La gestion de l`altérité chez les peuples indigènes de l`Amazonie

Université de Lyon
Université lumière Lyon 2
Institut d'Études Politiques de Lyon
Jean Philippe Echassoux
La gestion de l'altérité chez les peuples
indigènes de l'Amazonie brésilienne
Sous la direction de Charles Capela
Mémoire soutenu le jeudi 6 septembre 2012
Mémoire de séminaire
Séminaire : Géopolitique anti-drogue et sécuritaire en Amérique Latine.
Table des matières
Introduction . . 4
I. L’occupation de la terre par les non-indigènes pour son exploitation… . . 8
A.Une réflexion introductive : l’enjeu de l’identification de l’autre . . 8
B… agricole : l’avancée du front agricole vs. Terres Indigènes . . 10
C…minière : la ruée vers l’or bouleverse l’organisation socio-économique des indigènes
. . 17
II…entraîne la défense locale de l’identité indigène . . 24
A.La FUNAI et la question de la protection de l’indigène . . 24
B.Les ONG permettent la défense d’intérêts locaux et la transnationalisation de la question
indigène . . 29
1.La défense d’intérêts locaux : les associations en lutte contre la biopiraterie . . 29
2.La transnationalisation de la question indigène . . 33
III... qui nécessite l’élaboration de normes protégeant l’autochtone . . 36
A.Reconnaître l’autre, c’est prendre le risque de l’ « enfermer dans des territoires normatifs
étrangers »… . . 36
B.… mais c’est aussi la condition pour construire un « espace politique commun » et
penser l’ « interculturalité normative » . . 40
Bibliographie . . 45
Annexes . . 47
La gestion de l'altérité chez les peuples indigènes de l'Amazonie brésilienne
4 ECHASSOUX Jean-Philippe - 2012
Introduction
L’ère de la colonisation portugaise est bien terminée au Brésil. Et pourtant, il existe des
rencontres toujours aussi surprenantes, presque d’un autre temps, car mettant aux prises
des étrangers, l’indigène et le non-indigène.
Dans cette citation, l’anthropologue Maisonnave Arisi évoque la première rencontre
entre des indigènes matis et un membre (d’un Poste Indigène d’Attraction) de la FUNAI
(Fundação Nacional do Indio), la Fondation Nationale de l’Indien, dans l’Etat de l’Amazonas
au Brésil. Une telle rencontre résulte, ici, en amont d’un travail d’approche de la part de
l’équipe d’attraction de la FUNAI. Il n’en est pas forcément toujours ainsi : un premier contact
peut s’établir directement avec des paysans ou des chercheurs d’or. Il existe une pluralité
d’acteurs non-indigènes présente en Amazonie brésilienne, selon l’intérêt de chacun et la
région en question ; et donc des modalités de rencontre et des rapports interculturels bien
distincts. Dans le cadre de notre étude, cette citation serait le début de notre histoire. Que
se passe-t-il après un premier contact ? « Sur la rive droite de l’Ituí, à 8 heures du matin,
est apparu un indien isolé en train de crier » : c’est précisément la suite de cette rencontre
que nous allons étudier.
Nous avons choisi l’Amazonie brésilienne pour le cadre de notre mémoire. L’Amazonie
représente un peu plus de 7 millions de km² avec l’Orénoque et s’étend sur 8 pays
d’Amérique du Sud : nous aurions pu élargir notre travail à toute l’Amazonie ou nous
focaliser sur un ou d’autres pays traversés par cette immense forêt. Effectuer notre étude
à partir de chaque Etat possédant un bout d’Amazonie ne nous a pas semblé approprié: la
connaissance et l’étude de la situation géopolitique de chaque pays et des grands types de
communautés indigènes nous aurait été nécessaire. Un tel travail aurait certainement pris
la forme d’un catalogue ce qui n’est pas souhaitable pour un mémoire. Au contraire, il est
attendu un sujet précis dont le cadre spatial sert de limites et non d’ouverture sur d’autres
thématiques et sujets.
Alors pourquoi ce choix de l’Amazonie brésilienne ? D’abord l’Amazonie représente
un immense espace relativement au territoire brésilien. En effet, l’Amazonie légale,
soit l’ensemble des neuf Etats fédérés brésiliens traversés par la forêt amazonienne,
représente 5 088 272.07 km² alors que le Brésil présente une superficie de 8 514 204.90
km² : l’Amazonie légale représente donc 59.76% du territoire brésilien1. Certes, la forêt
amazonienne ne couvre pas à 100% l’ensemble des Etats de l’Amazonie légale et il existe
des pays comme le Surinam ou Guyana intégralement recouverts par la forêt d’émeraude.
Cependant, l’immense superficie de l’Amazonie brésilienne suppose une biodiversité (et
donc des ressources) et un peuplement indigène qui implique des politiques publiques
et des plans d’aménagement spatial d’une plus grande échelle que dans les autres pays
traversés par l’Amazonie. Néanmoins, ce n’est pas tant l’ampleur de telles politiques
publiques qui nous intéresse que l’importance des situations de rencontre entre indigènes
et non-indigènes qu’elles induisent.
1 IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica) recensement démographique 2000, dans BURSZTYN Marcel,
L’Amazonie, un demi-siècle après la colonisation, Versailles : Ed. Quae, DL 2010. Chapitre 1 : Amazonie brésilienne – bilan de 40 ans
de politiques publiques… et défis pour les 40 ans à venir, p.10, ISBN : 978-2-7592-0326-0
Introduction
ECHASSOUX Jean-Philippe - 2012 5
Ensuite, nous justifions notre choix par le fait que le Brésil a mis en place la Fondation
Nationale de l’Indien (FUNAI), institution nationale de protection des communautés
indigènes. C’est un organe dépendant du ministère de la justice brésilien chargé de
« coordonner le processus de formulation et d’exécution de la politique indigéniste de l’Etat
brésilien »2 Ce n’est pas la fondation en tant que telle qui nous intéresse mais bien les
situations de rencontre indigènes/ non-indigènes dont elle conditionne les règles. Et ce,
en définissant un Statut de l’indigène, en démarquant les Terres Indigènes ou encore en
implémentant des fronts d’attraction. Par ailleurs, le travail des sertanistas, ces explorateurs-
salariés de la FUNAI qui aujourd’hui cherchent à délimiter le territoire des « tribus non
contactées » sans jamais les rencontrer directement, pose aussi la question de la non-
rencontre.
Nous n’étudierons pas la période de la colonisation portugaise. Il ne s’agit pas
d’un sujet d’Histoire. Nous souhaitons plutôt questionner la notion d’altérité à l’ « heure
actuelle ». Une telle expression est à manier avec précaution, d’autant plus que nous
effectuerons des retours en arrière tout au long de notre analyse. En effet, d’une part, les
processus de rencontre indigènes/non-indigènes actuels s’ancrent dans des dynamiques
plus anciennes, telles les rencontres entre garimpeiros du Roraima (les chercheurs d’or
brésiliens) et indigènes Yanomami qui résultent de l’occupation de terres des premiers
pour l’exploitation aurifère ; exploitation qui débuta en 1987. D’autre part, c’est à partir du
début des années 1970 que la question indigène se médiatise et se transnationalise. Ces
communautés et leurs combats deviennent alors plus visibles, notamment grâce à la fin de
la dictature militaire en 1985, ensuite avec l’assassinat de Chico Mendes, le plus célèbre des
seringueiros 3, en décembre 1988. Nous avons donc choisi de borner notre sujet des années
1970 jusqu’à nos jours du fait que l’organisation des communautés indigènes en réseaux
et en lien avec des acteurs non-indigènes marque un nouveau rapport socio-économico-
politique entre indigènes et acteurs non-gouvernementaux et scientifiques principalement.
Outre sa médiatisation accrue depuis le milieu des années 1980 à partir des deux
évènements majeurs que nous venons de citer, puis à partir de 1992 et l’organisation
de la deuxième Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement
(CNUED) ou Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, l’Amazonie brésilienne génère, depuis,
un certain nombre d’ouvrages caractérisés par une approche pluridisciplinaire. En France,
l’essentiel de la littérature scientifique portant sur l’Amazonie brésilienne (au sens large)
provient du Centre de REcherche et de Documentation des Amériques (CREDA) qui
est une Unité Mixte de Recherche (UMR 7227) créée le 1er janvier 2010. Pour ce qui
nous intéresse4, le laboratoire finance le projet DURAMAZ qui, à travers une approche
pluridisciplinaire, cherche à analyser les expériences de développement durable menées en
Amazonie brésilienne. Il finance également le projet USART qui étudie plus spécifiquement
la transmission du « savoir territorial » (soit l’ensemble des usages et des représentations
que possèdent les communautés indigènes à l’égard de la terre) entre générations plus
anciennes et actuelles. En outre, le laboratoire possède un pôle Un Brésil, des Amazonies
entièrement dédié au Brésil et à l’étude de ses phénomènes sociaux. Nous ne nous
attarderons pas plus sur les thématiques de recherche et les problématiques de ces projets
2 Povos indígenas – Fundação Nacional do Indio [en ligne]. [page consultée le 19 août 2012] <http://www.funai.gov.br/>
3 Ouvrier collecteur du latex
4 Un coup d’œil sur l’organigramme du CREDA permet de replacer dans leur contexte les projets financés et le pôle de recherche
brièvement évoqué ci-contre : http://www.iheal.univ-paris3.fr/IMG/pdf/organigramme_credal_19juillet2011.pdf
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