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Chapitre 1
Chapitre 1
Troubles anxieux
R. P. Swinson, MD, FRCPsych, FRCPC
Introduction
Dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5),
plusieurs changements importants ont été apportés à la classification des troubles anxieux1:
Le trouble panique et l’agoraphobie ne sont plus liés à un seul diagnostic. Ces affections
comportent des critères distincts et les patients qui souffrent de ces deux troubles recevront
désormais deux diagnostics différents.
Le trouble obsessionnel-compulsif et l’état de stress post-traumatique font maintenant l’objet d’une
classification distincte—troubles obsessionnel-compulsif et connexes et troubles liés au stress et à
un traumatisme, respectivement. La prise en charge du trouble obsessionnel-compulsif et celle de
l’état de stress post-traumatique sont traitées dans des chapitres distincts (voir et ).
Deux troubles, l’anxiété de séparation et le mutisme sélectif, ont été ajoutés aux troubles anxieux.
Ces deux troubles étaient antérieurement classés dans les «troubles généralement diagnostiqués
pour la première fois pendant la petite enfance, l'enfance ou l’adolescence».
Objectifs du traitement
Éliminer ou diminuer l'anxiété symptomatique
Éliminer ou diminuer l'incapacité liée à l'anxiété
Prévenir les récidives
Traiter les comorbidités
Évaluation
Anamnèse minutieuse en portant une attention spéciale à :
la nature des symptômes et leur début
la nature et l'étendue de l'incapacité
la présence de comorbidités médicales ou psychiatriques
Note : Traiter les troubles associés de l'humeur, surtout la dépression, en tant que trouble principal.
Un questionnaire permet d'obtenir un diagnostic précis (Tableau 1, Tableau 2)
Examen physique afin d'écarter la possibilité de troubles cardiaques ou endocriniens et de signes de
consommation de substances
Analyses de laboratoire :
Numération formule sanguine (NFS), bilan hépatique, gamma-glutamyl-transpeptidase (GGT
afin de dépister une consommation d'alcool), indices de la fonction thyroïdienne (TSH
hypersensible), ECG
Note : Traiter les troubles physiques survenus récemment avant d'établir un diagnostic définitif de
trouble anxieux.
Chapter 1: Troubles anxieux 1
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Tableau 1: Classification des troubles anxieux1
Type de trouble anxieux Caractéristiques cliniques
Anxiété de séparation Apparition pendant l'enfance d'une peur d'être séparé des figures
d'attachement (parents, frères et sœurs), se révélant excessive à ce stade
de développement.
Mutisme sélectif Apparition pendant l'enfance d'une incapacité à parler à l'école ou dans
d'autres situations sociales alors que la personne parle dans d'autres
contextes. Peut nuire à la progression scolaire.
Phobie spécifique Anxiété sévère déclenchée par la crainte d'un objet ou d'une situation
spécifique (p. ex., araignées, voyages en avion, hauteurs) qui entraîne
souvent un comportement d'évitement.
Trouble d'anxiété sociale (phobie sociale) Anxiété intense provoquée par des situations sociales ou de performance
avec crainte d'être embarrassé en public; entraîne souvent un
comportement d'évitement.
Trouble panique Crises de panique imprévues récidivantes accompagnées d'anxiété
persistante causée par les récidives.
Agoraphobie Peur ou anxiété marquée de 2 situations ou plus : transports publics,
espaces ouverts, espaces clos, foule, être seul à l'extérieur de chez soi.
Mène à l'évitement de ces situations.
Trouble d'anxiété généralisée Inquiétude et anxiété excessives concernant un certain nombre
d'événements ou d'activités survenant plus d'un jour sur deux pendant une
période ≥6 mois.
Trouble anxieux causé par un autre état
pathologique
Anxiété ou attaques de panique causée directement par un état
pathologique (p. ex., dysfonction thyroïdienne, hypoglycémie, insuffisance
cardiaque, arythmie, MPOC, carence en vitamine B12, encéphalite).
Trouble anxieux lié à une substance ou à un
médicament
Anxiété ou attaques de panique provoquées directement par la
consommation ou l'arrêt d'une substance (p. ex., alcool, amphétamines,
anticholinergiques, caféine, cannabis, cocaïne, corticostéroïdes,
hallucinogènes) capables de produire les symptômes d'anxiété.
