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2012/20
Siréas asbl
        Analyses & 
      Études
Économie
Chili : une foi aveugle
dans l’économie
de marché
par Nicolas siriaNy
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Avec le soutien
de la Fédération
Wallonie-Bruxelles
Service International de Recherche,
d’Éducation et d’Action Sociale asbl
Secteur Éducation Permanente
Rue du Champ de Mars, 5 – 1050 Bruxelles
Tél. : 02/274 15 50 – Fax : 02/274 15 58
www.lesitinerrances.com – www.sireas.be
Siréas asbl
Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente, 
sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de 
SIREAS sous la direction de Mauro Sbolgi, éditeur responsable. Les ques-
tions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui intéressent notre pu-
blic et développées avec professionnalisme tout en ayant le souci de rendre 
les textes accessibles à l’ensemble de notre public.
Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes
MoNde et droits de lhoMMe
Notre société à la chance de vivre une époque les principes des Droits de l’Homme
protègent ou devraient protéger les citoyens contre tout abus. Dans de nombreux pays ces
principes ne sont pas respectés.
ÉcoNoMie
La presse autant que les publications officielles de l’Union Européenne et de certains
organismes internationaux s’interrogent sur la manière d’arrêter les flux migratoires. Mais
ceux-ci sont provoqués principalement par les politiques économiques des pays riches qui
génèrent de la misère dans une grande partie du monde.
culture et cultures
La Belgique, dont 10% de la population est d’origine étrangère, est caractérisée, notamment,
par une importante diversité culturelle
MigratioNs
La réglementation en matière d’immigration change en permanence et SIREAS est
confronté à un public désorienté, qui est souvent victime d’interprétations erronées des
lois par les administrations publiques, voire de pratiques arbitraires.
sociÉtÉ
Il n’est pas possible de vivre dans une société, de s’y intégrer, sans en comprendre ses
multiples aspects et ses nombreux défis.
Toutes  nos  publications  peuvent  être  consultées  et  téléchargées  sur  nos  sites 
www.lesitinerrances.com et www.sireas.be, elles sont aussi disponibles en version 
papier sur simple demande à [email protected]
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Les gouvernements du monde entier ont qualifié le Chili de pays du «
tiers monde » doté d’un grand potentiel de développement. Produit
de l’application du modèle néolibéral, ce pays d’Amérique Latine,
perdu entre la mer et la montagne, a eu en effet une croissance économique
constante et importante au cours des dernières décennies, ce qui a contribué
notamment à la baisse des indices de pauvreté, à l’augmentation du revenu
par habitant et à l’élévation de l’espérance de vie. Par ailleurs, le Chili est
devenu membre à part entière de l’OCDE en mai 2010.
Le modèle chilien, instauré pendant la dictature militaire et renforcé par
les gouvernements démocratiques qui ont suivi, a été considéré comme un
exemple à suivre. On l’a nommé « le jaguar », « la nouvelle Suisse » ou
encore « les anglais d’Amérique latine ».
Cependant, l’implémentation du système basé sur l’économie de marché
et le manque de contrôle par l’État ont généré un scénario qui perpétue
de profondes inégalités économiques, sociales et politiques. D’où le
mécontentement et la réaction de la population qui a perdu confiance dans
les forces politiques du pays.
uN systèMe crÉÉ sous la dictature et approfoNdi
par la dÉMocratie
Le néolibéralisme a fait ses premiers pas en Amérique latine au cours
des années quatre-vingt et est devenu une réalité dans les années nonante.
En fait, la construction néolibérale du Chili a été initiée dès le milieu des
années septante, par des économistes formés à Chicago1, par les entreprises
1 Entre 1957 et 1970, une centaine de chiliens étudiants en Économie à l’Université
Catholique du Chili, ont fait leur post-graduat à l’Université de Chicago grâce à un
accord proposé par des entreprises américaines.
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qui leur ont confié cette transformation, par l’armée qui mit en place un
gouvernement militaire et par l’intervention des USA pour faire tomber
le premier président socialiste d’Amérique latine élu démocratiquement :
Salvador Allende2.
La face visible du modèle économique chilien a donc commencé avec le
coup d’État de l’Armée sous la direction du Général Pinochet, instaurant
une dictature militaire (1973-1990) qui a fait au moins 28.259 prisonniers
politiques victimes de torture, 2.298 exécutés et 1.209 détenus disparus3, sans
compter environ 200.000 exilés et des centaines de milliers de personnes qui
sont passées par des centres de détention.
Après une période de destruction du tissu industriel, de l’organisation
sociale, politique et institutionnelle de l’économie et de la société chilienne
(1974-1983), commence une phase de croissance économique élevée et de
modernisation du pays avec une croissance annuelle ininterrompue du PIB
de 6 %, de 1984 à 1997.
Sur le plan strictement économique cela signifie un changement radical
du rôle de l’État. Celui-ci est passé du rôle de producteur et d’intervenant au
rôle subsidiaire que lui attribue la doctrine du néolibéralisme économique.
Au niveau social on assiste à la prédominance sans contrepartie du secteur
privé, à l’accroissement continu des écarts salariaux, à l’augmentation de la
précarité et de l’instabilité de l’emploi. Au niveau culturel, il s’est produit
ce qu’on a appelé « la panne de courant », c’est à dire la répression et
l’autocensure des manifestations culturelles considérées contraires à la ligne
officielle.
Les axes fondamentaux de la stratégie socio-économique du Chili,
inspirée du modèle néolibéral et mise en oeuvre par les économistes du
Général Pinochet, sont :
• L’ouverture radicale au marché international, qui a affaibli la production
fondée sur la demande locale et a orienté les forces dynamiques vers la
production de ressources naturelles (cuivre, produits forestiers, pèche,
agriculture moderne) en vue de l’exportation, sous la direction de grands
groupes économiques locaux et du capital international. Aujourd’hui le
Chili est le pays au monde avec le plus grand nombre de traités de libre
échange conclus avec des zones économiques qui représentent plus de 90
% de la population mondiale.
• La minimisation du rôle de l’État et l’exaltation du marché, qui a favorisé
la privatisation de toutes les entreprises de production de biens et de ser-
2 Patricia Verdugo: Cómo Estados Unidos abortó el proyecto de la UP, http://www.
educarchile.cl/Portal.Base/Web/VerContenido.aspx?ID=107127
3 Instituto Nacional de Derechos Humanos, http://bibliotecadigital.indh.cl/
handle/123456789/20
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vices et a limité le rôle de l’État en tant que régulateur. Aujourd’hui, l’État
n’agit que faiblement face au pouvoir économique, il est faible en matière
de défense des consommateurs et des travailleurs, de protection de l’envi-
ronnement ou de soutien aux petites entreprises. En pratique donc, cette
politique a favorisé les grands groupes économiques locaux et les multi-
nationales.
• La politique sociale et le ciblage des dépenses sociales, qui a encouragé
le secteur privé à investir dans le domaine social. Sont apparus ainsi des
systèmes privés de santé et de pension et les écoles privées se sont multi-
pliées pour les enfants des familles à hauts revenus. En parallèle, l’État se
charge de ces mêmes services pour les familles à revenus modestes, mais
la qualité de l’offre est inférieure. Quant aux dépenses sociales à charge
de l’État, dont le budget est réduit parce que les entreprises paient peu
d’impôt, l’État se limite aux situations de pauvreté extrême. Il n’y a au-
cune politique sociale générale pour les citoyens (allocations familiales,
chômage, maladie-invalidité, pensions…).
En 1990, le pacte politique entre la droite et la Concertation4, qui a permis
le retour à la démocratie par plébiscite, s’est fait sur base de l’acceptation de
la Constitution de 1980, approuvée sous la dictature et toujours en vigueur
aujourd’hui. C’est ainsi que la stratégie économique et l’infrastructure
sociale vigoureusement critiquées par les démocrates pendant l’opposition
à Pinochet, ne fut pas modifiée mais respectée et approfondie par les
gouvernements démocratiques qui suivirent.
Cela s’est reflété dans certains indicateurs qui ont attiré l’attention
mondiale sur le cas chilien. Sa croissance économique importante, de 5.5 %
en 2012, avec un PIB de 19.099 dollars par habitant, le plus élevé d’Amérique
latine, présente un pays qui continue à générer des richesses. Cependant ces
bénéfices touchent exclusivement une très petite partie de la population.
4 Coalition de l’opposition au régime militaire formée par les partis du centre et centre-
gauche. Elle arrive au pouvoir à la fin de la dictature, en 1990, à la suite du plébiscite,
et restera au pouvoir pendant 20 ans en remportant les élections trois fois de suite.
La Concertation perd le pouvoir aux dernières élections présidentielles, en 2010, au
bénéfice du candidat de la droite et du centre-droite : Sebastian Piñera, actuel président.
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