La sauvegarde de la biodiversité passe aussi par la gestion

La sauvegarde de la biodiversité passe aussi par la gestion des bords de
route
François Naveau - Janvier 2007
Préface
Par Philippe BLEROT, Ir Inspecteur général de la Division Nature et Forêts
Le maintien et le développement de la biodiversité constitue une priorité en matière de
conservation de la nature à la fois pour enrayer la disparition d'espèces sauvages, mais
également pour préserver son rôle dans le développement durable. La biodiversité rend
de nombreux services à l'humanité en termes de ressources alimentaires et de substances
thérapeutiques, de moyens de lutte contre des catastrophes naturelles, etc.
A travers le monde, une importante dégradation des espèces sauvages et des processus
naturels se produit actuellement. L'homme, de par ses activités, n'est pas étranger à ce
phénomène auquel la Wallonie n'échappe pas. Celle-ci est mesurée auprès des espèces
qui font l'objet d'un suivi particulier. En Wallonie, on estime qu'au moins 25 % de ces
espèces sont actuellement dans une situation préoccupante en matière de conservation.
Ceci signifie que leurs effectifs sont insuffisants pour retrouver un potentiel d'évolution
indispensable dans un contexte environnemental en pleine évolution. Des espèces
disparaissent parmi les mammifères, les oiseaux, les insectes, mais c'est parmi les
poissons, les papillons de jour et les reptiles que l'on trouve les situations les plus
critiques. Plus de la moitié des espèces appartenant à ces groupes ont un statut de
conservation défavorable d'après le Tableau de bord de l'Environnement wallon 2005.
Pour conserver la capacité d'évolution d'une espèce, il est important de préserver la
diversité des habitats qu'elle occupe. Ceux-ci sont à l'origine des adaptations multiples
que l'espèce développe pour résister aux contraintes environnementales. Il est également
nécessaire de préserver les échanges génétiques entre les différentes populations d'une
espèce et d'assurer son évolution aux côtés des activités humaines. Les liaisons entre les
habitats sont donc tout aussi primordiales dans la lutte contre l'extinction des espèces.
Dans ce cadre, les bords de routes sont des éléments importants en matière de
conservation de la nature. Ils offrent aux espèces sauvages une large palette d'habitats
différents. En Wallonie, on dénombre actuellement 735 espèces végétales présentes sur
les talus et accotements du réseau routier, ce qui représente environ 50 % de la flore de
Wallonie. On y trouve des espèces communes, des espèces rares ou en voie de
raréfaction. Les bords de routes constituent un réservoir génétique de premier ordre sur
près de 20.000 ha en Wallonie, répartis de manière linéaire et continue au travers tout le
territoire. Ils assurent les connexions nécessaires entre les divers îlots de nature.
La Wallonie possède un réseau de plus de 66.000 km de routes, soit 120.000 km de
bords de routes, dont 88 % sont gérés par les communes. Pour mettre en valeur le
patrimoine naturel présent, la Région wallonne a lancé dès 1995, une action de gestion
écologiquement raisonnée des bords de routes. Cette opération, rendue visible par la
présence des panneaux "Fauchage tardif – zone refuge", est organisée par le biais une
convention à laquelle 67 % des communes adhèrent (soit 175 communes sur 262). Ces
communes ont permis la création d'un réseau écologique constitué de 11.000 km de
bords de routes qui s'étend sur environs 2.200 ha. Mais ce réseau, indispensable au
maintien de la biodiversité, demeure incomplet car de vastes zones ne sont pas encore
couvertes. Au niveau communal, ce réseau peut atteindre une superficie d'environ 4.400
ha et concerner plus de 17.000 km de bords de routes.
Pour ralentir et finalement arrêter la perte de biodiversité dans les années à venir, il est
nécessaire de renforcer les actions entreprises en faveur du développement de la nature et
d'impliquer tous les gestionnaires de l'espace. Il importe de considérer que la
conservation de la nature n'est pas une matière exclusivement réservée à la Division de la
Nature et des Forêts ou aux autres gestionnaires de réserves naturelles. Au contraire, elle
est l'apanage de tous, car chacun est utilisateur et gestionnaire de l'espace qu'il occupe.
Aussi, la Région invite toutes les communes à adhérer à la convention "Bords de routes".