Autre trouble anxieux spécifié Symptômes de troubles anxieux qui ne satisfont pas complètement aux
critères diagnostiques, p. ex., symptômes limités d'attaque de panique,
anxiété généralisée apparaissant moins d'un jour sur deux.
Trouble anxieux non spécifié Symptômes d'anxiété et de détresse qui ne satisfont pas aux critères
diagnostiques des troubles anxieux spécifiques.
Tableau 2: Questionnaire pour établir un diagnostic spécifique d'anxiétéa
Questions Précisions
Souffrez-vous d'épisodes subits d'anxiété intense? Établir la nature des crises.
Vous est-il difficile de vous rendre à des endroits où vous
aviez l'habitude d'aller?
Demander des précisions sur les endroits bondés de gens, les files
d'attente, le cinéma, les autoroutes, la distance de la maison.
Éprouvez-vous des difficultés à exercer de l'autorité ou à
parler en public?
Préciser le contexte (tête-à-tête ou groupes).
Avez-vous peur du sang, de petits animaux ou des
hauteurs?
Déterminer la situation précise de la crainte.
(suite)
2
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Tableau 2: Questionnaire pour établir un diagnostic spécifique d'anxiétéa(cont'd)
Questions Précisions
Entretenez-vous des pensées qui vous obsèdent et dont
vous ne pouvez vous débarrasser?
Préciser la nature des pensées (maladie, atteinte, sexe).
Éprouvez-vous souvent de l'inquiétude? Poser des questions sur les inquiétudes liées à la santé, à la famille,
au travail et à l'argent.
aL'ordre des questions peut varier. L'ordre suivi au Tableau 2 reflète celui du Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-51dans lequel
sont d'abord diagnostiquées les crises de panique, puis les troubles phobiques et le trouble d'anxiété généralisée. Les troubles anxieux non compris dans
ces catégories sont appelés atypiques. Un diagnostic précis est recommandé avant d'amorcer un traitement.
Choix thérapeutiques
Un état d'anxiété relativement léger, en réponse aux événements de la vie, se manifestent fréquemment
de façon passagère; de nombreux patients arriveront à gérer leur anxiété sans avoir recours à la
pharmacothérapie. Du soutien et des techniques de résolution de problèmes et de relaxation ou basées
sur la pleine conscience peuvent être utiles en attendant que la crise se résorbe. Cependant, une anxiété
spécifique ou des troubles de l'humeur peuvent se développer conséquemment au facteur de stress
initial. Voir la Figure 1 pour une illustration de la prise en charge des troubles anxieux.
Mesures non pharmacologiques
Une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) spécifique adaptée au diagnostic primaire peut être
nécessaire. Une ressource en ligne à www.pter.mcmaster.ca fournit plus d'information sur les TCC.
La consommation de caféine ou d'autres stimulants devrait être diminuée et contrôlée.
La consommation d'alcool devrait être réduite au minimum; l'alcool ne devrait pas servir à contrôler
l'anxiété.
Recommander des exercices aérobies plusieurs fois par semaine. L'exercice a montré réduire
certains symptômes de panique et d'agoraphobie mais la TCC est significativement plus efficace2.
Sensibiliser le patient aux saines habitudes de sommeil et à l’hygiène du sommeil.
Les techniques de réduction du stress, qui comprennent l'entraînement à la relaxation et la gestion
du temps, sont souvent utiles au début. La méditation basée sur la pleine conscience est de plus en
plus utilisée dans les troubles anxieux et montre des effets positifs.
Pharmacothérapie
Le rôle de la pharmacothérapie varie selon le trouble anxieux. Un médicament est rarement nécessaire
pour les phobies spécifiques. Dans le cas des autres troubles anxieux, la pharmacothérapie représente
l'intervention la plus courante, surtout lorsque l'intensité des symptômes et l'incapacité sont d'intensité
modérée à sévère. Une consultation auprès d'un psychiatre est recommandée chez les patients dont
l'état ne s'améliore pas après l'essai de 2 antidépresseurs séparément. Une liste des options
médicamenteuses est fournit au Tableau 3.
