La sauvegarde de la biodiversité passe aussi par la gestion

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La sauvegarde de la biodiversité passe aussi par la gestion des bords de
route
François Naveau - Janvier 2007
Préface
Par Philippe BLEROT, Ir Inspecteur général de la Division Nature et Forêts
Le maintien et le développement de la biodiversité constitue une priorité en matière de
conservation de la nature à la fois pour enrayer la disparition d'espèces sauvages, mais
également pour préserver son rôle dans le développement durable. La biodiversité rend
de nombreux services à l'humanité en termes de ressources alimentaires et de substances
thérapeutiques, de moyens de lutte contre des catastrophes naturelles, etc.
A travers le monde, une importante dégradation des espèces sauvages et des processus
naturels se produit actuellement. L'homme, de par ses activités, n'est pas étranger à ce
phénomène auquel la Wallonie n'échappe pas. Celle-ci est mesurée auprès des espèces
qui font l'objet d'un suivi particulier. En Wallonie, on estime qu'au moins 25 % de ces
espèces sont actuellement dans une situation préoccupante en matière de conservation.
Ceci signifie que leurs effectifs sont insuffisants pour retrouver un potentiel d'évolution
indispensable dans un contexte environnemental en pleine évolution. Des espèces
disparaissent parmi les mammifères, les oiseaux, les insectes, mais c'est parmi les
poissons, les papillons de jour et les reptiles que l'on trouve les situations les plus
critiques. Plus de la moitié des espèces appartenant à ces groupes ont un statut de
conservation défavorable d'après le Tableau de bord de l'Environnement wallon 2005.
Pour conserver la capacité d'évolution d'une espèce, il est important de préserver la
diversité des habitats qu'elle occupe. Ceux-ci sont à l'origine des adaptations multiples
que l'espèce développe pour résister aux contraintes environnementales. Il est également
nécessaire de préserver les échanges génétiques entre les différentes populations d'une
espèce et d'assurer son évolution aux côtés des activités humaines. Les liaisons entre les
habitats sont donc tout aussi primordiales dans la lutte contre l'extinction des espèces.
Dans ce cadre, les bords de routes sont des éléments importants en matière de
conservation de la nature. Ils offrent aux espèces sauvages une large palette d'habitats
différents. En Wallonie, on dénombre actuellement 735 espèces végétales présentes sur
les talus et accotements du réseau routier, ce qui représente environ 50 % de la flore de
Wallonie. On y trouve des espèces communes, des espèces rares ou en voie de
raréfaction. Les bords de routes constituent un réservoir génétique de premier ordre sur
près de 20.000 ha en Wallonie, répartis de manière linéaire et continue au travers tout le
territoire. Ils assurent les connexions nécessaires entre les divers îlots de nature.
La Wallonie possède un réseau de plus de 66.000 km de routes, soit 120.000 km de
bords de routes, dont 88 % sont gérés par les communes. Pour mettre en valeur le
patrimoine naturel présent, la Région wallonne a lancé dès 1995, une action de gestion
écologiquement raisonnée des bords de routes. Cette opération, rendue visible par la
présence des panneaux "Fauchage tardif – zone refuge", est organisée par le biais une
convention à laquelle 67 % des communes adhèrent (soit 175 communes sur 262). Ces
communes ont permis la création d'un réseau écologique constitué de 11.000 km de
bords de routes qui s'étend sur environs 2.200 ha. Mais ce réseau, indispensable au
maintien de la biodiversité, demeure incomplet car de vastes zones ne sont pas encore
couvertes. Au niveau communal, ce réseau peut atteindre une superficie d'environ 4.400
ha et concerner plus de 17.000 km de bords de routes.
Pour ralentir et finalement arrêter la perte de biodiversité dans les années à venir, il est
nécessaire de renforcer les actions entreprises en faveur du développement de la nature et
d'impliquer tous les gestionnaires de l'espace. Il importe de considérer que la
conservation de la nature n'est pas une matière exclusivement réservée à la Division de la
Nature et des Forêts ou aux autres gestionnaires de réserves naturelles. Au contraire, elle
est l'apanage de tous, car chacun est utilisateur et gestionnaire de l'espace qu'il occupe.
