16 PAUL SABATIER Juin 2012
DOSSIER
Les ressources en eau
Les ressources en eau à l’échelle
globale, vues de l’espace
L’évolution des eaux de surface, les plus utilisées par l’homme, est de mieux
en mieux scrutée par satellite... Un système qui donne une vision plus glo-
bale et plus pérenne de la situation que les réseaux de mesure terrestres
Les eaux continentales représentent moins
de 1 % de l’eau totale présente sur Terre.
Elles sont cependant essentielles pour la vie
et jouent un rôle majeur dans la variabilité clima-
tique. Près de 73 % de la demande mondiale en
eau est fournie par l’eau de surface (rivières, lacs
et réservoirs artifi ciels) et 19 % par l’eau sou-
terraine ; le reste provenant principalement du
retraitement des eaux usées, de la désalinisation
de l’eau de mer. Ces réservoirs d’eau échangent
continuellement de l’énergie avec l’atmosphère
et les océans par le biais de fl ux horizontaux et
verticaux, à travers l’évapotranspiration, et les
écoulements de surface et souterrain. Il est donc
très important d’estimer les changements qui
pourront affecter le cycle de l’eau continental.
Altimétrie spatiale
Bien qu’une description détaillée de la contribu-
tion continentale dans le cycle global de l’eau sur
Terre soit essentielle, dans beaucoup de régions,
soit parce qu’elles sont peu accessibles, soit
parce que dans une situation économique diffi -
cile, on ne dispose pas ou on ne dispose plus de
réseaux de mesure fi ables et pérennes. Depuis
une vingtaine d’années l’observation spatiale
est utilisée de façon de plus en plus systéma-
tique pour étudier les variations de la ressource
en eau dans les différentes couches du sol (zone
racinaire -article de Y. Kerr-, et aquifères – article
de S. Munier-).
Pour étudier les eaux de surface (fl euves, lacs,
zones inondées), une technique spatiale est
particulièrement utile : c’est l’altimétrie spatiale.
Comme l’ont montré de nombreuses études
(auxquelles le Legos a contribué), l’altimétrie
spatiale permet la mesure des niveaux d’eau
des fl euves, des lacs et des plaines inondées et
constitue ainsi une alternative pertinente lorsque
les réseaux in situ périclitent. Depuis 1993 il y a
toujours eu au moins un satellite altimétrique en
orbite et plusieurs missions altimétriques sont
en préparation pour les années à venir (AltiKa/
SARAL, Jason-3, Sentinel-3, Jason-CS, SWOT).
Bases de données
De nombreuses bases de données ‘spatiales’ont
vu le jour depuis une dizaine d’années, déli-
vrant à une large communauté des produits
issues de l’altimétrie : variations de niveaux
des lacs, fl euves et zones d’inondations sur des
milliers de sites dans le monde. C’est le cas de
la base de données Hydroweb, développée au
Legos (http://www.legos.obs-mip.fr/en/soa/
hydrologie/hydroweb) qui compte de nombreux
utilisateurs dans le monde entier.
L’imagerie satellitaire optique/Infrarouge (MO-
DIS, Landsat, Spot) ou radar (Sar) permet quant
à elle d’accéder aux étendues d’eau en surface,
information essentielle notamment pour les
plaines d’inondations et le suivi des lacs. On
peut en particulier calculer la surface d’un lac,
les traits de berges d’un fl euve, ou les zones en
eau dans les plaines d’inondation. Couplée à
l’altimétrie, l’imagerie satellitaire donne aussi
accès à d’autres paramètres, par exemple les
variations de volume des grands lacs terrestres.
Dans ce type de recherche deux contraintes
sont donc incontournables : accéder à de lon-
gues séries temporelles, et avoir une « vue d’en-
semble ». En l’absence de systèmes in situ qui
remplissent ces deux conditions, l’outil spatial,
bien qu’encore jeune si on considère les échelles
temporelles recherchées, est une voie à suivre et
à développer.
Cartographier les grands fl euves
Les nombreux résultats obtenus depuis 20 ans
dans le domaine de l’hydrologie spatiale ont
ainsi conduit le CNES et la NASA à concevoir une
mission entièrement dédiée au suivi des eaux de
surface à l’échelle globale. C’est ainsi qu’est né
le projet SWOT (lancement prévu en 2019) qui
devrait bouleverser notre connaissance du cycle
global de l’eau. En effet l’instrument principal de
SWOT (un interféromètre en bande Ka) donnera
accès aux niveaux d’eau et aux contours des
plans d’eau sur l’ensemble des continents, non
plus seulement sous la trace du satellite avec
des trous allant de 70 à plus de 300 km selon la
mission, mais sous deux fauchées de 60 km de
part et d’autre du nadir. L’objectif de la mission
est de cartographier et de niveler l’ensemble des
grands fl euves tous les kilomètres, avec une fré-
quence de 22 jours. Et avec en produit dérivé, les
débits, et l’ensemble des lacs ou zones inondées
qui font plus de 250 x 250 m de dimension. ■
Contact
jean-francois.cretaux@
legos.obs-mip.fr
u
Jean-François
Cretaux,
chercheur CNES
au laboratoire d’études
en géophysique et océano-
graphies spatiales (LEGOS,
unite mixte UPS/CNRS/
CNES/IRD).
© Chastanet, UPS/OMP.
Suivi d’une inondation dans le bassin du Gange en
2008. L’altimétrie spatiale et l’imagerie renseignent
sur les eaux de surface, tandis que la mission SMOS
apporte des indications sur l’humidité des sols, et la mission GRACE intègre l’ensemble de la colonne verticale,
inclue donc les aquifères souterrains. Sur la partie droite de la figure, des résultats obtenus avec l’altimétrie
satellitaire, qui donne les variations de niveau d’eau et l’imagerie (ici le capteur MODIS) qui permettent de
suivre les variations de niveaux et d’étendue d’eau durant l’inondation. En bas a droite les résultats issus de la
mission GRACE qui montrent bien un apport d’eau durant cette période.