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Vu sous l’angle du pouvoir, le
concile est un succès qui devient un
échec, si on reconnaît que la centra-
lisation dans l’Église catholique est
plus forte aujourd’hui que du temps
de Pie XII. L’ambiguïté de Paul VI
est mise en scène. Surtout, on voit
que s’exercent des forces plus puis-
santes qu’un concile et son volonta-
risme : la structure de long terme de
l’Église catholique, les événements
du monde séculier, les changements
ou les raidissements culturels chez
les fidèles et le personnel religieux.
L’ouvrage est bien conçu, bien
écrit, et il est étonnant qu’il ne pré-
sente pas, sur la durée, de fausses
notes. Quelques réserves cependant :
j’ai regretté que le discours inaugu-
ral de Jean XXIII, qui dépasse le
concile en ampleur de vue, soit vic-
time de la règle que l’auteur s’im-
pose : il n’est évoqué qu’indirecte-
ment. Manquent aussi quelque peu
les réactions des observateurs ortho-
doxes et protestants présents sur
place et fort actifs.
Pour qui tient compte de sa
« réception », Vatican II est un évé-
nement toujours en train, toujours
discuté et toujours interprété, comme
les conciles de Nicée ou de Trente
qui furent en devenir durant plus de
cent ans. Curieusement, ses consé-
quences ne sont pas encore vraiment
discernables. Son destin est au milieu
du gué. Cinquante ans seront encore
nécessaires. Pour le moment, on gou-
verne l’Église comme on l’a toujours
gouvernée depuis mille ans, et basta !
Pas d’alternative. Mais le concile a
largement ouvert la Bible qui nourrit
une vie souterraine et vous trans-
forme par mille capillarités, il a
modifié l’état d’esprit des catholiques
dans le sens de la liberté et réserve
sans doute encore des surprises.
Jean-Claude Eslin
Jean-Christophe Attias
Les Juifs et la Bible
Paris, Fayard, 2012, 368 p., 20,90 €
Un livre trouve-t-il son sens et sa
profondeur dans une confidence ?
Sans doute rien du contenu de celui
que vient de signer Jean-Christophe
Attias ne dépend-il, formellement,
de l’anecdote personnelle que cet
éminent spécialiste de la pensée
juive, notamment médiévale, raconte
à la fin de son prologue. Il n’em-
pêche qu’il n’est pas anodin que l’au-
teur prenne soin de confier à son lec-
teur que la Bible était le livre de son
père, celui que son père recopiait,
traduisait et commentait,
à l’écart de toute « communauté
juive » dans le village où il vivait
[…] et où il était le seul Juif.
La mère de Jean-Christophe
Attias, quant à elle, n’était pas juive.
Or ce fils écrit aussi ceci :
J’ai découvert, enfant, le judaïsme
dans la Bible, et j’ai ensuite passé le
reste de mon âge à découvrir, à com-
prendre et finalement à enseigner
que le judaïsme était tout autre
chose que ce que j’avais, enfant,
découvert dans la Bible.
Simple circonstance familiale ?
Non, car à l’autre bout de l’ouvrage,
on lit encore :
Beaucoup de ceux qui aujourd’hui
entreprennent de revenir au
judaïsme le savent au moins confu-
sément : la Bible n’est peut-être pas
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