Aussi, la Région invite toutes les communes à adhérer à la convention "Bords de routes".
La Convention Bords de routes
Le réseau routier que nous connaissons actuellement est le fruit d'une très longue
évolution qui, à diverses époques, a connu des moments de forte croissance. En
Wallonie, le réseau routier est très dense avec une moyenne de 4 km de chaussée par
km2 et n'est pas sans impact sur l'environnement. Cette réalité conduit dans un premier
km2 et n'est pas sans impact sur l'environnement. Cette réalité conduit dans un premier
temps, à considérer ce réseau comme un élément important de morcellement du
territoire, une source de nuisances diverses (pollution, bruit, etc.), un obstacle le long des
itinéraires de migration de certaines espèces sauvages et une cause de mortalité chez les
animaux.
Toutefois, lorsque le regard se détache quelque peu du bitume de la route, il se porte,
chaque année davantage, vers la nature présente sur ses abords immédiats. Afin de
préserver cette nature, la Division de la Nature et des Forêts propose une convention aux
communes qui, faut-il le rappeler, gèrent la plus grande partie du réseau routier wallon
avec quelque 60.000 km de routes, soit 88 % du kilométrage total.
Photo: F.Naveau
Aujourd’hui, dans les 175 communes signataires de la convention "Bords de routes", les
talus et accotements routiers font l'objet d'une gestion qui tient compte de la sécurité
routière et du patrimoine naturel présent. En effet, bien qu’ils fassent partie intégrante
du réseau routier, avec toutes les conséquences inéluctables, leur fonction d’habitat pour
de nombreuses espèces végétales, animales et fongiques y est davantage prise en compte.
Cette reconnaissance s’exprime par l’abandon obligatoire de l’usage d’herbicides et le
recours volontaire au fauchage tardif.
L'abandon de l'usage des herbicides
En Wallonie, les arrêtés de l'Exécutif wallon du 27 janvier 1984 et du 24 avril 1986
interdisent l'usage des herbicides sur certains lieux publics dont les bords de routes et les
fossés. Les méthodes chimiques de désherbage ont des conséquences néfastes sur
l'environnement en contribuant à la pollution du sol, de l'eau et de l'air. Elles ont
également engendré des modifications au niveau de la flore. Celles-ci se traduisent par la
régression des espèces sensibles aux produits utilisés et la progression des espèces
résistantes. La régression a parfois été jusqu'à la raréfaction, voire la disparition locale de
certaines espèces.
Avant
Photo: L Bailly
Après
Photo: F Naveau
La végétation des bords de routes est constituée principalement d'espèces vivaces
favorisées par un régime de fauchage. Les espèces qui se développent après une
pulvérisation sont pour la plupart pionnières (plantes qui apparaissent naturellement sur
un sol dénudé comme le coquelicot ou le mouron des champs), annuelles et souvent
nitrophiles comme l'ortie, le gaillet gratteron ou la prêle. Aussi, la mise à nu du sol
engendrée par les herbicides est favorable au développement de la flore observée dans les
terrains cultivés, au risque de constituer une source de propagation des semences vers les
terres de culture. Malgré leurs conséquences néfastes, certains particuliers se risquent
encore à pulvériser des herbicides sur les bords de routes.
Le fauchage tardif
Le fauchage tardif pratiqué en Wallonie est une mesure de gestion qui a pour but de
préserver la nature encore présente sur les talus et accotements. Il permet aux espèces
herbacées de fleurir et de produire des semences. Une espèce n'ayant pas la possibilité de
fleurir durant de nombreuses années régresse pour finalement disparaître.
Ce fauchage profite également aux espèces animales. Il permet d'étendre l'habitat de
plusieurs espèces, notamment dans les plaines agricoles et de constituer des zones de
refuges en période des moissons. Celles-ci peuvent être maintenues durant l'hiver en ne
fauchant pas annuellement les bords de routes.