Les renseignements disponibles sur le traitement du trouble panique, de l’agoraphobie et du trouble
panique avec agoraphobie proviennent d’études qui ne répartissaient pas dans des groupes distincts les
patients souffrant de trouble panique et ceux atteints d’agoraphobie3. Bien que le DSM-5 fasse une
distinction entre ces 2 différentes affections ou le trouble panique avec agoraphobie, il est nécessaire
de mener des études pour établir si les divers agents pharmacologiques traitent de façon différentielle
chacun de ces troubles.
Chapitre 1 : Troubles anxieux 3
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Trouble panique
Antidépresseurs
Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), c.-à-d. le citalopram, l'escitalopram, la
fluoxétine,lafluvoxamine, la paroxétine et la sertraline, sont tous efficaces pour réduire les crises
de panique. La venlafaxine, qui inhibe le recaptage de la sérotonine et de la norépinéphrine (IRSN), a
aussi démontré son efficacité. Les ISRS et les IRSN sont des agents de première intention dans le
traitement du trouble panique avec ou sans agoraphobie4,5. Le début d'action de ces médicaments est
habituellement retardé et de l'agitation peut survenir au début du traitement. Intensifier le traitement
par un ISRS ou un IRSN avec une benzodiazépine à faible dose comme traitement adjuvant pendant
une courte période (pas plus de 8 semaines pour réduire le risque de symptômes de dépendance ou de
sevrage) peut favoriser l'observance du traitement et accélérer le début de l'effet en comparaison avec
l'antidépresseur prescrit seul6.
Les antidépresseurs tricycliques, c.-à-d. l'imipramine, la désipramine et la clomipramine, ont prouvé
leur efficacité dans la réduction de la fréquence et de la sévérité des crises de panique7et sont peu
coûteux. Les différents profils d'effets indésirables des antidépresseurs tricycliques et des ISRS
peuvent constituer des critères de sélection du traitement approprié. La mirtazapine a démontré une
efficacité dans les essais ouverts8,9. Les plus anciens inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO), la
phénelzine et la tranylcypromine, sont aussi efficaces, mais plus difficiles à utiliser en raison de
restrictions alimentaires et de la possibilité d'interactions médicamenteuses graves10.
La posologie et la durée de traitement des antidépresseurs dans les troubles paniques sont similaires à
celles utilisées pour le trouble dépressif majeur (voir ). Cependant, la dose de départ devrait être la plus
faible possible (p. ex., 10 mg par jour pour les antidépresseurs tricycliques ou la fluoxétine) et ensuite
augmentée selon la tolérance jusqu'à l'éventail des doses habituelles dans le traitement de la
dépression; des doses initiales plus élevées peuvent rendre le patient agité et le mener à cesser
brusquement son traitement. La détermination de la durée du traitement est très importante; une
pharmacothérapie est habituellement nécessaire pendant des mois ou des années. Il a été prouvé qu'une
rechute survient chez la majorité des patients après l'arrêt des benzodiazépines ou des
antidépresseurs11.
S’il faut cesser le traitement par les antidépresseurs ou réduire la dose de ces agents, il faut le faire
progressivement. La modification abrupte de la posologie pourrait entraîner un syndrome d'arrêt des
antidépresseurs. De plus amples renseignements sur ce syndrome sont présentés au chapitre
Dépression (voir ).
Benzodiazépines
La pharmacothérapie est guidée par la gravité du trouble panique au départ. De faibles doses de
benzodiazépines puissantes peuvent être utilisées pour faire cesser les crises de panique initiales et
maîtriser la fréquence élevée de crises qui surviendront durant la progression de la maladie. Le
clonazépam à des doses de 0,25–0,5 mg BID arrive fréquemment à faciliter la prise en charge des
crises de panique. Le lorazépam et le diazépam peuvent aussi être prescrits.
Bien que l'efficacité des benzodiazépines en monothérapie pour le trouble panique soit bien prouvée, il
est préférable de réserver leur utilisation dans les cas où le traitement aux ISRS ou aux IRSN ait été
tenté sans succès ou si la réponse à l'antidépresseur a besoin d'être intensifiée avec un traitement
adjuvant.
