U.E. - Canada : la fuite des cerveaux enclenchée

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U.E. - Canada : la fuite des cerveaux enclenchée
Chaque année, des milliers d’Européens se rendent au Canada à travers le programme
“Expérience internationale”. Alors que la crise économique sévit en Europe, cette main
d'oeuvre qualifiée représente une véritable mine d'or pour l'économie canadienne.
Samuel Danzon-Chambaud
Quand Diego Marchi et Jlenia Zago rentrent chez eux le soir, des dizaines de courriels les attendent.
Depuis deux ans, le jeune couple originaire d'Italie tient un blogue sur leur nouvelle vie à Vancouver. Et
s'improvise aussi conseillers en immigration.
«Je parie que la prochaine personne qui va nous écrire sera un homme d'une trentaine d'années,
qui vient de perdre son travail après cinq ou six ans», prédit Diego Marchi, un informaticien de 29 ans.
«C'est triste de constater que beaucoup de familles nous écrivent, parce qu’elles ne voient pas d'avenir
pour leur enfants en Italie», renchérit Jlenia Zago, 29 ans, vendeuse dans une boutique de peinture.
Pour les auteurs du blogue “Diario da Vancouver” (Journal de Vancouver), le Canada est un
refuge idéal face à la crise économique en Europe. «En Italie, nous n'avions pas assez d'argent pour
tenir à la fin de chaque mois», explique Diego Marchi. «Ici, cela est possible».
Le jeune couple est arrivé au Canada avec un permis vacances-travail (PVT), un visa leur
permettant de rester plusieurs mois sur l'ensemble du territoire. Ce programme fait partie de
l'Expérience internationale, une série d'accords de mobilité entre le Canada et 32 pays partenaires.
En 2011, près de 60 000 travailleurs âgés de moins de 35 ans sont ainsi venus au Canada, dont
plus de la moitié étaient issus des pays de l'Union Européenne. Si le nombre de Canadiens partant pour
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l'Europe reste stable, le nombre d'Européens faisant le chemin inverse a lui doublé au cours des
dernières années.
En 2007, quelques 8500 Français ont immigré par le biais de l'Expérience internationale. Quatre
ans plus tard, ils sont près de 14 000. Les Britanniques, les Allemands et les Irlandais étaient eux près
de 3000 chacun en 2007. Quatre ans après, ils sont plus de 5000.
Expérience internationale : les principaux échanges avec l'Europe (2011)
14044
Canadiens
Européens
5116
2780
5082
3142
744
274
France
5021
Royaume-Uni
Irlande
Allemagne
156
1007
Italie
Source : Ministère des affaires étrangères et du commerce international
«J'ai l'impression qu'au Canada, ils ont vraiment besoin de travailleurs», indique Jordane Lesne,
26 ans, un Français à la recherche d'un emploi à Vancouver. «Ici, quand je dis que je parle cinq langues,
les gens sont impressionnés. En France, ça ne les intéressait pas forcément», révèle le diplômé en
langues étrangères, lui aussi parti avec un PVT.
Michael Roberts, un ingénieur de 21 ans, a lui fait le voyage depuis l'Irlande jusqu'à Calgary.
Venu en septembre avec le même visa, un emploi l'attendait déjà sur place, dans l'industrie pétrolière et
gazière. «En Irlande, il est difficile de trouver un premier emploi en tant qu'ingénieur. Le marché de la
construction s'est complètement effondré», rappelle-t-il.
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Pour Kurt Hübner, professeur de sciences politiques à l'Université de la Colombie-Britannique,
ces jeunes travailleurs pour la plupart diplômés représentent un avantage pour le Canada. «Il s'agit
d'une fuite des cerveaux en faveur de l'économie canadienne», précise-il.
La durée des visas de l'Expérience internationale varie en fonction des pays. Les Irlandais
peuvent ainsi obtenir un PVT de deux ans tandis que celui des Italiens ne leur permet de travailler que
quelques mois. Les deux autres visas, le stage coop et le jeune professionnel, durent eux de un an à 18
mois.
L'Ouest attire
Kurt Hübner explique que ces visas de courte durée profitent à l'industrie pétrolière et gazière, à
l'Ouest du Canada. Selon lui, ces travailleurs temporaires aident à maintenir des services essentiels,
comme les transports et l'éducation, tout en étant une main d'oeuvre flexible.
«L'Alberta est l'une des provinces qui attire le plus de jeunes travailleurs», précise Kurt Hübner.
Il cite les raisons d'un tel succès : «le plein emploi, chaque type de compétences est recherché et les
salaires sont très élevés».
Ruairi Spillane, un Irlandais ayant immigré au Canada avant la crise, partage cet avis. À travers
son site Move2Canada, il a vu le changement de profil des candidats à l'immigration. «De plus en plus
de familles postulent pour le visa vacances-travail», affirme-t-il. «Avec la crise en Europe, ces familles
vont directement là où les emplois se trouvent, et non plus seulement à Toronto ou à Vancouver».
Selon les données les plus récentes de l'OCDE, le chômage touche près de 30% des Irlandais de
moins de 24 ans. Ce taux est de 29% en Italie et de 22% en France. Au Canada, en comparaison, seul
14% des jeunes sont au chômage.
Les jeunes travailleurs européens, souvent qualifiés, représentent donc une main d'oeuvre en or
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pour l'économie canadienne. Le ministre de l'immigration Jason Kenney leur a d'ailleurs récemment
facilité l'accès à la résidence permanente, en permettant à plusieurs professions de postuler au bout d'un
an, au titre de l'expérience canadienne. Auparavant, ce délai était de deux ans.
«L'Expérience canadienne est devenue le programme d’immigration économique ayant la
croissance la plus marquée du Canada et elle fait partie de notre plan pour attirer les personnes les plus
brillantes et les plus compétentes du monde», a déclaré le ministre en décembre 2012.
Cette année, Citoyenneté et Immigration Canada compte ainsi accepter jusqu'à 10 000
demandes dans cette catégorie. De quoi pousser les jeunes Européens à venir, puis à rester. La fuite des
cerveaux semble bel et bien amorcée.
Expérience internationale : trois types de visas
Vacances-travail : Le plus populaire des visas d'Expérience internationale. Il permet de
travailler légalement au Canada pour une durée allant de six mois (Italie) à deux ans (Irlande).
Jeune professionnel : Ce visa s'adresse aux diplômés du postsecondaire, cherchant un emploi dans leur domaine de compétence. Sa durée est de un an, sauf pour la France et la
Suisse où la durée est de 18 mois.
Stage coop : Cette catégorie s'adresse aux étudiants du secondaire ou du postsecondaire. Il
permet de réaliser un stage dans leur domaine d'études. Ce visa dure un an, sauf pour la
Suisse où sa durée est de 18 mois.
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