Photo: F Naveau
Photo: JD Losseau
Avec le développement du machinisme agricole et l'extension des zones urbaines, le
fauchage mécanique s'est généralisé et s'est intensifié en augmentant le nombre de
coupes annuelles. L'intensification a été voulue pour des raisons de sécurité routière et
pour répondre à certains critères de propreté. Beaucoup de citoyens estiment en effet
pour répondre à certains critères de propreté. Beaucoup de citoyens estiment en effet
qu'un bord de route fauché est un bord de route propre. Dès lors, l'intensification a été
généralisée et étendue à l'ensemble du réseau des voies de communication, y compris aux
chemins agricoles et forestiers.
Cette gestion des bords de routes a un coût financier important mais également un coût
écologique, en faisant régresser bon nombre d'espèces dont plusieurs sont utiles dans la
lutte contre les ravageurs des cultures. Par le passé, ces espèces ont été largement
favorisées par une agriculture extensive pratiquée durant des siècles puis arrêtée par le
développement technologique et la politique agricole. Aussi, elles appartiennent au
patrimoine naturel d'une région.
Photo: L.Bailly
Le fauchage tardif: une analyse raisonnée
Evoquer le fauchage tardif, c’est faire apparaître la nécessité de fauchages intensifs en
certains endroits. Sur le réseau routier, les zones de fauchage tardif doivent être
soigneusement sélectionnées en fonction des aspects de sécurité routière et du
patrimoine naturel présent. Il convient de maintenir une végétation basse sur les bords de
routes situés à l'intérieur des virages, à l'approche des carrefours de même qu'aux abords
des accès aux propriétés riveraines. Une bande de sécurité d'une largeur d'environ 1,20
mètres est aussi régulièrement fauchée en bordure de la voirie proprement dite, y
compris le long des tronçons en fauchage tardif. Cette bande régulièrement fauchée
servira le cas échéant, d'espace refuge pour les usagers de la route.
Photos: F.Naveau
Aussi, reporter la date du fauchage de certains talus et accotements routiers permet de
faucher plus tôt et plus régulièrement les bords de routes où la sécurité routière impose le
maintien d'une végétation basse. A ce titre et pour le gain financier qu'il génère, il profite
à l'ensemble de la société.
Le fauchage tardif: aspects pratiques
Le fauchage tardif se pratique après le 1er août ou le 1er septembre en fonction des
cycles biologiques des espèces recensées. En règle générale, dans toutes les régions
situées au sud du Sillon Sambre-et-Meuse, la date du 1er septembre est à préférer, tandis
qu'au nord, la date du 1er août peut être retenue pour la plupart des bords de routes
soumis au fauchage tardif. Il est demandé de ne pas faucher après le 15 octobre (ou le
1er novembre s'il n'est possible pour des raisons techniques de terminer les fauchages à
la mi-octobre) afin de ne pas perturber les animaux ayant trouvé sur les bords de routes
non fauchés un refuge pour l'hiver. A cette date, une repousse limitée de la végétation
peut être observée. Cette repousse crée à nouveau des conditions de vie acceptables pour
certaines espèces animales et protège le sol de l'érosion.
Lors du fauchage, il est recommandé de respecter une hauteur de coupe suffisante
afin de ne pas mettre le sol à nu. Une mise à nu du sol modifie les conditions de vie
auxquelles la faune du sol et de la strate herbacée est habituée. Elle détruit les bourgeons
auxquelles la faune du sol et de la strate herbacée est habituée. Elle détruit les bourgeons
situés à la base des plantes, ce qui est particulièrement néfaste pour les plantes
bisannuelles et peut endommager les racines des plantes qui finissent par disparaître.
Une hauteur de coupe trop basse augmente les risques d'érosion par le vent ou la pluie et
porte atteinte à la stabilité des talus qui finissent par s'effondrer.
Au contraire, la végétation haute présente le long des routes contribue à la stabilité des
talus et peut, par temps pluvieux, retenir de grandes quantités d’eau. Une partie de l’eau
de pluie sera retenue un certain temps sur la végétation tandis que l’eau arrivant sur le
sol sera freinée dans son écoulement par la végétation luxuriante. Cette situation favorise
la pénétration de l’eau dans le sol ce qui, au passage, permet de constituer une réserve en
eau non négligeable et utile en période de sécheresse. De proche en proche, cette
situation permet de réduire les risques d’une arrivée massive et rapide de l’eau au niveau
des collecteurs qui, si ceux-ci sont mal dimensionnés, occasionne des inondations.