Il est préférable d'utiliser les benzodiazépines à court terme. Pour les patients qui sont restés stables en
prenant de faibles doses pendant plusieurs années, il s'agit de soupeser les bénéfices potentiels de
l'arrêt des benzodiazépines (p. ex., risque diminué de sédation ou de chutes, de dépendance ou de
syndrome de sevrage) et l'augmentation possible de la fréquente et de la gravité des attaques de
panique lors de l'arrêt des benzodiazépines11.
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Agoraphobie et trouble panique avec agoraphobie
La pharmacothérapie du trouble panique avec ou sans agoraphobie est la même que celle du trouble
panique. La plus grande partie de l'incapacité causée par l'agoraphobie provient du comportement
d'évitement plutôt que des crises de panique. Souvent, l’importance du comportement d’évitement
n’est pas suffisamment signalée par les patients; le recours à des questions méthodiques ou à des
questionnaires standards pourrait être nécessaire pour mener une évaluation approfondie. Le
comportement d’évitement peut être pris en charge par une TCC même si les médicaments réduisent le
nombre de crises de panique ou les éliminent. La TCC est efficace seule ou associée à une
pharmacothérapie11,12. L'accès à une TCC spécialisée est souvent restreint par des contraintes
financières.
Trouble d'anxiété sociale (phobie sociale)
La peur excessive d'être critiqué ou de recevoir une évaluation négative des autres se présente sous la
forme d'une timidité, d'un évitement des contacts sociaux ou de problèmes dans les relations avec les
symboles d'autorité. Le trouble peut être présent dès l'enfance et se manifeste souvent à l'adolescence.
Il est particulièrement important d'écarter la possibilité de trouble dépressif majeur associé et de
consommation d'alcool. La TCC ou d'autres psychothérapies peuvent être nécessaires afin de traiter
l'anxiété sociale grave, même lorsqu'une pharmacothérapie est administrée.
Les ISRS et les IRSN représentent le traitement de base du trouble d'anxiété sociale. Ces agents sont
efficaces pour l'anxiété sociale généralisée et pour les cas plus légers de trac ou de peur de parler en
public. L'escitalopram13,14, la fluvoxamine15,16, la paroxétine17,18, la sertraline19,20, et la
venlafaxine21 ont démontré leur efficacité. Une faible dose de propranolol (10 mg) prise 30 minutes
avant l'évènement peut diminuer le trac ou la peur de parler en public, mais le propranolol reste
habituellement inefficace pour traiter le trouble d'anxiété sociale généralisée22,23.
Les résultats du moclobémide varient mais cet agent peut être efficace, surtout à doses élevées24.
Lorsqu'utilisé à des doses supérieures à 600 mg par jour, le moclobémide perd sa spécificité
d'isoenzyme pour la MAO-A. Il faut mettre en garde les patients prenant des doses élevées sur la
consommation d'aliments riches en tyramine comme le fromage vieilli, la viande fumée, la bière et le
vin rouge, s'impose.
Certaines preuves appuient l'essai de la gabapentine25 ou de la prégabaline26 chez des patients qui
n'ont pas répondu aux traitements de première intention. Les benzodiazépines, surtout le
clonazépam27, sont efficaces, mais devraient être prescrites en respectant les mêmes restrictions (c.-à-
d. utilisation à court terme de la dose efficace la plus faible) que pour les autres troubles anxieux.
Phobie spécifique
Un traitement médicamenteux n'est habituellement pas indiqué dans le traitement de la peur spécifique
des hauteurs, des animaux, des injections ou d'autres éléments déclencheurs courants. Une TCC d'à
peine 6 heures suffit souvent à favoriser une amélioration marquée et durable.
Trouble d'anxiété généralisée
Le trouble d'anxiété généralisée est caractérisé par une inquiétude excessive et incontrôlable à propos
des situations quotidiennes, comme la sécurité des membres de la famille, la sécurité financière ou de
l'emploi et la santé. Les patients atteints de trouble d'anxiété généralisée affichent souvent une humeur
dépressive et d'autres symptômes anxieux. La TCC représente la thérapie psychosociale la plus
efficace, mais il faut souvent au moins 20 séances pour obtenir des résultats positifs28.
Les ISRS et les IRSN représentent les médicaments de première intention reconnus dans la
pharmacothérapie du trouble d'anxiété généralisée. De nombreuses études ont démontré l'efficacité de
Chapitre 1 : Troubles anxieux 5
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