquisition d’informations récentes. Concrètement, ce processus fait appel à des mécanismes spécifiques tels que l’encodage*, la consolidation* et le stockage* (ces mécanismes font partie du mécanisme de la mémoire) (cf ANNEXE 4), et qui permettent à la personne d’intégrer les informations rencontrées au quotidien. 16 Evolution de la pathologie La maladie d’Alzheimer à forme focale évolue également en deux temps. La perte d’autonomie qui sert de repère pour déterminer l’évolution de la pathologie, varie en fonction du syndrome focal (maintien de l’autonomie plus important pour une forme APP qu’une forme atrophie corticale postérieure). La première phase aurait une durée moyenne de deux ans. Au cours de celle-ci, les zones de dégénérescence neuronale restent confinées à certains endroits du cortex. Les troubles alors perçus sont caractéristiques des syndromes décrits lors de la sémiologie de la maladie.Durant cette phase, les personnes restent assez autonomes, sauf pour les formes d’ACP dont la perte d’autonomie va être plus importante car elle s’apparente à une malvoyance progressive. La seconde phase qui pourrait s’apparenter à la phase démentielle, se déclenche lors de la diffusion progressive des troubles de la dégénérescence neuronale. Dès lors, les troubles deviennent beaucoup plus importants et touchent toutes les zones du cerveau indistinctement. La perte des capacités et de l’autonomie de la personne sont rapides. Pour conclure, la forme focale de la maladie d’Alzheimer présente chez les 55-65 ans montre des spécificités sur le plan clinique et sur l’évolution de la maladie. Cette dernière est plus rapide, cependant dans la première phase les personnes, bien qu’ayant certaines capacités atteintes, ont encore des facultés cognitives exploitables pour favoriser l’adaptation de la personne à son environnement. Il faut que la prise en charge soit la plus efficace et la plus rapide possible afin de mettre en place au plus tôt des éléments de réadaptation. Les personnes ont des troubles cognitifs ciblés dont elles ont conscience. L’aspect psychologique des personnes et de leur famille est essentiel à prendre en compte pour un accompagnement optimal. Souvent, les personnes porteuses de cette pathologie souhaitent être actrices de leur prise en charge, et leur motivation est essentielle. 1.2.3 PRISE EN CHARGE ACTUELLE DE LA MALADIE D’ALZHEIMER Au cours d’un échange avec une neuropsychologue travaillant en équipe pluridisciplinaire, le rôle de l’ergothérapeute auprès des adultes de 55-65 ans porteur de la maladie d’Alzheimer a été abordé. N’ayant à ce moment là pas été confrontée à une prise en charge réelle d’une personne Alzheimer jeune, je me questionnais sur la place de l’ergothérapeute et son rôle auprès d’elle. L’ergothérapeute a-t-il les compétences spécifiques, nécessaires au regard de cette pathologie et de la précocité de l’atteinte des personnes? Les types de prises en charge actuelles en ergothérapie de la maladie d’Alzheimer sont-ils en lien avec les problématiques des personnes Alzheimer jeunes ? 17 Avec tout ce qui a pu être mis en avant jusqu'à présent, nous pouvons imaginer l’importance de la présence et de l’action de l’entourage au quotidien. L’entourage tout comme le patient doit être accompagné par des professionnels de santé formés, afin de les aider à comprendre et à gérer ce quotidien nouveau. Afin de mieux concevoir la prise en charge de ces personnes, nous allons commencer par comprendre les grandes lignes de la prise en charge globale de la personne porteuse de la maladie d’Alzheimer. LES GRANDS AXES DE LA PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE La prise en charge de la personne porteuse de la maladie d’Alzheimer est faite par une équipe pluridisciplinaire, au sein de laquelle chaque professionnel exerce avec sa spécificité et dont le médecin généraliste est défini comme coordinateur principal. Selon l’HAS, la prise en charge globale suit donc des axes variés, contribuant à prendre en compte l’ensemble des troubles et à assurer l’accompagnement le plus optimal possible. Ces derniers comportent un volet « médicamenteux », pour lequel des professionnels clairement définis (neurologue, psychiatre, gériatre) sont habilités à prescrire des traitements médicamenteux, et à en assurer le suivi avec le médecin traitant. Une intervention non médicamenteuse est également préconisée. C’est au sein de celleci que l’ergothérapeute a son action la plus importante. Ce volet de la prise en charge est assuré par des professionnels paramédicaux qui interviennent sur prescription médicale soit au domicile de la personne, soit au sein d’institution. Afin d’assurer cette intervention, différents types de prise en charge sont abordés. Une prise en charge psychologique et psychiatrique est proposée, notamment par le biais du psychologue ou du psychiatre. Celle-ci s’axe notamment sur la gestion des troubles de l’humeur, du comportement (dépression, agressivité, douleur, angoisse, …). Le traitement des troubles du comportement perturbateur comporte un volet de recommandations à eux seuls. Une prise en charge rééducative composée de différents axes d’interventions est également assurée : - une intervention sur le langage par le biais d’une orthophoniste ; - une intervention sur les capacités cognitives portant sur une actioncognitivo-psychosociale écologique en lien avec les situations de vie quotidiennes de la personne. Ce type de prise en charge peut être proposé aux différents stades de la pathologie. Les professionnels y participant sont des ergothérapeutes, psychologues, psychomotriciens, orthophonistes ainsi que des aidants au domicile qui permettent d’effectuer le relais. La revalidation 18 cognitive est une méthode de rééducation neuropsychologique qui cherche à compenser le déclin des fonctions cognitives, en lien avec l’évolution de la maladie. - Une intervention sur l’activité physique favorisant les stimulations motrices afin de prévenir le risque de chutes, entretenir les fonctions motrices et les aptitudes fonctionnelles, stimuler certaines fonctions cognitives Une prise en charge portant sur la qualité de vie est également présente. Elle est conditionnée par un confort physique et psychique, et un environnement adapté, pour lequel l’ensemble des professionnels peuvent intervenir en fonction de leurs compétences. Enfin l’HAS établi avec importance l’intervention auprès des aidants familiaux et professionnels, leur formation sur la pathologie et la prise en charge est essentielle. En tant qu’aidants principaux, ils sont amenés à vivre au quotidien avec les malades Alzheimer. Cependant parfois, les réactions de cet autre qu’il connaissait si bien sont incomprises et donc mal acceptées. Tout ceci favorise l’épuisement la culpabilité et l’isolement de l’aidant. Ainsi, la personne atteinte de la pathologie et son entourage sont suivis par une équipe pluridisciplinaire qui se doit d’informer, de soutenir, de mettre en place le réseau et les moyens nécessaires pour rendre le quotidien plus agréable et limiter le déclin de l’autonomie de la personne. La maladie d’Alzheimer est une pathologie dégénérative. Le maintien au domicile ne peut durer qu’un temps. Dès lors, la question de l’institutionnalisation doit être abordée et préparée avec la personne et son entourage afin d’éviter les situations d’urgence souvent traumatisantes. Au sein de cette équipe pluridisciplinaire, l’ergothérapeute est un professionnel à part entière qui se doit de respecter les recommandations officielles. Nous allons à présent aborder dans les grandes lignes et en lien avec ce mémoire, cette profession qu’est l’ergothérapie. L’ERGOTHERAPIE L’ergothérapie est une profession récente, née au début du 20ème siècle en Amérique du Nord, suite à l’utilisation de l’activité comme moyen thérapeutique, par des psychiatres. Cette profession arrive en France dans les années 50. Aujourd’hui l’ergothérapie connaît un réel essor en lien avec les avancées médicales et la découverte de nouvelles pathologies, mais aussi par l’augmentation de l’espérance de vie et donc de la part importante de personnes âgées dans notre société. Le terme ergothérapie vient du grec ergon qui signifie action/travail et de therapeuien qui signifie soigner/soigneur. L’ergothérapie est donc une technique de rééducation basée sur le travail et plus globalement sur l’activité. En effet, « L’ergothérapie, en tant que pratique basée sur le développement de la performance dans les activités, est une réponse 19 essentielle aux problèmes de la personne âgée et de son entourage. Par une démarche préventive et réhabilitative, elle permet d’éviter les désadaptations et d’améliorer la qualité de vie sur les lieux d’habitation des personnes (institution ou domicile) et accompagner l’entourage (professionnel ou familial) à travers une action éducative. »17. Cette profession fait partie du secteur du paramédical et les actes en ergothérapie sont soumis à une prescription médicale. L’ergothérapeute a une place importante dans la prise en charge pluridisciplinaire de la personne âgée. La maladie d’Alzheimer étant reconnue comme l’une des pathologies les plus fréquentes chez le sujet âgé, nous allons à présent appréhender les prises en charges possibles en ergothérapie pour ce public. PRISE EN CHARGE ERGOTHERAPIQUE DE LA PERSONNE PORTEUSE DE LA MALADIE D ’ALZHEIMER Il n’existe pas de plan type de prise en charge de cette pathologie, comme nous pouvons parfois le trouver en rééducation pour d’autres maladies. Comme dans tout début de prise en charge, l’ergothérapeute procède à une phase d’évaluation, par le biais de bilans normés, d’observation, d’entretiens au cours desquels le thérapeute apprend à connaître la personne, son histoire, ses habitudes de vie, ses envies, etc. Bien souvent, l’entourage est également sollicité afin d’obtenir des informations supplémentaires, c’est un partenaire privilégié dans la prise en charge. Par la suite deux modes de prise en charge sont possibles, soit en individuel, soit en groupe. Dans le cas d’une prise en charge individuelle, l’ergothérapeute axe ses actions autour de problématiques spécifiques au besoin de la personne, en lien avec ses habitudes de vie et de ses capacités restantes. Par exemple, si la personne déclare des troubles de l’orientation temporo-spatiale. L’ergothérapeute peut intervenir en aménageant l’environnement de la personne, en la mettant en action lors d’une mise en situation tel que l’apprentissage de trajet. D’autres objectifs sont également visés comme la stimulation des fonctions cognitives, des fonctions motrices et le maintien de l’autonomie. L’ergothérapeute a, à sa disposition pour répondre à ses objectifs, un ensemble de moyens qu’il se doit d’adapter en fonction des goûts, des habitudes de vie et des capacités de la personne. Il est important pour l’ergothérapeute de trouver des activités significatives pour la personne afin de favoriser son adhésion à la prise en charge. 17 Extrait de « Ergothérapie en gériatrie : approches cliniques ».par Eric Trouvé. Edition Solal 2009. 20 L’accompagnement relationnel est aussi un but de l’ergothérapeute. En effet, l’on remarque souvent un isolement social progressif autour du couple aidant-aidé. Le thérapeute doit alors favoriser le maintien des contacts sociaux, il se doit aussi de favoriser les temps d’écoute et d’échange avec la personne et son entourage. Dans le cas de prises en charge de groupe, l’ergothérapeute rassemble des personnes en fonction d’objectifs communs à travailler. Ces types de prises en charge notamment pratiquées au sein d’institutions (EHPAD, accueil de jour, PASA, etc.), favorisent le lien social des personnes. Des ateliers tels que les ateliers mémoire, créatifs, chants, cuisine, etc., sont souvent mis en place. D’une manière générale, l’ergothérapeute ne peut se baser uniquement sur des objectifs généraux prédéfinis. C’est en lien avec la personne et sa famille que des objectifs plus personnalisés sont décidés. Notre travail auprès de personnes porteuses de la maladie d’Alzheimer demande de la patience, de l’écoute, de la créativité pour réussir à entrer et à maintenir une relation avec le patient, qui parfois devient compliquée. L’ergothérapeute a un rôle important dans le maintien de l’autonomie des personnes, que se soit en sécurisant l’environnement ou en stimulant les fonctions restantes. De plus, l’ergothérapeute, en lien avec la famille, et les autres professionnels de santé, apportent le soutien et l’aide nécessaire à l’entourage (conseils en aides techniques et humaines, information autour des réseaux disponibles ; orientation vers des professionnels pour les aides financières, etc.). Ce professionnel de santé intervient au sein d’une équipe pluridisciplinaire, que ce soit au domicile de la personne (Equipe Spécialisé Alzheimer), dans des structures d’accueil (hôpitaux de jour, accueils de jour.), ou dans des structures d’hébergements temporaires ou définitifs (EHAPD, Unité de Soins de Longue Durée, Foyer d’hébergement.). Mais qu’en est-il de l’accompagnement médico-social des malades Alzheimer jeunes ? Quel est leur statut, leur reconnaissance au niveau juridique, professionnel ? Existe-t-il des recommandations nationales quant à leur prise en charge ? PRISE EN CHARGE DE LA PERSONNE ATTEINTE DE LA PATHOLOGIE ENTRE 55 ET 65 ANS. Problématique de la prise en charge des adultes jeunes Tout d’abord, les personnes précocement atteintes de cette pathologie se trouvent à l’heure actuelle suivies dans différents secteurs. Certaines d’entre elles sont prises en charge en psycho-gériatrie, d’autres dépendent de services de gériatrie (dans les institutions, des accueils de jour, des équipes spécialisées, etc.) ou encore de la neurologie (des centres 21 mémoire, dont certains sont spécialisés dans l’accompagnement des personnes atteintes de démences rares). Que signifient ces différences d’accompagnement ? Les réseaux médico-sociaux et les acteurs spécialisés pour le suivi de personnes porteuses de la maladie d’Alzheimer commencent à émerger. Le problème réside dans la complexité d’entrer dans ces réseaux pour les personnes jeunes notamment de moins de 60ans. Légalement, on considère l’adulte devenu âgé à partir de 65 ans et la limite des 60 ans est souvent définie pour bénéficier de prestations (Prestation de Compensation du Handicap, pension d’invalidité, Allocation Adulte Handicapé, ..) ou pour entrer en établissement de soins pour personnes âgées. Les admissions sont possibles mais nécessitent une dérogation et donc des démarches administratives longues. Bien qu’il existe actuellement des structures et des équipes formées pour l’accompagnement de personnes Alzheimer, la précocité de l’atteinte tend à montrer une certaine faille dans le système actuel. Selon un rapport de la Fondation Médéric Alzheimer publié en 2011 et ayant pour thématique l’observation « des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer », ce dernier souligne le fait qu’une majorité des structures existantes, estiment, non adapté l’accueil des personnes Alzheimer jeunes dans leurs locaux. Les figures 1 et 2 (ANNEXE 5), mettent en avant les pourcentages des établissements s’estimant non adapté pour l’accueil des personnes jeunes (Figure 1). Ce sentiment d’incapacité est présent pour différentes raisons (locaux inadaptés ; équipe non formée ; soins trop important ; etc.) qui vont être exposé dans la figure 2. Dans cette partie du rapport dirigé par Laëtitia Ngatcha-Ribert, laissant la parole aux établissements (p.10) « on n’aborde pas quelqu’un de moins de 60 ans comme quelqu’un de 80 ans. La singularité de l’individu reste essentielle avant tout au regard de sa pathologie ». De plus, l’absence d’écrit de référence tel que des recommandations de la Haute Autorité de Santé, met en avant un flou concernant la prise en charge de ces personnes. Cette incertitude est-elle due à une absence de réflexion sur ce sujet ? Les démarches de soins élaborées en interne au sein des structures, équipes sont-elles efficientes ? Les problématiques mises en avant ci-dessus ne sont abordées dans les écrits officiels, ce qui laisse planer ce flou autour de l’accompagnement des personnes jeunes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cependant, l’on voit émerger depuis peu divers rapports, enquêtes à l’initiative de l’Etat ou de certaines associations importantes (Fondation Médéric Alzheimer, France Alzheimer, etc.) qui se penchent sur le sujet. 22 Spécificités de la prise en charge L’accompagnement de ces adultes change le contexte habituel de prise en charge de la maladie d’Alzheimer, des particularités sont présentes et vont influencer les modalités de la prise en charge (médicale, sociale, économique). Les difficultés sont ainsi d’ordres familiales, sociales, professionnelles, financières, juridiques auxquelles s’ajoute un impact psychologique d’autant plus important. L’ensemble de ces difficultés va être explicité cidessous. Sur le plan professionnel, l’arrêt de l’activité professionnelle peut favoriser l’apparition d’un sentiment d’inutilité chez la personne et donc augmenter la souffrance psychologique. En effet, la perte de l’activité entraîne la perte d’une identité professionnelle, d’un rôle social et donc une baisse de l’estime de soi. Il faut essayer de favoriser le maintien dans l’activité professionnelle en adaptant le poste, en parlant de la pathologie au sein de l’entreprise et surtout aux professionnels de la médecine du travail. L’arrêt de la profession pose aussi un problème financier. Des aides sont possibles pour les personnes jeunes en fonction de l’âge. La question des finances est aussi un point qui doit être pris en compte. Selon leur âge, certaines personnes géraient les papiers, l’argent des courses…). Cependant, quand cette activité devient compliquée l’ergothérapeute peut apporter du soutien à la famille ou trouver des compensations. Sur le plan familial, par rapport à la personne âgée, la pathologie déclarée chez la personne jeune modifie les rôles et les codes familiaux habituels. Parfois le conjoint perd progressivement sa place d’époux/épouse pour prendre celle du soignant. Ce dernier se doit de gérer son activité professionnelle en plus de son rôle familial. Les enfants peuvent se retrouver à devoir gérer des situations anormales pour leur âge et parfois ont le rôle d’aidant principal. Un problème se pose aussi pour les parents des personnes, pour qui l’apparition de cette pathologie est un choc, dû notamment à un saut de génération. Sur le plan social, les personnes et leur entourage peuvent se renfermer sur ellesmêmes. Il est important d’entretenir les relations sociales pour limiter l’isolement et favoriser l’intervention des soignants au domicile des personnes. En effet au regard de l’âge des personnes l’intervention d’équipe soignante n’est pas toujours bien perçue par la personne et son entourage. La question de la conduite doit aussi être abordée. En somme, les devoirs et les responsabilités de l’adulte peuvent être remis en cause par l’apparition de la pathologie. Il faut maintenir un rôle actif de la personne, ne pas lui enlever ses activités mais réaménager son environnement pour le laisser agir en sécurité dans la mesure du possible. Enfin sur le plan juridique, la protection de la personne ainsi que ces droits doivent être discutés avec la personne et son entourage proche. La pathologie étant dégénérative, la 23 question du patrimoine, le choix d’une personne de confiance, les directives anticipées sont des éléments qui peuvent être abordés avec la personne tant qu’elle en a les capacités. Les problématiques mises en avant ci-dessus vont être appréhendées différemment en fonction de l’environnement de la personne, de sa personnalité et de son entourage. L’impact psychologique d’un tel diagnostic est majoré à cet âge pour la personne mais aussi pour le conjoint et les enfants. Il est donc essentiel de le prendre en compte dans l’accompagnement et ce d’autant plus que l’apparition de cette pathologie à cet âge est difficilement entendable puisque souvent associée au vieillissement. Un autre élément est important à mettre en avant : l’activité. Pour toute personne, la perte de la capacité à faire les choses, à être en activité est difficilement supportable. L’homme crée son rôle, sa situation au travers de l’activité qu’elle soit professionnelle, familiale, sociale, etc. Pour ces personnes le maintien de la participation à l’activité quelle qu’elle soit est essentiel, « On veut tellement se battre qu’on cherche le moindre petit truc qui peut nous servir ! Et faire des travaux manuels, et bien ça nous motive, on est content d’avoir fait ça, c’est beau ! Parce que moi, pendant que j’en suis encore capable, je veux en faire profiter tous les gens que j’aime, qu’ils aient au moins quelque chose de moi que j’ai fait de mes propres mains ! Parce que ça, j’y tiens ! Et c’est gratifiant ! » (Brochure Paroles de malades « jeunes » : Ecoutez-nous autrement, p16) N’y-a-t-il pas de professionnel plus spécialiste de l’activité que l’ergothérapeute ? Généralités sur la prise en charge en ergothérapie pour une personne de 55-65 ans porteuse de la maladie d’Alzheimer L’ergothérapeute est un professionnel de santé qui axe son action par le biais de l’activité, sur l’autonomie de la personne afin de lui permettre dans son quotidien de faire seule au maximum comme à son habitude. L’un des principes de cette prise en charge en ergothérapie est le respect des habitudes de vie de la personne, de son environnement. Posant un regard global sur la personne, l’ergothérapeute intervient dans tous les domaines qui gravitent autour d’elle (professionnel ; sociale ; familiale, etc.). Dans le cas du suivi de ces personnesde 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, l’objectif de l’ergothérapeute n’est pas le gain ni la performance des capacités cognitives de la personne puisque la pathologie est dégénérative. L’ergothérapeute peut intervenir lors de la première phase de la pathologie en mettant en place des aides (aménagement de l’environnement ; aides techniques ; stimulations des capacités restantes, etc.) qui lui permettront de maintenir au mieux son autonomie au quotidien. Les différentes problématiques citées ci-dessus vont être appréhendées par l’ergothérapeute et l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire (assistante sociale ; psychologue ; neuropsychologue ; etc.). 24 A l’heure actuelle, il n’existe pas de prise en soins optimale de ces personnes et elles se retrouvent « ballotées » au sein du système de santé tout comme dans la société. La prise en charge des adultes jeunes est parsemée d’obstacles. Du fait du diagnostic tardif, le suivi des personnes se met en place au moment de la dégradation de leur état de santé. Le contexte institutionnel non favorable et les lacunes de formation des équipes soignantes engendrent un parcours de soins non adapté. Selon un article du Centre National de Référence des Malades Alzheimer Jeunes, « ces spécificités rendent donc plus que jamais indispensable l’information sur cette pathologie pour faire évoluer les représentations ; la maladie d’Alzheimer, considérée comme une pathologie du vieillissement est sous diagnostiquée chez les sujets de moins de 60 ans, alors qu’elle nécessite une prise en charge adaptée pour freiner le déclin cognitif et la perte d’autonomie, et permettre au patient et à sa famille de vivre dans la dignité 18». Actuellement, la prise en charge de cette pathologie est au cœur de multiples réflexions. Les professionnels de santé et la société cherchent à revoir cette prise en soin pour qu’elle corresponde au mieux aux attentes et besoins d’adultes de 55 à 65 ans. C’est pourquoi, en tant que future ergothérapeute j’ai décidé de m’interroger sur l’accompagnement ergothérapique de ces personnes. La question de recherche qui découle de cette réflexion est donc : La maladie d’Alzheimer déclarée chez des adultes de 55-65 ans implique-t-elle une prise en charge spécifique en ergothérapie ? Dans le cadre de mon mémoire, le terme « spécifique », sous entend, que la prise en charge envers les personnes Alzheimer jeunes serait une conception nouvelle. Autrement dit 18 Centre National de Référence pour les Malades Alzheimer Jeunes, la maladie d’Alzheimer des personnes jeunes, [en ligne], http://www.centre-alzheimer-jeunes.com/alzheimer.php?id=1. 25 avec des principes, des objectifs, des moyens propres, différents de ceux préconisés chez la personne âgée. Les hypothèses actuellement avancées sont : 1ère hypothèse : au regard de la précocité de l’atteinte, la prise en charge en ergothérapie de personnes Alzheimer jeunes nécessite une réévaluation du modèle actuel de prise en charge afin de répondre au plus près aux attentes et besoins des personnes. Il y aurait donc, une spécificité de prise en charge. 2ème hypothèse : d’accompagnement en des prenant en personnes compte atteintes l’ensemble de la des possibilités maladie d’Alzheimer (accompagnement au domicile, famille d’accueil, institutionnalisation, etc.), le suivi au domicile paraît être le meilleur dans le cas de personnes Alzheimer jeunes. 26 2. ELÉMENTS DE RECHERCHE 2.1 METHODOLOGIE GENERALE DE LA RECHERCHE L’objectif de la recherche est d’établir un état des lieux sur les prises en charge faites pour les personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer et de recenser les difficultés, les spécificités dans l’accompagnement de ces personnes par rapport à ce qui se fait pour la personne âgée. Une autre partie de la recherche s’axe plus particulièrement sur la pratique de l’ergothérapeute auprès de ces personnes. La méthodologieglobale de cette recherche se réfère à une méthode par résolution de problème couplé à une méthode systémique. 2.2 MODALITÉS DU RECUEIL DE DONNÉES 2.2.1 OUTILS UTILISES Afin de comparer les apports théoriques à la réalité de la pratique sur le terrain, nous avons choisi deux outils de recherche : des entretiens semi-directifs et un questionnaire. LES ENTRETIENS SEMI -DIRECTIFS Dans un premier temps, des entretiens semi directifs ont été menés. Cet outil amène un flux d’informations de qualités. Au cours de l’entretien, il est possible de creuser certaines thématiques et de rebondir au fur et à mesure des réponses. Dans le cadre de ce mémoire, les entretiens ont permis de sonder les différents secteurs côtoyant des personnes Alzheimer jeunes et de questionner la pratique des professionnels. La grille est située en ANNEXE 6. LES QUESTIONNAIRES Dans un second temps, un questionnaire a été envoyé à neuf ergothérapeutes. Le choix d’établir un questionnaire auprès des ergothérapeutes s’est fait dans un souci de gain de temps. Cet outil a pour but d’amener une quantité d’information plus importante. Dans notre situation, les ergothérapeutes travaillant auprès de personnes Alzheimer de 55-65ans sont peu nombreux. Cependant, ces questionnaires permettent de détailler la pratique qui se fait actuellement par ces professionnels quelque soit leur secteur d’activité. Des questions ouvertes, fermées et dirigées composent ce questionnaire. La grille est présentée en ANNEXE 7. 27 2.2.2 CHOIX DE LA POPULATION POUR LES ENTRETIENS Les critères d’inclusion sont des professionnels de santé ayant pris en charge des personnes de 55 à 65ans ayant déclarées une maladie d’Alzheimer. Les professionnels rencontrés travaillent dans différents secteurs : psychiatrie (un médecin psychiatre); gériatrie (une ergothérapeute d’une équipe spécialisée Alzheimer, une ergothérapeute d’un accueil de jour, une cadre de santé d’un établissement pour personnes âgées dépendantes) et neurologie (un ergothérapeute d’un centre mémoire). Leur exercice se déroule soit en institution soit en ambulatoire. Ce choix de professionnels est à mettre en lien avec les apports conceptuels. En effet, suite aux différentes lectures, les trois secteurs (gériatrie, psychiatrie et neurologie) peuvent être aménés à prendre en charge ces personnes. POUR LES QUESTIONNAIRES Les critères d’inclusion sont des ergothérapeutes ayant pris en charge au minimum une fois une personne de 55-65ans porteuse de la maladie d’Alzheimer. Les ergothérapeutes en question exercent soit en gériatrie ou en neurologie, dans des établissements divers (EHPAD ; CHU ; ESA ; CMRR ; accueil de jour). Ce choix de professionnel s’est un peu imposé. La pratique en ergothérapie auprès de ce public étant rare, un mail de recherche a été envoyé sur des forums. Seul neuf professionnels ont répondu au mail et cinq ont rempli le questionnaire. 2.3 ANALYSES DES DONNÉES 2.3.1 ENTRETIENS PRESENTATION DU PANEL DE POPULATION L’ensemble des professionnels ont été présenté dans le tableau 1. Les entretiens auprès de ce panel de professionnels vont apporter une vision globale de leur pratique auprès des personnes Alzheimer jeunes aujourd’hui. Certains exercent une pratique spécifique dédiée à l’accompagnement de ce public, tandis que d’autres travaillent dans le milieu institutionnel. Au sein de ce panel de professionnel, on peut distinguer deux groupes. Le premier regroupant Mme P ; Mme N ; Mme E ; Mme A intervenant auprès de personnes résidant encore au domicile, que nous appellerons groupe 1. Et le second seulement avec Mme C qui représentera l’accompagnement fait en institution. Les retranscriptions d’entretien seront en ANNEXE 8 28 Tableau 1 : Présentation du panel de professionnels Profession et ancienneté Secteurd’activité Connaissance de la maladie d’Alzheimer Connaissance des « malades Alzheimer Jeunes Mme C Cadre de santé 11 ans EHPAD* Au cours du cursus scolaire 6 ans lors de préparation de cours pour des étudiants infirmiers Mme P Médecinpsychiatre 20 ans Unité mobile de psychogériatrie Au cours du cursus scolaire Au cours du cursus scolaire Mme N Ergothérapeute 15 ans Centre mémoire de Ressources et Recherche 15 ans 7 ans Mme E Ergothérapeute 20ans ESA* Depuis 20 ans 2 ans Mme A Ergothérapeute 4 ans EHPAD* et accueil de jour spécialisé 9 mois 7 mois LA FREQUENCE DES RENCONTRES ENTRE LES PROFESSIONNELS ET LE PUBLIC ALZHEIMER DE 55-65ANS Sur les cinq professionnels interviewés, trois d’entre eux constatent une augmentation de leur intervention auprès de personnes de 55-65 ans atteints de la maladie d’Alzheimer. Ces trois professionnels exercent tous leur pratique auprès d’un public qui réside encore au domicile. Selon eux, la recrudescence de ce public de 55-65ans, serait liée à une évolution des connaissances et des pratiques auprès de cette population. L’un des professionnels, n’a pas perçu d’augmentation de la fréquence de ce public dans sa pratique. Le lieu d’exercice de se professionnel étant l’EHPAD*, son intervention se situe à un stade plus avancé de la pathologie. Ainsi, le nombre de personnes « Alzheimer jeune » présent dans les établissements d’hébergement n’a pas augmenté. Dans ces structures la tendance est plus à l’accueil de personnes de plus en plus âgées et dépendantes. Ce recul de l’entrée en institution est à mettre en lien avec le développement d’équipe ambulatoire (qui permettent de préserver le maintien au domicile des personnes) ainsi qu’avec une problématique financière (les établissements d’hébergement tel que les EHPAD*, ne perçoivent pas de subventions pour les personnes de moins de 65 ans). Enfin, 1/5 des professionnels n’ont pu répondre à la question. 29 UNE ENTREE DANS LE SOIN QUI PRESENTE DES PARTICULARITES Autour de cette thématique, nous avons cherché à savoir si l’accompagnement initial de ce public et donc de l’entrée dans le milieu du soin présentait une complexité. Tout d’abord, nous avons cherché à savoir si l’entrée en relation avec les personnes et leur entourage était plus compliquée. L’une des professionnelles exerçant en accueil de jour n’a pu assister à des entrées et donc n’a pu répondre à cette question. Pour trois des professionnels, l’accueil de ces personnes n’a pas été compliqué. Seule une personne a décrit des difficultés importantes. Pour trois professionnels sur cinq, l’amorce de l’accompagnement ne s’est pas déroulé dans un contexte compliqué en soi, bien que des difficultés nouvelles ont été repérées. Ces trois professionnels exercent leur pratique auprès de personnes qui sont encore à leur domicile. Selon eux, ces difficultés s’axent surtout autour du manque de « prévention » et donc d’une intervention des équipes de soins qui est tardive. Pour le professionnel représentant le milieu institutionnel, cette entrée en relation a été très mal vécue, « ca a été catastrophique pour sa famille et pour nous ». L’évolution rapide et le stade avancé de la personne dans la pathologie sont les causes principales de la complexité de l’accompagnement. Pour préciser cette réflexion, nous avons cherché à savoir si l’accueil de ce public a nécessité des aménagements spécifiques. A l’unanimité, l’accueil de personnes Alzheimer de 55-65ans, n’a pas nécessité des aménagements des infrastructures. Concernant les équipes des adaptations ont du être faites notamment sur le plan de la formation (demande de formation à l’accompagnement des personnes jeunes ; temps de formation informelle). Ainsi, autour de ces questionnements, il en ressort que le milieu institutionnel se retrouve plus démuni face à l’amorce de l’accompagnement et de l’accueil du public de 5565ans porteur de la maladie d’Alzheimer. Pour les professionnels du groupe 1, exercant au domicile ou en institution, l’accueil et le suivi des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer n’est pas complexe en soi. Seul des formations d’équipe en interne ont été initiées pour l’accueil de ces personnes. DEUX GRANDS AXES DE L’ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES ALZHEIMER PRECOCES SE DESSINENT 1er axe: le maintien au domicile au sein duquel trois secteurs interviennent 30 L’accompagnement en psychiatrie C’est un accompagnement en « ambulatoire », effectué par une équipe « multidisciplinaire ». « La prise en charge globale » proposée permet d’intervenir sur l’ensemble des difficultés rencontrées par les personnes Alzheimer jeunes encore au domicile. L’accompagnement par cette équipe mobile en psychiatrie nécessite donc que la personne suivie présente des troubles de l’humeur, des troubles psychiatriques. « On est vraiment dans quelque chose de psychiatrique qui peut basculer vers la démence » Cette prise en charge comporte plusieurs grands points : - Une « consultation-évaluation » est faite dans un premier temps par un médecin psychiatre et un infirmier. Puis, « une évaluation à domicile écologique » peut être proposée et certains bilans peuvent être approfondis par la suite. - « la prise en charge rééducative » est proposée aux personnes en fonction de leurs besoins (prise en charge orthophonique ; séances de psychomotricité ; aménagement d’environnement ; etc.). Celle-ci permettrait « une très nette amélioration des patients suivis régulièrement sur le plan psychiatrique et cognitif ». Certains patients ont même réussi à « stabiliser leurs symptômes ». L’accompagnement en neurologie Cet accompagnement se fait au sein d’un service de « neurologie » spécialisé, dont l’« action se situe essentiellement sur l’évaluation, l’annonce du diagnostic et sur la mise en place de relais. ». C’est une équipe pluridisciplinaire qui accompagne la personne et son entourage suite à l’annonce du diagnostic. Différentes étapes sont présentes dans la prise en charge neurologique des personnes Alzheimer de 55 à 65 ans : - « une consultation mémoire » : la personne est « adressée par son médecin traitant pour pouvoir établir un diagnostic ». Elle est reçue par « la neurologue et la neuropsychologue qui déterminent un complément de bilans en hospitalisation » - « sur le temps de l’hospitalisation », un temps d’évaluation par l’équipe pluridisciplinaire est établi avec la passation de bilans divers. La personne porteuse de la maladie d’Alzheimer revoit un panel de professionnels de santé afin d’effectuer un complément des bilans initiaux le« neuropsychologue », le« psychiatre […] s’il y avait des troubles de l’humeur […] mais également au regard du risque de dépression qui est plus élevé », « l’ergothérapeute, l’assistante sociale, si besoin la kinésithérapeute ou la diététicienne ». - « le temps de l’annonce du diagnostic avec la famille et la personne » - Les « propositions de thérapeutiques médicamenteuses » - La prise en charge personnalisée avec la mise en place de relais. En fonction des besoins de la personne une prise en charge rééducative peut être initiée. Par exemple une 31 « prise en charge en orthophonie », « une intervention du SAMSAH » peut être amorcée « lorsque les personnes sont isolées ». une « équipe spécialisée Alzheimer » peut également intervenir « pour une intervention plus courte » au domicile de la personne. [….]. L’accompagnement de la personne et de son entourage dans l’amorce des démarches administratives (en lien avec l’assistante sociale) peut également est fait. - « le suivi » soit en parallèle avec le neurologue de ville, « nous on les revoit une fois par an pour une hospitalisation de trois à cinq jours». Soit « ils sont seulement suivis par […] le CMRR19, ils sont revus une fois par an pour le même bilan et tous les six mois pour une consultation avec le neurologue. » L’accompagnement en gériatrie : Au domicile (Equipe Spécialisée Alzheimer) Dans cette équipe, l’ergothérapeute intervient « au domicile » des personnes porteuses d’une maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées. C’est une prise en charge ponctuelle sur quinze séances, en binôme avec une assistante de soins en gérontologie (ASG). Plusieurs grands objectifs ont pu être mis en avant. Un premier objectif est « l’accompagnement auprès de personnes malades », dans le but d’une part de « maintenir sa participation dans les activités de vie routinières. […] en associant plusieurs techniques et en intervenant dans plusieurs domaines. ». Par exemple, l’intervention « sur l’environnement matériel […] pour entretenir l’autonomie ou pour sécuriser l’environnement et limiter les troubles du comportement. ». Les professionnels travaillent aussi pour « renforcer les compensations sensorimotrices, cognitives […] améliorer le rendement mnésique. » Un second objectif concerne plus particulièrement l’accompagnement des aidants « pour améliorer son savoir-faire, son savoir-être, pour essayer de l’accompagner et de trouver des solutions de répit lorsqu’il est épuisé. ». « Enfin, il y a tout un travail de partenariat que l’on fait avec la mise en place de relais […] aux services existants. » pour favoriser le «maintien de stimulation […] ». Les solutions qui peuvent être proposées sont « des accueils de jour » afin de « mettre en place des temps de répit […] mettre en place des compensations humaines. ». 19 Centre Mémoire de Ressource et de Recherche 32 L’ergothérapeute se charge de toute la partie évaluation et détermine le plan de prise en charge. Puis, ce sont les ASG20 qui se rendent au domicile pour mettre en place les objectifs et les moyens décidés en amont par l’équipe, la personne et son entourage. En institution (Accueil de jour spécialisé) Au sein de cette structure, une journée par semaine a été dédiée à l’accueil de personnes Alzheimer jeunes. Dans l’accueil de jour, les personnes sont « prises en charge dans le sens accompagnées toute la journée ». L’équipe pluridisciplinaire est composée de d’une AMP21, d’une AS22, d’une AVS23 qui proposent divers activités et ateliers soit au sein de l’établissement, soit en extérieur : « Plusieurs activités et animations leur sont proposées […] des sorties au cinéma, jardin, zoo, bowling, des activités sociales […] des activités au sein de l’accueil de jour comme la lecture du journal, des activités artisanales, des ateliers cuisines, etc. ». Pour compléter cet accompagnement des professionnels extérieurs « l’animateur, la psychologue une fois toutes les deux semaines en alternance avec l’ergothérapeute » interviennent ponctuellement sur le temps d’accueil des personnes Alzheimer jeunes. 