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Air Pur - N°79 - 2010
lors d’expositions environnementales à de faibles doses
mais ayant possiblement lieu à des moments critiques du
développement (puberté par exemple), au milieu professionnel
où les expositions, en règle générale plus importantes et
souvent multiples, surviennent plus tardivement dans la vie.
III- PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
EN MILIEU PROFESSIONNEL
En milieu professionnel, on peut identifier plusieurs substances
ou familles de substances pour lesquelles un mécanisme
perturbateur endocrinien semble plausible d’après les résultats
d’études expérimentales
in vivo
ou
in vitro
(qui ne seront
pas présentées ici). Les différentes études recherchant une
association entre exposition professionnelle aux perturbateurs
endocriniens et effets sur la santé des travailleurs ont été
répertoriées dans deux publications françaises du même auteur
(Pillière, 2002 ; Pillière, 2005). La réalisation de telles études en
milieu de travail se heurte à plusieurs problèmes. Du fait de
la multiplicité des sources d’exposition, professionnelles ou
non, la définition des populations « exposée » et « témoin »
n’est pas aisée. Par ailleurs, les éventuels dysfonctionnements
hormonaux pouvant corroborer un mécanisme de perturbation
endocrinienne ont rarement été recherchés. Il est à noter que
les anomalies hormonales, lorsqu’elles ont été observées, ne
s’accompagnaient pas ou peu de signes cliniques chez les
travailleurs.
1- Médicaments à action hormonale
Les salariés de l’industrie pharmaceutique sont potentiellement
exposés à des médicaments ayant une action hormonale.
Estrogènes et progestatifs médicamenteux
Dans le secteur de la production d’estrogènes et progestatifs
de synthèse, différents troubles ont été observés chez les
travailleurs : gynécomastie, nodules mammaires, irrégularités
du cycle menstruel, diminution du nombre de spermatozoïdes
et de la quantité de sperme, troubles de la libido. Ces effets
semblent réversibles après amélioration des conditions de
travail. Dans certaines études, des dosages d’hormones
sexuelles périphériques (estrogènes, testostérone) ou de
produits du métabolisme des androgènes (17-cétostéroïdes
urinaires) ont été réalisés, leur perturbation évoquant un
retentissement sur le fonctionnement endocrinien. Les dosages
des gonadotrophines (hormone de stimulation folliculaire ou
FSH et hormone lutéinisante ou LH) qui reflètent la régulation
hypothalamo-hypophysaire, lorsqu’ils ont été réalisés, étaient
normaux.
Corticostéroïdes médicamenteux
Des anomalies du test de stimulation surrénalienne, en
faveur d’une dépression du fonctionnement glandulaire, ont
été observées dans une publication, chez 4 des 12 salariés
d’une unité de fabrication de glucocorticoïdes de synthèse.
Les dysfonctionnements hormonaux régressaient après
amélioration des conditions de travail.
2- Pesticides
De nombreuses études ont été réalisées dans le secteur
agricole, parfois spécifiquement chez des applicateurs de
pesticides ou chez des ouvriers de la fabrication. Dans la
plupart de ces études, les conditions d’exposition n’étaient pas
suffisamment précisées et il n’a pas été possible d’identifier un
ou des pesticides en cause, notamment parce que les produits
utilisés étaient multiples et ont varié au cours du temps. Or,
les produits phytosanitaires comprennent un grand nombre
de substances, de structure et de toxicité différentes, pouvant
impliquer différents mécanismes d’action.
Principaux effets suspectés
• Cancers hormono-dépendants
Plusieurs études épidémiologiques se sont intéressées au
risque de cancers hormono-dépendants en milieu agricole.
- En ce qui concerne le cancer de la prostate, plusieurs
méta-analyses (publications qui combinent les résultats
de plusieurs études indépendantes) ont retrouvé un
faible excès de risque significatif chez les agriculteurs
par rapport aux témoins. Un excès de risque significatif a
également été observé dans deux méta-analyses qui se
sont intéressées aux sous-populations des applicateurs
de pesticides (considérés comme les plus exposés parmi
les agriculteurs) et les employés d’usines de production
de pesticides. Dans cette dernière sous-population, après
stratification sur la classe chimique des pesticides, il
persistait un excès de risque dans chaque groupe, mais
il n’était statistiquement significatif que dans le groupe
des herbicides phénoxy contaminés accidentellement ou
non par des dioxines et des furanes. Une grande étude de
cohorte prospective aux Etats-Unis (Agricultural Health
Study, AHS) a observé un excès de risque, faible mais
statistiquement significatif, de cancers de la prostate
chez les agriculteurs. Lorsque chaque pesticide a été
étudié de manière indépendante, seule l’utilisation de
bromure de méthyle (gaz utilisé comme fumigant et
désinfectant) a montré une relation dose-dépendante
significative. Pour certains pesticides, seules les personnes
ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate
présentaient un excès de risque significatif (Alavanja
et al, 2003). De multiples facteurs semblent donc être
intriqués et l’existence d’un lien avéré entre utilisation de
pesticides et risque accru de cancer de la prostate chez
les agriculteurs n’a pas été démontrée à ce jour.
- Pour le cancer du testicule, deux méta-analyses n’ont
pas retrouvé d’excès de risque parmi les agriculteurs.
- Concernant les cancers de l’endomètre, de l’ovaire et de
la thyroïde, quelques études ont observé un excès de
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