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SYNTHÈSE
Soutiens financiers
aux énergies renouvelables
et à la maîtrise de l’énergie
Coûts et enjeux
pour les collectivités
Série Politique
ENP 34
Septembre 2014
Présentation de la méthode d’analyse
Si toutes les nouvelles filières de la transition énergétique doivent être mobilisées pour atteindre les
objectifs européens 3x20 du Paquet Energie-Climat, elles ne présentent pas les mêmes potentiels et ne
bénéficient pas des mêmes soutiens à leur développement. Les collectivités étant placées au cœur de
ces problématiques, il est nécessaire de disposer d’indicateurs permettant de prioriser et d’arbitrer les
soutiens locaux aux filières les mieux adaptées au territoire, dans un souci de résultat et d’efficacité. En
2010, AMORCE réalisait une première étude quantifiant la pertinence des dispositifs publics de
soutien nationaux destinés à promouvoir efficacité énergétique et énergies renouvelables.
Aujourd’hui, alors que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte s’apprête à tracer
la politique énergétique française à l’horizon 2050, il nous a paru utile d’actualiser cette étude afin de faire
le point sur les différentes filières et d’analyser l’évolution de l’efficacité des dispositifs de soutien.
Pour chaque filière, deux aspects sont particulièrement mis en avant :
• L’énergie primaire non renouvelable, qui caractérise le prélèvement irréversible d’énergie sur la
planète ;
• Les gaz à effet de serre, dans une approche de lutte contre le dérèglement climatique.
Le coût du MWh d’énergie primaire non renouvelable économisée et le coût de la tonne de CO2
évitée sont donc les deux principaux indicateurs utilisés. L’analyse est ici réalisée du point de vue de la
collectivité « dans son ensemble ». Le coût est celui des différentes aides et dispositions fiscales
existantes pour refléter l’ensemble de l’effort national lié au développement de telle ou telle filière. Il est
calculé en « cumulé – actualisé » pour prendre en compte l’ensemble de la dépense publique et des
gains énergétiques sur la durée de vie des solutions. Cette approche est complétée par une analyse de la
pertinence économique des solutions – avec et sans aides – pour le maître d’ouvrage. Cette dimension
est en effet particulièrement importante pour structurer les dispositifs de soutien, puisque la rentabilité du
projet pour le décideur est une condition nécessaire au développement d’une filière.
De nombreux autres éléments, plus délicats à quantifier mais également importants dans la définition
d’une stratégie territoriale, pourraient venir éclairer ou tempérer certains résultats : l’énergie consommée
(« énergie grise ») et les gaz à effet de serre émis tout au long du cycle de vie, l’activité économique
générée et le potentiel de développement des filières, la quantité de déchets nucléaires évitée et les
augmentations ou diminutions d’émissions de polluants locaux, les recettes ou économies pour l’Etat du
développement de filière (TVA, création d’emplois, impôt sur les sociétés…), ainsi que les effets
d’aubaines inhérents à la mise en place d’aides financières. Par souci de lisibilité, nous avons
volontairement centré notre analyse sur les aspects énergétiques, climatiques et économiques de base.
Les filières suivantes sont analysées pour la maîtrise de l’énergie :
• isolation des toitures et des murs ;
• remplacement de fenêtres ;
• remplacement du système de chauffage par une chaudière gaz à condensation ou par une
pompe à chaleur ;
• remplacement du système d’ECS (eau chaude sanitaire) par un chauffe-eau thermodynamique ;
Pour les énergies renouvelables thermiques et électriques :
• chauffage au bois ;
• solaire thermique (individuel et collectif) ;
• biogaz (injection dans le réseau de gaz et cogénération) ;
• éolien (terrestre et en mer) ;
• solaire photovoltaïque (individuel et centrale au sol avec trackers) ;
• petite hydroélectricité ;
• développement des réseaux de chaleur.
Afin d’alimenter la réflexion du lecteur, l’étude comporte aussi une approche des aspects énergétiques et
émissions de CO2 du véhicule électrique, qui apporte quelques éléments quant à la pertinence de sa
généralisation prévue par le Grenelle et renforcée par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour
la croissance verte. AMORCE – Soutiens financiers aux énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie : SYNTHÈSE – sept 2014
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Méthode de calculs et résultats
Les résultats présentés ici ne concernent que l’analyse menée du point de vue de la collectivité dans son
ensemble. Ils apportent la réponse à la question suivante :
« Pour 1000€ d’effort public dépensés au travers des dispositifs de soutiens à la maîtrise de l’énergie et
aux énergies renouvelables, combien d’énergie primaire non renouvelable est économisée et combien
d’émissions de CO2 sont évitées ? ».
