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Mars
2014
www.macsa.com.tn Billet Economique
DÉPARTEMENT RECHERCHES ET ANALYSES
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N° 11
www.macsa.com.tn
Le recours massif de la Tunisie au financement externe
L’argent qui coule à flot risque-t-il de faire couler le bateau?
Une dette encore rassurante en niveau . . .
Le débat sur la dette tunisienne continue d’alimenter la polémique sur
sa soutenabilité. Une dette qui flirte avec la barre des 50% après avoir
été de l’ordre de 40% en 2010. Soit une majoration de 10 points de
pourcentage entre 2010 et 2013.
Cette boulimie de financement étranger puise ses racines :
D’abord, dans la faiblesse de l’épargne interne qui a fortement
chuté au lendemain du 14 janvier : retraits massifs et ruée vers
l’immobilier et le foncier, blocage de l’appareil productif dans certains
secteurs, poussées inflationnistes et détérioration du pouvoir d’achat,
et maintien des taux réels en territoire négatif.
Résultat : un taux d’épargne national passant de 22% en 2010 { moins
de 16 % en 2013.
Ensuite, dans le creusement du déficit courant qui a atteint les
8,3% en 2013 contre 4,8% en 2010. Certes la crise de la zone
euro était pour quelque chose, mais c’est surtout la cacophonie insti-
tutionnelle et son cortège de fièvre revendicative, sit-in sauvages dans
les fleurons de l’économie tunisienne (CPG, Groupe Chimique, …),
montée du terrorisme, …, qui expliquent la chute des exportations de
biens et la baisse des recettes touristiques.
Et enfin, dans le recul des investissements directs étrangers
(IDE), impacté aussi bien par le climat politique et sécuritaire,
que par l’effet d’annonce négatif généré par la mauvaise appréciation
du risque souverain, par les géants de la notation financière. Ces IDE,
qui malgré une légère hausse en 2013, n’arrivent toujours pas { re-
trouver leur niveau de 2010. En 2013, ils enregistrent une hausse de
14% par rapport à 2011, mais ils continuent d’encaisser un retard de
19% par rapport aux entrées de 2010.
Malgré la flambée du taux d’endettement après la révolution, la situa-
tion reste rassurante en niveau. Le taux d’endettement reste en deç{
des taux enregistrés par les économies comparables (Jordanie, Maroc,
..). 49.1% pour le budget 2014 de la Tunisie contre près de 60 % pour
le Maroc.
. . . mais inquiétante de par sa structure
Le débat sur la soutenabilité de la dette a connu un regain d’intérêt
avec le déclenchement de la crise de la dette souveraine européenne.
L’interaction entre la montée de la dette publique et la fragilité de la
croissance était au centre des travaux sur la question. Les travaux de
Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (2010) ont signalé que la crois-
sance commence { s’essouffler avec un endettement proche de 90 %
du PIB.
Le gonflement de la dette impacte négativement la croissance, et cela
à travers deux mécanismes.
D’une part, une dynamique des anticipations des agents privés qui les
poussent { réduire leurs dépenses (de consommation et d’investisse-
ment) par crainte d’une vague de relèvement des impôts lors du rem-
boursement futur de la dette; d’où l’effet négatif sur la croissance.
Et d’autre part, la sanction des marchés financiers lorsque les opéra-
teurs commencent { douter de la capacité de l’Etat { maintenir sa
dette sur une trajectoire soutenable. Un mouvement de vente des
titres de créance de l’émetteur souverain provoque la chute des cours
et la montée des taux d’intérêt. Avec une telle hausse, les charges d’in-
térêt grignotent les dépenses publiques et finiront par étouffer la
croissance.
Les conclusions de l’étude de Reinhart et de Rogoff, ont inspiré les
politiques de resserrement budgétaire en Europe. Des politiques,
parfois mal ficelées ont fini par étouffer une croissance déjà embryon-
naire. Mais les erreurs d’ordre méthodologique dans l’étude de Rein-
hart et Rogoff (2010), révélées par Thomas Herndon, Michael Ash et
Robert Pollin (2013), ont semé le doute sur la solidité des conclusions
des auteurs.
Plus récemment, dans les travaux d’Andrea Pescatori, DamianoSandri
et John Simon, publiés par le FMI en 2014, les auteurs n’ont pas trou-
vé de preuves empiriques de l’existence d’un seuil d’endettement
public déstabilisant pour les perspectives de croissance.
D’importants flux de capitaux débarquent en Tunisie parce que les nuages de l’incertitude institutionnelle se dissipent, mais aussi parce que l’équipe
gouvernementale rassure par sa compétence et par son indépendance. Déblocage de la deuxième tranche du prêt FMI (506.7 millions de dollars) ;
Prêt de la Banque mondiale (1.2 milliards de dollars); Emprunts obligataires avec une garantie américaine (1000 millions de dollars) avec une ga-
rantie japonaise (880 millions de dollars); émission de Sukuks islamiques avec la garantie de la BID (435 millions de dollars); soutien financier du
parlement européen (300 millions d’euros), …..
Face à cette avalanche de liquidité en devises, une question taraude les observateurs : comment faire pour que l’argent qui coule à flot ne finira pas
par faire couler le bateau?
La présente réflexion tente d'apporter un éclairage sur les retombées de cette surliquidité en devises qui « s’abat » sur l’économie tunisienne, alimen-
tant la polémique sur les risques de glissement vers un cercle vicieux de l’endettement, et offrant du kérosène aux thèses populistes qui excellent dans
la diabolisation du financement extérieur. D'abord, en s’interrogeant sur la soutenabilité de la dette tunisienne. Ensuite, en repérant les sources d’in-
quiétude. Enfin, en défrichant les conditions nécessaires pour éloigner le spectre d’une crise et garantir une bonne gestion de la dette publique.
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