travail de cette nature. Il est certain également que le théâtre de William PONTY a rempli la fonction
latente qui est de renforcer la cohésion des élèves en donnant l’occasion périodique à des gens
dispersés de se réunir pour participer à une activité commune. »234
Dans leur travail de recherche, les élèves s’évertuaient à démontrer que les évènements de la vie de tous
les jours en Afrique, reflétant le malheur ou le de bonheur, étaient une occasion de représentation publique,
par des acteurs doués, pour communier ensemble ou expier leur peine et douleur dans des incantations et
processions cathartiques. L’Afrique étant essentiellement orale, le langage avait une fonction primordiale
dans chaque spectacle sans oublier la gestuelle où l’expression corporelle et physionomique qui sont
l’essence de la création artistique.
2. 2 Le théâtre des centres culturels
L’administration coloniale, mesurant l’efficacité de l’art dramatique dans la politique de vulgarisation de la
culture occidentale, institua dans tous les Centres Culturels des grandes villes du Sénégal, des ateliers de
théâtres. Sous le prétexte de promouvoir le brassage des peuples, la diversité culturelle, ces centres
culturels avaient pour mission principale de faire connaître et faire aimer les valeurs de la civilisation
française. Comment ? En montrant par des saynètes comiques, les aspects désuets, ridicules et
rétrogrades des traditions africaines à la manière des « pontins ». Ce théâtre des centres proposait
implicitement l’adoption du modèle européen. Même s’il puise l’essentiel de sa thématique dans les mœurs,
les coutumes, le passé et la vie des populations locales et entend réconcilier l’élite et la masse, il n’en
demeure pas moins un théâtre d’opérette, contrôlé par l’administration coloniale. Il perpétue l’esprit de
PONTY. Néanmoins, les populations venaient y découvrir le visage de leur propre univers culturel. Cela fait
dire à Alioune MBAYE :
« Les centres culturels devenaient le rempart trouvé contre la contagion des mœurs et des loisirs
américains notamment. Quel théâtre devait- on y jouer ? Pour l’épanouissement du plus grand
nombre, il faut éviter de jouer un théâtre d’auteur, élitiste bien que les pièces fussent écrites en
français. Il fallait aussi privilégier un théâtre à visage social destiné au public local. On cherchait aussi
à combler le vide entre les évolués au fait de la culture et les autres. […] Le centre culturel devenait
un lieu de rencontre où la masse venait s’abreuver des biens culturels du passé. »235
La préoccupation principale du programme était de satisfaire le besoin d’exotisme des européens de la
colonie. Des compétitions entre équipes régionales y étaient régulièrement organisées. Les pièces qui
étaient des créations collectives, privilégient des saynètes bouffonnes du genre « les fourberies d’un
charlatan », « l’aveugle amoureux », « le chauffeur indélicat », « le mari cocufié, etc. ». Ces montages
courts sont complétés par des chants, des danses, des battements de tam –tam, du rythme des tambours,
et des « djembé ». Ce folklorisme à tous vents, masque des faiblesses techniques se
234 TRAORE, Bakary. « Le théâtre africain de l’Ecole William PONTY » in Actes du colloque sur le théâtre négro-africain, Abidjan, du 15 au 29 avril
1970, Paris, Présence Africaine, 1971, p. 43.
235 MBAYE, Alioune. « Le théâtre des centres culturels en AOF : 1948-1958, Du casque colonial au béret tropical » in Ethiopiques, n° 76, 1er
semestre 2006, publié sur le site http : //ethiopiques.refer.sn