L’eau qui ruisselle rapidement, en l’absence de haies et/ou de bandes herbacées, entraîne
de grandes quantités de terres, capital précieux pour l’agriculture, et compte
certainement parmi les facteurs les plus importants responsables de l’érosion constatée
chaque année. La terre emportée par l’eau se déposera non seulement dans les
canalisations qu’à terme elle obstruera jusqu'à provoquer des inondations, mais aussi sur
le fond des rivières ce qui augmentera encore les risques d’inondations et détruira par
colmatage les habitats de nombreuses espèces de nos rivières. Aussi, les efforts consentis
pour améliorer la qualité de l’eau des rivières, notamment par la construction de stations
d’épuration des eaux usées, risquent d’être sans fruits si, parallèlement, aucun effort
n’est fait pour limiter le ruissellement d’eaux boueuses.
Photo: F.Naveau
Toutefois, les pluies violentes survenant en période de fauchage tardif risquent
d'entraîner une quantité importante de matière végétale broyée vers les canalisations au
risque d'y former un bouchon. Pour prévenir cette situation problématique, le
gestionnaire communal aura préalablement déterminé l'ensemble des endroits critiques
de ce genre afin d'y faire pratiquer un fauchage intensif généralisé à toute la zone
critique ou un fauchage tardif avec ramassage des foins.
Le ramassage du produit de la fauche n'est cependant pas rendu obligatoire. Le
ramassage du produit de la fauche est recommandé afin de diminuer la fertilité du sol et
augmenter la diversité floristique. Les bords de routes, en raison de leur surface et leur
profil irrégulier, se prêtent difficilement aux opérations de fauchages avec ramassage
excluant l'utilisation de systèmes d'aspiration. Les bords de routes ne sont donc pas
fauchés comme les prairies de fauche riches en fleurs où l'herbe fauchée est laissée sur
place quelques jours, puis mise en andain avant d'être ramassée et évacuée.
Sur les bords de routes, l'herbe est coupée au moyen de fléaux qui hachent l'herbe et s'il y
a un ramassage de la matière végétale, celui-ci se fait directement après le hachage par le
biais d'un dispositif d'aspiration. Ce dispositif coûteux aspire non seulement les brins
d'herbe, mais également les semences et les insectes présents. L'objectif poursuivi de
maintien de la diversité biologique présente sur les bords de routes risque de ne pas être
atteint.
Le fauchage tardif et la diversité botanique
Le fauchage tardif des bords de routes met en évidence la diversité botanique propre à
chaque région. Plus de 700 espèces végétales (soit environ 50 % de la flore de Wallonie)
ont pu être observées sur les bords de routes et ceci grâce aux inventaires botaniques
réalisés dans le cadre de la campagne de fauchage tardif. Ces résultats témoignent de
l'importance du patrimoine végétal naturel occupant les lieux.
Parmi celles-ci, un certain nombre d'espèces, jadis largement répandues, sont
actuellement menacées par la destruction effrénée de nombreux habitats qui leur sont
favorables, comme les prés de fauche maigres mais riches en fleurs, les pelouses sèches,
les landes, les zones humides, les haies, etc. Cette destruction se fait généralement au
profit de projets d'urbanisation, d'industrialisation et d'exploitations agricoles et
sylvicoles de type intensif, laissant peu ou pas de place à la vie sauvage désormais
cantonnée dans de petites portions du territoire, souvent isolées les unes des autres. Cet
isolement rompt les échanges d'individus et de matériel génétique indispensables à la
survie à long terme de populations viables et la place laissée libre par les populations
locales disparues risque à l'avenir de ne plus être occupée par de nouvelles populations
venues d'ailleurs.
Photo: L.Bailly
Ne servant pas à l'économie, les bords de routes ont conservé des végétations autrefois
largement répandues dans le paysage et ont acquis de la sorte une grande valeur dans le
domaine de la protection du patrimoine naturel. Cette valeur est d'autant plus grande
qu'ils abritent en certains endroits des espèces protégées.
