Tendance des événements secs extrêmes dans le bassin du lac Ichkeul (Tunisie) Majid MATHLOUTHI1, Fethi LEBDI2 1 2 Laboratoire de Recherche en Sciences et Techniques de l’Eau de l’INAT, [email protected]. Institut National Agronomique de Tunisie (INAT), 43 Avenue Charles Nicolle 1082 Tunis, Tunisie - Université de Carthage. [email protected]. Résumé La sécheresse est un phénomène naturel qui peut survenir dans toutes les régions. La variabilité climatique et le changement climatique à plus long terme ont des conséquences économiques, sociales et environnementales. Il est probable que le changement climatique augmente la fréquence et la durée des sécheresses, ce qui pourrait contribuer à la dégradation des terres. On développe l’approche par événement adaptée aux conditions climatiques sub-humide en utilisant les observations de la pluie journalière. Un événement est une durée dans le temps d’une pluie ou d’une sécheresse continue. Les évènements secs sont constitués d’une série de jours secs encadrés par des évènements pluvieux. Par conséquent, l’analyse par événement définit la saison humide comme étant une succession d’événements de pluie et d’événements secs. Le début du premier événement pluvieux en automne, au début du mois de septembre, marque le commencement de la saison humide, alors que la fin du dernier événement pluvieux au printemps, vers début mai, marque le terme de la saison humide. Les événements pluvieux eux-mêmes sont définis sous forme d’une série ininterrompue de jours pluvieux comprenant au moins un jour ayant reçu une précipitation supérieure à un seuil prédéterminé. Etant donné que l’analyse est effectuée afin d’obtenir les données nécessaires aux études d’aménagement des ressources en eau, l’événement pluvieux est défini suivant une certaine valeur seuil de pluie journalière. Une limite de 3.6 mm j -1 a été choisie, quantité d’eau correspondant approximativement à l’évapotranspiration quotidienne moyenne dans la région et indiquant ainsi la limite physique inférieure compte tenu de la pluie qui peut produire une ressource d’eau de surface utilisable. La pluie au-dessous de ce seuil sera considérée seulement sur les jours qui font partie d’un événement donné où au moins un jour satisfait la condition d’avoir reçu une pluie supérieure à 3.6 mm. L’approche utilise les observations de la pluie journalière aux stations pluviométriques actives de 1968 à 2010 dans le bassin d’Ichkeul, au Nord de la Tunisie. La zone fait partie de la région naturelle Tellienne montagneuse froide et pluvieuse. Cette région est limitée au nord par la méditerranée, et au sud par la Dorsale. Son relief est très varié. Il est constitué d’une juxtaposition de plaines, de bassins, de collines et de chaînons de montagnes. Ce paysage très compartimenté crée de multiples microrégions climatiques assez nuancées. Mais le climat de notre région, dépend plus du balancement longitudinal de la circulation atmosphérique, comme il subit par ailleurs l’effet de la latitude, de la continentalité et du relief. Les îlots de reliefs, très variés, présentent une grande hétérogénéité dans leurs éléments et leurs dispositions, et délimitent eux-mêmes de multiples îlots climatiques, qu’il est impossible de définir avec précision vu les discontinuités dans les chroniques des stations d’observations climatiques. L’analyse des périodes sèches maximales mensuelles pour les stations pluviométriques étudiées montre que la durée moyenne de ce phénomène diffère selon les mois. On ne trouve pas de justifications statistiques pour cette variation. Pour les mois se trouvant au milieu de la saison humide (décembre, janvier et février), la moyenne de la période sèche maximum mensuelle varie de 11.6 à 15.4 jours. Il est intéressant d’observer que la durée moyenne de la période sèche maximale mensuelle varie d’un maximum de 19 jours, au mois de septembre, pour la station de Frétissa SM à un minimum de 10 jours, au mois de novembre, pour la station du barrage Ghézala. Pratiquement, pour toutes les stations, sur la moyenne, les valeurs maximales de la période sèche maximale mensuelle ont été enregistrées aux mois de septembre et octobre (début de la saison humide). Des pics ont été également observés, 17 jours au mois de mars et 16 jours au mois d’avril (terme de la saison humide), pour la 1 station de coopérative Bakhraya. Des périodes sèches sévères de 51 et 60 jours respectivement aux mois de septembre et mars ont été observées à la station de coopérative Bakhraya. Egalement, un extremum de 49 jours en septembre a été enregistré à la station de Frétissa SM. Certes, ces deux stations sont caractérisées par une répartition défavorable des précipitations. Il est à remarquer aussi pour toutes les stations pluviométriques que le mois de février est distingué par des sècheresses qui excédent 40 jours. Des valeurs minimales de 