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La Fédération romande des consommateurs FRC est membre de l’Alliance des organisations de consommateurs
Office fédéral de la justice
Mme Emanuella Gramegna
Bundesrain 20
3003 Berne
Lausanne, le 27 septembre 2013
Prise de position concernant la consultation relative à l’initiative parlementaire 10.467
Prévention de l’endettement par l’interdiction de la publicité en faveur des petits crédits
Madame, Monsieur,
La Fédération romande des consommateurs (FRC) vous remercie de l’avoir associée à la
consultation relative à l’objet susmentionné et vous prie de trouver ses commentaires ci-dessous.
A. COMMENTAIRE GENERAL
La FRC doit avouer son scepticisme quant à la révision sur la Loi sur le crédit à la consommation
telle que proposée par la Commission de l’Economie et des redevances du Conseil national (CER-
N). La proposition de révision mise en consultation a été élaborée en réponse à l’initiative
parlementaire 10.467 déposée par la Conseillère nationale Josiane Aubert qui vise à faire interdire
la publicité en faveur des petits crédits dans la LCC. Alors même que les Chambres s’étaient
toutes deux prononcées en faveur de l’interdiction pour la publicité pour le petit crédit, la CER-N
revient avec un projet qui n’a rien à voir avec ce qui a été voté par les Chambres. Néanmoins, et
dans la mesure certaines propositions, en particulier de minorité, vont néanmoins dans un bon
sens et permettent de poser le débat, la FRC les soutiendra en partie.
Suite aux travaux d’une sous-commission de la CER-N, un avant-projet a été élaboré en deux
volets :
- Le premier concerne l’interdiction de la publicité pour le petit crédit : la commission, ayant
auditionné les acteurs de la branche, a accepté la proposition faite d’une convention
d’autorégulation de la branche. Toutefois, cette convention n’a pas été annexée à l’avant-
projet.
- Le second se penche sur l’octroi des crédits à la consommation et veut introduire,
respectivement modifier des articles visant à un meilleur contrôle de l’octroi des crédits.
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La FRC regrette par ailleurs que l’initiative parlementaire 10.518 « Prévention du surendettement
des jeunes » déposée par Hugues Hiltpold (PLR/GE) ait été refusée par le Conseil national. Celle-
ci demandait en effet que la LCC soit complétée par un dispositif permettant de prélever une part
du chiffre d'affaires des sociétés proposant des contrats de crédit à la consommation (au sens de
l'art. 1 LCC), afin de financer des programmes nationaux de prévention du surendettement des
jeunes. Cette initiative aurait permis de mettre plus de moyens dans la prévention.
Sur le crédit à la consommation en général
Si le crédit à la consommation dans toutes ses formes n’est pas la seule cause de surendettement
en Suisse, il joue un rôle important et régulièrement prépondérant dans près de la moitié des
historiques personnels des personnes surendettées qui consultent les organismes de
désendettement tel que Caritas. Selon les statistiques de Dettes Conseils Suisse en 2012, près de
45 % des dossiers de surendettement comprenaient une ou des dettes liées à un crédit au
comptant ou un crédit avec limite de crédit (36,9 % en 2011), plus de 25 % (21,3 %) des dossiers
comprenaient une ou des dettes liées à des cartes de crédit ou de client et environ 10 % des
dossiers comprenaient une ou des dettes liées à un contrat de leasing (9,3 %). Ces statistiques ne
sont pas croisées et nous relevons qu’une partie non négligeable de ces dossiers comprenaient
une combinaison de différentes formes de crédit.
Dans ses analyses complémentaires de juin 2013, l’Office fédéral de la statistique relevait que, en
2008 :
- 14,1 % de la population, soit 1'040'000 personnes, vivait dans un ménage avec au moins un
crédit de consommation.
- 17,4 % de cette part de population, soit 180'000 personnes, vivait dans un ménage
connaissant des arriérés de paiements ou des découverts bancaires considérés comme
critiques.
- 760'000 personnes vivait dans un ménage ayant au moins un véhicule en leasing, dont le
13,3%, soit 100'000 personnes vivent dans un ménage connaissant des arriérés de
paiements ou des découverts bancaires considérés comme critiques.
- Sur les 660'000 personnes qui vivaient dans un ménage avec des arriérés d’impôts, 190'000,
soit 29,5 %, vivaient dans un ménage avec au moins un crédit à la consommation.
- Sur les 300'000 personnes qui vivaient dans un ménage avec des arriérés d’assurance-
maladie, 90'000, soit 29,4 %, vivaient dans un ménage avec au moins un crédit à la
consommation.
Le crédit à la consommation est ainsi incontestablement à l’origine d’une part importante des
situations de surendettement en Suisse. Si, dans le cadre des crédits à la consommation, il y a
une privatisation des profits, les pertes, par contre, sont mutualisées. La non-responsabili
individuelle est assumée par la collectivité.
S’agissant de l’interdiction de la publicité agressive par une convention d’autorégulation
La FRC partage l’idée que la publicité pour le petit crédit n’est pas la seule responsable de
l’endettement, voire du surendettement des personnes privées. Mais il faut tout de même constater
que les publicités actuelles en matière de petit crédit véhiculent des messages biaisés : par
exemple en faisant croire que l’on est plus heureux par l’achat d’un canapé ou de nouvelles
chaussures, achetés à crédit. Souvent, ces publicités ne respectent que de très loin les
dispositions de la Loi contre la concurrence déloyale, notamment l’art. 3 lit. k LCD qui prescrit que
les annonces publiques en matière de crédit à la consommation doivent donner des indications
claires sur le montant net du crédit, le coût total du crédit et le taux annuel effectif global, par
exemple https://www.bank-now.ch/fr/ueber-bank-now/medias-et-publications/spots-tv.
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D’autres pratiques encore plus choquantes sont celles de certains petits instituts de crédit ou de
rachat de dettes qui constituent à viser des personnes dans des situations financières déjà
précaires, par exemple déjà aux poursuites et faisant l’objet d’un acte de défauts de biens (annexe
1, article Le Matin, 24 septembre 2013).
La FRC est donc tout-à-fait sceptique quant à une autorégulation de la branche sur la publicité
agressive pour le crédit et, ce, pour plusieurs raisons :
La définition même de la publicité agressive est extrêmement difficile à faire. Alors même
que certaines publicités peuvent paraître, par leur message simpliste, inoffensives, elles
sont en réalité extrêmement agressives (annexe 2, article Le Temps, 24 décembre 2011).
La convention d’autorégulation, présentée à la sous-commission de la CER-N et
visiblement négociée avec elle, n’a pas été jointe aux documents mis en consultation. Il est
donc extrêmement difficile de se prononcer sur un document dont nous n’avons pu prendre
connaissance.
Des solutions de limitation de la publicité existent notamment dans le domaine de l’alcool et
du tabac. Elles auraient pu être reprises dans le cadre de cette révision.
Enfin, la sanction en cas de non respect de la convention devrait au moins être prévue
dans la loi.
Elle considère que des mesures doivent être prises suite à ce projet non satisfaisant qui a permis
de poser le débat et d’entrer en matière dans un dossier nécessitant grandement d’être discuté.
S’agissant du contrôle de l’octroi des crédits
Il est toutefois vrai que le problème principal du crédit à la consommation est le manque de
contrôle effectué par les organismes de crédit à la consommation lors de l’octroi des crédits. Ainsi,
il est facile d’obtenir un crédit lorsque la seule exigence est de fournir une carte d’identité et une
fiche de salaire récente. Il est rare que les instituts de crédits demandent autre chose que ces
deux documents. Par ailleurs, l’on peut se demander si le centre de renseignements IKO créé en
vertu de l’art. 23 de la LCC remplit véritablement le rôle auquel il est astreint.
De plus, certains organismes offrent aujourd’hui des crédits dit «express», c’est-à-dire que l’on
peut obtenir en moins d’une heure, selon les publicités de ces organismes. Nous ne voyons pas
dans ce cas comment un contrôle sérieux peut être effectué. Il est clair en l’occurrence que les
instituts de crédit éludent les règles de la LCC en particulier l’art. 28. Aucun prêteur n’effectue le
calcul du minimum vital tel que requis à l’art. 28 LCC.
Pourtant, les modifications imaginées par la CER-N ne permettront pas un meilleur contrôle et
péjoreront même la situation de certaines personnes.
B. COMMENTAIRES DE DETAIL
Art. 7 al. 1 lit. f) LCC
La FRC soutient la proposition de minorité 1 qui exclut du champ d’application de la loi les crédits
de consommation à court terme (délai de remboursement à 3 mois), soit les crédits express dont
nous avons parlé ci-dessus.
Par contre, la proposition de minorité 2 ne nous semble pas adéquate et nous la refusons.
Art. 8 LCC
Nous n’avons pas de remarques particulières concernant cette modification et la FRC l’approuve.
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Art. 25 al. 1bis LCC (nouveau)
La FRC n’est pas du tout convaincue par l’introduction du nouvel article. On met ainsi l’institut de
crédit dans une position très délicate puisqu’il devient à la fois juge et partie. Ce serait aux prêteurs
de déterminer ce qu’est une information fausse et si elle a été donnée intentionnellement. Or, les
instituts de crédit ne sont pas des autorités ayant la capacité de juger de la fausseté intentionnelle
d’une information donnée. En réalité, cet article risque de poser plus de problèmes que de
protection, alors que le but de la LCC est de protéger les consommateurs.
La FRC refuse l’introduction de ce nouvel art. 25 al. 1bis LCC.
Art. 31 LCC
La révision proposée n’amène en réalité pas de grands changements. Selon la proposition de la
CER-N, le prêteur pourrait demander au consommateur de lui fournir un extrait des poursuites et
une attestation de salaire. Dans la mesure où il n’y aurait aucune obligation, cette mesure ne nous
paraît pas utile.
La proposition de minorité précise que le prêteur «doit» cependant demander ces documents.
La FRC considère qu’il s’agit d’une obligation minimale que de fournir un extrait de l’Office des
poursuites, ainsi que d’une attestation de salaire. Elle soutient donc la proposition de minorité.
En réalité, selon nous, cet article devrait être abrogé et la capacité de contracter un crédit devrait
être examinée uniquement sous l’angle de l’art. 28 LCC. Ainsi, le prêteur aurait l’obligation de
calculer le minimum vital du consommateur.
Il faudrait de plus que le prêteur ait l’obligation d’établir un protocole d’entretien qui déterminerait
tous les postes sur lesquels le prêteur doit interroger le débiteur.
Art. 32 LCC
La FRC approuve la modification de cet article.
Art. 36a LCC (nouveau)
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, la proposition de la CER-N en ce qui concerne la publicité
pour crédits à la consommation ne convainc pas la FRC.
Sans avoir eu accès à la convention d’autorégulation négociée entre la sous-commission et la
branche des organismes de crédit à la consommation, il n’est pas possible de se prononcer sur cet
accord, ce qui est clairement inadmissible.
S’agissant du projet proposé, le principe même de publicité agressive n’est absolument pas défini
et le rapport ne nous amène que peu d’informations à ce sujet. Par exemple, une publicité
présentant le bonheur de s’acheter une nouvelle voiture lors de l’arrivée d’un enfant est-elle
agressive ? Le message peut bien entendu l’être, même si visuellement elle ne l’est pas.
D’autre part, le fait que cette convention n’ait aucune force obligatoire et, ce, pour tous les acteurs
de la branche affaiblit fortement le projet.
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De plus, l’absence de sanction dans la loi démontre que cette autorégulation n’aura aucune force
coercitive. En laissant à la Commission suisse pour la loyauté en matière publicitaire le pouvoir de
sanctionner, cela prouve que cette autorégulation ne pourra fonctionner. Cette Commission n’est
pas indépendante et ses décisions n’ont aucune force de chose jugée.
Sans avoir accès à la convention, la FRC s’oppose au projet de nouvel art. 36a LCC, ne pouvant
se prononcer en toute connaissance de cause.
Art. 36b LCC (nouveau)
Dans la mesure nous nous opposons à l’adoption de l’art. 36a LCC, il va de même pour l’art.
36b LCC. Nous ne voyons en effet pas comment le Conseil fédéral pourrait obliger tous les acteurs
de la branche à s’autoréguler, même ceux qui n’ont pas participé à la négociation et à la signature
de la convention.
C. PROPOSITIONS COMPLEMENTAIRES
La FRC considère que la CER-N aurait se pencher de manière plus profonde sur les moyens
possibles de contrôle lors de l’octroi des crédits.
Nous estimons par exemple qu’il serait utile que les organismes de crédit à la consommation
doivent établir un protocole standardisé les obligeant à demander certains renseignements aux
consommateurs, faute de quoi le consommateur ne pourrait être tenu pour responsable en cas
d’insolvabilité.
Ensuite, nous estimons qu’il aurait fallu envisager de supprimer l’art. 31 LCC qui, en réalité,
affaiblit complètement l’art. 28 LCC, obligeant ainsi les instituts de crédit à calculer le minimum
vital du consommateur.
Enfin, le système mis en place s’agissant du centre de renseignements dénommé IKO n’est pas
fiable et peu transparent. Un meilleur contrôle de ce centre nous semble nécessaire.
************
La FRC ne peut donc que soutenir très partiellement la révision proposée de la LCC. Elle regrette
que, l’occasion étant là, la révision n’ait pas été plus ambitieuse, notamment en ce qui concerne le
contrôle du processus d’octroi des crédits.
Nous vous remercions de l’attention et de la suite que vous porterez à notre prise de position et
vous prions de recevoir, Madame, Monsieur, nos salutations les meilleures.
Fédération romande des consommateurs
Mathieu Fleury Florence Bettschart
Secrétaire général Responsable Politique & Droit
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