Les bords de routes apparaissent de plus en plus comme un espace refuge pour toute une
série d'espèces éradiquées des habitats détruits ou abandonnés et constituent un réservoir
génétique d'espèces locales sur près de 20.000 hectares en Wallonie (ou 4.500 hectares
de bords de routes en fauchage tardif sur le réseau routier communal) répartis de manière
linéaire et continue au travers de tout le territoire, mettant en relation divers îlots de
nature. Aussi, les bords de routes se présentent comme des corridors biologiques souvent
favorables à la libre circulation des espèces sauvages et au brassage génétique des
populations animales et végétales. Les bords de routes peuvent également servir de relais
dans la migration des espèces.
Le fauchage tardif et son impact sur la biodiversité animale
Les bords de routes viennent en aide à une majorité d’espèces sauvages de nos régions en
mettant à leur disposition un habitat étendu et varié en raison de multiples facteurs
écologiques. Parmi ceux-ci, citons le climat régional et le microclimat, la nature du sol,
son régime hydrique et sa fertilité, le relief et l’orientation des pentes par rapport à
l’ensoleillement. La nature de la parcelle contiguë au bord de route aura également une
grande influence sur l'installation des espèces sauvages. Ces facteurs se succèdent
parfois sur des distances très courtes, ce qui ne manque pas de renforcer l'intérêt suscité
pour les bords de routes en augmentant la diversité biologique dans un secteur déterminé.
Les modes de gestion pratiqués sur les bords de routes auront également une grande
influence. Généralement, le fauchage prévaut pour arrêter l'évolution de la végétation au
stade herbacé. La valeur écologique du fauchage dépend de plusieurs paramètres, tels la
fréquence et l'époque de fauchage. Ceux-ci ne sont pas sans conséquence sur la floraison
et la formation de graines pour les espèces végétales et sur l'abondance de la nourriture
et la formation de graines pour les espèces végétales et sur l'abondance de la nourriture
et la formation d'un couvert utile à la quiétude et à la réussite de la reproduction pour les
espèces animales. De ces conditions dépend leur maintien à long terme.
A titre d'exemple, la perdrix grise (Perdrix perdrix L.) est exclusivement insectivore au
stade de poussin. Elle se nourrit de feuilles et de graines diverses à l'âge adulte. Il est
important pour elle de trouver dans son environnement proche tout ce dont elle a besoin
pour son cycle vital. Des bords de routes fleuris attirent une quantité d'insectes utiles à la
pollinisation et à la production de graines.
La perdrix grise vit essentiellement dans des régions au paysage ouvert, idéalement dans
les plaines agricoles où les champs de céréales sont abondants, sans grands massifs
boisés et avec peu de prairies. Pour nidifier, la perdrix grise choisira préférentiellement
un bord de champs de céréales d'hiver en croissance situé à proximité d'un chemin
enherbé. La présence d'arbres sur les bords de chemins n'est pas favorable à la perdrix
car ils ferment davantage le milieu et augmentent la prédation.
Des nids sont également observés sur les talus du réseau routier. Ils sont d'autant plus
nombreux que les cultures de céréales d'hivers manquent. Toutefois, le long des routes et
des chemins, ils sont davantage exposés à la prédation exercée par les mammifères
carnivores et les rapaces. Eu égard aux populations de perdrix grise dont les effectifs sont
en net recul, il est important de prendre des mesures favorables à l'installation des adultes
et à la réussite de la reproduction. Dans les plaines agricoles, où la taille des parcelles a
augmenté considérablement au détriment de beaucoup d'éléments structurants du
paysage comme les chemins enherbés, il est nécessaire de recréer un réseau développé de
chemins afin d'éviter une concentration des prédateurs sur les quelques chemins existants
et d'augmenter le nombre de bords de champ longés par une bordure herbacée. Ces
chemins ne devront pas être fauchés durant la période de reproduction qui s'étend de fin
avril à fin juillet compte tenu de la fréquence d'une seconde nidification en cas d'échec
de la première. Fréquemment, le taux de réussite de la seconde nidification est plus
important que celui de la première.
