Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (3)
INTRODUCTION
L’hypertrophie du corps thyroïde est une affection fré-
quente (1) dominée par le goitre endémique qui touche
environ 200. millions de personnes dans le monde (1). Au
Cameroun, le goitre endémique a une prévalence clinique
variant de 0,2 à 75% selon les régions (2). La carence en
iode est la cause essentielle. L’examen clinique, isotopique
et biologique constituait jusqu’à une période récente la
base de l’exploration de la pathologie thyroïdienne ; mais
la scintigraphie thyroïdienne n’est toujours pas pratiquée
au Cameroun.
L’échographie, technique simple et atraumatique s’impose
actuellement pour l’exploration morphologique des masses
thyroïdiennes (3, 4, 5, 6, 7).
En Afrique Noire et plus spécialement au Cameroun, peu
d’études ont été faites sur le sujet, d’où notre intérêt pour
ce travail qui concourt à définir une stratégie diagnostique
et thérapeutique rationnelle de ces patients utilisable dans
notre contexte.
PATIENTS ET MÉTHODES
Nous avons revu rétrospectivement les dossiers cliniques,
biologiques et échographiques des patients examinés pour
hypertrophie du corps thyroïde à l’Hôpital Militaire de
Yaoundé de Juillet 1989 à Juin 1992, soit 72 mois.
L’examen échographique était pratiqué avec un appareil
Siemens SL2 doté d’une sonde barrette de haute fréquence,
sur un patient en décubitus dorsal avec un billot sous la
nuque. Cet examen comportait une étude de la taille (3,8),
de la situation et de l’échostructure de la glande thyroïde,
complétée par une étude des parties molles loco-régionale
(vaisseaux, ganglions).
Le dosage des hormones (T3, T4, TSH.) constituait l’es-
sentiel du bilan hormonal chez tous nos patients.
36 patients étaient sélectionnés, âgés de 13 à 66 ans,
comprenant 34 femmes et 2 hommes soit un sex ratio de
17/1. Seuls 16 patients étaient opérés et des biopsies
ASPECTS ECHOGRAPHIQUES DE LA PATHOLOGIE
HYPERTROPHIQUE DU CORPS THYROIDE
A L’HOPITAL MILITAIRE DE YAOUNDE
D. TAGNI-ZUKAM1, J. YOMI2, G. MONKAM1, T. DZONGANG3, L. BENGONO-OBE1, J. GONSU-FOTSIN3
1 - Hôpital Militaire de Yaoundé
2 - Hôpital Général de Yaoundé
3 - Département imagerie F.M.S.B. Yaoundé
RÉSUMÉ
Les auteurs procèdent à une étude rétrospective de 36
patients, porteurs d’une hypert rophie de la thyro ï d e ,
sur un bilan clinique, échographique, hormonal, chi-
rurgical et anatomo-pathologique. Ils notent comme
beaucoup d’auteurs une absence de spécificité entre les
aspects cliniques échographiques et histologiques. Ils
préconisent un examen échographique systématique
pour le bilan d’une masse thyroïdienne, car dans un
contexte comme le notre sans examen scintigraphique,
l’échographie bien que non spécifique est plus sensible
que l’examen clinique, elle permet un bon bilan dia-
gnostique, révélant des critères de présomption de béni-
gnité ou de malignité. Associée à la cytoponction écho-
guidée, elle améliore la précision diagnostique, per-
mettant un traitement plus efficace.
Mots clés : masse thyroïdienne, échographie, traitement,
cytoponction.
ABSTRACT
Sonographic aspects of hypertrophic pathology of thyroid
gland at the Yaounde military hospital
The authors have proceeded to a retrospective study of
36 patients having a swollen thyroid gland on clinical,
sonographical, hormonal, surgical and histological
accounts. Like many authors they have noticed an
absence of specificity between clinical, ultrasonogra-
phical and histological aspects. They propose a
systematic sonographie examination for the account of
t h y roid mass, because in a context like ours, without
scintiscanning, in spite of being non specific sonography
is more sensible than clinical examination because it
p r ovides a good diagnosis, it reveals pre s u m p t i o n
criteria of benignity or malignancy. Associated to
ultrasonically guided cytological puncture technique, it
i m p roves the diagnosis precision making possible a
more efficient treatment.
Key words : Thyroid gland mass, sonography, cytologic
puncture, diagnosis.
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (3)
c h i r u rgicales systématiques étaient réalisées pour examen
anatomo-pathologique ; l’état euthyroïdien, l’échec du trai-
tement médical, la gène fonctionnelle et le préjudice
esthétique ont constitué l’essentiel médical.
Les autres symptômes cliniques associés à l’hypertrophie
de la thyroïde chez nos patients étaient la douleur pha-
ryngée chez 6 patients, une sensation de gène pharyngée
chez 2 patients et une dysphonie chez un patient. L’examen
clinique montrait une masse globale de la thyroïde dans
20 cas, une masse unilobaire dans 11 cas et des nodules
dans 5 cas.