Les dispositifs de soutiens pris en compte dans la dépense pour la collectivité sont :
• le Crédit d’impôt développement durable (CIDD) ;
• les Certificats d’économie d’énergie (CEE) ;
• le Fonds chaleur : aide à l’investissement pour les usages collectifs de la chaleur renouvelable ;
• la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui finance les tarifs d’achat de
l’électricité produite par la cogénération et les énergies renouvelables ;
• la Contribution biométhane qui finance les tarifs d’achat du biométhane produit par les centrales
biogaz ;
• la TVA à taux réduit de 5,5% sur le montant des travaux de rénovation énergétique, considérée
comme un manque à gagner pour l’Etat par rapport au taux normalement appliqué de 10% sur les
travaux réalisés dans les logements ;
• la TVA à taux réduit de 5,5% sur les ventes de chaleur au sein de réseaux alimentés à plus de
50% par des énergies renouvelables et de récupération, considérée comme un manque à gagner
pour l’Etat par rapport au taux de 20% appliqué sur les autres énergies ;
• les pertes de recettes fiscales liées aux baisses de consommation ou changement d’énergie ;
• les coûts de renforcement des réseaux de transport et de distribution nécessaires pour
accueillir le développement de l’éolien et du photovoltaïque et pour alimenter les nouveaux
usages de l’électricité (pompes à chaleur, véhicules électriques).
Certaines actions génèrent de nouvelles sources de revenus pour les collectivités au travers des impôts
locaux (Imposition fofaitaire sur les entreprises de réseaux ou IFER, Contribution économique territoriale
ou CET, Taxe foncière sur les propriétés bâties ou TFPB) : ces recettes sont prises en compte comme
moins-value dans le coût pour la collectivité.
L’économie en énergie finale est déterminée de la manière suivante :
• Pour les solutions de maîtrise de l’énergie, par différence entre la consommation d’énergie non
renouvelable liée au chauffage et/ou à l’ECS avant et après l’action, en se basant sur un cas
moyen de mix énergétique représentatif du parc de logements.
• Pour les cas de production d’énergie renouvelable, l’économie est simplement égale à la
production de l’installation.
• Pour les actions sur réseaux de chaleur, par différence entre la consommation d’énergie non
renouvelable avant et après l’action.
• Pour la voiture électrique, par comparaison avec une voiture moyenne représentative du parc
actuel, à kilométrage annuel constant.
Le passage d’énergie finale (qui est celle facturée à l’usager) à énergie primaire (qui prend en compte
toute la chaîne de transformation de l’énergie) et aux émissions de CO2 se fait à l’aide de coefficients
propres à chaque source d’énergie et issus pour la plupart de la réglementation. (Pour plus de détails
concernant les hypothèses de calculs, se référer à l’étude complète – réf. ENP34).
Pour apporter une vision globale, le montant total des aides ainsi que les gains en énergie primaire et en
CO2 évité sont cumulés sur la durée de vie moyenne des solutions. Un coefficient d’actualisation de 4%
est utilisé pour pondérer ce cumul, de manière à prendre en compte les gains à long terme – dans une
logique de développement durable – tout en valorisant un peu plus les gains des premières années qui
sont ceux qui facilitent les prises de décisions politiques.
Les premiers résultats conduisent au graphique page suivante.
AMORCE – Soutiens financiers aux énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie : SYNTHÈSE – sept 2014
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Economie d'énergie primaire et CO2 évité pour 1000! dépensés via les dispositifs de soutien actuels
- AMORCE septembre 2014 -
18
•
•
•
•
•
Émissions de CO2 cumac évitées (tonne)
16
Isolation toiture
Raccordement RC
Réseaux de chaleur
MDE
EnR électriques
EnR thermiques
Transports
Création RC 75% bois
Foyer bois
14
Remplacement chaufferie
charbon/bois
12
Champ PV trackers
Petite hydroélectricité
Isolation murs
10
Eolien terrestre
Fenêtres
8
PAC air/eau
6
Biogaz terr cogé
4
2
Biogaz agri cogé
Biogaz terr inj
Solaire therm
collectif
PV ind
Voiture
électrique
Cogé bois
Chaudière gaz à condensation
Chauffe-eau
thermodynamique
Solaire therm
individuel
Eolien en mer
0
0
20
40
60
80
100
120
140
Énergie primaire cumac économisée (MWh)
À dépense identique (1000€) au travers des dispositifs de soutien publics existants, plus une filière se
trouve à droite sur le graphique, plus elle permet d’économiser nos ressources en énergie primaire. Plus
elle se trouve haute, plus elle évite du CO2. Se dégagent notamment sur ce graphique le raccordement
d’un bâtiment à un réseau de chaleur vertueux et l’isolation de toiture. La chaudière à condensation
présente elle un coût du MWh d’énergie primaire économisé faible, mais est moins intéressante en CO2.
Attention, une filière qui apparaît comme « pas chère » montre un MWh économisé et une tonne de CO2
évitée peu gourmands en aides publiques, mais cela peut présenter deux réalités très différentes :
• Soit la filière n’est pas assez attractive du point de vue du maître d’ouvrage : dans ce cas, le
dispositif est mal dimensionné et le gisement lié à cette filière n’est pas exploité. C’est le cas de
l’isolation de toitures – qui est intrinsèquement peu coûteuse mais se développe peu – ou de la
petite hydroélectricité.
• Soit elle est déjà suffisamment attractive (économiquement mais aussi parce qu’elle est bien
portée par des réseaux commerciaux en place) pour que le maître d’ouvrage passe à l’action
sans que l’aide ne soit importante : c’est le cas de la chaudière à condensation et du
remplacement de fenêtres. Ces postes étant vus comme des dépenses incontournables, le
« coup de pouce » nécessaire pour éviter au maître d’ouvrage de retenir des solutions bas de
gamme en termes de performance énergétique est assez modeste.
À l’opposé, un prix élevé d’énergie primaire économisé et de CO2 évité par une filière peut provenir de
deux aspects différents – et cumulables:
• L’action concernée ne permet ni d’économiser beaucoup d’énergie primaire, ni d’éviter beaucoup
d’émission de CO2 : c’est le cas du véhicule électrique.
• L’aide apportée est importante : c’est le cas des chauffe-eaux solaires et du véhicule électrique.
L'éolien terrestre, le champ photovoltaïque et les réseaux de chaleur au bois représentent les filières pour
lesquelles les aides semblent les mieux dimensionnées et les plus efficaces : elles se développent en
apportant des gains énergétiques peu coûteux pour la nation.
Ce graphique ne peut à lui seul éclairer sur l’efficacité des dispositifs : l’étude complète présente une
seconde analyse, menée du point de vue du maître d’ouvrage, éclairant d’une part sur la pertinence
intrinsèque des filières sans aide et d’autre part sur la pertinence du calibrage des aides dans le cas où la
rentabilité sans aide est insuffisante. Une approche du point de vue de l’équilibre de la balance
commerciale de la France vient également compléter l’analyse (à titre d’exemple, 1000 € de Fonds
chaleur investis dans la création d’un réseau de chaleur majoritairement alimenté par du bois permettent
de réduire la facture énergétique de la France de 12 000 € sur 25 ans). Ainsi, les collectivités locales
disposent d’une base de réflexion homogène et objective pour mieux construire et dimensionner leurs
soutiens locaux.
AMORCE – Soutiens financiers aux énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie : SYNTHÈSE – sept 2014
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Analyse des résultats et principales conclusions
Le rôle des collectivités est d’adapter voire de construire localement des dispositifs d’accompagnement
pour développer les filières et faire en sorte que celles qui présentent des gisements intéressants sur leur
territoire pour un coût relativement peu élevé soient exploitées en priorité. L’accompagnement peut
prendre la forme d’une aide complémentaire, mais sera efficace surtout par une animation locale visible
dans la durée pour amener les maîtres d’ouvrage à l’action et en s’assurant de la présence
d’intervenants qualifiés pour répondre à la demande. Maîtrise de l’énergie, énergies renouvelables
thermiques et électriques, réseaux de chaleur : les résultats obtenus révèlent des priorités de
développement dans chaque filière.
Travaux domestiques MDE et EnR
De manière générale, les collectivités doivent inciter les particuliers à recourir aux meilleures pratiques
disponibles : matériaux vertueux (faible impact environnememental sur tout le cycle de vie), performance
technique élevée (Uw faible pour les fenêtres, COP machine élevé pour les PAC et chauffes-eau
thermodynamiques, appareils à haut rendement et peu émetteurs de particules fines pour le chauffage au
bois…) et main d’œuvre qualifiée. Dans le cas où des aides supplémentaires sont envisagées, il est
important qu’elles soient attribuées en priorité aux personnes en difficulté. Parmi les filières de MDE intégrées à l’étude, l’isolation de toiture est la filière qui présente à la fois un
coût faible pour la collectivité dans son ensemble, et un gisement d’économie d’énergie important.
Pourtant, le constat actuel est qu’elle se développe peu, traduisant un manque d’attractivité pour le maître
d’ouvrage. Cette filière est donc à prioriser, en s’assurant de lui donner de la visibilité sur le territoire et
éventuellement en levant la barrière de l’investissement initial (soit en facilitant l’accès au prêt, soit en
proposant des aides supplémentaires – sans peur de trop donner). L’étude montre un coût plus élevé
pour l’isolation des murs par l’extérieur, mais la filière présente un gisement d’économie important à
moyen terme : elle est donc également à encourager. A minima, les collectivités locales en charge de
l’urbanisme doivent s’assurer qu’elles n’empêchent pas l’isolation de toiture par l’extérieur par son
règlement de voirie là ou cette solution ne présente aucune gêne.
Projets de production EnR thermique et électrique
Les résultats sont très hétérogènes suivant les filières : l’éolien terrestre et les champs photovoltaïques
avec trackers présentent des coûts peu élevés et se développent, fiabilité technique et tarifs d’achat
apportant à ces deux filières une garantie de rentabilité qui sécurise les investissements. Les collectivités
ont ainsi tout intérêt à faciliter le développement de tels projets sur leur territoire et à s’assurer de
bénéficier des meilleures retombées économiques (par exemple par la participation au montage de projet
au travers d’une EPL ou intercommunalité de taille suffisante) afin de financer par exemple des opérations
de MDE, dans une démarche globale cohérente de politique énergétique locale.
La petite hydroélectricité est également peu chère du point de vue de la collectivité dans son ensemble,
mais le niveau de tarif d’achat actuel est trop faible pour exploiter le gisement restant, alors même qu’une
hausse de ces tarifs placerait toujours la filière parmi les plus compétitives.
La filière biogaz (cogénération et injection) est encore en développement en France et présente un coût
relativement élevé pour la collectivité, pour une rentabilité encore incertaine pour les maîtres d’ouvrage :
une hausse des tarifs et un allongement de la durée des contrats sont à envisager au niveau national
pour initier un développement à la hauteur de son potentiel. Contrairement à la petite hydroélectricité, la
filière figurerait parmi les plus coûteuses, mais dans une vision à plus long terme le soutien à la filière
pourrait accompagner la baisse des coûts, sans compter d’autres externalités positives telles que la
diversification de l’activité économique des agriculteurs et une meilleure gestion des effluents sur les
territoires. Les collectivités peuvent identifier les sites potentiels et accompagner et/ou participer à
l’élaboration de projets territoriaux.
Réseaux de chaleur
Les collectivités autorités concédantes des réseaux de chaleur et les exploitants doivent veiller à ce
qu’une démarche commerciale soit menée en amont pour que la solution réseau de chaleur soit connue
et attractive pour les bâtiments situés dans le périmètre de desserte qui vont être construits
prochainement ou dont le système de chauffage arrive en fin de vie. Les collectivités doivent également
s’assurer que les aides locales des fournisseurs voire distributeurs d’énergie ne viennent pas en
contradiction de ses objectifs de densification du réseau de chaleur.
Pour les réseaux déjà alimentés à plus de 50% par des EnRR, les collectivités ont désormais la possibilité
de classer leur réseau sur simple délibération, ce qui entraîne alors l’obligation de raccordement des
nouveaux bâtiments et bâtiments réhabilités lourdement sur la zone de desserte définie comme prioritaire.
Cette disposition est très intéressante pour densifier et développer le réseau, et donc mieux amortir les
investissements. Elle sera plus efficace qu’une aide financière directe.
AMORCE – Soutiens financiers aux énergies renouvelables et à la maîtrise de l’énergie : SYNTHÈSE – sept 2014
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