Photo: F.Naveau
Le fauchage tardif a été choisi pour permettre à un grand nombre d'espèces de réaliser
des cycles biologiques complets. En l'absence de fauchage, la végétation va évoluer et la
végétation herbacée va progressivement laisser la place à une végétation ligneuse. Cette
évolution peut conduire à une perte de diversité biologique étant donné que la grande
partie des espèces sauvages est liée aux écosystèmes herbacés. Toutefois, l'intérêt
écologique d'un talus peut être augmenté en diversifiant la structure de la végétation. Sur
les bords de routes suffisamment larges, le fauchage tardif peut être complété par la mise
en place d'une friche gérée où les intervalles entre fauchages sont plus longs, voire de
quelques années. Au fil des saisons, une végétation composée d'espèces herbacées et
arbustives fournira à un grand nombre d'espèces animales l'abri et la nourriture
nécessaire. En l'absence totale de fauchage, une strate arborescente viendra compléter la
diversité structurale de la végétation. En milieu forestier, cette succession végétale forme
l'ourlet et va diminuer les nuisances liées à la route.
Les bords de routes et la diversité dans les massifs forestiers
Pour améliorer la diversité biologique au sein des massifs forestiers, l'effet de lisière est
recherché. Les routes, les chemins, les rivières et les coupe-feux créent un effet de lisière
sur de grandes distances.
Trop souvent, les pratiques sylvicoles n'accordent pas une attention suffisante à l'intérêt
des clairières et des sous-bois composés d'espèces herbacées et arbustives. Les
peuplements forestiers sont denses et ne permettent pas l'arrivée au niveau du sol de la
lumière nécessaire au développement des espèces herbacées et ligneuses héliophiles
caractéristiques des clairières et des sous-bois. Leur présence améliore la qualité de
l'habitat du grand gibier et en particulier du cerf et du chevreuil.
Le cerf vivait à l'origine dans des milieux ouverts. La pression de l'homme et les
nuisances engendrées par ses activités l'ont poussé vers la forêt, mais son régime
alimentaire est resté composé d'herbe à 70 ou 80 % et pour le reste de ligneux. Les jeunes
pousses d'arbres sont pour lui une véritable friandise. En l'absence d'une végétation
herbacée abondante au sein de la forêt, le cerf quitte celle-ci à l'aube ou au crépuscule
pour gagner les prairies des alentours. Durant la journée, il prélève parmi les essences
forestières économiquement rentables, ce dont il a besoin comme nourriture ligneuse.
Aussi, les dégâts occasionnés par le grand gibier sur la forêt peuvent être importants.
Les ouvertures créées par les chemins, les routes ou les coupe-feu favorisent la
végétation herbacée et peuvent compenser le manque de nourriture dans le massif boisé.
Certains chemins ou bords de routes situés dans les massifs forestiers ou à proximité
fournissent une partie de l'alimentation en herbe et en brout (nom donné au matériel
végétal ligneux prélevé par les grands herbivores sauvages). Ils participent à
végétal ligneux prélevé par les grands herbivores sauvages). Ils participent à
l'établissement d'un réseau de gagnages nécessaire à une bonne répartition des animaux
sur leur territoire et diluent les dégâts occasionnés par le grand gibier. Des zones
spécialement aménagées et entretenues pour nourrir le gibier composent prioritairement
ce réseau.
Brout observé sur le bord d'une route à usage agricole et forestier.
Photo: F.Naveau
La végétation naturelle des bords de routes et des chemins élargit l'offre en nourriture
pour le gibier et lui permet de trouver plus facilement sa nourriture lors de ses
déplacements. Les bords de routes et les chemins sont généralement fauchés une fois par
an ou une fois tous les deux ans. Cette gestion maintient la végétation au stade herbacé et
recèpe régulièrement les jeunes arbres qui s'y développent. Aucun fertilisant ne doit être
appliqué afin de conserver une flore sauvage diversifiée. Toutefois, afin de favoriser le
développement de la végétation herbacée naturelle, la largeur de l'emprise du chemin
peut être augmentée en éliminant les arbres situés le long du chemin, de préférence du
côté offrant le plus d'ensoleillement. L'élargissement sera fonction de la zone d'ombre
créée par le massif forestier. Une zone ensoleillée d'une largeur d'environ 10 mètres est
suffisante pour créer un gagnage efficace.