RÉSULTATS
L’examen échographique montrait : 5 thyroïdes de taille et
d’échostructure normale ; 29 thyroïdes augmentées de tail-
le dont 24 d’échostructure altérées. et 3 plongeant dans le
thorax.
Les anomalies échographiques comportaient (tableau I) :
- des nodules isolés dans 11 cas (46%)
- des nodules multiples dans 7 cas (29%)
- des anomalies diffuses dans 6 cas (25%)
D. TAGNI-ZUKAM, J. YOMI, G. MONKAM, T. DZONGANG,
L. BENGONO-OBE, J. GONSU-FOTSIN
137
Tableau I : Présentation clinique et échographique des 24 thyroïdes hypertrophiées et d’échostructure altérée
Présentation clinique Nombre de cas Présentation échographique
-nodule mixte droit + nodule kystique gauche
-hypertrophie mixte gauche plongeant dans le thorax
-hypertrophie diffuse droit + kyste droit
Hypertrophie homogène diffuse 7 -hypertrophie homogène de l’isthme
-nodule kystique de l’isthme
-nodule mixte gauche
Hypertrophie multiloculaire diffuse 1 -hypertrophie globale hétérogène
-gros nodule mixte droit
-nombreux nodules mixtes droit
-nodule solide hyperéchogène droit (4 cas)
Hypertrophie homogène unilatérale 11 -nodules mixtes des 2 lobes
-2 nodules solides hyperéchogènes plongeants
-hypertrophie diffuse gauche plongeant dans le thorax
-nodule mixte gauche
-nodule mixte droit
Nodule localisé 5 -2 nodules kystiques droit
-nodule hyperéchogène solide de l’isthme
-nodule solide hyperéchogène gauche
-nodule kystique gauche
Total 24
3 types de nodules (Fig. 1) étaient caractérisés : solides (6 cas) ; mixtes (7 cas) et kystiques (5 cas). La taille des nodules
variait de 3 à 75 mm et 66,7% de nodules avaient plus de 3 cms de diamètre.
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (3)
Figure 1
A - Hypertrophie diffuse du lobe gauche,
d'échostructure mixte B - Lobe gauche :
petit kyste
ASPECTS ECHOGRAPHIQUES… 138
C - Lobe gauche :
nodule mixte D - Lobe droit : hypertrophie diffuse solide,
plongeant dans le thorax
Le résultat des 14 biopsies chirurgicales sur les 16 prati-
quées étaient : 7 goitres et 7 adénomes. L’échostructure des
goitres étaient liquidienne 1 cas ; solide 4 cas et mixte
2 cas. (Tableau II) et celle des adénomes : liquidienne 1
cas, solide 5 cas et mixte 2 cas (Tableau III).
Tableau II : Aspects clinique et échographique des goitres (N = 7)
Aspects cliniques Aspects échographiques
1 nodule kystique de l’isthme
4 hypertrophies globales 2 hypertrophies homogènes
1 nodule mixte droit + un kyste gauche
2 hypertrophie globales 2 nodules solides hyperéchogènes droits
1 hypertrophie globale multinodulaire 1 hypertrophie hétérogène multinodulaire
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (3)
139 D. TAGNI-ZUKAM, J. YOMI, G. MONKAM, T. DZONGANG,
L. BENGONO-OBE, J. GONSU-FOTSIN
Tableau III : Aspects clinique et échographique des adénomes (N = 7)
Aspects cliniques Aspects échographiques
1 nodule droit 1 nodule solide hyperéchogène de l'isthme
1 nodule gauche 1 nodule kystique gauche
2 hypertrophies gauches 1 hypertrophie homogène gauche
1 nodule mixte gauche
1 hypertrophie droite 1 nodule solide hyperéchogène droit
2 hypertrophies globales 1 hypertrophie homogène
1 hypertrophie homogène de l’isthme
DISCUSSION ET COMMENTAIRE
Notre étude confirme avec un sex-ratio de 17 femmes pour
un homme que la pathologie thyroïdienne est essentielle-
ment féminine (1,2), avec une moyenne d’âge de 38,58 ans.
L’examen des tableaux I, II et III montre comme à d’autres
avant nous, l’absence de spécificité entre les aspects clini-
ques, échographiques et histologiques (9, 10, 12, 13). Il
n’en demeure pas moins que l’examen échographique est
nettement plus sensible que l’examen clinique pour le dia-
gnostic et le bilan des masses thyroïdiennes (Tableau IV)
Tableau IV : Comparaison de la sensibilité entre
l’examen clinique et l’examen échographique
Examen clinique Examen échographique
Nb Accord Douteux Erreur
Hypertrophie du
corps thyroïde 36 31 2 3
Localisation du
corps thyroïde 36 33 / 3
Hypertrophie globale
homogène 12 6 / 6
Hypertrophie unilatérale 5 4 / 1
Tuméfaction localisée 5 3 / 2
Glande homogène 18 3 / 14
Cette grande sensibilité de l’examen échographique va
permettre :
- une reconnaissance des fausses hypertrophies du corps
thyroïde,
- une localisation topographique sûre de la glande thy-
roïde,
- une identification avec localisation précise des lésions,
et comme avantage supplémentaire la découverte des
lésions nodulaires non palpées, ni soupçonnées clinique-
ment,
- un bilan précis des lésions comprenant une numération
avec mesure et description des aspects : solide, liquide,
et mixte.
Bien que manquant de spécificité, cet apport est déjà très
important par rapport à l’examen clinique et permet une
bonne sélection des malades (6, 14).
Dans notre série qui est petite, nous n’avons pas découvert
d’adénopathies suspectes, ni de cancer de la thyroïde, qui
est une préoccupation constante. Le cancer de la thyroïde
est rare représentant 0,5 à 1% des tumeurs malignes (6,15),
pourcentage qui augmente dans les séries autopsiques
jusqu’à 2% (15). L’irradiation de la thyroïde constitue un
facteur favorisant (5). Bruneton et al (5) dans la série de
379 cas trouvent :
- 13,125% de cancers thyroïdiens sur les nodules hypo-
échogènes,
- 7,75% de cancer de la thyroïde sur les nodules mixtes
- 1,42% de cancer de la thyroïde sur les nodules hyper-
échogènes
- 00% sur les nodules kystiques.
Sur le plan pratique, ces faits nous amènent à relever des
facteurs de présomption (6, 14) :
- Facteurs de bénignité : Hyperéchogenicité, lésion kysti-
que, multiplicité des lésions,
- Facteurs péjoratifs : le caractère isolé du nodule, la
présence d’adénopathies suspectes de voisinage ou de
métastases présentes et enfin l’hypoéchogenicité.
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (3)
ASPECTS ECHOGRAPHIQUES… 140
Il faut ajouter à ceci l’apport de la cytoponction échoguidée
des nodules (12, 13, 15, 16, 17, 18) non réalisée dans notre
étude, mais donc la sensibilité est comprise entre 63 et
83,3% et la spécificité entre 86 et 96% (5). Associée à
l’échographie et même sans scintigraphie, elle contribue au
choix d’une attitude décisionnelle et permet de séparer les
patients médicaux et chirurgicaux.
Tableau V : Algorithme diagnostique des masses thyroïdiennes
Algorithme diagnostique des masses thyroïdiennes en l'absence de scintigraphie
modifié à partir de S. Koressios et al (10)
Echographie Solide ou mixte
Liquide : Ponction + cytologie Aspect échographique
Hyperéchogène Hyperéchogène
Mixte Halo incomplet ou absent
Multinodulaire
Ponction + Cytologie
- + ou suspecte Exérèse + Histologie
Surveillance Echo-Clinique +
Traitement freinateur
1 ou 2 selon la valeur présumée de l'échographie ou de la cytologie
2
1
En cas de décision chirurgicale l’échographie thyroïdienne
fournira une cartographie échographique qui guidera la
tactique opératoire très souvent conservatrice et un bon
suivi après traitement médical ou chirurgical.
CONCLUSION
Devant une masse ou une hypertrophie du corps thyroïde,
et dans un contexte sans scintigraphie, l’échographie de par
sa sensibilité supérieure à celle de l’examen clinique, et
bien que peu spécifique est bien utile. Elle sera associée à
la cytoponction échoguidée qui en améliore la précision
diagnostique, permettant un traitement plus efficace. Son
innocuité et son faible coût en font un atout majeur dans
notre pratique quotidienne en Afrique.
BIBLIOGRAPHIE
1. M. GENTILINI, B. DUFFLO.
Le goitre endémique
In M. GENTILLINI, B. DUFFLO. Pathologie Tropicale Paris,
Flammarion Edition, 1986, 522-524.
2. LANTUM et Al.
Enquête nationale sur les troubles dus à la carence en iode au Cameroun
1990-1991, in D. Noni Lantum. Les troubles dus à la carence en iode au
Cameroun en1990-1991.
Unité de Santé Publique CUSS. Yaoundé. Mars 1991. pp 23.
3. J.S. AZAGRA, N. FREDERIC, N. DEMEESTER-MIRKINE, M.
D’HONDT, J. VAN GEERTRUYDEN.
Valeur de l’échographie pour la mesure des volumes de la glande thyroïde
et de ses lésions.
J. Radiol., 1990, 71 (2) : 109-111.
4. A. BRANDER, P. VIIKINKOSKI, J. TUUHEA, L. VOUTILAINEN,
L. KIVISAARI. : Clinical versus ultrasound examination of the thyroid
glan in common clinical practice.
Journal of clinical ultasound. 20 (1) : 37-42, 1992 Jan.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !