
A. DONABEDIAN
2
Du côté du nom, comme le rappelle Meillet (1962 (1897-98) : 53), la
langue a conservé la déclinaison avec une fidélité presque unique. La flexion
nominale de l'arménien classique est en effet constituée de 5 types de
déclinaison nominale distinguant chacun sept2 cas. L'arménien a notamment
conservé l’ablatif, contrairement à bon nombre de ses parentes. Certes, on ne
dispose pas de sept morphèmes casuels différents pour chaque type de
déclinaison, mais les syncrétismes, différents pour chaque type (et bien
souvent au singulier et au pluriel), permettent de considérer que la langue
distingue sept cas.
La flexion verbale est riche également de cinq modèles, auxquels il faut
ajouter les verbes irréguliers et les oppositions de voix
1.2. Divers traits conservateurs
A côté de la flexion, d'autres traits apparaissent comme parfaitement
cohérents avec ce que l'on peut attendre d'une langue indo-européenne à cette
époque : c'est le cas des relateurs du nom, qui sont essentiellement des
prépositions, et du déictique à trois degrés.
La subordination s'opère exclusivement au moyen de conjonctions
introduisant des complétives, relatives et circonstancielles, fonctionnement là
encore assez typique des systèmes indo-européens.
1.3. Traits atypiques
Pourtant, certains traits de l’arménien classique, dès le cinquième siècle,
apparaissent comme largement atypiques au regard du fonds indo-européen :
a. L'arménien ne connaît pas et ne semble porter aucune trace décelable
d'une opposition de genre grammatical. Ce dernier n'est en effet jamais attesté
à l’époque historique, et ce, en aucun point du système, y compris les
pronoms. Seule la distinction personnel/non personnel – qui/quoi existe dans
la langue, étant entendu que les dérivations de noms de personnes de sexe
féminin à partir d'un masculin ne suffisent pas à fonder un genre grammatical
absent en tous autres points du système, ces dérivés n'étant pas susceptibles
d'entraîner un phénomène d'accord ou de cooccurrence (pronoms,
anaphoriques, etc.) notamment pour les pronoms. Pour Meillet, les trois
degrés de démonstratifs (ays, ayd, ayn), susceptibles, eux, de cooccurrence,
compensent l'absence de genre grammatical dans sa fonction
désambiguïsante, en fournissant une autre possibilité de cooccurrence, tout
aussi riche. Charles de Lamberterie suggère d'ailleurs, compte tenu de cette
"anomalie", d'envisager sous un autre angle la riche flexion de l'arménien
classique : elle pourrait s'être développée au contact du hourro-ourartéen après
avoir perdu les finales indo-européennes. La richesse de la flexion de
2 Nominatif, accusatif, génitif, datif, ablatif, locatif, instrumental.