2ème axe : l’institutionnalisation Cet axe se réfère à l’accompagnement fait au sein d’Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes(EHPAD). « Ici on a une unité Alzheimer de onze lits qui a été crée en interne », les « résidents » sont placés dans ces établissement lorsque le maintien au domicile n’est plus possible et que l’aidant ne peut plus assouvir son rôle. Les EHPAD*24 sont des lieux d’hébergement, des lieux de vie pour les personnes qui sont ici chez elles. L’équipe soignante présente apporte les soins nécessaires au bien-être des personnes. Des activités diverses peuvent être proposées au cours de la journée. Pour résumer, l’accompagnement des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer se dessinent en deux grands axes en fonction du niveau d’autonomie de la personne et donc de son maintien ou non au domicile. Lorsque celui-ci est possible, trois secteurs sont actuellement prédisposés à prendre en charge ce public, chacun ayant développé des objectifs d’accompagnement qui lui sont propres. 20 Assistant de Soins en Gérontologie AMP : Aide Médico-Psychologique 22 Aide Soignante 23 Auxiliaire de Vie Sociale 24 Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes 21 33 Afin de synthétiser les accompagnements existant aujourd’hui pour les personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, un tableau récapitulatif a été élaboré cidessous. Psychiatrie Neurologie Type de structure Domicile Equipe mobile psychogériatrie X évaluation ; prise en charge rééducative troubles cognitifs et psychiatriques ; aménagement de l’environnement X diagnostic ; évaluation ; traitements médicamenteux ; établissement de relais pour une prise en charge rééducative X évaluation ; prise en charge rééducative dans un but de maintien au domicile / stimulation des capacités restantes/ développement de compensations ; mise en place de relais ; accompagnement de l’aidant. X Accompagnement à la journée ; activités sociales ; stimulation des fonctions cognitives ; temps de répit de l’aidant CMRR* Institution ESA* Gériatrie Accueil de jour EHPAD* X Objectifs Lieux de vie ; soins ; maintien des capacités par le biais de stimulation (activité de groupe ; mise en situation écologique) L’ACCOMPAGNEMENT D’UN PUBLIC NOUVEAU QUI DEMANDE DE FAIRE FACE A CERTAINES DIFFICULTES Au sein de cette thématique, nous avons cherché à savoir si les équipes pluridisciplinaires avaient exprimé une certaine réticence à l’accompagnement du public de 55-65 ans porteur de la maladie d’Alzheimer. Exerçant depuis peu dans sa structure (accueil de jour), l’ergothérapeute n‘a pu répondre. En majorité, les professionnels du groupe1 n’ont pas perçu de réticence de la part de leur équipe. Seul, un des professionnels a exprimé clairement une réticence des professionnels à l’accompagnement de ce public. Pour la majorité des professionnels (3/5), l’aisance décrite auprès de l’accompagnement de ce public est en lien avec une intervention des professionnels plus régulière auprès d’un public jeune. En effet, certaines structures accueillent « des personnes âgées mais aussi des adultes jeunes handicapés ». Pour d’autres, l’accompagnement de personnes jeunes est 34 l’essence même de leur pratique, « la culture neurologique » au sein d’équipes, fait qu’elles sont habituées « à travailler auprès de personnes jeunes ». Le professionnel ayant perçu les réticences appartient au groupe 2, il représente donc l’institution. Dans les EHPAD*, la prise en charge de personnes jeunes reste exceptionnelle. C’est ce caractère exceptionnel de l’accompagnement couplé à une absence de prise en considération des inquiétudes et de la souffrance de l’équipe face à la complexité de l’accompagnement, qui en serait la cause. Par la suite, la recherche autour des difficultés d’accompagnement de ces personnes a été abordée. Autour de cette question, de l’existence ou non de difficultés nouvelles lors de la prise en charge des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, les professionnels acquiescent à l’unanimité. L’origine des difficultés et leur intensité est variable en fonction de chaque secteur et des professionnels interrogés. - le profil différent des patients jeunes est une difficulté nouvelle pour quatre professionnels sur cinq. Pour eux, l’évolution rapide de la pathologie a été une difficulté importante. Une symptomatologie différente de la pathologie a été également constatée, « certains accompagnements sont plus complexes parce qu’il y a une entrée dans la pathologie atypique […] qui demande des actes et des connaissances plus pointues ». - L’environnement socio-familial est plus complexe. Des lors, « on ne mesure pas tout l’accompagnement des familles et notamment dans la prise en charge des enfants jeunes. Pour l’ensemble des professionnels, la précocité de l’appariation de la maladie d’Alzheimer chez ces personnes rend difficile l’acceptation de la pathologie:« les gens aidant ont justement du mal à intégrer » le fait « qu’il ne faille plus faire confiance à la personne en quelque sorte ». C’est toujours au sein de l’EHPAD que la difficulté la plus intense a été perçue « ça a favorisé l’éloignement familial ». - Une acceptation des soins plus compliquée au regard de l’âge des personnes est mise en évidence par les professionnels interrogés. En effet, l’« acceptation de la perte de l’autonomie et donc de l’intervention d’une aide extérieure » est une problématique souvent posée. De plus les équipes sont « souvent confrontées à ce déni de la maladie, de la conscience objective du trouble.» - La difficulté à trouver des relais adaptés : ceux-ci sont « parfois difficiles à mettre en place au vue de l’âge de la personne ». « Il y a quand même cette barrière de l’âge » qui rend « difficile de trouver des structures adaptées ». - La difficulté à gérer la proximité d’âge et donc pour le professionnel à gérer ses ressentis « l’équipe se retrouve face à des situations qu’elles ont du mal à gérer que se soit au niveau professionnel ou personnel ». Parfois l’accompagnement de certaines personnes 35 peut faire émerger chez les professionnels des émotions, des réticences en lien avec leur vécu, « les patients étant jeunes cela peut faire échos à des parents proches ». Que ce soit en neurologie, en psychiatrie ou gériatrie, les professionnels doivent faire face à des difficultés nouvelles. Ces dernières sont à mettre en lien avec une symptomatologie différente de la pathologie, un environnement socio-professionnel et familial plus actif et sollicité, une précocité de l’atteinte rendant l’acceptation des soins et l’entrée en relation plus compliquée, et un manque de structures relais adaptées. Il a également été remarqué que le milieu institutionnel perçoit de nouveau des difficultés qui sont plus intenses et au sein duquel des réticences des équipes à l’accompagnement de ce public ont été constatées. UN ACCOMPAGNEMENT DE LA PERSONNE DIFFERENT Ce dernier serait différent mais n’est pas spécifique pour tous les professionnels. A l’interrogation principale de cette recherche, qui est l’existence ou non d’une spécificité de prise en charge des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, seul trois professionnels sur cinq y répondent oui. Cependant, les deux professionnels ayant répondu non, nuancent leur propos« En théorie il n’y a pas de différence mais avec du recul on voit que la prise en charge est accélérée ». D’un point de vue général, tous les professionnels, quelque soit leur secteur et leur structure d’exercice, s’accordent sur des particularités présentes dans l’accompagnement de personnes Alzheimer de 55 à 65 ans. En effet, pour ces personnes, il n’y a « pas les mêmes problématiques, les mêmes ressources temporelles, financières, etc. ». Nous avons donc cherché à établir les particularités de l’accompagnement qu’ont pu repérer les différents professionnels. - Un profil de la pathologie variable : les troubles mnésiques ne sont pas nécessairement présents au départ ; l’évolution rapide de la pathologie est constatée par l’ensemble des professionnels. De plus, la symptomatologie initiale de la maladie peut également être différente (absence de troubles mnésiques ; troubles praxiques ; syndrome de Benson …). - Un environnement global différent : la prise en charge des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer nécessite de prendre en compte « des problématiques sociales, familiales et professionnelles qui ne sont pas les mêmes » que celles présente chez un public âgé. Pour cette génération d’adulte, les personnes ont « une vie sociale dynamique, plus, que chez la personne âgée ». 36 De plus, concernant l’entourage, l’aidant principal, souvent le conjoint, est « plus jeune, par contre il travaille donc est moins disponible ». La présence d’enfant encore à charge au domicile est une situation possible. - Des ressources différentes : concernant le patient lui-même, les ressources physiques sont plus importantes et peuvent rendre l’accompagnement plus compliqué à des stades avancés de la maladie, « des capacités motrices qui ont rendu l’accompagnement difficile ». En effet, lors des stades avancés, les déambulations, les troubles du comportement sont fréquents. Pour la personne, la gestion de ces troubles peut être plus compliquée sachant que pour cette tranche d’âge les capacités motrices, la force, sont plus importantes. Cependant, ces ressources physiques sont aussi un atout. Les capacités motrices des personnes étant plus mobilisables, des activités plus physiques peuvent être proposées au patient. - Un impact psychologique plus important du fait « du risque de dépression qui est plus élevé car il y a des répercussions dans le quotidien qui sont importantes car il y a souvent un problème familial, professionnel, etc. ». - Le passage de relais et les structures adaptées sont une difficulté importante que constate l’ensemble des professionnels. Ils doivent revoir leurs partenariats habituels, « on a des données autres par rapport aux ressources, aux services partenaires », ce qui pour eux demande un nouveau démarchage, « il faut que je me réfère à d’autres professionnels et ça c’est plus chronophage pour moi ». Globalement, même si la prise en charge de ce public n’est pas perçue comme spécifique par tous, des particularités d’accompagnement ont été mises en avant. Les variations de réponses à la question principale sont à mettre en lien avec la pratique professionnelle des interviewés. En effet, les professionnels ayant répondu non, travaillent au sein d’équipes mobiles (gériatrique ou psychiatrique). Ici, les modalités de la prise en charge et les grands principes de prise en charge sont similaires à ceux rencontrés chez la personne âgée, « mais on n’axera pas les objectifs sur les mêmes types d’activités ». C’est une intervention ponctuelle, personnalisée pour des patients vivant encore à leur domicile. Pour les deux des trois professionnels qui ont répondu positivement, leur exercice s’effectue au sein d’établissement spécifique à l’accueil de la personne jeune. Enfin, pour la dernière, représentant le milieu institutionnel, l’écart de l’âge avec la population accueillie rend la structure inappropriée. C’est pour cela que selon ces professionnels une prise en charge spécifique à la personne jeune doit être instaurée. 37 LES RESSOURCES A LA DISPOSITION DES PROFESSIONNELS Par le biais de l‘avis des professionnels, nous avons tenté de mettre en avant les critères de la prise en charge qui aujourd’hui sont le plus adaptés au public jeune. Pour les professionnels, « Aujourd’hui il n’en existe pas. » dans le sens où aucun des accompagnements proposés (neurologie, psychiatrie ou gériatrie) ne convient pleinement à ce public. Globalement, pour l’accompagnement le plus adapté toutes les professionnelles s’accordent. C’est un maintien au domicile qui est à privilégier le plus longtemps possible. Des structures, des équipes ont été développées, cependant chacune possède encore à l’heure actuelle des limites (intervention à court terme, manque de structures relais adaptées ; manque d’adaptation des formations et de l’information sur la pathologie pour les professionnels et l’entourage). Puis dans un second temps, lorsque la vie au domicile n’est plus possible, c’est la question du placement en institution qui se pose et aujourd’hui aucune réponse adaptée n’a été trouvée puisque « Aucune structure actuelle qui ne convient à la personne Alzheimer jeune qui ne peut plus résider à son domicile ». Nous avons cherché à savoir si l’organisation du système de santé actuel permet aux professionnels de santé d’accompagner de manière efficace et globale ce public de 55-65 ans atteint de la maladie d’Alzheimer. Ace sujet, les professionnels soulignent l’existence de solutions pour ce public mais aussi les efforts nécessaires à faire notamment en matière d’hébergement. L’adaptation, la personnalisation de l’accompagnement sont les maîtres mots, pour une prise en charge optimale. La prise en considération de la personne doit donc être à garder en tête pour ne pas laisser de côté les spécificités liées à leur âge « je ne veux pas être pris pour un vieux ». Bien qu’il existe des moyens utiles aux professionnels, les ressources humaines et matérielles sont encore insuffisantes pour l’accompagnement de ces personnes 2.3.2 QUESTIONNAIRES Les ergothérapeutes ayant répondu au questionnaire exercent leur profession dans deux types de secteurs (gériatrie ou neurologie) et dans des structures diverses (hôpital ; institution) ou au sein d’équipe mobile (ESA). 38 PRESENTATION DU PANEL DE PROFESSIONNEL Années de pratique de l’ergothérapie Années de pratique auprès de personnes Alzheimer Structures Fréquence du public Alzheimer jeune E1 E2 E3 E4 E5 +10 ans +10 ans 5-10 ans +10 ans 1-5 ans +10 ans +10 ans 1-5 ans + 10 ans 1-5 ans CHU EHPAD+ ESA+ HDJ Accueil de jour Alzheimer CMRR, CHU neurologie, ESA 5 Une dizaine 4 15 5 LES POINTS PRINCIPAUX DE LA PRISE EN CHARGE MENEE EN ERGOTHERAPIE L’expression clinique de la pathologie Considérez-vous que l'expression clinique de la pathologie à cet âge est différente? 20% Oui Non 80% Pour les 80% de Oui, la différence serait due à un tableau clinique plus sévère avec une évolution rapide ; une entrée dans la pathologie différente (Atrophie corticale postérieure ; moins de troubles mnésiques). Pour les 20% de non, cette réponse m’a paru étonnante. En effet, aujourd’hui des articles paraissent de plus en plus affirmant que chez les personnes jeunes il y a une expression particulière de la pathologie (maladie d’Alzheimer à forme focale). Une spécificité d’accompagnement ? La prise en charge en ergothérapie des personnes de 55-65 ans est-elle spécifique? Oui Non 40% 60% Concernant l’interrogation principale, sur l’existence d’une spécificité de la prise en charge des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, les 60% de OUI, 39 estiment que les problématiques étant différentes chez l’adulte, la prise en charge varie tout autant. Pour les 40% de NON, les objectifs sont similaires à l’accompagnement fait auprès de la personne âgée. Les grandes lignes de la prise en charge en ergothérapie Secteur Neurologie Gériatrie Objectifs - Evaluation des troubles cognitifs et de leurs répercussions au quotidien Entretien des compétences (aménagement de l’environnement, mise en place d’activité de stimulations cognitives et motrices Accompagnement de l’aidant Etablissement de relais - Evaluation à domicile Maintien de l’autonomie dans les activités instrumentales Gestion de la problématiqueprofessionnelle Accompagnement de l’entourage Quelque soit le secteur interrogé, l’on remarque au travers de ce tableau, que les grands axes d’une prise en charge faite en ergothérapie de ce public sont respectés. Ce qui est surprenant, c’est qu’au vu de l’âge des personnes suivis (55-65 ans), la problématique professionnelle n’a été soulevée que par un seul des ergothérapeutes. A présent nous allons en quelques grands points résumer l’accompagnement fait en ergothérapie de ces personnes. - Les grands principes de l’accompagnement des adultes de 55-65ans atteints de la maladie d‘Alzheimer ne sont pas différents de ceux respectés chez la personne âgée. « le respect du choix de vie de la personne et de son entourage » est un principe partagé par tous les ergothérapeutes ; l’accompagnement de la famille (parent, conjoint, enfant) est une notion qui ressort également. - L’évaluation faite auprès des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer est pour la majorité des ergothérapeutes, similaire à celle utilisée chez la personne âgée.Seul 20% des professionnels utilisent une évaluation nouvelle, tels que des « bilans cognitifs maison pour avoir une idée de la répercussion dans le quotidien ». - Des problématiques nouvelles dans l’accompagnement sont observées par 100% des ergothérapeutes.Les grandes problématiques qui ressortent concernent « la gestion de la vie professionnelle et familiale » pour la personne et son conjoint ; le « choix du relais » et les difficultés à trouver des structures adaptées ; l’aspect image de la pathologie qui nécessite une « éducation thérapeutique de l’entourage environnemental ». 40 - Des moyens innovants, dans 80% des cas les ergothérapeutes font appel ou souhaiteraient utiliser des moyens nouveaux. Ces moyens sont encore trop peu nombreux pour certains. Le manque de structures relais, de formation externe pour les professionnels et les familles, de suivis psychologiques, etc. - Des difficultés nouvelles sont rencontrées par les ergothérapeutes dans l’accompagnement de ces personnes. Fréquence des difficultés perçues dans l'accompagnement des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d'Alzheimer 0% 40% Difficultés faibles Difficultés moyennes Difficultés importantes 60% Les difficultés présentes sont au minimum moyennes, les professionnels de chaque secteur font face à des difficultés au cours de la prise en charge. Le manque de moyens adaptés et la difficulté relationnelle avec la personne ou la famille sont celles qui ont été le plus exprimées. La prise en charge en ergothérapie des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer n’est pas considérée comme spécifique par tous les professionnels. Cependant tous s’accordent pour dire que des problématiques nouvelles spécifiques à cette tranche d’âge sont à prendre en compte, rendant l’accompagnement plus compliqué. L’utilisation de moyens nouveaux serait souhaitée par la majorité d’entre eux mais ces derniers sont rares. Quand aux principes d’accompagnement, ces derniers ne se modifient pas par rapport à la personne âgée : le respect des habitudes de vie, de la fatigabilité et la considération globale de l’individu. Les problématiques spécifiques, le manque de moyens, de structures adaptées pour mettre en place des relais pertinents sont soulevés. Cependant, quel type de structure les professionnels imaginent-ils pour l’accompagnement de ces personnes ? LES CARACTERISTIQUES D ’UNE PRISE EN CHARGE OPTIMALE En comparaison avec les prise en charge éffectuée actuellement, les professionnels se prononcent quant aux caractéristiques d’une prise en charge optimale. 41 Selon vous, quel serait le secteur de prise en charge en ergothérapie le plus adapté? Gériatrie 0% 20% 20% 60% Neurologie Création d'un secteur spécifique Psychiatrie Pour 60 % des ergothérapeutes, le suivi en neurologie serait donc le secteur le plus propice à l’accompagnement des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer. Quelle modalité d'accompagnement serait la plus adapté? 0% Institution 40% 60% Domicile Les deux Selon les professionnels interrogés l’accompagnement le plus adapté associe un maintien au domicile dans les premiers temps, avec au long terme un accompagnement vers des structures d’hébergement. L'organisation actuelle du système de santé permet-elle une prise en charge optimale de ces personnes? 20% Non Oui 80% Pour les 80%, les raisons principales évoquées sont toujours en lien avec l’absence ou le manque de structures adaptées, ainsi que la « problématique de financement d’aides à domicile ». Enfin, pour 100% des professionnelles la création d’une prise en charge spécifique pour les 55-65 ans porteurs de la maladie d’Alzheimer est concevable.Les idées proposées consistent soit en la création de structuresd’accueil spécifique (accueil de jour ; de nuit…) avec du personnel formé à l’accompagnement de ces personnes ; de créations d’activités adaptées. L’un des ergothérapeutes a soulevé l’idée d’une Equipe spécialisée au domicile qui s’adaptera aux « difficultés rencontrées par la personne sur le lieu de travail, dans les relations sociales, loisirs, etc. ». 42 3. DISCUSSION 3.1 VALIDATION DES HYPOTHÈSES DE RECHERCHE Par l’intermédiaire de ce travail de recherche, j’ai souhaité mettre en avant un public encore peu connu de la société et du monde médical. Et c’est notamment par mon regard de future professionnelle que j’ai souhaité aborder cette thématique. Suite au questionnement de départ, autour de l’existence d’une spécificité de prise en charge chez de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, deux hypothèses avaient été établies. Le recueil de données effectué auprès de professionnels de santé a permis d’apporter des éléments de réponses. Concernant l’hypothèse 1 : Au regard de la précocité de l’atteinte, la prise en charge en ergothérapie des personnes Alzheimer jeunes nécessite une réévaluation du modèle actuel de prise en charge afin de répondre au plus près aux attentes et besoins des personnes. Il y aurait donc, une spécificité de prise en charge. La réalité est à nuancer puisqu’une prise en charge nouvelle et spécifique ne fait pas l’unanimité auprès des professionnels. Sur la totalité des professionnels interrogés (entretiens et questionnaires), 60% s’accordent à dire que la prise en charge est spécifique. Pour eux, l’accompagnement de la personne de 55-65 ans n’est pas comparable et ne peut être calqué sur celui de la personne âgée, au regard des rôles familiaux, sociaux, professionnels, des capacités motrices et cognitives davantage mobilisables. Les moyens adaptés sont rares ce qui complexifie cet accompagnement. Enfin, chez les personnes 55-65 ans, la pathologie ne présente pas les mêmes caractéristiques cliniques puisqu’on parle bien de maladie d’Alzheimer à forme focale. Pour les 40% de NON, bien que l’accompagnement des personnes de 55-65 ans amènent des problématiques et des contraintes nouvelles, les grands principes de la prise en charge restent identiques à ceux de la personne âgée : le respect des habitudes de vie ; la prise en compte de l’environnement ; la stimulation de fonctions restantes dans un but de maintien de l’autonomie, etc. Cependant, à l’unanimité tous s’accordent pour dire que leur intervention demande une imagination et une créativité. Ceci dans le but de pallier aux difficultés nouvelles, aux manques de moyens et de structures adaptés. Des spécificités sont présentes dans l’accompagnement de cette population, ce qui permet de valider notre première hypothèse. 43 Concernant la seconde hypothèse : En prenant en compte l’ensemble des possibilités d’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (accompagnement au domicile, famille d’accueil, institutionnalisation, etc.), le suivi au domicile paraît être le meilleur dans le cas de personnes Alzheimer jeunes. Les expériences de terrain exposées par les professionnels au cours des entretiens et des réponses aux questionnaires, démontrent que le maintien au domicile est la solution privilégiée. Cependant, au vue de l’évolution de la maladie, la personne et son entourage doivent être préparées à la possibilité de l’institutionnalisation. L’hypothèse 2 est donc validée toutefois, celle-ci doit être nuancée puisque inévitablement le maintien au domicile ne pourra perdurer indéfiniment. 3.2 CONCLUSION DE LA RECHERCHE Les moins de 65 ans touchés par la maladie d’Alzheimer, font de plus en plus parler d’eux, (interviews sur des chaines de télévision, livres, témoignages etc.), mais leur prise en charge par le secteur médical et para-médical n’est pas encore optimale, faute d’y trouver réellement leur place. A l’heure actuelle, les secteurs de la psychiatrie, de la gériatrie et de la neurologie ont mis en place des prises en charge qui fonctionnent, mais toutes révèlent des limites. En effet, l’émergence de témoignages, les réactions des professionnels ainsi que les différents rapports de recherche, mettent en avant un dysfonctionnement dans l’accompagnement de ces personnes et de leur entourage. La confrontation aux avis de professionnels a permis de conforter l’idée qu’aujourd’hui une majorité de professionnels se sent un peu démunie face à la prise en charge des personnes jeunes. Cependant, ce n’est pas l’absence de compétences adaptées qui en est la cause première, comme nous pourrions être amenés à le croire. En effet, pour beaucoup, l’essence même de la pratique s’appuie sur les habitudes de vie, les spécificités de la personne et de son environnement. Les professionnels et notamment l’ergothérapeute a donc les compétences pour prendre en charge ces personnes. L’accompagnement de ces personnes déstabilise, du fait de la précocité de l’atteinte et des modalités nouvelles de cette prise en charge. La maladie d’Alzheimer à forme focale, se traduit dans la phase initiale par l’expression de trois syndromes. Son évolution souvent plus rapide, ne suit pas le schéma clinique habituellement rencontré chez la personne âgée. L’information autour de la prise en charge de ces personnes étant rare, ces professionnels sont en demande d’un retour de la pratique de chacun. 44 La question de l’institutionnalisation est une problématique qui a été fréquemment abordée par les professionnels. Aucune structure n’étant actuellement adaptée à l’accueil de ces personnes et de leur famille, celle-ci reste sans réponse. En effet, aujourd’hui lorsque les personnes ne peuvent plus rester au domicile, elles peuvent intégrer des EHPAD* (moyennant des dérogations) ou encore des MAS. Peut-on espérer dans les années à venir, une création de structure spécifique pour l’hébergement de ces personnes ? La mise en place de « maisons d’accueil », au sein desquelles les patients seraient accueillis en petit groupe et avec des soignants en nombre suffisant et avec des petits groupes de patients serait idéale. Cependant à l’échelle nationale, les personnes Alzheimer jeunes représentent un faible pourcentage. J’ai fait le choix d’amener une reflexion autour des représentations sociales de la pathologie puisque, pour moi, elles peuvent impacter la pratique professionnelle. Notre exercice professionnel s’applique à l’humain, à l’individu. Nous restons avant tout des personnes avec nos propres représentations, nos sensibilités et notre personnalité. Exercer dans une profession paramédicale demande un certain recul et une autocritique de sa pratique, afin d’assurer un accompagnement optimal. Dans le cas du suivi de personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, les entretiens ont mis en avant l’impact du paradoxe entre la pathologie et l’âge des personnes sur les professionnels. Cela n’empêche pas les professionnels d’exercer leur pratique, mais tous ont eu au moins une réflexion à ce sujet. Pour certains cela a créé des difficultés d’accompagnement. 3.3 REFLEXION AUTOUR DE LA PRISE EN CHARGE EN ERGOTHERAPIE L’accompagnement des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer est complexe. La maladie étant dégénérative, l’ergothérapeute doit réajuster au fur et à mesure ses moyens et ses objectifs, afin qu’ils ne soient ni trop élevés ni en deça des capacités de la personne. Dans la pratique, la profession doit respecter des grands principes : - La prise en charge globale en ergothérapie prend en compte l’ensemble les habitudes de vie et des aspects environnementaux qui gravitent autour de la personne que se soit au niveau humain, financier, matériel, etc. Cette approche bio-psycho-sociale est d’autant plus importante dans le cas de personnes de 55-65 ans, car les problématiques et les ressources sont différentes de celles habituellement rencontrées dans le cas d’une personne âgée. Les habitudes varient d’un individu à l’autre et le contraste est d’autant plus 45 important entre générations. Pour ces adultes, les activités sociales sont plus nombreuses, il y a également un rôle familial et professionnel qui est à préserver au maximum. - L’adaptation est un autre mot d’orde de la prise en charge en ergothérapie. L’ergothérapeute doit quotidiennement prendre en compte l’environnement, les besoins, les envies et les capacités de la personne afin d’adapter son accompagnement. Cette notion d’adaptation est à mettre en lien avec une prise en charge spécifique, des objectifs personnalisés et des moyens adaptés. Nous avons précisé auparavant, que la prise en charge à domicile était la solution la plus adaptée, pour les personnes de 55-65 ans porteuse de la maladie d’Alzheimer. Nous allons à présent tenter de mettre en avant les éléments important de la prise en charge en ergothérapie. Le temps d’évaluation initial est important, car il permet de bien cibler les capacités de la personne, de déceler les schémas d’apprentissage les plus performants et de déterminer les objectifs de la prise en charge. Chez cette population, les atteintes sont, pendant un temps, ciblées sur certaines fonctions (langage ; mémoire ; praxie), ceci permet au thérapeute d’utiliser les ressources cognitives davantage préservées afin de mettre en place des moyens de compensations. Concernant ces derniers, l’ergothérapeute peut s’appuyer sur la domotique et les aides techniques qui sont plus facilement acceptées par ce public. La précocité de la prise en charge favorise l’apprentissage et donc la mise en place de compensations. Concernant la formation-information des personnes et de leur famille, l’ergothérapeute doit rechercher les outils adaptés, voir en créer lui-même, puisqu’à l’heure actuelle, les plaquettes d’information et certaines formations elle-même sont axés sur la personne âgée. Suite au retour des professionnels, des grandes problématiques spécifiques aux personnes de 55-65 ans ont été mise en avant. - Autour de la question professionnelle, sans maintenir la personne dans un « rêve » d’une poursuite professionnelle sans encombre, il est important, si les capacités de la personne le permettent, d’adapter le poste de travail, de l’entraîner sur des techniques, pour essayer de maintenir l’activité de la personne. Cependant, à ma surprise, la question professionnelle n’a pas été abordée systématiquement par les ergothérapeutes. - Autour de la question de la conduite : l’ergothérapeute se doit d’informer la personne et la famille des risques qui peuvent être présents quant à la reprise de la conduite. Si l’ârret de la conduite n’est pas accepté par la personne, le professionnel pourra l’accompagner pour faire un bilan de conduite auprès d’une auto-école, afin de l’aider à entendre et accepter cette décision. 46 - Autour du maintien de la personne dans sa participation aux activités sociales, et aux loisirs : ces derniers sont plus importants à cet âge. La limite est que les lieux habituels de soins pour les personnes porteuses de la maladie d’Alzheimer ne sont pas adaptés aux personnes jeunes. Le développement d’accueil de jours spécialisés permettra de pallier en partie ce manque. L’ergothérapeute doit alors trouver des ressources nouvelles qui malheureusement sont encore trop peu nombreuses. Si tel est le souhait de la personne et de sa famille, l’ergothérapeute peut, en lien avec la famille, démarcher des associations locales afin d’apporter des conseils sur l’accompagnement et la gestion des troubles de ces personnes. - Autour de l’accompagnement des aidants : le développement de la formation des aidants jeunes pourrait être un concept intéressant. Il est donc important de s’informer des réseaux existants (association ; bistrot mémoire, psychologue) qui permettent aux aidants d’exprimer leur ressentis, de partager leurs interrogations, leurs inquiétudes et de trouver du soutien. Certes, l’accompagnement des personnes jeunes est spécifique mais pas impossible. Actuellement, Les professionnels ont développé des choses intéressantes, mais la limite vient surtout du fait que cette population est encore peu connue. Des structures existent, mais les prises en charge sont axées vers la personne âgée, ce public étant en majorité touché par cette pathologie. 3.4 RETOUR CRITIQUE DE LA RECHERCHE La thématique de mon mémoire étant récente, les recherches bibliographiques ont été complexes car, j’ai au départ eu des difficultés à cerner mes lectures. De plus, un nombre important de littérature étant en anglais je n’ai pu, au regard de mon niveau, en profiter comme je l’aurais souhaité. Concernant le recueil de données, la difficulté s’est essentiellement concentrée sur le recensement de professionnels exerçant auprès de ce public. Les structures et les équipes qui accompagnent les personnes porteuses de la maladie d’Alzheimer sont aujourd’hui en plein essor. Les personnes jeunes sont suivies dans différents secteurs de santé, par des professionnels qui ne sont pas nécessairement formés à ce type de prise en charge. Concernant la gériatrie, les professionnels interrogés exercent dans différents types de structures au sein d’institution ou en ambulatoire. Ceci apporte une certaine richesse et un aperçu complet de la pratique. N’ayant pas trouvé de professionnels exercant dans un hopital psychiatrique, je n’ai pu mener d’entretien dans ce type d’établissement, ce qui aurait apporté un regard différent sur la prise en charge en psychiatrie. 47 De plus, l’analyse des résultats d’entretiens s’est vue complexifiée, du fait des différences de pratique et de statut des professionnels, qui ont amené des réponses divergentes. C’est un élément que je n’avais pas appréhendé lors de mon choix de la population à interroger. La pratique auprès des personnes jeunes étant peu courante, j’ai privilégié la diversité des professionnels plus que l’approndissement d’une pratique précise, afin de pouvoir établir un état des lieux. Au regard du nombre de réponses peu élévée aux questionnaires ainsi qu’au panel restreint de professionnels interviewés, la pertinence des résultats est à relativiser. 3.5 OUVERTURE DE LA RECHERCHE La prise en charge des personnes de 55-65 ans est parsemée d’obstacles et ces derniers sont majoritairement dus aux manques d’informations de la société sur ce public. Une intensification de l’information à leurs égards permettra peut être d’atténuer certains problèmes tels que le retard de diagnostic. Pour expliquer celui-ci, différentes causes sont possibles. Soit les médecins traitants ne pensent pas à cette maladie au vue de l’âge des personnes, soit les personnes elles-mêmes tardent à consulter. Dans tous les cas, l’information autour de la maladie d’Alzheimer chez les moins de 65 ans doit être plus importante envers le grand public, le secteur médical, le milieu professionnel, etc. Néanmoins, la société va en ce sens car depuis le début de ma recherche je vois davantage d’articles publiés en français s’intéressant à ce sujet. Pour résumer, si l’information était plus importante, le diagnostic plus précoce, les professionnels pourraient également intervenir plus précocément et donc mettre des choses en place avant une perte trop importante de l’autonomie. Si le grand public était informé, la question professionnelle, le maintien des loisirs, etc. serait également facilités. La question de l’hébergement pourrait également être abordée en amont et préparée afin d’éviter les situations d’urgences traumatisantes. Dans cette optique, l’ergothérapeute aurait toute sa place. Ne pouvant s’assimiler à de l’éducation thérapeutique, l’ergothérapeute a un rôle d’information et d’éducation de la personne, de sa famille proche et de l’entourage, même si celles-ci ne peuvent s’assimiler à de l’éducation thérapeutique. Ainsi, des plaquettes d’informations pourraient être créées avec une équipe pluriprofessionnelle ; des temps d’information, des démarchages dans les structures et médico-sociales, mais aussi dans les entreprises, etc. 48 La création d’équipes spécialisées dans l’accompagnement des personnes jeunes porteuses de la maladie d’Alzheimer pourrait être une idée interessante. Ces équipes pourraient ainsi approfondir les thématiques spécifiques à cette population telle que la question professionnelle, sociale, familiale. Mais cette création est-elle réalisable ? La mise en place d’équipe ou de structure spécialisées parrait utopique au vue du nombre de patients Alzheimer jeunes à l’échelle nationale. Plusieurs instances telles que le centre national de référence des malades Alzheimer jeunes se penchent sur le sujet, et des solutions seront peut être élaborées dans quelques années. A l’heure actuelle, l’ergothérapie est une profession qui se développe dans le secteur libéral. Ces professionnels libéraux pourraient-ils intervenir dans le cadre de l’accompagnement des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer ? En effet, cela éliminerait les contraintes de temps présentes dans les équipes spécialisés Alzheimer. Exercant sur un secteur géographique définis, chacun connait les structures de son territoire, les partenaires, etc. Ainsi, l’augmentation du nombre de professionnels en libéral pourrait permettre de répondre à cette demande. Cependant, la limitation des remboursements des actes libéraux des ergothérapeutes n’expliquerait-elle pas la limite du recours à ces professionnels? 49 CONCLUSION Pour conclure, cette recherche autour de l’accompagnement des personnes de 55-65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer a tenté d’amener des pistes de réflexion autour de leur prise en charge dans le milieu du soin et notamment en ergothérapie. La maladie d’Alzheimer à forme focale présente des particularités cliniques, qui couplées aux problématiques sociales, familiales, professionnelles en lien avec leur âge, ainsi qu’avec un manque de structures adaptées, rend l’accompagnement de ces personnes complexe. Bien que la pathologie soit dégénérative, la personne doit être stimulée au maximum afin de lui permettre de maintenir ces rôles sociaux et son estime d’elle. « Nous avons encore des capacités. Même à un stade avancé de la maladie des compétences peuvent ressurgir, bien que nous perdions certaines notions, nous pouvons développer de nouvelles sensibilités. Nous avons avant tout besoin d’exister, d’être heureux et d’être comme tout le monde. »25. Sur le plan personnel, ce mémoire m’a conforté mon intérêt pour la profession d’ergothérapeute. Les recherches théoriques m’ont permis d’approfondir les connaissances de la maladie et les spécificités cliniques présentes chez les 55-65 ans. J’ai pu appréhender de plus près l’accompagnement de la personne porteuse de la maladie d’Alzheimer et ainsi consolider mes connaissances. Les échanges avec les professionnels ont été très riches pour la construction de ma recherche mais également pour ma pratique future. L’exemple des malades Alzheimer jeunes remet en cause le principe d’équité dans le monde du soin. Ce concept peut être défini comme étant « une qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle. »26, et il est couramment employé pour faire référence à des notions de justice et d’égalité sociale. Or dans le cas de l’accompagnement de ce public, la société actuelle française n’a pas mis à la disposition de ces personnes et des professionnels les structures de soins adaptées. Ainsi, elles se retrouvent défavorisées du fait de leur âge. 25 26 Brochure de l’Association France Alzheimer, Ecoutez-nous autrement, p.20 Dictionnaire de français Larousse en ligne. 50 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages - GAUCHER Jacques, RIBES Gérard., Maladie d’Alzheimer : prises de conscience et représentations sociales Des questions éthiques à partager…avec le patient, in Alzheimer, éthique et société, sous la direction de GZIL Fabrice et HIRSCH Emmanuel., Toulouse : Edition Erès, 2012, pp 89-100 - GZIL, Fabrice, La maladie d’Alzheimer : problèmes philosophiques, Paris : Presses universitaires de France, 2009 (Coll. Partage du savoir), 249p - OLLIVET C ; HERVY M.P.; MOULIAS R., Alzheimer et maladies apparentées: traiter, soigner et accompagner au quotidien, Issy-les-Moulineaux : MASSON, 2005. 508p - SCHENK. LEUBA. BÜLA, Du vieillissement cérébral à la maladie d’Alzheimer : autour de la notion de plasticité, Bruxelles : De Boreck&Larciers.a., 2004 (Coll. 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DOUVILLE, Rechercher sur la maladie d’Alzheimer auprès des professionnels soignants et aidants, Fondation Médéric Alzheimer, Paris, Décembre 2003. - PIN LE CORRE Stéphanie; BENCHIKER Sonia; DAVID Marie; DEOCHE SOMON LOUASSARN Céline et SCODELLARO Claire., Perceptions sociales de la maladie d’Alzheimer : les multiples facettes de l’oubli, Gérontologie et société, 2009, N°128-129, p 75-87 - Scodellaro C, Pin Le Corre S et Deroche C., Représentations sociales de la maladie d’Alzheimer :La maladie d’Alzheimer une image négative, Actualités et dossiers en santé publique (ADSP) Décembre 2008. 51 Livret/Brochures - Association France Alzheimer, écoutez nous autrement : paroles de malades « jeunes », France Alzheimer, Mars 2012 - Union nationale des associations Alzheimer en collaboration avec B.Foulon ; M.Fray ; C.Helly ; F.Lebert et Al., Livret de l’Association France Alzheimer : vivre avec un malade jeune, 2007. Webographie - Anfe. Définition [en ligne]. Le 31 juillet 2012. 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Disponible sur internet : <http://www.centre-alzheimerjeunes.com/UserFiles/File/pleniere_intro_epidemio_fpasquierx.pdf> (consulté le 26 septembre 2012). 53 ANNEXES ANNEXE 1 : Critères de diagnostic de la maladie d’Alzheimer du DSM IV ANNEXE 2 : Tableau des fonctions des lobes cérébraux ANNEXE 3 : Tableau des facteurs de risques de la maladie d’Alzheimer ANNEXE 4 : Schéma du mécanisme de la mémoire ANNEXE 5 : Figure 1 et 2 ANNEXE 6 : Grille d’entretien ANNEXE 7 : Grille de questionnaire ANNEXE 8 : Retranscription des entretiens Annexe 1 : Critères diagnostiques de la démence de type Alzheimer, DSM-IV-TR A. Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoignent à la fois : 1. une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informationsnouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement) ; 2. une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes : a. aphasie (perturbation du langage) b. apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctionsmotrices intactes) c. agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets malgré des fonctionssensorielles intactes) d. perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans letemps, avoir une pensée abstraite). B. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l’origine d’une altération significative dufonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau defonctionnement antérieur. C. L’évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu. D. Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 ne sont pas dus : 1. à d’autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des déficits progressifs de la mémoire et du fonctionnement cognitif (par exemple : maladie cérébrovasculaire,maladie de Parkinson, maladie de Huntington, hématome sous- dural,hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale) ; 2. à des affections générales pouvant entraîner une démence (par exemple : hypothyroïdie,carence en vitamine B12 ou en folates, pellagre, hypercalcémie, neurosyphilis, infection parle VIH) ; 3. à des affections induites par une substance. E. Les déficits ne surviennent pas de façon exclusive au cours de l’évolution d’un syndrome confusionnel. F. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de l’Axe I (par exemple : trouble dépressifmajeur, schizophrénie). Codification fondée sur la présence ou l’absence d’une perturbation cliniquement significative ducomportement : Sans perturbation du comportement : si les troubles cognitifs ne s’accompagnent d’aucuneperturbation cliniquement significative du comportement. Avec perturbation du comportement : si les troubles cognitifs s’accompagnent d’une perturbation cliniquement significative (par exemple : errance, agitation) du comportement. Préciser le sous-type : À début précoce : si le début se situe à 65 ans ou avant. À début tardif : si le début se situe après 65 ans. ANNEXE 2 : Tableau résumant les principales fonctions des lobes cérébraux Fonctions Lobe frontal -Fonctions spécifiques : fonctions motrices et cognitives complexe ; affectivité et émotion -Fonction dévolues à l’ensemble des systèmes : Fonctions associatives et exécutives Lobe pariétal Concerne la sensibilité primaire et secondaire Gnosie Praxie Fonctions sensorielles (olfactives et gustative) ; Lobe temporal Fonctions auditives ; langage (versant sensoriel aire de Wernicke) ; sens vestibulaire ; rôle dans le comportement et la conscience ; Rôle dans les fonctions viscérales et la mémoire. Lobe occipital Fonctions principale sont la réception et l’analyse visuelle Si atteinte… Troubles de la personnalité et des émotions (exemple, troubles du comportement, troubles thymiques) Agnosie ; apraxie ; troubles de la sensibilité ANNEXE 3 : Tableau facteurs de risques Issu « Du vieillissement cérébral à la maladie d’Alzheimer. Autour de la notion de plasticité. » deSchenk ; Leuba ; Büla. Edition de boeck 2004. Facteur de risque Type de risque Age Défini Sexeféminin Possible Traumatisme crânien avec perte de conscience Probable Exposition à l’aluminium Peu possible Consommation de tabac Possible Ménopause/déficit en œstrogènes Probable Andropause/déficit en androgènes Possible Stress/élévation du cortisol Probable Consommationd’anti-inflammatoires Protecteur Consommationd’anti-oxydant Protecteur Consommationd’alcool Possible ou protecteur (dépend de ladose) Facteursvasculaires Probable Polymorphisme Cyp46 (Cholestérol) Probable Dépression Probable Faibleniveauéducatif Probable Les facteurs de risques définis : concerne les facteurs de risques pour lesquels l’ensemble des études menées valide leur influence. Les facteurs probables : concernent des éléments pour qui la majorité des études menées s’accordent sur leur influence dans l’expression des troubles neurologiques. Les facteurs possibles : regroupent des facteurs qui sont susceptibles de favoriser la pathologie et pour lesquels des études sont en cours. ANNEXE 4 : Mécanisme de la mémoire ENCODAGE CODAGE CONSOLIDATION Mémoire immédiate et attention sélective Mémoire de Travail Mémoire à court terme ; maintient de l’attention et processus de contrôle RECUPERATION Organisation de la concentration et importance du contexte STOCKAGE Mémoire à long terme ANNEXE 5 : FIGURE 1 ET 2 Graphique issu de Lettre De L’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France 2011, Fondation Médéric Alzheimer ; p 8-9. Figure 1 Figure 2 ANNEXE 6: Grille d’entretien Profil du professionnel - Est-ce vous pouvez vous présenter brièvement (nom, prénom, âge, profession) - Depuis combien de temps travaillez-vous auprès de personnes Alzheimer ? - Depuis combien de temps avez-vous entendu parler des personnes Alzheimer Jeunes ? Ces questions permettent de cibler la population interrogée et au vue de l’expérience de constater la pertinence des réponses. Entretien de professionnels de secteurs différents : - Avez de plus en plus ce type de public en prise en charge ? Oui Non Pourquoi Cette question permet de constater si au vue de l’augmentation de l’incidence de la pathologie pour cette tranche d’âge, les professionnels rencontrent-ils dans leur pratique de plus en plus de personne de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer. - Pouvez- vous m’expliquer les grandes lignes de la prise en charge qui a été mise en place pour ces personnes? Cette question cherche à mettre en avant l’existence de similitude autour de la pratique, des problématiques que peuvent rencontrer les professionnels. - Dans quel contexte cet accompagnement s’est-il déroulé ? Cette question d’appréhender le contexte initial de l’accompagnement de ces personnes, le déroulement de l’entrée dans le soin. - Avez-vous eu besoin d’effectuer des aménagements nécessaires pour l’accueil ce public ? (locaux, équipes, …) Si non : Sur quoi vous êtes vous appuyé au sein de votre structure ? Si oui : Où vous êtes vous renseigné ? Quels types d’aménagements avez-vous fait ? L’objectif de cette question est de savoir si l’accueil des personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer nécessite des aménagements spécifiques qui seraient susceptibles d’expliquer des difficultés pour leur prise en soin. - Au sein de vos équipes, il y a t-il eu des réticences à l’accompagnement de ces personnes ? Si oui / non : pourquoi ? Cette piste de réflexion est à mettre en lien avec le concept des représentations sociales développé dans la partie théorique. - Avez-vous rencontré des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes ? Non Si oui, lesquelles. Cette question permet de savoir si pour les professionnels de santé l’accompagnement de ce public est complexe et de pouvoir établir un listing des références rencontrées. - Selon vous, peut-on dire qu’il y a une prise en charge spécifique, différente de chez la personne âgée pour ce public de 55-65ans, atteint de la maladie d’Alzheimer ? Si oui : En quoi ? Avez-vous pu mettre en avant des problématiques spécifiques à ce public ? Si non : Pourquoi ? Quelles justifications ? Cette interrogation est le cœur de ce mémoire. Elle sert un peu de questionnent final, de résumé. Son but est de savoir si la prise en charge est spécifique ou pas et d’y associer les justifications des professionnels en fonction de sa spécificité. - Selon vous, quel type d’accompagnement pourrait être au plus proche des besoins des personnes Alzheimer jeunes ? L’objectif de cette question est de mettre en avant si à l’heure actuelle il y a un type d’accompagnement qui tend à se démarquer des autres. Et ainsi de tenter d’établir l’accompagnement idéal pour les personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer. - L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace à l’accompagnement de ces personnes ? L’objectif est voir si globalement le contexte favorise une prise en charge optimale, si les moyens existants sont suffisants et efficaces. ANNEXE 7 : Grille de questionnaire Titre du formulaire Questionnaire sur l'accompagnement des "malades Alzheimer jeunes" en ergothérapie. C’est dans le cadre d’un mémoire de recherche en ergothérapie que je me permets de vous solliciter en tant que professionnel. En effet, cette démarche de recherche a pour objectif d’interroger les ergothérapeutes sur l’existence ou non d’une spécificité d’accompagnement des personnes de 55 à 65 ans atteintes de la maladie d’Alzheimer en ergothérapie. Les questions suivantes vont porter sur les modalités de prise en charge que vous avez mis en place pour ces personnes. En vous remerciant par avance pour le temps que vous accordez à ce questionnaire. Depuis combien d'années exercez-vous votre profession d'ergothérapeute? 1-5 ans 5-10 + de 10 ans Depuis combien de temps travaillez-vous auprès de personnes porteuses de la maladie d'Alzheimer? Moins de 1 an De 1 à 5 ans De 5 à 10 ans Plus de 10 ans Dans quel type de structure avez-vous travaillé? Les structures dans lesquelles vous avez rencontré des personnes porteuses de la maladie d'Alzheimer EHAPD EquipeSpécialisée Alzheimer Psychiatrie Autre : - Avez-vous déjà pris en charge des personnes de 55-65 ans atteintes de la pathologie d'Alzheimer? Oui Non Si oui, pouvez-vous estimer le nombre de personnes de 55-65 ans porteuses de cette pathologie, que vous avez rencontrées au cours de votre pratique professionnelle? 1 2 3 4 5 6 Autre : - Considérez-vous que l’expression clinique de la pathologie à cet âge est différente ? Oui Non Quelles sont les informations qui vous permettent d'avancer cela? - Pouvez-vous expliquer les grandes lignes de la prise en charge que vous avez menées pour ces personnes? - Quelles sont selon vous les grands principes de cette prise en charge ? - Avez-vous utilisé des nouvelles évaluations dans l’accompagnement de ces personnes ? Oui Non Si oui, lesquelles? Si non, pourquoi? -Avez-vous eu des problématiques nouvelles à prendre en compte ? Oui Non Si oui, lesquelles - Avez-vous eu besoin de ressources, de moyens nouveaux pour cette prise en charge ? Oui Non Si oui, lesquelles -Avez-vous eu des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes? Aucune Difficultéslégères Difficultésmoyennes Difficultésimportantes Quelle en était la cause? Vouspouvez cocher plusieurs réponses Manque de moyensadaptés Difficultérelationnelle Manque de connaissance sur la pathologie Autre : Au regard de la précocité de l’atteinte, avez-vous eu une réticence avant d’accompagner cette personne ? Oui Non Quelles en sont les raisons selon vous? - Considérez-vous que l’accompagnement des personnes âgées de 55 à 65 ans porteuses de la maladie d’Alzheimer, demande une prise en charge spécifique/nouvelle en ergothérapie ? Oui Non Comment pouvez-vous le justifier? En quoi cet accompagnement diffère t-il de celui mis en place pour la personne âgée? - Selon vous, au regard des secteurs d’accompagnement quel est aujourd’hui celui qui vous semble le plus adapté pour les personnes de 55-65ans porteuses de la maladie d’Alzheimer? Gériatrie Psychiatrie Neurologie Création d'un secteurspécifique Autre : Selon vous, en tant qu’ergothérapeute, entre l’institutionnalisation et le domicile, quel environnement de prise en charge est le plus adapté pour cette population? Institutionnalisation Domicile Les deux Aucun Pouvez-vous argumenter votre réponse? - L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace aux problématiques rencontrées dans l’accompagnement de ces personnes ? Oui Non Comment le justifiez-vous? - Est-il concevable de créer une prise en charge (structure, équipe) spécialement pour ces personnes ? Oui Non Quelles en seraient les caractéristiques? ANNEXE 8 : Retranscription des entretiens ENTRETIEN N°1 : Mme A Pouvez vous vous présentez brièvement ? Mme A : « J’ai 26 ans diplômée depuis juin 2009. Je travaille au sein de l’Ehpad, dans l’accueil de jour, depuis septembre 2012, j’avais déjà travaillé auparavant dans un ehpad pendant 9 mois mais dans un milieu hospitalier public, différent d’ici car ici on est dans un ehpad privé à but non lucratif. C’est la première fois que j’accompagne des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou apparentées et j’interviens notamment à l’accueil de jour qui accueille des personnes Alzheimer jeunes depuis novembre 2012 à hauteur d’une matinée une fois toutes les deux semaines. Je propose des activités ateliers divers. La maladie d’Alzheimer je connaissais par le biais de mes études, de mes stages, et en ehpad avant. Mais c’est vrai que la population Alzheimer jeune est une population particulière que je n’avais pas du tout vu. C’est la première fois que je rencontre des personnes si jeunes atteintes de la maladie d’Alzheimer et c’est une découverte pour moi. » Avez-vous de plus en plus ce type de public en prise en charge ? Mme A : « En accompagnement oui, dans la mesure où on reçoit de plus en plus de demandes pour participer à une journée à l’accueil de jour. De ce que j’entends de l’administration, il y a des nouvelles demandes une fois par mois au moins. La on tourne à 8-9 personnes qui viennent une journée par semaine dans le groupe Alzheimer jeune. Elles sont évaluées par le médecin coordonateur et par la neuropsychologue. Mais oui La demande est en augmentation. » Pourquoi ? Mme A : « Je pense que maintenant on arrive mieux à déterminer le profil, on a peut être une meilleure connaissance sur la maladie d’Alzheimer des études ont été menées. L’information circule et que maintenant au niveau du diagnostic les médecins sont plus au courant. Je ne pense pas que la maladie d’Alzheimer a explosé chez la personne âgée du jour au lendemain, c’est surtout qu’aujourd’hui on a une meilleure information qui circule mieux. Il y a des choses avérées, évidentes mais que derrière les moyens ne suivent pas donc il faut que l’on fasse quelque chose. » Pouvez- vous m’expliquer les grandes lignes de la prise en charge qui a été mise en place pour ces personnes? Mme A : « Le type d’accompagnement c’est à l’accueil de jour. Ils arrivent le matin entre 9-10h. Ils sont pris en charge dans le sens accompagnés toute la journée jusqu'au retour 16h30-17h soit ils repartent par leur propres moyens (seul en moyens de transport ou une personne vient les chercher) ou le taxi ou service âge d’or ( de transport pour personnes à mobilité réduite) Au sein de cette journée plusieurs activités et animations qui leur sont proposées. L’équipe est composée d’amp, as, avs, qui leur propose des sorties. Pour eux aussi c’est tout nouveau. L’équipe n’a pas l’habitude d’accompagner ce type de population. Ils se confrontent aussi à leurs propres limites, donc ils essaient de trouver des nouvelles idées pour accompagner ce public particulier. Ils proposent notamment des sorties au cinéma jardin, zoo, bowling, des activités sociales par rapport aux activités proposées aux personnes âgées et donc à des personnes plus dépendantes. Ils font aussi des activités au sein de l’accueil de jour comme la lecture du journal, des activités artisanales, des ateliers cuisines, etc. en fonction de la semaine. Il y a des intervenants extérieurs divers qui viennent apporter aussi leurs compétences. Donc il y a l’animateur, la psychologue une fois toute les deux semaines en alternance avec l’ergothérapeute. Et donc moi-même je propose un atelier qui allie à la fois les fonctions cognitives, exécutives, motrices en lien avec les activités de la vie quotidienne, le ludique, le jeu. J’essaie de faire un mis un peu de tout cela pour proposer quelque chose d’adapté. » Dans quel contexte cet accompagnement s’est-il déroulé ? Mme A : « Je ne pourrai pas te répondre parce que ca ne fait pas suffisamment longtemps que je suis dans la structure. » Avez-vous eu besoin d’effectuer des aménagements nécessaires pour l’accueil ce public ? (locaux, équipes, …) Mme A : « Non. Disons que ca reste un accueil de jour donc les gens viennent de leur domicile. A priori au niveau des locaux non car ce sont des gens qui sont assez autonomes au niveau des déplacements déjà, qui sont continents qui mangent de façon autonome. Ici on ne réalise pas de toilette, de change, c’est vraiment un lieu de vie, un lieu d’accueil convivial avec l’équipement classique. Et au niveau de l’équipe, bientôt il va y avoir une réunion avec la direction pour qu’on soumette nos idées de formation et une formation sur l’accompagnement des personnes Alzheimer en fait partie. Je ne sais pas s’il existe encore une formation sur l’accompagnement des personnes Alzheimer jeunes, mais en tout cas une sensibilisation devrait être faite.» Au sein de vos équipes, y a t-il eu des réticences à l’accompagnement de ces personnes ? Mme A : « Je ne pourrai pas trop te répondre dans la mesure où je ne connais pas trop l’historique. Mais je sais qu’à l’heure actuelle, au niveau de l’équipe