WWW.PROFESSIONSANTE.CA DÉCEMBRE 2012 - JANVIER 2013 VOL. 59 N° 8 QUÉBEC PHARMACIE 11
Le délirium chez la personne âgée
allant de 1,5 % à 20 %. Les taux les plus élevés
semblent se trouver chez les personnes les plus
âgées et les patients souffrant de troubles
cognitifs et de comorbidité9.
Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la
sérotonine (ISRS) sont moins souvent associés
au délirium, comparativement aux antidépres-
seurs tricycliques9. La paroxétine a la plus
grande anité pour les récepteurs muscarini-
ques et est la plus susceptible de précipiter un
délirium1. Notons que l’un des eets indésira-
bles des ISRS, particulièrement la uoxétine, la
uvoxamine, la paroxétine et la sertraline, est
une hyponatrémie pouvant se présenter
comme un délirium chez les personnes âgées9.
De plus, l’arrêt soudain des ISRS peut déclen-
cher ce syndrome1.
Les anticonvulsivants peuvent aussi induire
une hyponatrémie. De plus, ils peuvent causer
divers types de déficience cognitive, notam-
ment la somnolence, l’agitation, la dépression,
la psychose, et le délirium. L’atteinte des fonc-
tions cognitives est liée à la fraction libre du
médicament dont les concentrations sériques
totales peuvent se trouver dans l’intervalle thé-
rapeutique, mais présenter une toxicité en rai-
son d’une hypoalbuminurie. Des techniques
de mesure de la fraction libre et des calculs de
correction sont disponibles. La surveillance
des taux sériques de médicaments à faible
index thérapeutique est primordiale9.
La relation entre la douleur et le délirium est
complexe. Bien qu’une douleur sous-traitée ou
prolongée puisse causer de l’agitation et de la
confusion, l’utilisation d’opioïdes dans la ges-
tion de la douleur peut précipiter ou prolonger
la durée du syndrome1. Notamment, il est pré-
férable d’éviter la mépéridine chez les patients
âgés. En eet, la mépéridine a augmenté le ris-
que de délirium dans plusieurs études pros-
pectives, probablement en raison de l’activité
anticholinergique de son métabolite actif, la
normépéridine9.
Les relaxants musculaires agissent de façon
centrale dans le cerveau, et non localement au
niveau des muscles. Certains des relaxants
musculaires utilisés couramment (cycloben-
zaprine et méthocarbamol) ont été associés au
délirium9.
Certains produits naturels ou homéopathi-
ques, en particulier ceux utilisés pour les trou-
bles de l’humeur (p. ex., millepertuis, Atropa
belladonna, Hyoscyamus niger, Datura stramo-
nium, valériane, sauge, Salvia divinorum), peu-
vent augmenter le risque de délirium, en parti-
culier lorsqu’ils sont utilisés en association
avec des psychotropes1,2,11.
Prévention
Puisque le délirium est généralement multi-
factoriel, les approches qui ciblent plusieurs
composantes sont les plus efficaces pour la
diminution du risque4.
Une étude13 menée auprès de patients hospi-
talisés a permis de constater qu’en s’attaquant à
six facteurs de risque spécifiques, il y a eu
diminution du tiers des cas de délirium, com-
parativement au groupe témoin. Les six fac-
teurs de risque sont les troubles cognitifs, le
manque de sommeil, l’immobilité, la déshy-
dratation, les troubles de la vision et la défi-
cience auditive4,14,15.
Quelques études ont évalué l’utilisation pro-
phylactique des inhibiteurs de la cholinesté-
rase dans le délirium chez les patients à haut
risque (par exemple, les patients plus âgés avec
ou sans démence, en postopératoire et en post-
accident vasculaire cérébral). Cependant, à ce
jour, il n’existe aucune preuve solide démon-
trant l’ecacité des inhibiteurs de la cholines-
térase en prévention ou même en traitement
du délirium8,9. De plus, une étude à double
insu, randomisée, contrôlée avec placebo, éva-
luant l’utilisation de la rivastigmine chez des
patients (N = 104) en soins intensifs atteints de
délirium, a été arrêtée prématurément en rai-
son d’une mortalité accrue dans le groupe pre-
nant le traitement, comparativement au pla-
cebo (22 % vs 8 %)1,9.
Des études ont examiné des antipsychoti-
ques tels que l’halopéridol, la rispéridone et
l’olanzapine dans la prévention du délirium.
Dans l’une d’entre elles, l’halopéridol n’a pas
réduit son incidence, mais a diminué sa gravité
et sa durée16. Dans d’autres études, l’halopéri-
dol, l’olanzapine et la rispéridone ont été asso-
ciés à une réduction de l’incidence, comparati-
vement au placebo. D’autres études sont
toutefois nécessaires pour conrmer ces résul-
tats1,17. D’après les données probantes disponi-
bles, les interventions médicamenteuses chez
les personnes âgées en général an de prévenir
l’apparition du délirium ne sont pas recom-
mandées3.
Traitement
Mesures non pharmacologiques
Une fois le délirium déclaré, les étapes-clés de
la gestion consistent à traiter toutes les causes
évidentes, à fournir des mesures de soutien, à
prévenir les complications et à traiter les symp-
tômes comportementaux4. Le premier objectif
consiste à gérer rapidement les facteurs prédis-
posants et les facteurs précipitants4,14,15.
Les mesures de soutien devraient inclure le
maintien d’une hydratation et d’une nutrition
adéquates du patient, la protection de ses voies
respiratoires, un bon positionnement et une
bonne mobilisation an d’éviter les ulcères de
pression et la thrombose veineuse profonde, le
retrait des cathéters urinaires, l’évitement de
contentions physiques et la réponse à ses
besoins en matière de soins quotidiens4,14,15.
Les approches non pharmacologiques pour
gérer les symptômes de délirium devraient être
instituées chez tous les patients. Elles com-
prennent : promouvoir un environnement
Tableau III
Pharmacothérapie du délirium
agité chez le sujet âgé1,5
Classe Dose
ANTIPSYCHOTIQUE CONVENTIONNEL
Halopéridol 0,25-0,5 mg bid PO
et doses additionnelles
q4h prn
0,25-0,5 mg IM
avec dose additionnelle
après 30-60 minutes prn
ANTIPSYCHOTIQUES ATYPIQUES
Rispéridone 0,25-0,5 mg bid
Olanzapine 2,5-5,0 mg die
Quétiapine 12,5-25 mg bid
« D’après les données probantes disponibles,
les interventions médicamenteuses chez les personnes âgées en général
an de prévenir l’apparition du délirium ne sont pas recommandées. »