Présentation
Parler des « premières chrétiennes » est d’abord un hommage à toutes celles illustres
ou anonymes qui participèrent à l’aventure historique de Jésus de Nazareth et de la
diffusion de la foi chrétienne. Le faire aujourd’hui apparaîtra peut-être aussi comme
l’expression d’un certain militantisme. Nous n’ignorons pas en effet qu’il existe, au sein
de la hiérarchie catholique en particulier, une tendance à revenir à certains modèles
traditionnels de la femme, effacée derrière son congénère masculin. Nous n’ignorons
pas non plus que le sujet en tant qu’objet de recherche universitaire est directement
issu de la revendication féministe des années 1980, qui dénonçait le « machisme » de
l’Église et de la société contemporaine.
Nous pensons néanmoins qu’il est possible d’aborder cette question lucidement, en
historiens des origines du christianisme, sans tomber ni dans le jugement de valeur
anachronique, ni dans l’apologétique partisane. Nos collaborateurs l’ont bien compris
et ont parfaitement joué le jeu. Ainsi l’exégète Jean-Marie van Cangh a-t-il brossé,
à partir de la Torah et de l’interprétation qu’en faisaient les milieux rabbiniques à
l’époque de Jésus, le contexte juridique qui encadrait la vie des femmes juives au temps
des premières chrétiennes. Même s’il est raisonnable d’en relativiser les effets dans
la vie quotidienne, cette conception profondément inégalitaire fait mieux ressortir,
avec Élisabeth Dufourcq, tout ce que l’attitude de Jésus avait de révolutionnaire… et
de déconcertant pour ses compagnons de route masculins. Qu’en ont retenu leurs
successeurs ? Paul est-il coupable, comme on l’entend souvent, d’avoir trahi l’esprit de
Jésus et figé l’Église dans sa misogynie intrinsèque ? « Ne confondons pas Paul et ce que
la tradition chrétienne en a fait ! », rappelle judicieusement Daniel Marguerat. Marie-
Françoise Baslez, quant à elle, nous invite aussi à la nuance : les premiers siècles de
l’Église ne furent pour les femmes ni un âge d’or, ni un retour brutal à l’obscurantisme.
Il nous suffira de regarder ces femmes à l’œuvre pour prendre tout simplement la
mesure du dynamisme que leur donnait leur foi… quel que soit leur statut. ●
Estelle Villeneuve