Etudes L’éducation thérapeutique des (pré-)diabétiques: un investissement nécessaire L’éducation thérapeutique des personnes prédiabétiques peut réduire le risque de développer un diabète de type 2 de 51 à 58%. Mais le rapport coût-efficacité de ces programmes d’encadrement est-il positif à long terme ? Nos soins de santé peuvent-ils se permettre un tel investissement ? Les Mutualités Libres ont analysé la situation dans une étude comparative. P lusieurs études le confirment : l’éducation thérapeutique aide les diabétiques de type 2 à contrôler leur taux de sucre dans le sang. Mieux encore, chez les prédiabétiques, le risque de développer la maladie peut être réduit de 51 à 58% ! Cependant, en Belgique, pour bénéficier du remboursement d’une prestation d’éducation thérapeutique au diabète, la maladie doit être relativement avancée et le patient doit déjà avoir essayé différentes thérapies. Dans d’autres pays, cet encadrement est remboursé aux diabétiques de type 2 dès le diagnostic de la maladie. Quelle est la meilleure option? Le rapport coûts/efficacité de l’éducation thérapeutique est-il suffisant pour investir dans cette approche? Pour répondre à ces questions, les Mutualités Libres ont réalisé, en collaboration avec les universités de Louvain (KULeuven) et de Gand (UGent), une analyse comparative des publications scientifiques sur ce sujet. Économique à long terme ? Pour vérifier si l’éducation thérapeutique des patients est soutenable d’un point de vue financier, 17 évaluations économiques de ces programmes au sein de pays occidentaux ont été analysées. Cette analyse a révélé que le rapport coût-efficacité différentiel moyen (“ICER”1) s’élève à 18.000 euros par “QALY”2 (voir lexique) chez les prédiabétiques. En cas de diabète de type 2, l’encadrement intensif du mode de vie représente quant à lui un montant de 29.700 euros par QALY (voir figure 1). À titre comparatif : les nouvelles thérapies avec un ICER inférieur à 50.000 euros par QALY sont généralement considérées comme financièrement abordables dans les pays occidentaux. A coup sûr, l’éducation thérapeutique en cas de prédiabète s’avère donc économique à long terme. Les programmes de prévention du diabète La plupart des études écono- Plus de 4.500 euros par an Grâce à une étude des Mutualités Libres sur l’efficacité du télécoaching dans la prise en charge du diabète, les données diagnostiques des participants ont pu être analysées, en collaboration avec la KULeuven. L’âge moyen des 574 participants à l’étude était de 64 ans. Les personnes atteintes d’autres pathologies lourdes et/ou âgées de plus de 75 ans n’ont pas été prises en compte. Le diagnostic du diabète de type 2 avait été posé environ 7 ans auparavant et 38% souffraient d’au moins une autre affection chronique. Le coût moyen de la prise en charge de ces patients par l’assurance maladie s’élève à 4.522 euros par an par patient. Pour les patients sans autre affection chronique, il est de 3.357 euros et pour les patients avec une autre affection chronique, le montant passe à 4.750 euros. Chez les personnes atteintes de deux ou trois autres affections chroniques, le montant est respectivement de 7.303 euros et de 9.868 euros. Conclusion : les frais supplémentaires élevés liés à chaque affection chronique supplémentaire soulignent l’importance d’une prévention anticipée du diabète de type 2. 22 Etudes Figure 1 ICER healthcare perspective, euros 2012 miques sur le prédiabète qui ont été analysées sont basées sur un programme américain de prévention du diabète appliqué à plus de 3.000 personnes sur une période de 3 ans. Ce programme d’éducation des patients prédiabétiques est le plus long à ce jour; il a permis de consigner tant les effets cliniques qu’économiques d’une approche de prévention du diabète. Le programme visait principalement à motiver les participants à adopter un mode de vie plus sain, en pratiquant 150 minutes d’activité physique par semaine. L’analyse des effets sur la santé et les coûts est encore en cours, mais les résultats positifs de l’observation sur 10 ans ont déjà été publiés. On constate que c’est l’implémentation du programme qui engendre les plus gros frais, alors que l’effet thérapeutique n’est perceptible qu’après 3 ans seulement. Les études économiques qui ne tiennent pas compte des conséquences à long terme de programmes d’éducation n’ont donc pas beaucoup de sens. Quant aux études sur l’éducation de patients diabétiques de type 2 confirmés, elles provenaient principalement de GrandeBretagne, des États-Unis, des Pays-Bas et d’Australie. Elles portaient généralement sur une période d’encadrement d’un an qui englobait l’activité physique, l’alimentation, le suivi du diabète et parfois des adaptations du traitement médicamenteux. Afin de Box plots des rapports coût-efficacité différentiels en euros (2012) par QALY gagnée grâce à l’éducation des patients prédiabètiques ou diabétiques de type 2, depuis la perspective du système des soins de santé. 120000 100000 80000 60000 40000 20000 0 prédiabète mieux utiliser le budget des soins de santé, il sera essentiel à l’avenir d’identifier les sous-groupes pour qui la plus-value de l’encadrement est la plus marquée. Utilité d’une approche préventive Sur la base de cette analyse, nous pouvons donc affirmer que l’éducation thérapeutique, tant pour le prédiabète que pour le diabète de type 2, peut avoir un bon rapport coût-efficacité. Le “retour sur investissement” des programmes d’encadrement est toutefois plus important chez les prédiabétiques (avant le diagnostic). Bien sûr, du fait d’une autre organisation des soins et d’un autre financement, l’implémentation diabète type 2 population de programmes de prévention en Belgique pourrait entraîner un résultat différent de celui des pays observés. Le rapport coûtefficacité n’est donc pas le seul critère à prendre en compte pour décider d’un éventuel remboursement mais ces résultats montrent qu’il faut mettre plus l’accent sur la prévention du diabète de type 2 (méthodes de dépistage efficaces avec une fréquence optimale des contrôles). Lorsque le diagnostic est établi, il faut par contre chercher les formes d’éducation présentant le meilleur rapport coût-efficacité. Irina Odnoletkova Expert Innovation Mutualités Libres L’avis des Mutualités Libres Dépistage et éducation indispensables À la lumière de cette analyse comparative, les Mutualités Libres plaident donc pour : •Des campagnes de dépistage efficaces permettant d’identifier les prédiabétiques et diabétiques de type 2. •Une éducation des patients prédiabétiques et diabétiques de type 2, visant à favoriser une meilleure connaissance de la maladie, et à encourager l’observance thérapeutique ainsi que l’adaptation du mode de vie. •Différentes formes d’éducation sur mesure, notamment des programmes tenant compte des autres affections chroniques. 1L’ICER est le rapport entre la différence estimée entre le coût de deux interventions et la différence estimée de ces deux interventions en termes de résultats. C’est la valeur généralement acceptée en économie de la santé pour mesurer le coût/ efficacité d’un traitement ou d’une intervention. 2Le QALY est un critère de l’état de santé qui intègre la qualité et la quantité de vie et permet une comparaison du gain de santé pour différentes pathologies et interventions. Une intervention générant une année en bonne santé correspond à un QALY de 1, une intervention causant la mort correspond à un QALY de 0. 23