Cartographie et planning du fauchage tardif
Il est nécessaire de réaliser une cartographie des bords de routes en fauchage tardif à
l'usage des Services techniques. Elle permet de guider le personnel en charge des
fauchages dans son travail et plus particulièrement dans le choix de l'itinéraire suivi pour
réaliser le fauchage tardif. Elle informe également sur la périodicité du fauchage et sur
l'importance de la zone de sécurité.
En certains endroits, la largeur de la bande de sécurité peut être doublée et en d'autres,
réduite jusqu'à ne pas être fauchée avant la date retenue pour le fauchage tardif.
L'absence de bande de sécurité est justifiée par la présence de plantes rares ou protégées,
une hauteur de végétation basse et une faible circulation routière. La cartographie est
complétée par une information sur la végétation présente.
Collaboration entre la commune et la DNF
Dans le cadre de cette convention "Bords de routes", la Division de la Nature prend en
charge:
la cartographie des talus et accotements soumis au régime de fauche tardive; elle est
soumise à discussion;
l'établissement de l'itinéraire que l'opérateur empruntera pour faucher tardivement les
bords de routes concernés; l’organisation dans l’espace doit être simple afin de limiter les
déplacements entre les zones de travail;
l'encadrement du personnel communal (concerné par l'entretien des bords de routes et/ou
la protection du patrimoine naturel) et des élus communaux pour une bonne pratique du
fauchage tardif (choix des dates de fauchages, régularité dans le temps des opérations de
fauchage tardif, respect de la hauteur de coupe, respect de la sécurité routière et des zones
de fauchage tardif définies dans le plan);
la sensibilisation de la commune et de la population à la richesse botanique des bords de
routes (visite de terrain avec le personnel communal et les élus, réalisation de
diaporamas, conférence à l'attention de la population, distribution d'une brochure
explicative et fourniture des panneaux de signalisation renseignant la pratique du
fauchage tardif);
la réalisation des inventaires botaniques sur les talus et accotements du réseau routier
communal.
Par ailleurs, les communes sont tenues de respecter la législation relative à
l'échardonnage et d'éliminer manuellement les chardons réputés nuisibles.
En vertu de l'arrêté royal du 19 novembre 1987 relatif à la lutte contre les organismes
nuisibles et aux produits végétaux, seuls le cirse des champs (Cirsium arvense), le cirse
lancéolé (Cirsium lanceolatum), le cirse des marais (Cirsium palustre) et le chardon
crépu (Carduus crispus) sont réputés nuisibles. L'ortie (Urtica dioica) n'est pas
considérée comme nuisible. Les bords de routes envahis par l'ortie peuvent être fauchés
plusieurs fois dans l'année. Dans ce cas, le fauchage doit être idéalement accompagné
d'un ramassage du produit de la fauche, de façon à éliminer progressivement les éléments
nutritifs responsables de son développement. Toutefois, les orties sont importantes
notamment pour plusieurs espèces d'oiseaux et d'insectes. A titre d'exemples, les
coccinelles utiles dans la lutte contre les pucerons, pondent leurs œufs entre autres dans
les massifs d'orties. Leurs larves se nourrissent abondamment de pucerons tandis que les
chenilles de plusieurs espèces de papillons se nourrissent exclusivement d'orties.
En conclusion
Le réseau routier marque profondément le paysage par son importance mais également
en termes de pollution. Il répond à des besoins sociaux et économiques qui exigent le
développement de zones urbanisées et le maintien de grandes zones agricoles et
forestières rentables. Toutes exercent une pression sur l'environnement et plus
particulièrement sur la biodiversité qui, en certains endroits, subit une forte érosion. C'est
pourquoi, les mesures de gestion les plus appropriées doivent être appliquées afin de
conserver et développer la nature sur l'ensemble du territoire. Dans le cas précis des
bords de routes, le fauchage tardif est destiné à préserver le reliquat d'une biodiversité
représentative de divers milieux semi-naturels façonnés par l'action cumulée de facteurs
environnementaux et anthropiques. La gestion tente également de compenser les pertes
subies récemment au niveau du réseau écologique par la destruction ou la modification
d'éléments paysagers.
Photo: F.Naveau
Références bibliographiques
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Chasse, n°240, p.10-21
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