La Convention Bords de routes
Le réseau routier que nous connaissons actuellement est le fruit d'une très longue
évolution qui, à diverses époques, a connu des moments de forte croissance. En
Wallonie, le réseau routier est très dense avec une moyenne de 4 km de chaussée par
km2 et n'est pas sans impact sur l'environnement. Cette réalité conduit dans un premier
km2 et n'est pas sans impact sur l'environnement. Cette réalité conduit dans un premier
temps, à considérer ce réseau comme un élément important de morcellement du
territoire, une source de nuisances diverses (pollution, bruit, etc.), un obstacle le long des
itinéraires de migration de certaines espèces sauvages et une cause de mortalité chez les
animaux.
Toutefois, lorsque le regard se détache quelque peu du bitume de la route, il se porte,
chaque année davantage, vers la nature présente sur ses abords immédiats. Afin de
préserver cette nature, la Division de la Nature et des Forêts propose une convention aux
communes qui, faut-il le rappeler, gèrent la plus grande partie du réseau routier wallon
avec quelque 60.000 km de routes, soit 88 % du kilométrage total.
Photo: F.Naveau
Aujourd’hui, dans les 175 communes signataires de la convention "Bords de routes", les
talus et accotements routiers font l'objet d'une gestion qui tient compte de la sécurité
routière et du patrimoine naturel présent. En effet, bien qu’ils fassent partie intégrante
du réseau routier, avec toutes les conséquences inéluctables, leur fonction d’habitat pour
de nombreuses espèces végétales, animales et fongiques y est davantage prise en compte.
Cette reconnaissance s’exprime par l’abandon obligatoire de l’usage d’herbicides et le
recours volontaire au fauchage tardif.
L'abandon de l'usage des herbicides
En Wallonie, les arrêtés de l'Exécutif wallon du 27 janvier 1984 et du 24 avril 1986
interdisent l'usage des herbicides sur certains lieux publics dont les bords de routes et les
fossés. Les méthodes chimiques de désherbage ont des conséquences néfastes sur
l'environnement en contribuant à la pollution du sol, de l'eau et de l'air. Elles ont
également engendré des modifications au niveau de la flore. Celles-ci se traduisent par la
régression des espèces sensibles aux produits utilisés et la progression des espèces
résistantes. La régression a parfois été jusqu'à la raréfaction, voire la disparition locale de
certaines espèces.
Avant Après
Photo: L Bailly Photo: F Naveau
La végétation des bords de routes est constituée principalement d'espèces vivaces
favorisées par un régime de fauchage. Les espèces qui se développent après une
pulvérisation sont pour la plupart pionnières (plantes qui apparaissent naturellement sur
un sol dénudé comme le coquelicot ou le mouron des champs), annuelles et souvent
nitrophiles comme l'ortie, le gaillet gratteron ou la prêle. Aussi, la mise à nu du sol
engendrée par les herbicides est favorable au développement de la flore observée dans les
terrains cultivés, au risque de constituer une source de propagation des semences vers les
terres de culture. Malgré leurs conséquences néfastes, certains particuliers se risquent
encore à pulvériser des herbicides sur les bords de routes.
Le fauchage tardif
Le fauchage tardif pratiqué en Wallonie est une mesure de gestion qui a pour but de
préserver la nature encore présente sur les talus et accotements. Il permet aux espèces
herbacées de fleurir et de produire des semences. Une espèce n'ayant pas la possibilité de
fleurir durant de nombreuses années régresse pour finalement disparaître.
Ce fauchage profite également aux espèces animales. Il permet d'étendre l'habitat de
plusieurs espèces, notamment dans les plaines agricoles et de constituer des zones de
refuges en période des moissons. Celles-ci peuvent être maintenues durant l'hiver en ne
fauchant pas annuellement les bords de routes.
Photo: F Naveau Photo: JD Losseau
Avec le développement du machinisme agricole et l'extension des zones urbaines, le
fauchage mécanique s'est généralisé et s'est intensifié en augmentant le nombre de
coupes annuelles. L'intensification a été voulue pour des raisons de sécurité routière et
pour répondre à certains critères de propreté. Beaucoup de citoyens estiment en effet
1 / 19 100%

La sauvegarde de la biodiversité passe aussi par la gestion

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !