« Pourquoi ne disposons-nous pas d’une seule et même
traduction française ? »
Pas un livre, mais des livres…
Que ce soit dans les étagères des bibliothèques, des rayons spécialisés des libraires ou lors d’une
réunion d’étude sur la Bible, on constate qu’il existe plusieurs « versions ou traductions » de la
Bible.
Pour expliquer cette diversité, je vais d’abord reprendre le mot «traduction» et je terminerai par
décrire les : « traductions françaises ».
I « Traduction» :
Tout d’abord, j’ai demandé à l’assemblée, que représentait ce mot « Traduction » pour eux. Sans
débattre sur la définition même, l’ensemble des présents convenait que ce mot renvoyait à un
ouvrage, un texte qui en reproduit un autre dans une langue différente (le dernier roman de Mary
Higgins Clark traduit en Français).
« Celui qui traduit absolument littéralement est un faussaire, celui qui ajoute quelque chose est un
blasphémateur. » (Tradition rabbinique, Tossephta-Megilloth IV/41, et Talmud Babylone Qiddoushim
49a).
C’est là toute la richesse de la Bible, ce n’est pas un ouvrage ou un texte, mais un ensemble de textes,
dont même les plus vieilles versions sont des « interprétations ; Constitution dogmatique sur la
Révélation Divine Dei verbum (18 novembre 1965)».
Il n’existe plus de texte d’origine mais des « copies qui remontent, au mieux, au IVème siècle, ce
qu’on appelle des témoins ». Le meilleur exemple, de part l’ampleur de la découverte, serait les
écrits de Qumran (découvert en 1947).
L’écrit a inscrit durablement une parole divine (d’alliance) écoutée, célébrée et transmise d’abord
oralement. Cette parole qui est un témoignage de foi, l’expérience de l’aventure d’un peuple et de
son Dieu :
- Exode 6,6 : Le seigneur dit à Moïse : « Dis aux fils d’Israël […]
- Genèse 6,7 : Et Yahvé dit : « Je vais effacer [….] »
- Luc 24,44 : « Telles sont bien les paroles que je vous ai dites (Jésus)…il faut que s’accomplisse
tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse… »
Ces écrits (qui s’opèrent entre 1000 av. JC. et 90 ap. JC.) étaient d’époque, d’auteurs (mais inspiré de
Dieu), de contexte (social, historique, culturel…) et de langues différentes (AT : hébreu, araméen (ex :
DN 2-7) et grec ; NT : en grec avec peut-être certains passages en araméen). Ils étaient inscrits sur
des supports tout aussi divers (papyrus, parchemin, ostracon…). Ils étaient parfois regroupés en
codex (ancêtre du livre ; exemple Codex du Caire (C), qui contient les Premiers Prophètes (Josué à 2
Rois)), bien avant d’être la Bible.
Le nom Bible (ta biblia, « les livres », de Byblos, port phénicien) est arrivé que tardivement. Au début,
on trouvait d’autres appellations ; les Ecritures, la Parole de Dieu, le Livre de la Loi etc.
Ces écrits ont été sélectionnés et regroupés dans un canon afin de devenir un ensemble reconnu et
d’inspiration Divine.
Déjà, apparaît une première différence, sous deux canons :
- alexandrin : tradition du judaïsme alexandrin, d’expression grecque.
- palestinien : tradition du judaïsme palestinien ou rabbinique, uniquement les textes de
langue d’origine hébreu.
Deuxième distinction ; les deux Testaments (à partir du 2
ème
siècle) :
- Ancien Testament (la Bible Juive pour les chrétiens) ; Reconnu comme canonique par les
juifs et les chrétiens :
o Canon Bible hébraïque : la Torah(Loi) / les Nebiim (Prophètes) / les Ketoubiim
(Ecrits).
o Canon Bible grecque : le Pentateuque (« les cinq livres de Moïse »), les Livres dits
historiques, les Hagiographes et les Prophètes.