22 et 24 jours ont été enregistrées à Sidi Abdelbassat respectivement aux mois de novembre et avril. La répartition des fréquences relatives de la période sèche mensuelle de durée 2 à 3 semaines montre qu’une fréquence minimale de 0.02 a été observée au mois de février à la station du barrage Ghézala. Un maximum de 0.16 a été enregistré au mois d’octobre à la station de Sidi Abdelbassat. Pour les mois se trouvant au milieu de la saison humide, les courbes des fréquences relatives des périodes sèches mensuelles sont très proches indiquant une similitude des fréquences, pour ce niveau de sévérité, de la période sèche mensuelle. Au début et au terme de la saison pluvieuse, l’écart entre les courbes est nettement distingué expliquant une variation considérable de la fréquence entre les stations. Dores et déjà, ces périodes sèches mensuelles de longueur 14 à 21 jours sont plus fréquentes aux stations pluviométriques ayant une pluviométrie plus faible (Frétissa et Sidi Abdelbassat). Malgré le caractère incomplet de cette analyse conventionnelle, on peut observer que les périodes sèches semblent montrer un caractère aléatoire pendant toute la saison humide allant de septembre à avril. La durée des événements secs suit une loi binomiale négative. La plus courte interruption (un jour) est la plus fréquente. Presque 19 % des évènements secs ont une durée seulement d’un jour. Toutefois, le champ observé est beaucoup plus long que la durée de l’évènement de pluie. Des périodes sèches jusqu’à 30 jours et même plus peuvent être enregistrées, cependant la probabilité que de telle longueur extrême se produise au milieu de la saison humide est faible. Le fait que la longueur moyenne des événements secs fluctue entre 7 et 9 jours et la valeur élevée de l’écart type sont tous les deux un sérieux avertissement concernant l’incertitude en supposant une distribution régulière des précipitations durant la saison humide. L’analyse des données des événements pluvieux montre que 33% des évènements pluvieux en effet ont duré 1 jour. Les séquences ininterrompues de jours de pluie, parfois ont duré près de deux semaines (la durée maximale observée est 13 jours). Cependant, la fréquence de tels évènements à longue durée diminue rapidement avec l’augmentation de la durée. La fonction de densité de probabilité géométrique apparaît la plus adéquate pour l’ajustement de la durée des événements de pluie. En tenant compte de l’hypothèse de l’indépendance séquentielle des évènements pluvieux, la fonction de densité de probabilité de Poisson décrit bien le nombre d’événements par saison. La moyenne arithmétique paraît fournir une estimation stable du paramètre de la fdp de Poisson en préférence à la simple variance qui montre des fluctuations considérables. Il est à signaler que la saison de pluies, comme a été définie, ne satisfait pas exactement les conditions théoriques, à savoir que l’on compte le nombre d’événements durant une période fixe pour obtenir une distribution de Poisson. La saison humide ayant en fait une durée variable est par définition une fonction aléatoire des événements eux-mêmes. Les événements secs de durée maximale associés à des périodes de retour différentes ont été obtenus en modélisant ce processus par la loi des distributions GEV. Pour analyser la sévérité des événements secs de durée extrême, la partie centrale de la saison correspondant à la période du mois de décembre au mois de mars a été choisie. Ainsi tout événement sec résultant d’une pluie de début ou de fin de saison humide n’est pas compté. Il importe d’examiner l’occurrence de ces longueurs extrêmes de l’événement sec, en se référant à la partie centrale de la saison et à toute la saison, pour différentes périodes de retour. L’analyse des événements secs faisant appel à l’hypothèse de l’indépendance des événements successifs, donne une méthode alternative pour examiner les phénomènes de sécheresse et permet de planifier les ressources hydriques sur une base différente de celle des observations faites à intervalle de temps régulier. Malheureusement la longueur des séries d’observations disponibles est souvent bien plus courte, surtout en zones semi-arides. L’application la plus importante de l’analyse par événement est celle de la génération d’événements synthétiques par simulation. Les séquences synthétiques d’événements pluvieux et d’événements secs permettent de définir et de caler des modèles de simulation pour une planification plus réaliste des barrages ou pour l’estimation de la demande en eau 2 d’irrigation. En outre, l’analyse par événement permet l’étude des effets d’un changement climatologique. L’analyse par événement est également utile pour vérifier les propriétés spatiales des événements secs. Mots clés saison pluvieuse, événements pluvieux, événements secs extrêmes, loi GEV, génération d’événements synthétiques. 3