ça se passe plutôt bien. Mais elle a conscience de ces difficultés et de leurs limites d’accompagnement. » Avez-vous rencontré des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes ? Mme A : « Parfois l’équipe se retrouve face à des situations qu’elles ont du mal à gérer que ce soit au niveau professionnel ou personnel. En effet, au niveau des transferts, les personnes étant jeunes cela peut faire échos à des parents proches, à ses propres parents qui ont plus ou moins le même âge, le même profil physique, social… il y a beaucoup de choses qui interviennent dans ce type de relation. Voila ce sont des difficultés au quotidien dont l’équipe a besoin de parler. Donc il y a des groupes d’analyse de pratique, un suivi qui sont organisés par les psychologues. Cela vient juste d’être mis en place à la demande de l’équipe.» Selon vous, peut-on dire qu’il y a une prise en charge spécifique, différente de chez la personne âgée pour ce public de 55-65ans, atteint de la maladie d’Alzheimer ? Mme A : « Oui, oui et oui. C’est vraiment totalement différent, on ne peut pas du tout comparer une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer à une personne jeune. Tout d’abord parce que le profil même de la maladie est différent. Chez la personne Alzheimer jeune c’est tellement plus complexe, la maladie évolue beaucoup plus vite. Il y a aussi un contexte social, familiale à prendre en compte. On a ici des personnes qui sont parents de jeunes adolescents, qui vivent encore à la maison, dont il y a tout cela à prendre en compte. Donc c’est très très compliqué. De plus, au niveau de l’accompagnement lors des ateliers on est confronté à des difficultés qu’on n’a pas l’habitude avec des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Notamment au niveau des comportements inadaptés comme l’euphorie, l’apathie, les aphasies, les apraxies ou alors des déambulations excessives… chez des personnes jeunes on n’a vraiment pas l’habitude parce qu’on a aussi une représentation sociale de la maladie. C’est vraiment un nouveau public que l’on doit accueillir et il y a encore un gros travail à faire pour les accompagner au mieux. Il y a vraiment des problématiques familiales, sociales à prendre en compte, et nous en accueil de jour en plus nous n’avons qu’un tout petit point de vue de la vie de la personne. Alors que en tant qu’ergothérapeute on doit s’intéresser à la globalité de la personne(le travail, le cadre social, familiale, ses habitudes de vie…). C’est vrai que ça serait intéressant de pouvoir partager avec les familles et les intervenants à domicile. » Selon vous, quel type d’accompagnement/ de structure pourrait être au plus proche des besoins des personnes Alzheimer jeunes ? Mme A : « Je ne sais pas quel type de structure conviendrait. Pour ma part, je pense qu’il n’y a aucune structure actuelle qui convient à la personne Alzheimer jeune qui ne peut plus résider à la maison seule, ou pour qui l’accompagnement même avec des aidants familiaux et extérieurs devient trop problématique. L’EHAPD clairement n’est pas adapté par rapport à l’âge des personnes, les dérogations pour les moins de 60 ans restent exceptionnelles. Après dans des unités protégées, c’est plus pour le contexte familial, social, qui fait que c’est un gros bouleversement pour les familles et la personne qui va côtoyer des personnes âgées beaucoup plus dépendantes que ce soit sur le plan physique ou cognitif. Après autre type, la psychiatrie, bien sûr que non ! C’est malheureusement souvent le cas parce que ce n’est plus gérable à la maison et que le médecin n’a plus de solution à proposer donc un séjour en psychiatrie c’est pour calmer les choses en attendant. Pour moi cet accompagnement ne convient pas du tout, d’ailleurs on n’aurait pas l’idée de mettre une personne âgées atteinte de la maladie d’Alzheimer en psychiatrie, donc pourquoi les jeunes y vont. Après les accueils de jour quand ils sont dédiés aux personnes jeunes sont des super typesd’accompagnement, dans la limites des connaissances et des compétences actuelles de chacun. Tout l’enjeu c’est de créer une structure adaptée pour ces personnes là. Peut-être des foyers de vie, quelque chose de plus adapté, de sur-mesure. Selon moi, c’est quelque chose à créer à adapter pour les personnes Alzheimer jeunes. » L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace à l’accompagnement de ces personnes ? Mme A : « Question qui n’est pas facile… déjà à la base il y a le diagnostic médical qui pose problème. Est-ce que les médecins traitants sont suffisamment formés, informés pour diagnostiquer les personnes ayant une maladie d’Alzheimer jeune. Après il y a les médecins gériatres, les centres d’évaluation gériatrique ont un point de vue plus globalsur la pathologie. C’est un peu d’actualité en ce moment on en parle de plus en plus chez la personne jeune. C’est tout nouveau aussi, dont il y a des efforts à faire de tous les côtés. » ENTRETIEN N°2 : Mme C Pouvez vous vous présentez brièvement ? Mme C : « Je suis cadre de santé depuis 2002. J’ai été cadre de santé en cardiologie dans un centre hospitalier. Apres j’ai fait de la formation, j’ai été enseignante à l’école d’infirmière pendant deux ans et demi. Et je suis maintenant sur l’EHAPD depuis Février 2011, ca fait 2ans. Je vais avoir 50 ans. Je suis donc de base infirmière, j’ai exercé en cardiologie, maternité, néonatologie. » Depuis combien de temps travaillez-vous auprès de personnes Alzheimer ? Mme C : « Depuis 2ans. » Depuis combien de temps avez-vous entendu parler des personnes Alzheimer jeunes ? Mme C : « Depuis que je suis dans l’enseignement, parce que quand vous enseignez en IFSI vous avez des modules avec des choses bien particulières à enseigner et en fait j’avais une grosse partie sur le droit, l’éthique, la dignité. Donc j’ai commencé à en entendre parler à ce moment la, en 2007 à peu près. C’est dans le cadre de mes recherches personnelles pour préparer mes cours que j’ai pris connaissances de l’existence de la maladie d’Alzheimer chez des personnes jeunes. » Avez-vous de plus en plus ce type de public en prise en charge ? Mme C : « Non. Ici on a une population vieillissante. La problématique des ehpad maintenant c’est qu’on développe les structures, les équipes pour maintenir le plus longtemps possible les personnes à leur domicile. Nous ici on propose un accueil de jour Alzheimer, donc les personnes viennent à la journée, ce qui permet de soulager les aidants et donc de garder le plus longtemps leur conjoint ou parents à domicile. On a aussi du temporaire, 15-3semaines pour soulager les aidant parce qu’ils partent en vacances ou on, des problématiques particulières. Donc ces annexes permettent aux gens de rester chez eux et donc l’entrée en maison de retraite. L’étiquette de cette pathologie fait aussi que les gens (conjoint, enfants) culpabilisent énormément à mettre leur parents en résidence…donc ils vont jusqu'au bout de leurs possibilités et donc souvent quand on accueille des gens c’est en situation d’urgence, dans la précipitation. Pour les Alzheimer la problématique pour les jeunes est aussi de l’ordre du financement. C’est à dire que quand vous avez une moyenne d’âge ici 85, on évalue un niveau de dépendance, c’est à dire que l’on fait la grille GIR et en fonction de ce niveau de dépendance on va avoir des aides de l’état du conseil, etc. sauf que dans le cas de personnes jeunes, on n’a pas d’aide. Moi actuellement, j’ai un résident Alzheimer jeune en gir 1 qui n’est pas codifié dans mon listing, du coup sur le papier ça n’alourdit pas le GIR de l’ensemble de la maison de retraite. Donc financièrement je n’aurai peut -être pas les moyens en personnel que j’aurai pu l’avoir si il avait été pris en compte. Donc je pense que ça doit peser dans la balance d’accueillir des résidents jeunes ou pas, parce que à présent on avance dans des problèmes économiques et financiers de plus en plus importants. Donc il y a des établissements comme le nôtre qui doit réfléchir à deux fois avant d’accueillir des personnes Alzheimer jeunes. On va être reconnu par certaines instances mais concrètement on ne reçoit rien en retour. » Pouvez- vous m’expliquer les grandes lignes de la prise en charge qui a été mise en place pour ces personnes? Mme C : « Ici on a une unité Alzheimer de 11 lits qui a été créée en interne, nous ne sommes pas reconnus par les instances, par l’ARS. On a voulu amener une prestation supplémentaire à l’ensemble de la population. Les soignants ont été formés en interne et après par la participation à des congrès, etc. Mais ici on n’a pas de moyens supplémentaires donc si en plus de cela il faut accueillir des personnes jeunes ça va compliquer encore la chose. On n’est pas le bon exemple car pour cette dame même si des choses on été mises en place au début, le terrain psychiatrique a rendu l’accompagnement compliqué. C’est une dame qui est arrivée dans notre établissement à 52 ans, aujourd’hui elle en a 57 ans et est devenue complètement dépendante. Ça a été catastrophique pour sa famille et pour nous aussi parce que les équipes n’étaient pas formées. Je ne suis pas sûre qu’on ait été à la hauteur avec cette dame. Ce qu’on a pu mettre en place, au niveau de la communication mais elle ne répondait pas, des techniques de toucher-confort qui permettaient de calme son stress et son anxiété. » Dans quel contexte cet accompagnement s’est-il déroulé ? Mme C : « Quand la personne est arrivée la pathologie était déjà bien avancée et elle a évolué très rapidement. A l’inverse de chez la personne âgée, chez les jeunes je trouve qu’il y a une progression impressionnante. Donc, chez nous il n’y avait rien au niveau accompagnement, la personne ne voulait rien, les équipes étaient devant un mur, aucune activité n’était possible. Cette dame a fait des courts séjours en psychiatrie parce que l’équipe ne savait plus comment faire. Les traitements mis en place ont par la suite permis de l’apaiser. Et on a pu commencer à mettre des choses en place. Aujourd’hui la personne est en GIR 1 à tous les niveaux, elle est mise en fauteuil coquille, mais elle est accompagnée pour tout on est rendu à l’état végétatif ! L’accompagnement n’a pas été significatif avec cette dame parce qu’elle était déjà dans un stade de la pathologie bien avancé quand elle arrivée chez nous. » Avez-vous eu besoin d’effectuer des aménagements nécessaires pour l’accueil ce public ? (locaux, équipes, …) Mme C : « Les locaux étaient déjà existants. L’unité d’Alzheimer se situait au rez-de-chaussée et les résidents peuvent quand même déambuler, c’est une unité ouverte. Avec celle là, on n’était pas dans cette problématique, elle était en pleine rébellion. Elle a du être contentionner au lit au fauteuil, avec l’intervention du médecin coordinateur et de la cadre sup allait avec l’aide soignante pour mettre en place un accompagnement pour pouvoir faire la toilette. On a dû mettre en place des techniques différentes pour calmer son stress, son anxiété (toucher/confort/thérapie du bisou). Les équipes n’ont pas été formées spécialement. A part la formation Alzheimer, ils n’y ont pas eu plus de soins, d’informations apportées. » Au sein de vos équipes, il y a t-il eu des réticences à l’accompagnement de ces personnes ? Mme C : « Oui ! A l’époque, et avec ce qu’on a pu me raconter, la souffrance et les inquiétudes des équipes n’avaient pas été prises en compte. Si aujourd’hui on me proposait de nouveau dans mes admissions une personne jeune je ferai tout un travail en amont avec les équipes. Je ferai souvent avant plusieurs séjours temporaires afin que la personne déjà elle-même s’habitue, les autres résidents et les professionnelles. La suite logique ça serait l’accueil de jour, des séjours temporaires puis définitifs afin qu’il y ait une suite logique pour la personne et l’équipe. » Avez-vous rencontré des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes ? Mme C : « Dans le cas de cette dame qu’on a pris moi je ne l’ai pas connue à son entrée. Mais ça a causé énormément de difficultés parce qu’il y avait un versant psychiatrique important. Ça a été très difficile pour l’équipe qui m’en parle encore aujourd’hui bien que moi je n’ai pas connu cette situation. A un moment ils ne savaient plus comment faire. Ici on a une moyenne d’âge de 85ans, quand on accepte quelqu’un d’Alzheimer jeune ça leur renvoie une image qui n’est pas positive. Pour la personne elle-même, sa famille et pour les autres résidents, le placement dans un EHPAD n’est pas adapté. Est-ce que le fait d’être avec des personnes âgées ne va pas favoriser l’éloignement familial… c’est une chose que nous avons pu remarquer dans le cas de cette personne. » Selon vous, peut-on dire qu’il y a une prise en charge spécifique, différente de chez la personne âgée pour ce public de 55-65ans, atteint de la maladie d’Alzheimer ? Mme C : « Les personnes jeunes devraient être suivies dans des unités spécifiques où il y a les moyens. Oui c’est une prise en charge complètement différente, ce n’est pas parce que les équipes ont une formation Alzheimer que l’on sait comment prendre les gens jeunes en charge, parce que je pense que nous ne sommes pas du tout sur les même problématiques. Les personnes Alzheimer vieillissantes ont souvent des pathologies associées. Sur le plan général ce sont des personnes qui sont plus facilement maniables entre guillemets car plus dépendantes physiquement. Alors que chez cette dame il y avait une révolte physique et des capacités motrices bien présentes qui ont rendu l’accompagnement difficile. Je ne suis pas certaine que les ehpad soient des structures adaptées, on ne se rend pas mutuellement service à accueillir ces personnes dans nos structures. Je sais bien qu’il faut les accepter quelques part mais les EHPAD ne sont pas faites pour cela. Je ne suis pas sûre qu’on ait été à la hauteur pour cette dame. Ah oui et il faut qu’il y en ait une !! Il faut prendre en compte le regard des autres : des résidents ; de l’équipe. Soigner quelqu’un qui est d’un âge proche, sur ce type de maladie ça peut renvoyer quelque chose : ah oui ça arrive à cet âge, comment moi je vais pouvoir gérer cela, etc. l’EHAPD c’est quand même la gériatrie, donc c’est un milieu de personnes âgées. Donc pour les soignants c’est plus « entendable » lorsque la pathologie est là parce que la personne vieillit, l’aide apportée est justifiable parce que la personne ne peut plus physiquement nonplus. Mais qu’enc’est une personne du même âge que soit, comment le professionnel va pouvoir répondre à toutes ses attentes nouvelles, le professionnel va devoir gérer le stress de la personne associée au sien, à ses inquiétudes. Parce que les équipes sont stressées, cela leur renvoie une image négative de la pathologie, de la fin de vie également. Et puis, avec les jeunes on va être plus dans la stimulation que chez la personne âgée je pense, plus pointilleux sur les détails. Je pense que l’accompagnement est complètement différent ça c’est évident. L’accompagnement sera peut être plus axé sur des problématiques de mon âge… la question de la famille, par rapport aux enfants qu’est ce qu’on peut mettre en place pour l’accompagnement de la famille et de la personne dans l’acceptation de la maladie. Par exemple avec la psychologue, il y aura un travail nouveau à mettre en place. Il faudrait par exemple des temps de sorties adaptées pour que les résidents puissent retourner de temps à autre au sein de leur famille, organiser des temps de vacances où autres. Je pense qu’il y a des choses à adapter mais il faut les moyens et je ne pense pas que les EHPAD soient des lieux adaptés pour les personnes Alzheimer jeunes. D’autant plus que la moyenne d’âge dans nos établissements va augmenter de plus en plus. J’ai du mal à imaginer quelqu’un de 48 ans ici avec des personnes de 85 ans et voir même plus parce qu’on a des centenaires ici. Je sais bien qu’il n’y a pas assez de cas en France pour créer de nouvelles structures spécifiques mais il existe peut être déjà des structures plus adaptées que l’EHPAD. » Selon vous, quel type d’accompagnement/ de structure pourrait être au plus proche des besoins des personnes Alzheimer jeunes ? Mme C : « Des maisons familiales où on regroupe 4-5 personnes et ce sont les soignants qui s’adaptent à eux. Il doit exister 2 ou 3 maisons en France mais ça serait un accompagnement qui me paraît plus adapté. Il y a aussi des systèmes d’équipe à domicile qui se déplacent ou qui organisent des activités dans différents endroits et qui permettentde faciliter le maintien à domicile. L’accompagnement idéale ça serait pour moi un maintien à domicile au maximum, et après placer ces personnes dans des structures plus petites avec des soignants présents mais pas dans des structures comme les EHPAD. » L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace à l’accompagnement de ces personnes ? Mme C : « Non, parce que je trouve qu’on n’entend pas parler beaucoup de ces personnes. Ce qui s’expriment sont encore chez eux, mais après qu’est ce qu’il existe ? Rien. On est pour moi dans la même problématique que les gens reconnus handicapés mentaux, qui sont dans des CAT jusqu'à 60 ans et après ils sont dirigés vers les EHPAD. Il n’existe rien après. Donc ces personnes se retrouvent mélangées à des personnes qui n’ont pas les mêmes troubles. Donc non il y a du travail encore. » ENTRETIEN N°3 : Mme N Pouvez vous vous présentez brièvement ? Mme N : « Je suis diplômée d’état en ergothérapie depuis juin 1998. J’ai travaillé dans un premier temps en centre de rééducation pendant 2 mois. Et en janvier 1999 j’ai fait un diplôme universitaire de neuropsychologie et j’ai intégré le chu en mai 1999 sur un mi- temps en rééducation neurologique puis ensuite un second mi- temps en en gérontologie dans un des services du CHU. Donc jusqu’en 2006 j’ai quitté la gérontologie pour être en mi- temps sur le centre mémoire. Ce centre est construit sur une mutualisation de moyens entre la gérontologie et la neurologie. Ensuite il y a eu la validation d’un centre de compétence pour des démences rares, avec des plus en plus de demandes de neurologue de ville ou de gériatre qui avaient de plus en plus des cas jeunes de démence. Je travaille depuis le départ auprès des personnes Alzheimer, le médecin étant spécialisé en neuropsychologie on avait des le départ des cas de démences Alzheimer ou apparentées. Pour les personnes Alzheimer jeunes, j’ai commencé à en rencontrer quand le centre mémoire a ouvert car à ce moment là on a commencé à se dire que les besoin des sujets jeunes étaient différents de ceux proposés en gérontologie. Et de ma pratique personnelle, pour avoir travaillé dans les deux secteurs en même temps, je voyais bien que la pratique, l’annonce du diagnostic n’étaient pas les mêmes. » Avez-vous de plus en plus ce type de public en prise en charge ? Mme N : « Oui parce que dans les directives des Centre Mémoire de Ressource et de Recherche, il y a l’obligation depuis un ou deux ans, d’adresser ou de faire connaître les sujets jeunes au centre de référence. Déjà on voyait de plus en plus des personnes jeunes pour des diagnostics, mais là depuis un an il y en a d’autant plus notamment par la mise en place de cette obligation. Après aujourd’hui c’est la question du suivi de ces personnes qui se pose, afin de bien répartir en fonction de chaque professionnel qui fait quoi, car nous on ne peut pas faire le suivi de toutes ces personnes là. Donc on a proposé de faire une réunion avec tous les centres de proximité une présentation de tous les sujets jeunes, afin que nous en tant que CMRR on puisse les intégrer dans des protocoles de recherche, s’assurer du suivi et s’intéresser à la question de la génétique, qui se pose d’autant plus chez les formes jeunes. » Pouvez- vous m’expliquer les grandes lignes de la prise en charge qui a été mise en place pour ces personnes? Mme N : « Je peux donner l’exemple d’une patiente qui va être assez représentative. C’est une dame qui nous a été adressée par son médecin traitant pour pouvoir établir un diagnostic. Elle a été reçue pour une consultation mémoire, elle a été vue par la neurologue et le neuropsychologue qui déterminent un complément de bilan en hospitalisation. Sur le temps de l’hospitalisation, elle a revu le neuropsychologue pour terminer les bilans, elle a eu des examens notamment un scanner, une scintigraphie, une irm, ce sont les trois examens que l’on demande. Et puis elle a peut être vu le psychiatre si il y avait des troubles de l’humeur repérés mais également au regard du risque de dépression qui est plus élevé car il y a des répercussions dans le quotidien qui sont importantes car il y a souvent un problème familial, professionnel, etc. Au départ, par exemple les personnes ont des difficultés à continuer de travailler, sont en arrêt de travail mais ils ne savent pas dire pourquoi, d’où viennent leur difficultés. Donc pour ces gens là on va faire le complément de bilan, on va rencontrer les familles. La personne aura vu l’ergothérapeute, l’assistante sociale, si besoin la kinésithérapeute ou la diététicienne mais ceci est plus rare dans le cas de maladie d’Alzheimer chez l’adulte jeune. Une fois tous ces entretiens passés, ce sera le temps de l’annonce du diagnostic avec la famille et la personne, et des propositions de thérapeutiques médicamenteuses, de prise en charge en orthophonie pour prévenir l’apparition de certains troubles (langage, gnosique, praxique, syndrome dyséxécutifs) en fonction de l’atteinte. On peut également proposer une intervention du SAMSAH lorsque les personnes sont plus isolées. Ce dernier prend en charge l’organisation, la mise en place des aides humaines, ou bien parfois diriger les personnes vers des équipes spécialisées Alzheimer pour une intervention plus courte. On accompagne les personnes dans les démarches administratives type dossier MDPH (volet PCH aide humain ou une orientation vers le SAMSAH), la demande de l’ALD. Notre action se situe donc essentiellement sur l’évaluation, l’annonce du diagnostic et sur la mise en place de relais. Et dans le service, le suivi est poursuivi par le neurologue de ville si c’est lui qui avait commencé et nous on les revoit une fois par an pour une hospitalisation de trois à cinq jours pour un suivi. Ils sont revus par le neuropsychologue, l’ergothérapeute, une nouvelle imagerie est faite, l’assistante sociale peut être rencontrée si besoin. Et s’ils sont seulement suivis par nous, le CMRR, ils sont revus une fois par an pour le même bilan et tous les 6 mois ils ont une consultation avec le neurologue. Après on peut réintervenir à la demande s’il y a des besoins particuliers. » Dans quel contexte cet accompagnement s’est-il déroulé ? Mme N : « Dans notre cas on peut avoir tout type de contexte. Parfois les personnes commencent juste à avoir certains troubles qui affectent leur quotidien que ce soit à leur domicile, sur le lieu de travail, etc. le critère d’urgence pour nous se situe au niveau de l’accompagnement médico-social qui va être mis en place, il concerne les personnes qui sont isolées, qui ont des enfants à charge, ou s’il y a des problématiques professionnelles et pour qui l’accompagnement est urgent à mettre en place. » Avez-vous eu besoin d’effectuer des aménagements nécessaires pour l’accueil ce public ? (locaux, équipes, …) Mme N : « Il y a un peu de formation en interne sur le service de neurologie. Mais c’est beaucoup de la formation informelle, les anciens transmettent aux plus jeunes. Nous, nos équipes sont quand même sensibilisées à l’accompagnement des personnes jeunes atteintes de démence… c’est un peu notre spécificité. Et pour les locaux, pas réellement puisque l’unité pour les démences rares a été construite il y a peu de temps. » Au sein de vos équipes, il y a t-il eu des réticences à l’accompagnement de ces personnes ? Mme N : « Non, parce que comme on a une culture neurologique, on est habitué à travailler auprès de personnes jeunes. Et ce sont les mêmes équipes que sur le service de neurologie, donc on fait déjà de la rééducation neuropsychologique auprès de personnes beaucoup plus jeunes. » Avez-vous rencontré des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes ? Mme N : « Oui. Moins maintenant avec la création des SAMSAH et des Equipes spécialisées Alzheimer, mais avant il n’y avait pas de prise en charge pour elles. Et aujourd’hui on ne mesure encore pas tout notamment dans l’accompagnement des familles et notamment dans la prise en charge des enfants jeunes. Je pense à une dame qui a des enfants jeunes, et moi je ne les jamais vus et cette dame et son mari sont assez opposés à l’intervention de personne chez eux donc on ne s’est pas trop comment ils s’en sortent. C’est difficile de trouver des structures adaptées. Par exemple, des structures telles que les accueils de jour ne sont pas du tout adaptés pour les sujets jeunes. On arrive à force de négociation à les faire rentrer, mais les personnes le disent très bien elles se retrouvent avec des « vieux » et ne savent pas quoi leur dire. Certains y trouvent une place parce qu’ils ont l’impression d’aider les autres donc quand il y a cette fibre là ça passe, mais pour les autres c’est très difficile de les faire rentrer à 55 ans en maison de retraite. La difficulté est plus dans l’accompagnement des familles et dans l’acceptation de la perte d’autonomie des personnes et donc de l’intervention d’une aide extérieure. Car souvent les conjoints sont encore en activité professionnelle, la personne porteuse de la maladie est donc seule au domicile et qui peut partir, se perdre, ne plus gérer… et les gens aidants ont justement du mal à intégrer cela, qu’il faille plus faire confiance à la personne en quelque sorte, ne plus la laisser faire les courses seule, conduire. Le conjoint est obligé de prendre des décisions sans spécialement concerter l’autre et c’est ce qui est compliqué chez les jeunes, ça se fait plus naturellement chez les personnes âgées. » Selon vous, peut-on dire qu’il y a une prise en charge spécifique, différente de chez la personne âgée pour ce public de 55-65ans, atteint de la maladie d’Alzheimer ? Mme N : « Oui. Je pense qu’il ne faut pas du tout penser comme chez la personne âgée, parce que les problématiques et les ressources ne sont pas les mêmes. Par exemple on peut s’appuyer sur le conjoint d’une certaine manière parce qu’il est plus jeune mais par contre il travaille donc est moins disponible mais il est beaucoup plus partie prenante dans le projet d’accompagnement. Après il y a toute la question du travail et des activités sociales qui ne sont pas les mêmes. En vieillissant on a moins besoin d’activités à l’extérieur de la maison. Alors qu’à 55 ans on va encore au cinéma, on fait encore beaucoup d’activités sociales, on participe à des associations, etc. il y a vraiment des problématiques sociales, familiales et professionnelles qui ne sont pas les mêmes. Et puis il y a des compétences physiques qui sont bien plus préservées et mobilisables que chez la personne âgée. L’accompagnement va être complètement différent, il faut beaucoup plus créatifs avec les personnes jeunes. » Selon vous, quel type d’accompagnement/ de structure pourrait être au plus proche des besoins des personnes Alzheimer jeunes ? Mme N : « Aujourd’hui il n’en existe pas. Pour moi il y a encore des choses à créer parce que chacune des structures existantes actuellement possèdent ces limites. Le SAMSAH, sa limite est dans le temps et cette structure est plutôt dans le gain, le maintien à domicile alors que dans le cas de la maladie d’Alzheimer on est dans la dégénérescence et donc plus dans l’accompagnement vers une structure malheureusement. On sait très bien que ce qui est fait aujourd’hui avec une personne jeune atteinte de la maladie d’Alzheimer ne sera plus d’actualité dans deux ans. Il y a une réactualisation nécessaire tous les ans et qui va vers le moins bon. Donc valoriser le travail du SAMSAH la dessus c’est à l’inverse des textes officiels des missions du SAMSAH, donc ça les met en porte-à-faux. Parce que cet accompagnement qui ne devait pas être sur du long terme, devient sur du long terme. Pour les Equipes Spécialisées Alzheimer, je pense qu’en 15 séances c’est illusoire qu’on puisse mettre tout en place chez des sujets jeunes puisqu’il y a tellement de choses à traiter chez eux que si on s’attaque aux soins d’hygiène, cuisine ; courses ; aux taches ménagères et j’en passe et bien 15 séances ce n’est pas suffisant. Et puis il y a une limite aussi de trois mois, il y a des textes aussi qui viennent limiter et qui les rendent inadaptés dans le cas de personnes jeunes. Il faudrait que les équipes soit la en permanence et que chaque mission soit reprise mais ça ne me paraît pas non plus adapté au sujet jeune. De même pour les accueils de jour…Je pense que ça mériterait un accompagnement très spécifique du sujet jeune. Et puis en fonction des capacités, des envies, de la personnalité de la personne et de son environnement, le maintien à domicile peut vite devenir compliqué. Par exemple si c’est quelqu’un qui a des gros troubles de mémoire, qui est anosognosique, très dynamique et qui prend beaucoup d’initiatives ça va vite devenir ingérable au quotidien. De même s’il y a des troubles dans le cycle du sommeil. Le conjoint qui travaille ne pourra pas gérer et les déambulations nocturnes et se lever le matin pour se rendre au travail. De même pour les institutions, on en a pas encore des adaptées. Pour renter en maison de retraite, il faut une dérogation, dérogation qui n’est pas forcément acceptée partout. Nous on a eu ce problème dans le département à un moment donné. Il y avait des refus de dérogations en disant que des gens de 55 ans ne relèvent pas d’une maison de retraite, sauf qu’il n’y a pas vraiment d’autres établissements. Ou alors il faut une orientation en Maison d’Accueil Spécialisée mais 55 ans en MAS, on se retrouve avec des MAS pour traumatisé crânien et il n’y en a pas vraiment qui se rapprocheraient et dans le cas de personnes Alzheimer on est dans du dégénératif. Il y a des MAS qui se créent autour de personnes ayant des maladies dégénératives, mais ils vont se retrouver avec des pathologies complètement différentes. Après on dit que mettre des gens avec la même pathologie ce n’est pas vraiement mieux, mais je ne sais pas trop. Et c’est l’environnement qui pousse vers ces solutions extrêmes. » L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace à l’accompagnement de ces personnes ? Mme N : « Pas pleinement. Dans l’organisation actuelle on peut quand même s’appuyer sur les SAMSAH, les ESA, les MAIA même si je suis un peu plus réservée sur leur action auprès des personnes jeunes. Les MAIA sont plus dans un accompagnement au long court, parce que le maintien à domicile s’il y a un isolement j’ai du mal à voir comment ils peuvent trouver des solutions mais je me trompe peut être. Il faudrait créer des structures inspirées de tout cela, des ESA, du SAMASH mais qui soit plutôt dans l’idée d’un accompagnement vers une structure de vie. Puisque le maintien à domicile va être compromis à un moment donné. Et donc il faut trouver ces structures de vie. » ENTRETIEN N°4 : Mme E Pouvez vous vous présentez brièvement ? Mme E : « Moi je suis ergothérapeute sur une équipe spécialisée Alzheimer depuis septembre 2009. J’ai une antériorité de travail dans les services hospitaliers depuis une vingtaine d’années. Je travaille depuis plus de 20 ans auprès de personnes porteuses Alzheimer, y compris dans le secteur hospitalier car il y a de plus en plus fréquemment ce type de pathologie associée. J’ai eu rarement à faire à des personnes jeunes en service hospitalier mais depuis que je suis en ESA j’en rencontre plus fréquemment. » Avez-vous de plus en plus ce type de public en prise en charge ? Mme E : « Alors de plus en plus je ne sais pas, mais depuis trois que je travaille en équipe spécialisée il y a ponctuellement des demandes pour des personnes précocement atteintes. Après je n’ai pas eu de recrudescence en trois ans mais ponctuellement il y a des demandes. » Pourquoi ? Mme E : « Parce qu’elles rencontrent les mêmes problématiques que les personnes de 80 ans en terme de perte d’autonomie, de troubles du comportement, voila, elles sont devant une problématiques et elles font appel plus facilement maintenant à des services qui peuvent leur apporter de l’aide. Qu’on soit jeunes ou moins jeunes la difficulté par rapport à la déficience, à la perte d’autonomie, aux changements de comportement elles restent les mêmes selon moi. Après c’est l’environnement qui n’est pas forcement le même, l’aidant n’est pas non plus dans la même situation que dans le cas d’un couple âgé et ceci peut amener une problématique supplémentaire. » Pouvez- vous m’expliquer les grandes lignes de la prise en charge qui a été mise en place pour ces personnes? Mme E : « Les grandes lignes c’est : l’accompagnement auprès de personnes malades. Soit pour essayer de maintenir sa participation dans les activités routinières. Ceci en associant plusieurs techniques, et en intervenant dans plusieurs domaines. Soit en intervenant sur l’environnement matériel afin de mettre en place du matériel pour entretenir l’autonomie ou pour sécuriser l’environnement et limiter les troubles du comportement. Soit en intervenant auprès des aidants pour apporter des conseils ou pour orienter vers une aide humaine. Soit en essayant de renforcer les compensations sensorimotrices, cognitives et dans certains cas ou les gens ne sont pas dans des stades trop avancés on peut essayer d’améliorer le rendement mnésique, donc la il existe des techniques. Et puis il y a aussi tout le travail qui fait auprès de l’aidant pour améliorer son savoir-faire, son savoir-être, pour essayer del’accompagner et de trouver des solutions de répit lorsqu’il est épuisé. Enfin il y a tout le travail de partenariat que l’on fait avec la mise en place de relais. En effet, quand on arrête notre intervention on passe le relais au service existant. Soit dans le cadre de maintien de stimulation donc on serait sur les accueils de jours, soit parce qu’il faut mettre en place des temps de répit donc on serait toujours sur des accueils de jours ou des hébergements temporaires. Soit sur de services intervenant au domicile, parce que là il y a besoin de mettre en place des compensations humaines et bien entendu tout le relais qui se fait avec le corps médical car comme on intervient sur prescription médicale il y a un retour à faire. » Dans quel contexte cet accompagnement s’est-il déroulé ? Mme E : « On a du mal à intervenir en amont, comme quand par exemple le diagnostic vient juste d’être posé. Là où on a du mal à intervenir c’est chez les personnes chez le diagnostic vient tout juste d’être posé, chez qui les troubles débutent et qui n’intègrent pas vraiment cette notion de prévention. Notre intervention suppose que les gens aient déjà accepté le diagnostic et certaines personnes ne sont pas prêtes à cela. Donc dans ces conditions ç’est délicat d’intervenir. Après tout dépend de l’optique dans lequel sont les personnes. Si elles ont une conscience de la maladie, du trouble, de ce que cela va engendrer dans le temps, il y a des personnes qui sont dans des stratégies d’ajustement positives et qui vont vouloir entraîner la mémoire, suivre les traitements médicamenteux au pied de la lettre…Là oui ils feront appel à nous. Mais personnellement j’ai rarement rencontré des personnes comme cela. Et puis il faut avoir conscience que c’est une pathologie très déniante, donc nous sommes souvent confrontés à ce déni de la maladie, de la conscience objective du trouble. Du coup quand on arrive pour parler de maladie de la mémoire, des incapacités, etc. ce n‘est pas forcement entendable. Donc à nous d’intervenir de manière à positiver ce qui fonctionne bien et que notre intervention va essentiellement s’appuyer sur ce qui fonctionne. » Avez-vous eu besoin d’effectuer des aménagements nécessaires pour l’accueil ce public ? (locaux, équipes, …) Mme E : « Alors au niveau des équipes non. On ne change pas radicalement notre manière d’appréhender la personne, si ce n’est qu’on a des données autres. Par exemple si on est chez l’accompagnement de l’aidant qui là se retrouve en activité professionnelle, si on repère qu’il y a un problème insécuritaire, un problème de dépendance, il y aura une problématique supplémentaire. On n’a pas une approche différente si ce n’est que le problème est peut être plus complexe à aborder. Mais à nous avec nos outils ergo, avec ce que l’on connaît déjà de la pathologie et de l’accompagnement de l’aidant, à nous de l’adapter à cette situation. Aprèsc’est peut être plus par rapport aux ressources, aux services partenaires qui existent que ça peut être différent. Quelqu’un de moins de 60 ne peut pas prétendre à l’APA. Régulièrement on a des temps de coordination mensuel qui sont centrés sur les plans APA. Alors comment moi j’introduis le dossier d’une patiente de moins de 60 ans sur ces temps de coordination. Donc ça veut dire qu’il faut que je me réfère à d’autres professionnels et ça c’est plus chronophage pour moi, les démarches sont différentes. » Au sein de vos équipes, il y a t-il eu des réticences à l’accompagnement de ces personnes ? Mme E : « Non parce que par exemple les assistants en soin de gérontologie qui interviennent au domicile sont également des aides soignantes au sein du SSIAD. Or au sein d’un SSIAD on accueille des personnes âgées mais aussi des personnes jeunes handicapées. Donc ce n’était pas du tout un frein pour mes collègues. Certains accompagnements plus complexes parce qu’il y a une entrée dans la pathologie plus atypique type syndrome de Benson qui demande des actes et des connaissances plus pointues. Pour les personnes qu’on a eu c’était une entrée atypique dans la maladie certains ont développé un syndrome de Benson, ce n’était pas les troubles mnésiques qui prédominaient. Les troubles étaient surtout de l’ordre du visuospatial. Donc pour le coup c’était une approche un peu plus technique plus de l’ordre de l’ergothérapie, avec des actes un peu difficiles à confier à des assistants en soin. Ou bien la maladie évoluait très rapidement et on arrivait à des stades très avancés de la pathologie. Il ne restait que la déambulation qui était maitrisée, on était sur une autre approche mais que l’on rencontre plus chez la personne âgée. Là on est plus dans des notions de réadaptation, mais plus sur de la stimulation sensorielle, l’accompagnement d’activité motrice. Et troisième tableau on intervenait au moment ou la pathologie est déjà bien avancée. » Avez-vous rencontré des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes ? Mme E : « La difficulté par exemple par rapport aux structures relais qui sont parfois difficiles à mettre en place au vue de l’âge des personnes. Notamment sur les accueils de jours spécifiques c’est compliqué, à Rennes il y en a un qui est adapté et il est complet. Et on voit bien que d’intégrer ces personnes là sur des accueils de jour traditionnels par rapport à la tranche d’âge c’est beaucoup moins facile, les activités ne sont pas les mêmes, le relationnel est compliqué, le but c’est qu’il y ait des échanges et là il y a de la réticence sur le fait que « je vais être avec des vieux ». Il y a quand même cette barrière de l’âge, les groupes sont plus hétérogènes. Et pour l’accompagnement en lui-même je ne trouve pas qu’il y a des difficultés nouvelles propres au mode d’accompagnement. Parce que finalement nos objectifs et la demande restent les mêmes. On retrouve la perte d’autonomie, l’isolement social ; la difficulté de l’aidant. Mais c’est plus dans le relais qu’on va rencontrer des difficultés parce que en tête au domicile on peut pallier à ces difficultés, on s’adapte, on fait du sur-mesure et ceci de part noter profession et nos compétences. » Selon vous, peut-on dire qu’il y a une prise en charge spécifique, différente de chez la personne âgée pour ce public de 55-65ans, atteint de la maladie d’Alzheimer ? Mme E : « Elle est différente dans le sens où on n’axera pas spécialement les objectifs sur les mêmes types d’activités. On axera sur l’activité qui nous semble signifiante pour la personne et qui va être intéressante à développer. Mais on fait du sur-mesure comme tout le temps. Dans le cas de la pratique en équipe spécialisée, la prise en charge de la personne n’est pas si différente que chez la personne âgée. Par contre où cela change c’est dans l’accompagnement de l’aidant, parce qu’il n’aura pas les même problématiques qu’un conjoint âgé retraité, les même ressources. Cela va être plus compliqué quand l’aidant n’a pas de disponibilité en temps, parce qu’il travaille, qu’il doit s’absenter en journée, etc. et elle sera différente dans la mise en place des relais parce que cela est plus compliqué pour nous comme nous l’avons dit tout à l’heure. » Selon vous, quel type d’accompagnement/ de structure pourrait être au plus proche des besoins des personnes Alzheimer jeunes ? Mme E : « Déjà pour les structures de répits il faudrait créer quelque chose de plus spécifique, il faut multiplier les structures qui crééent des accueils de jours pour les personnes jeunes ou au moins des temps spécifiques. Il faut dédier plus de temps à l’aidant jeune par le biais de groupe de parole, tel que les bistrots mémoire mais adaptés pour les personnes jeunes. Il faut penser à des accompagnements spécifiques pour les populations jeunes. Dans l’encadrement médical, c’est vrai que le terme gériatrie peut choquer pour ces personnes. Mais le gériatre est pour moi pleinement compétent à accompagner des personnes jeunes atteintes de maladie d’Alzheimer. La clinique ne change pas tellement, le gériatre est accompagné d’une équipe de neuropsychologues, de kinésithérapeutes, d’ergothérapeutes, d’assistantes sociales qui ont compétences à intervenir chez les personnes jeunes. Une consultation mémoire type peut convenir à une personne jeune. Après pour l’accompagnement par les neurologues, le problème c’est que pour les neurologues de ville, il y a juste le diagnostic et les traitements mais après il n’y a pas de suivi. Après pour les neurologues en service hospitalier les neurologues ont plus tendance à passer le relais, à orienter vers les autres services. Après psychiatrie oui ça peut être le cas si ce sont les troubles du comportement qui prédominent, mais comme pour une personne âgée. Après il n’y a pas plus de raison que les personnes soient suivies en psychiatrie. Je pense que l’accompagnement plus psychologique est plus à développer chez les patients jeunes.tel que le café des aidants, mais c’est aussi à nous en tant que professionnel de faire ce relais et de prendre conscience de tout ce qui existe et se crée. Je pense qu’il faut que l’on intègre à notre niveau qu’il y a peut être des besoins plus spécifiques chez les patients jeunes, mais on sait bien qu’aujourd’hui les ressources sont encore insuffisantes pour ses personnes. » L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace à l’accompagnement de ces personnes ? Mme E : « Ce qui existe est utile, les accueils de personnes jeunes, les prises en charge psycho sur les consultations mémoire. Mais ce n’est pas suffisamment développé. » ENTRETIEN N°5 : Mme P et Mme O Pouvez vous vous présentez brièvement ? Mme O : « Moi je suis orthophoniste, je travaille depuis 2005 avec des personnes âgées et j’ai entendu parler également depuis 2005 des personnes Alzheimer jeunes et c’est depuis cette date que j’en ai rencontrées.» Mme P : « Moi je suis psychiatre, je travaille auprès de personnes âgées en hospitalisation puis en ambulatoire depuis 20 ans. Donc j’ai appris pendant mes études de psychiatrie les différentes pathologies neuropsychiatriques et donc l’existence des démences jeunes. » Avez-vous de plus en plus ce type de public en prise en charge ? Pourquoi ? Pouvez- vous m’expliquer les grandes lignes de la prise en charge qui a été mise en place pour ces personnes? Mme P : « C’est une prise en charge globale, multidisciplinaire avec un panel de soins dont les gens s’emparent en fonction de leur besoin. Les personnes peuvent venir une fois par an ou toutes les deux semaines, etc. c’est vraiment en fonction de leur besoin. Il y a des consultations, de la rééducation, des visites au domicile, chaque professionnel a sa fonction bien déterminée et apporte son savoir en fonction du besoin des gens. En ambulatoire on a un avantage par rapport au milieu hospitalier c’est que les gens qui viennent ici sont motivés à suivre les soins, parce que rien ne les y oblige et c’est important pour nous.» Mme O : « Sur le plan cognitif on leur propose des prise en charge individuelles de rééducation cognitive, par exemple sur la mémoire, le langage, avec la neuropsychologue et moi-même en temps qu’orthophoniste. Et aussi des prises en charge de groupes avec la psychomotricienne, des infirmiers. On favorise au mieux les prise en charge de groupe pour favoriser le lien, mais en fonction de chacun, des objectifs personnels, on propose des choses différentes.» Mme P : « Alors quand les gens arrivent il y a une consultation-évaluation obligatoire avec les trois médecins de l’unité d’une heure. Et on fait ces consultations en binôme avec un infirmier, parce qu’après ils vont faire une évaluation à domicile écologique. Après soit le diagnostic est fait et on voit pour un suivi éventuel, soit on demande un bilan plus approfondi et après on voit s’ils veulent une prise en charge ou pas. A chaque fois c’est un arbre décisionnel et les gens font leur choix. On voit bien nous que des gens qui sont évalués et pris en charge régulièrement on voit la différence avec ceux qui ne le sont pas. On voit une très nette amélioration des patients suivis régulièrement sur le plan psychiatrique et cognitif. On le remarque par le biais de bilans standardisés réguliers, les gens peuvent stabiliser leurs troubles. Après parfois ils perdent un peu plus sur le plan cognitif mais les troubles l’humeur sont améliorés. Et on voit bien qu’avec une maladie donnée telle que la démence précoce par exemple, les gens peuvent stabiliser leurs symptômes ! » Dans quel contexte cet accompagnement s’est-il déroulé ? Mme P : « En général les gens ici ne viennent pas ici en début de maladie. Les gens attendent toujours que ce soit un petit peu grave pour venir consulter. Et parce que les familles en général ont beaucoup fait avant, et c’est quand ces familles sont un peu fatiguées d’apporter de l’aide, bien que parfois elles n’en sont pas spécialement conscientes. Elles passent par le médecin traitant, par une association. Ou alors quand ils viennent en début c’est plus parce qu’ils ont entendu parler de la pathologie et qu’ils ont peur. Mais bien souvent ces gens là ne sont pas malades. Tout cela c’est surtout pour des personnes qui ont des troubles neurologiques. Après pour ce qui est des personnes ayant des troubles psychiatriques, des troubles dépressifs mais qui ont déjà un trouble de la mémoire sousjacent…et c’est la que notre rôle est important, on est vraiment dans quelque chose de psychiatrique qui peut basculer vers la démence. On ne s’en rend pas vraiment compte mais ces personnes ont déjà des troubles psychiatriques avec un trouble cognitif seul sans une atteinte démentielle authentifiée, et ce sont ces profils qui peuvent basculer vers la démence constituée. Parce que nous plus de la moitié de nos patients viennent pour des troubles psychiatriques de type dépression, ce n’est pas forcément la démence la cause première. » Avez-vous eu besoin d’effectuer des aménagements nécessaires pour l’accueil ce public ? (locaux, équipes, …) Mme P : « C’est vrai que ça nous met un peu plus en difficultés. Par exemple en salle d’attente les gens qui ont 60 ans et qui se retrouvent avec des gens de 85 ans en salle d’attente, ils voient la différence et ils ne veulent pas qu’on les mette dans la même case que les personnes âgées. Après il y a eu aussi la gestion des groupes qui peut être un peu plus difficile. Mais cela dépend aussi de ce que nous en tant que soignant on renvoie. Dans les cas que j’ai rencontrés cette crainte est souvent tombée assez vite, certains s’intègrent même bien, ils rentrent dans un rôle un peu d’aidant, il y a de l’entraide qui se met en place dans les deux sens. Ca peut être intéressant. Par contre c’est dans les établissements d’hébergement que cela pose problème à mon avis, ça ils nous le rapportent et ça les insupportent de rentrer dans un lieu de vie avec des personnes plus âgées. » Au sein de vos équipes, il y a t-il eu des réticences à l’accompagnement de ces personnes ? Mme P : « Ici, non. C’est plus un problème de personnalité que l’on peut rentrer ici. Par exemple des soignants qui ont plus de mal à s’affirmer par rapport à des demandes de patients. D’où l’avantage de travailler en équipe car on essaye que chacun se sente à l’aise. Et puis on peut parler facilement des patients qui nous posent problème dans la prise en charge pour pouvoir continuer à travailler. » Avez-vous rencontré des difficultés dans l’accompagnement de ces personnes ? Mme P : « Pour moi en tant que psychiatre, les consultations avec des gens jeunes sont plus compliquées. Je suis obligée de les voir plus fréquemment, parfois dans l’urgence parce qu’il y a plus de relations difficiles avec leur famille. Mais également par ce que ces gens sont comme je vous le disais plus souvent anosognosiques. Cela est difficile, il faut faire prendre conscience aussi aux enfants de ces troubles. Et c’est une évolution plus rapide. Ces personnes nous demandent plus de soins. Pour les professionnels qui interviennent au domicile chez nous, les infirmiers qui sont dans la réalité des choses, et là on voit que ce sont des gens plus difficiles à prendre en charge car ils demandent beaucoup plus de temps et l’évolution de la pathologie rend l’adaptation difficile. Après pour moi en tant qu’orthophoniste je suis dans le travail de rééducation, c’est l’évolution rapide qui est problématique. Dans les séances ils savent pourquoi ils viennent donc ce n’est pas problématique. » Selon vous, peut-on dire qu’il y a une prise en charge spécifique, différente de chez la personne âgée pour ce public de 55-65ans, atteint de la maladie d’Alzheimer ? Mme P : « Non je ne crois pas. Sur le plan pharmacologique on tente les mêmes molécules, on essaie d’améliorer les gens au mieux sur le plan thymique, sur l’anxiété et sur le plan cognitif. En théorie il n’y a pas de différences. Mais avec du recul on voit que la prise en charge est accélérée. On arrive moins à maintenir quelqu’un au domicile, donc nos objectifs on les maintient moins longtemps chez eux. Avec les gens plus âgés on n’y arrive plus. Mais les modalités de prise en charge chez les personnes jeunes ne sont pas différentes. Mais on constate et ceci pas que pour des cas de démence mais que chez les gens plus jeunes les processus pathologiques sont accélérés et que dans un objectif de maintien au domicile c’est plus compliqué. Ces personnes perdent plus vite sur le plan cognitif, sur le plan de l’autonomie. Ce sont des gens qui quand ils arrivent en consultation ils conduisent encore, ils ont vie sociale adaptée, ils vont chez leur enfants, etc. et après tout ces pans là tombent rapidement donc ça a forcement plus d’incidence. Ce qui changent aussi c’est qu’à cet âge ils ont encore une vie sociale dynamique, plus que chez la personne âgée. » Selon vous, quel type d’accompagnement/ de structure pourrait être au plus proche des besoins des personnes Alzheimer jeunes ? Mme P : « Bah je pense que déjà qu’il faut faire une différence entre ceux qui sont seuls et ceux qui sont accompagnés par la famille, le conjoint. Car lorsqu’il y a un accompagnement que ce soit par la famille, le conjoint, ces personnes permettent de préserver un peu une continuité de vie un peu comme avant. Parce que parfois les personnes n’ont as vraiment conscience de leur difficulté, et parfois même le conjoint peut rester un peu dans une désillusion des troubles. Le conjoint peut pallier et pallie souvent pendant un temps. Mais pour les gens jeunes seules, c’est l’hébergement qui va arriver très rapidement. Ou bien les structures type ssiad ou structure d’équipe à domicile serait une solution. Parce que souvent, à domicile il y a beaucoup de choses qui se maintiennent bien que les troubles soient présents. Il y a comme un décalage, c’est la notion de réhabilitation. Et quand ce n’est plus possible parfois c’est le foyer logement, nous on a eu ce cas très récemment. Cela lui permet de garder un peu d’autonomie et d’éviter la maison de retraite. Ce sont des hommes et des femmes, ils n’ont pas envie de se faire voir comme des personnes malades graves ou des personnes âgées. Mais bon tout cela a un coup ! » L’organisation actuelle du système de santé permet-elle de répondre de manière efficace à l’accompagnement de ces personnes ? Mme P : « Personnellement en tant que psychiatre, je trouve que ce qu’on a mis en place dans notre, cette équipe de psychogériatrie est très bien, par ce qu’il n’y avait rien avant 2005 dans notre région. Il y a aussi de plus en plus des accueils de jour qui se mettent en place, et je trouve cela très bien. Par contre, je trouve particulier que d’autres spécialités médicales ne fassent pas ce travail de suivi. Il y a beaucoup de lieu d’évaluation que se soit en gériatrie ou en neurologie, mais il n’y a pas de suivi régulier de ces patients ensuite. Sur le diagnostic il y a ce qu’il faut mais après il faut se coltiner ce suivi régulier de gens qui ont des maladies graves et qui s’aggravent progressivement. Ce que nous faisons mais je n’en connais pas d’autres personnellement. Le problème c’est qu’en libéral il y aurait des professionnels, mais tous les actes ne sont pas remboursés, tel que les neuropsychologues, les psychomotriciens, les ergothérapeutes, etc. donc forcement ça limite le suivi. Il ya un souci dans la prise en charge financières des actes médicaux envers ces personnes et il manque des structures d’accompagnement et d’hébergement pour le long terme. » GLOSSAIRE Acalculie : incapacité de reconnaître ou de former des chiffres et des symboles arithmétiques et d’effectuer des calculs mathématiques élémentaires (addition, soustraction, multiplication, etc.) Agnosie associative : incapacité ou difficultés à classer un objet en function d’un lien sémantique Agraphie : incapacité d’écrire, indépendante de tout trouble moteur Alexie : incapacité de comprendre les signes écrits ou imprimés Anomie des doigts : alteration ou impossibilité de nommer les doigts de la main ou de reconnaître ceux qui sont nommés (par l’examinateur) Apraxie réflexive : incapacité à imiter des gestes réalisés par un tiers. Apraxie visuoconstructive : difficulté de la personne à reproduire la perspective et/ou une incapacité à dessiner sur un ordre ou sur copie Apraxie idéomotrice : impossibilité ou difficulté d’éxécuter volontairement les mouvements nécessaires pour la réalisation d’un geste simple finalisé (sans objet) dans l’espace et le temps Apraxie idéatoire : difficulté à concevoir et effectuer des actes gestuels finalisés avec des objets, dans le temps et dans l’espace Apraxie de l’habillage : difficulté ou incapacité pour s’habiller, avec les actes sous-jacents au résultat : prendre les habits, les organiser, les disperser, enfiler les manches, nouer une cravette, … Autonomie : capacité de quelqu’un à être autonome, à ne pas être dépendant d’autrui ; caractère de quelque chose qui fonctionne ou évolue indépendamment d’autre chose CMRR : Centre Mémoire de Ressources et de Recherche Consolidation : troisième processus de mémorisation. Il fait appel à la mémoire à court terme. Il s’apparente à un système de conservation en mémoire des informationsen attente du traitement actif des informations EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personne Âgée Dépendante Encodage : premier processus de mémorisation, il fait appel à la mémoire immédiate. Cet étape permet de conserver les informations percutes pendant un temps limité ESA : Equipe Spécialisé Alzheimer Indépendance : état de quelqu’un qui n’est tributaire de personne sur le plan materiel, moral, intellectuel Mémoire : aptitude à conserver et à restituer des choses passées. Représentation du passé sous une forme mentale. Dispositif permettant de stocker des informations Mémoire autobiographie: mémoire qui concerne les souvenirs de la vie de la personne Mémoire procedurale : concerne les procedures automatiques Mémoire sémantique : concerne les informations générales Rétropulsion à la marche (trouble neurologique) Système limbique : ensemble de structures cérébrales situées dans la région médiane et profonde du cerveau, jouant un rôle majeur dans la mémoire et les émotions, de même que dans l'élaboration des comportements Stockage : fait appel à la mémoire à long terme. Cette étape permet la mémorisation d’un nombre importants d’informations sur une longue durée. Elle permetaussi de donner du sens à l’information Résumé La maladie d’Alzheimer est l’un des enjeux du XXIème siècle en matière de santé publique. Pathologie connue de tous, ce terme s’associe souvent, en termes de représentations sociales, à la personne âgée, au vieillissement et à l’oubli. Longtemps laissés pour compte, les adultes de moins de 65 ans porteurs de la maladie d’Alzheimer font de plus en plus parler d’eux. Comment ces personnes sont-elles accompagnées dans un milieu de soin qui a pour habitude de prendre en charge des personnes plus âgées ? Aujourd’hui, cette population peut être suivie en psychiatrie, en neurologie ou en gériatrie, par une équipe pluridisciplinaire au sein de laquelle l’ergothérapeute a une place importante. Cependant, l’ergothérapeute doit prendre en compte un environnement spécifique, qui se traduit par des problématiques professionnelles, familiales et sociales complexes. La réalisation d’entretiens et de questionnaires, a permis d’établir l’état des lieux, des objectifs, des moyens et des contraintes de l’accompagnement de ses personnes, notamment en ergothérapie. La mise en place d’une prise en charge spécifique ne fait pas l’unanimité auprès des ergothérapeutes, cependant tous s’accordent à dire que leur suivi est complexe. Mots clés : Maladie d’Alzheimer à forme focale ; représentation sociale; prise en charge ergothérapique ; complexité. Abstract Alzheimer’s disease is one of the public health issues of the 21 century. This pathology known by all of ushas a negative likeness because of the social view associated to the elderly, the ageing, and the lapse of memory. For a few years, the society has been focusing on the adults aged less than 65 years old who suffered from Alzheimer’sdisease. In fact, how the medical community takes care of young Alzheimer’s patients? Currently, this kind of patients could be cured in psychiatric; neurology or geriatric departments, by a multidisciplinary team in which the occupational therapist has an important role.However, the occupational therapist has to take account of a specific environment based on professional, family and social problems. The conduct of semi-structured interviews and questionnaire allowed making the current state of the targets, the means and the caring young Alzheimer’s patients constraints, particularly in occupational therapy. A part of the occupational therapists don’t agree with the introduction of a specific care, but all of them agree about monitoring difficulties. Keywords: Focal cortical presentations of Alzheimer’s disease ; social representation ; occupational therapy care ; complexity.