- Nouveau Testament :
o les quatre évangiles
o le livre des Actes des Apôtres
o l’ensemble de lettres (ou épitres)
o l’apocalypse de Jean
La Bible devait être accessible à tous, elle fut donc traduite. Tout d’abord traduite en araméen, elle
fut ensuite traduite en grec (ex : la Septante, la version d’Aquila vers 130), en latin (la Vetus latina ;
avant Jérôme), et dans d’autres langue encore (copte, éthiopienne…). Elle fut aussi traduite à partir
d’autres « traductions », telle que la Vulgate : traduction latine de la Bible écrite par Saint Jérôme de
390 à 405.
II « une traduction française » :
En effet, il existe une vingtaine de version française de la Bible parue dans le courant du XXe siècle
et deux au XXI siècle.
Trois éléments permettent d’expliquer plusieurs traductions de la Bible :
Tradition religieuse (liste non exhaustive) :
Tradition catholique : La Bible de Jérusalem et ses nombreuses éditions (voir plus bas), la
Bible Osty, la Bible de la Liturgie…
Tradition protestante : La Sainte Bible. Nouvelle version Segond (Louis Segond 1810-1885)
révisée, dite « Bible à la Colombe » (1978), la Bible du centenaire (voir plus bas évènement),
la Nouvelle Bible Segond = NBS…
Tradition œcuménique : Traduction œcuménique de la Bible (TOB) : Plusieurs présentations,
la Bible expliquée (BE)
Tradition juive : La Bible André Chouraqui (1985),…
Format, source, complément et réédition :
De quelle source la traduction s’appuie-t-elle : Canon, Septante ou Vulgate (on rejoint la
tradition).
Format : Grand format, de poche transportable, compact (très complet, mais compact), avec
schéma, carte, photos, commentaires, images d’œuvre, notes, introduction, etc.
Exemple : la BJ1998 format moyen (10*16), la TOB édition en un volume de 1982,
avec introduction, références, glossaire, etc.
On peut rajouter l’adaptation au nouveau support informatique, même si on est plus
sur une numérisation d’une œuvre que d’une nouvelle version.
Les polyglottes ; édition de la Bible originale et ses versions anciennes en colonnes
parallèles. Exemple : Polyglotte de Paris (1556-1618).
Réédition et complément : Parfois revue et augmentée (BJ 1955, BJ1973 et BJ1998).
Certaines évolutions scientifiques (linguistiques) et découvertes peuvent faire l’objet d’une
réédition ; dans ce cas, ce sont des annotations et commentaires en plus. Un évènement
peut aussi faire l’objet d’une réédition (Bible du Centenaire), lors du centenaire de la Société
biblique protestante (1818).
L’arrivée de l’imprimerie a révolutionné la « production » de ce texte pour en accroître la
diffusion et un accès à tous. Exemple : La Bible abrégée de l’Ancien Testament en 1473-1474,
publiée à Lyon, Nouveau Testament en 1476-1478, imprimé aussi à Lyon.
Public visé par la traduction :
La Liturgie : Ces traductions obéissent au moins à deux exigences :
a) Souci d’un texte devant être proclamé : il évite les hiatus, les dysphonies et les
ambiguïtés à l’audition du type : « Jésus dit à Pierre : Pais mes agneaux, pais mes
brebis », (Jn 21, 15-17) traduit : « Sois le berger de mes agneaux, sois le berger de mes
brebis », afin qu’il n’y ait pas confusion avec : « Paix ou paie ! Mes brebis ».
b) Souci pastoral : en tentant de réduire les difficultés pour une première compréhension.
Meilleur exemple : La Bible de Jérusalem, en deux volumes dont un de tables de 350p, 1993.
Les études : Exemple la Nouvelle Bible Segond (NBS), Parle Seigneur par le catéchisme…
A chacun : Accessible au plus grand nombre, le comprendre dans ses mots, mieux cheminer
sa foi….
Comme nous venons de le voir, plusieurs versions de la Bible ne signifient pas plusieurs Bibles. La
Parole de Dieu, la profession de Foi n’est bien qu’unique. L’épopée de la Bible, pas du texte lui-
même, mais de ses différentes versions ou formes est un outil inestimable pour celui ou celle qui
veut étudier que ce soit le croyant, l’historien, le sociologue, l’ethnologue, etc. ou tous ensemble.
Traduire est donc un exercice difficile qui nécessite une bonne connaissance de la langue et une
bonne maîtrise de la culture et de l’environnement (social, historique) aussi bien de l’époque
racontée que de l’époque de l’écrit du texte et aussi, ne l’oublions pas de l’époque de l’écrit de la
traduction. En effet, un mot ou une pensée a pu faire son bout de chemin avec les générations
« pensée symbolique ».
Le contexte français est particulier avec son histoire dans les débuts du christianisme ses martyrs
(Sainte Blandine) et ses premiers Evêques (Pothin, Saint Irénée), la diffusion des textes a surement
dû en être influencé.
Voir plus bas « Pour reprendre mon cours : »
En théologie, on étudie les formes de traductions, le sens des mots (étymologie et sémantique), le
littéralisme, la forme formelle, etc. en tenant compte du contexte (cette interprétation s’appelle
l’inculturation).
Plusieurs « Bible » :
Pour la liturgie, le catéchisme ou une réunion dans une paroisse, plusieurs Bibles ne posent aucun
souci (à condition d’avoir le bon texte, le bon Canon).
Pour la théologie, c’est important, comme le montre ces deux exemples sur le littéralisme (Qui est
conforme à la lettre, au mot à mot du texte ; internet) :
Exemple Gn 7,13 :
« Dans l’os de ce jour, Noah vient…vers la caisse (tévâh). » (André Chouraqui).
« En ce même jour, Noé entra dans l’arche (tévâh)… » TOB 1975.
« Ce même jour entrent dans la boîte (tévâh)… » Bible Bayard 2001.
a) En hébreu, le vocable « os » contient l’idée d’identité absolue qu’il n’a pas en français, la
version française devient donc difficile, mon cours de théologie proposait : « Au cœur de ce
même jour ».
b) Le mot « tévâh », peut se traduire par arche. Mais arche peut faire penser à une figure
architecturale, à un bateau (Arche de Noé), l’arche d’alliance (le coffre des Tables). On
comprend qu’une traduction devient difficile et que celui qui la réalise, devra utiliser des
procédés de traduction (exemple correspondance formelle ou littérale) en fonction du
message qu’il souhaite transmettre, sans pour autant déformer le sens ou créer un
contresens. Il devra essayer par exemple de l’adapter au langage courant (équivalence
dynamique ; attention de ne pas déformer) ou mixer les deux.
Pour reprendre mon cours :
Ph 1,1 : […], à tous ceux qui sont à Philippe, avec les « episkopoïs » et les « diakonoïs ». Dans cette
version, les mots en langue d’origine (partant du principe que c’est une bible traduite d’une Septante)
ont littéralement été conservés et traduits par :
- « Aux dirigeants de l’Eglise et aux diacres » FRC97
- « Aux évêques et aux diacres » NEG79
Si on traduit littéralement ces termes « celui qui observe, qui veille sur » pour le premier et
« celui qui sert » pour le second, on n’est pas forcément sur les notions d’aujourd’hui
d’organisation structurelle et hiérarchique qu’impliquent évêques et diacres.
III Conclusion :
M’adressant aux participants : « J’ai reconnu deux Bibles, une BJ et une BS »
Genèse 2,2 :
- BJ Cerf : « Au septième jour Dieu avait terminé tout l’ouvrage qu’il avait fait et le septième
jour, il chôma… ».
- Bible Segond 21 : « Le septième Jour, Dieu mit un terme à son travail de création. Il se reposa
de toute son activité le septième jour… » .
Pouvons-nous aujourd’hui admettre qu’un mot grec, latin ou hébreu, puisse se traduire par
« chôma et reposa » ?
Citons Bertrand Pinçon : « La pluralité des versions de la Bible est le signe de l’adaptation du texte
inspirée à un contexte politique, social, culturel et religieux donné […] résultat d’une vaste entreprise
d’interprétation, plus ou moins lâche, du texte biblique […] ».
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !