Quand les interactions avec les professionnels orientent le choix des sources de soutien des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur Mémoire Dominique Stibre Maîtrise en service social Maître en service social (M. Serv. Soc.) Québec, Canada © Dominique Stibre, 2016 Quand les interactions avec les professionnels orientent le choix des sources de soutien des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur Mémoire Dominique Stibre Sous la direction de : Sophie Éthier, directrice de recherche Résumé Cette recherche qualitative exploratoire porte sur l’expérience de proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Elle vise à 1) explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions pour les aider à cheminer tout au long de leur parcours d’aidant; et 2) explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. Les données proviennent d’entrevues individuelles semi-dirigées réalisées auprès de neuf proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur dans la perspective théorique de l’interactionnisme symbolique de Blumer (1969). L’analyse des données inspirée de la théorisation ancrée propose quatre thèmes principaux : la trajectoire des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur, les interactions, l’utilisation des sources de soutien et le type de proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Les résultats de cette étude ont permis de développer une typologie du proche aidant accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les motifs de la prise en charge. Il en ressort 4 types d’aidant : 1) le Surmené, 2) l’Obligé, 3) le Collaborateur et 4) l’Accompli. Finalement, les résultats ont permis de dévoiler quatre attitudes à adopter par les professionnels de la santé favorisant l'utilisation des services de soutien de la part des proches aidants : 1) les interactions harmonieuses, 2) l’instauration d’une relation coopérative, 3) la stabilité de la relation et 4) l’adaptabilité situationnelle. Mots-clés : aidants, troubles de l’humeur, personne âgée, théorisation ancrée, interactionnisme symbolique, interactions, sources de soutien iii Abstract This exploratory qualitative research documents the reality of caregivers accompanying at home an elderly person with mood disorder. It aims to 1) explore the sources of support available in order to help them to walk through their journey as a caregiver; and to 2) explore the impact of interactions between caregivers, elderly and the health system in the use or the non-selection of these sources of support. The data comes were collected from individual semi-directed interviews with nine caregivers accompanying at home an elderly person with mood disorder. Theoretical perspective uses is Blumer’s symbolic interactionism (1969). Analysis of data, inspired by grounded theory, proposes four main themes: the trajectory of the family caregivers accompanying at home an elderly person with mood disorder, interactions, the use of sources of support and the type of family caregivers accompanying at home an elderly person achievement of a mood disorder. The results of this study allow to develop a typology of the caregiver accompanying an elderly with mood disorder at home. It shows four types of caregiver: 1) Overworked 2) Forced 3) Volunteer and 4) Accomplished. Finally, the results reveal four attitudes use by health professionals to promote use of support services by caregivers: 1) harmonious interactions, 2) establishing a cooperative relationship, 3) the stability of the relationship, and 4) situational adaptability. Keywords: Caregivers, mood disorders, elderly, grounded theory, symbolic interactionism, interactions, sources of support iv Table des matières Résumé………………………………………………………………………………….....iii Abstract………………………………………………………………………………...…..iv Table des matières…………………………………………………………………………..v Liste des tableaux…………………………………………………………………….…...viii Liste des figures…………………………………………………………………………....ix Liste des acronymes………………………………………………………………………...x Remerciements…………………………………………………………………………….xii Introduction………………………………………………………………………………....1 Chapitre 1 : La problématique de recherche………………………………………………..3 1. L’objet d’étude…………………………………………………………………………...4 1.1. L’état des connaissances des concepts clés de la recherche…………………………4 1.1.1. Le phénomène du vieillissement………………………………………………...4 1.1.2. La santé mentale…………………………………………………………………5 1.1.3. Les troubles de l’humeur………………………………………………………...6 1.1.4. Le phénomène des proches aidants……………………………………………...8 1.2. La pertinence de la recherche………………………………………………………..9 1.2.1. La pertinence sociale…………………………………………………………….9 1.2.2. La pertinence disciplinaire……………………………………………………...11 1.2.3. La pertinence scientifique……………………………………………………....12 Chapitre 2 : La recension des écrits……………………………………………………..14 2. La démarche documentaire……………………………………………………………...14 2.1. Les interactions entre le proche aidant et le système de santé et des services sociaux .......................................................................................................................................... 15 2.1.1. La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) ........................................... 15 2.1.2. La typologie de Noelker et Bass (1989) .............................................................. 16 2.2. La perception des intervenants des proches aidants : le modèle de Twigg (1989) .... 19 2.3. Le soutien offert aux proches aidants ........................................................................ 21 2.4. La réticence à l’utilisation des sources de soutien ..................................................... 24 2.4.1. Les facteurs influençant l’utilisation des sources de soutien .............................. 25 2.5. Les limites des études actuelles ................................................................................. 26 Chapitre 3: Le cadre conceptuel…………………………………………………………28 v 3. L’interactionnisme symbolique comme théorie…………………………………………28 3.1. L’interactionnisme symbolique appliqué à la situation des proches aidants d’aînés atteints d’un trouble de l’humeur ...................................................................................... 31 Chapitre 4 : La méthodologie…………………………………………………………….36 4. Les visées, le but et les questions spécifiques de l’étude………………………………..36 4.1. Le type de recherche : exploratoire............................................................................ 36 4.2. L’approche privilégiée : qualitative ........................................................................... 37 4.3. La population à l’étude .............................................................................................. 38 4.4. L’échantillonnage ...................................................................................................... 39 4.5. Procédure de recrutement des participants ................................................................ 39 4.6. Les considérations éthiques ....................................................................................... 40 4.7. Les procédures de collecte des données .................................................................... 41 4.8. Les stratégies favorisant l’expression des participants .............................................. 42 4.8.1. Les compétences techniques ............................................................................... 42 4.8.2. Les compétences relationnelles ........................................................................... 43 4.8.3. Les compétences professionnelles ...................................................................... 43 4.9. Procédure de l’analyse des données ........................................................................... 43 4.9.1. Le processus de la théorisation ancrée ................................................................ 44 4.9.2. Les procédures de codage ................................................................................... 44 4.9.3. Validation interjuges ........................................................................................... 46 Chapitre 5 : Présentations des résultats…………………………………………………47 5.1 Le profil sociodémographique des participants .......................................................... 47 5.2. La trajectoire de proche aidant accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. ................................................................................................. 48 5.2.1. Les identités et les rôles du proche aidant ........................................................... 48 5.2.2. Le phénomène du prendre soin : une réalité de nature complexe ....................... 51 5.3. Les interactions .......................................................................................................... 53 5.3.1. La perception des proches aidants des interactions avec le réseau formel.......... 55 5.3.2. L’influence des interactions avec le réseau formel dans l’utilisation des sources de soutien....................................................................................................................... 57 5.3.3. La perception des proches aidants des interactions avec le réseau informel ...... 59 5.4. Les sources de soutien des proches aidants ............................................................... 60 5.5. L’utilisation des sources de soutien : une question de lien de proximité .................. 63 5.5.1. La réticence à l’utilisation des sources de soutien .............................................. 64 5.5.2. Les quatre attitudes à adopter pour les professionnels de la santé ...................... 66 vi 5.6. Les types d’aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur ............................................................................................................................ 68 Chapitre 6 : Conclusion…………………………………………………………………..71 6.1. Les faits saillants de l’étude. ...................................................................................... 71 6.2. L’apport de cette recherche au service social ............................................................ 75 6.3. Les limites de la recherche ......................................................................................... 76 6.4. Les perspectives pour la recherche ................................................................ ………77 Références bibliographiques……………………………………………………………….79 Annexe 1 : Guide d’entrevue………………………………………………………………90 Annexe 2 : Questionnaire sociodémographique…………………………………………...92 Annexe 3 : Les étapes de la théorisation ancrée…………………………………………...94 Annexe 4 : Profil sociodémographique des participants à l’étude………………………...95 vii Liste des tableaux Tableau 1. Typologie du proche aidant accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les motifs de la prise en charge……………………………......70 viii Liste des figures Figure 1. L’interdépendance des proches selon Noelker & Bass (1989)…………..……....16 Figure 2. Spécialisation des services formels selon Noelker & Bass (1989)…...………….17 Figure 3. La double spécialisation selon Noelker & Bass (1989)………….………………18 Figure 4. Le lien supplétif selon Noelker & Bass (1989)………………………………….18 Figure 5. La catégorie centrale : le phénomène du prendre soin……………………......…53 Figure 6. Matrice des interactions entre le proche aidant et les réseaux formel et informel……………………………………………………...……………………………..55 ix Liste des acronymes ACSM AFS ASPC AVD AVQ CSBE CERUL DSM EÉSAD FCSDSQ ICIS IS ISQ MFA MSSS OMS OPHQ RHDCC SABV SAD Association canadienne pour la santé mentale Auxiliaire familial et social Agence de la santé publique du Canada Activités de la vie domestique Activités de la vie quotidienne Commissaire à la santé et au bien-être du Québec Comité éthique de la recherche de l’Université Laval Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders Entreprise d’économie sociale en aide à domicile Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec Institut canadien d’information sur la santé Interactionnisme symbolique Institut de la statistique du Québec Ministère de la Famille et des Aînés Ministère de la Santé et des Services sociaux Organisation mondiale de la santé Office des personnes handicapées du Québec Ressources humaines et Développement des compétences Canada Service Amical Basse-Ville Soutien à domicile x Quelque part, quelque chose d’incroyable attend d’être connu. Carl Sagan xi Remerciements Chaque parcours de production d’un mémoire est unique. Sa réalisation nécessite de la rigueur intellectuelle et de la persévérance. Afin d’aboutir à la fin d’un aussi long processus, il faut s’entourer de personnes exceptionnelles qui collaboreront à son succès. Je tiens d’abord à remercier ma directrice de recherche, madame Sophie Éthier, professeure agrégée. Arrivée à son bureau avec un objet de recherche peu exploré, elle a cru dès le départ en mon potentiel. Son accompagnement exceptionnel, sa compréhension, sa disponibilité et son expertise m’ont permis de me dépasser. Elle m’est source d’inspiration. Elle a développé chez moi le goût de la recherche et mes compétences dans ce domaine. Merci d’avoir été le phare m’apportant à bon port dans cette folle aventure. Mes plus sincères remerciements à trois organisations qui ont contribué en partie au recrutement de mon projet de mémoire : L’Appui de la Capitale-Nationale, Le Cercle polaire et La Boussole. Un merci particulier à Mesdames Isabelle Daigle, Marie-Claude Turgeon et Hélène Lévesque. Votre ouverture à la recherche m’a permis d’accéder à un bassin de proches aidants. Un immense merci à chacun des participants aux entrevues, car sans vous ce mémoire n’existerait pas. La conciliation travail-étude est un gros défi. C’est pourquoi je remercie mon équipe de travail du SABV. Votre soutien m’a été précieux. Enfin, un merci aux personnes qui sont ma raison d’être au quotidien : ma famille et mes amis. Ma maman, proche aidante au quotidien depuis 1999, est ma source d’inspiration première. Je ne peux passer sous silence le décès de mon père au cours de ce processus de recherche. Pour lui, j’ai tenu ma promesse. Je me suis rendue au bout de cette aventure. Papa, merci infiniment d’avoir cru en moi durant ta trop courte existence. Chers parents, votre confiance et votre soutien ont contribué à ce que je suis devenue. Je vous suis redevable pour cela. Merci aussi à mes amis tout spécialement Nadine. Tes encouragements m’importaient! En définitive, je tiens à remercier Etienne, mon ange gardien partageant depuis une décennie mon quotidien. Merci de faire la différence dans ma vie! xii Introduction Claudine a 60 ans. Elle demeure en appartement avec sa mère âgée de 83 ans atteinte de trouble de santé mentale. Elle dépose un verre d’eau avec un sourire. Elle répète cette tâche quotidienne à maintes reprises depuis cinq ans. Elle y voit une occasion unique de partager un moment avec elle. Elle perçoit le vieillissement de sa mère comme son récit de vie. La société la nomme proche aidante. Plusieurs fois par mois, elle interagit avec les différents professionnels de la santé. Certaines questions demeurent sans réponse. Quelles sont les répercussions de ses interactions avec les professionnels dans le choix des sources de soutien retenues? Est-elle considérée comme une cliente ou plutôt comme une ressource éventuelle au maintien à domicile de sa mère? De fait, l’accompagnement d’un aîné est une expérience positive, mais parfois négative. Claudine se nourrit sur le pouce. Elle ne se repose plus. Elle ne sort plus depuis longtemps. Rarement, elle prend conscience de son état. C’est parfois une question de vie ou de mort. À bout de souffle, Claudine témoigne couramment de sa crainte de mourir avant sa mère dont elle prend soin. Qui s’en occupera si elle n’est plus là? Le vieillissement accéléré de la population du Québec soulève divers questionnements sur les difficultés associées à ce phénomène croissant. La réalité des proches aidants en fait partie. Les politiques actuelles valorisent et considèrent le rôle de la famille dans le soutien à domicile des aînés (Ministère de la Famille et des Aînés et Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2012; Rousseau, Lavoie, Guberman, Fournier, Béland & Grenier, 2008). Honte et culpabilité sont des sentiments présents chez Claudine. Elle veut que sa mère demeure à domicile, mais parfois, elle en a assez. Elle vit un conflit interne malgré les bienfaits de cet accompagnement. Épuisée, celui-ci la rend vulnérable. Elle peut exploser à tout moment. Claudine, au fond de son être, crie : « Aidezmoi! » Le thème de ce mémoire est l’expérience avec les sources de soutien des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Cette recherche qualitative comporte deux objectifs. Le premier vise à explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions afin de les aider à cheminer tout au long de leur parcours 1 d’aidant; et le deuxième, à explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. La question guidant l’ensemble de cette recherche est la suivante : comment l’interaction des proches aidants d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé contribue-t-elle à l’utilisation des sources de soutien? Ainsi, ce mémoire de recherche s’intéresse aux expériences subjectives d’accompagnement à domicile d’un aîné atteint d’un trouble de l’humeur dans une perspective constructiviste. Effectivement, la réalité et la connaissance sont un ensemble de constructions mentales plus ou moins consensuelles de la part des individus directement ou indirectement impliqués dans le phénomène (Guba & Lincoln, 1994). Conséquemment, la perspective de l’interactionnisme symbolique encadre la démarche scientifique de ce mémoire. Celle-ci apporte une meilleure compréhension et une interprétation de l’influence de la triade proche aidant, aidé et système de santé sur les sources de soutien utilisées. Ce mémoire se compose de six chapitres exposant ainsi la démarche de recherche et ses résultats obtenus. Pour ce faire, le premier chapitre sera consacré à la problématique de la recherche. Celui-ci contient, entre autres, l’objet d’étude, la prévalence du vieillissement de la population, des troubles de l’humeur et des proches aidants. Il se termine par l’exposition de la pertinence sociale, disciplinaire et scientifique de cette recherche. La recension des écrits et les limites des recherches actuelles forment le second. Le troisième chapitre expose la perspective de l’interactionnisme symbolique encadrant la démarche scientifique de la recherche. Le quatrième chapitre décrit la méthodologie de la recherche. Le cinquième chapitre expose les principaux résultats recueillis de l’analyse des données qualitatives et du questionnaire sociodémographique. Le sixième et dernier chapitre conclut ce mémoire de recherche par une discussion sur les faits saillants des résultats de l’étude. Celui-ci expose également l’apport de la recherche au niveau du service social, les biais rencontrés en cours d’étude et les perspectives d’études futures. 2 Chapitre 1 : La problématique de recherche Différentes recherches abordent, entre autres, l’expérience reliée à l’accompagnement à domicile d’un aîné atteint de la maladie d’Alzheimer (Black, Gauthier, Dalziel, Keren, Correia, Hew & Binder, 2010; Éthier, 2012) de la schizophrénie (Suro, &Weisman De Mamani, 2013) ou encore de la maladie du Parkinson (Oguh, 2012). À ma connaissance, une seule étude canadienne aborde l’accompagnement d’une personne âgée dépressive par un membre de sa famille (Sewitch, McCusker, Dendukuri, & Yaffe, 2004) et quelques études françaises traitent très brièvement de l’accompagnement d’un aîné atteint d’un trouble bipolaire (Ellouze, Ayedi, Cherif, Ben Abla, & M’Rad, 2011; Mouchabac, 2011). Pourtant, la dépression est souvent perçue comme une maladie récurrente chez cette clientèle (Tuma, 2000). Ses manifestations sont une source de détresse pour les personnes âgées, mais également pour leurs proches aidants (Scazufca, Menezes, Osvaldo, & Almeida, 2002). Il en est de même pour l’accompagnement d’un proche âgé atteint d’un trouble bipolaire. Selon Mouchabac (2011), les proches aidants de celui-ci connaissent des risques pour leur santé puisqu’ils sont jugés plus fragiles et plus âgés. Par conséquent, les accompagnements deviennent plus intensifs. Le peu de documentations scientifiques sur l’accompagnement des aînés atteints d’un trouble de l’humeur démontre la nécessité d’approfondir ce sujet (Leinonen, Korpisammal, Pulkkinen, & Pukuri, 2001; Sewitch et al., 2004). Il importe de s’en soucier dès maintenant, car les proches aidants sont des éléments constituant la « colonne vertébrale » de notre collectivité et de notre système de santé (Silverman, 2009 : 11). Par ailleurs, comme les troubles de l’humeur peuvent aussi les affecter, il devient doublement judicieux de leur offrir le droit de parole afin d’enrichir les connaissances que nous possédons pour le moment. Dans le cadre de cette étude, les proches aidants visés n’ont pas de distinction de rôle. 3 1. L’objet d’étude L’objet d’étude de ce mémoire porte sur les influences des interactions entre les proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé et des services sociaux du Québec dans le choix des sources de soutien. Notons brièvement que la catégorie de personnes qualifiées de « personnes âgées » varie selon les cultures et les contextes (Sashi, 2007). La plupart des études québécoises et canadiennes se réfèrent au critère de l’âge, soit 65 ans et plus, afin de cibler cette population (Black et al., 2010; Ducharme & Trudeau, 2002; Thomas, Hazif-Thomas, & Billion, 2011). D’autres études mentionnent l’âge de 60 ans comme seuil d’entrée à la vieillesse (Depla, Graaf, Bussbachbach & Heeren, 2003; Reid, Jonhson, Bebbington, Kuipers, Scott & Thornningcroft, 2001). Cependant, il est reconnu que les études sur les personnes âgées atteintes de troubles de santé mentale graves ciblent l’âge de 60 ans, voire à 55 ans, comme entrée dans la vieillesse considérant leur vieillissement précoce dans des conditions difficiles (Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier & Clément, 2010). 1.1. L’état des connaissances des concepts clés de la recherche L’objet d’étude est étroitement lié à trois concepts importants : le vieillissement de la population, les troubles mentaux plus précisément les troubles de l’humeur (dépression et trouble bipolaire) et la réalité des proches aidants. Ils forment ensemble le fil conducteur de ce mémoire. Par conséquent, il importe d’approfondir leur prévalence respective avant d’examiner la pertinence de ce thème de recherche. 1.1.1. Le phénomène du vieillissement Le vieillissement des sociétés occidentales est un phénomène planétaire en expansion. Actuellement, au Canada, la prévalence des aînés devrait doubler d’ici 2036 et atteindre 10,4 millions de personnes (Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHDCC], 2011). Le Québec n’y fait pas exception. Selon l’Institut de la statistique du Québec [ISQ], la proportion des aînés de 65 ans et plus se situait à près de 4 18 % en 2015, et est estimée à environ 27 % pour 2046 (Girard, et al., 2013). Avec le vieillissement de la population, l’incidence des problèmes de santé touchant les personnes âgées augmentera (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2005a). Cette nouvelle réalité démographique entraînera une croissance du nombre d’aînés atteints de troubles mentaux (principalement la schizophrénie, les troubles psychotiques, les troubles bipolaires et les dépressions chroniques) dans la population (Bartels, Levine, & Shea, 1999 ; Cohen, 2000; Goldman & Manderscheid, 1987). 1.1.2. La santé mentale La santé mentale implique qu’une personne possède la capacité de penser, d’agir et de ressentir afin d’accroître son bien-être tout en ayant les aptitudes à faire face aux diverses situations quotidiennes (Gouvernement du Canada, 2006; Organisation mondiale de la santé [OMS] 2013). Elle favorise l’émergence d’émotions positives tant sur le plan émotionnel que spirituel accordant ainsi de la considération aux interactions sociales, à la diversité culturelle et à la dignité personnelle (Gouvernement du Canada, 2006). Cependant, certains individus éprouvent « […] un [degré] d’incapacité qui interfère de façon significative dans les relations interpersonnelles, les compétences sociales de base et la capacité fonctionnelle dans la production d’un travail » (MSSS, 2005b). Ils sont alors atteints de troubles mentaux. Le Gouvernement du Canada (2006) estime que 20 % des Canadiens seront atteints d’un trouble mental au cours de leur vie. En 2006, plus de 95 000 Québécois souffraient d’une incapacité d’ordre mental dont 1 625 étaient des aînés de 65 ans et plus demeurant dans la région de la Capitale-Nationale (Office des personnes handicapées du Québec [OPHQ], 2006). Le virage ambulatoire a provoqué, entre autres, la diminution de la durée des hospitalisations (Gagnon, Guberman, Côté, Gilbert, Thivierge & Tremblay, 2001). C’est pourquoi les familles prodiguent des soins beaucoup plus complexes à domicile (Ducharme, Pérodeau, Paquet, Legault & Trudeau, 2004). En effet, depuis les années 1960, les personnes atteintes de problèmes de santé mentale demeurent majoritairement à domicile. Cette nouvelle réalité provient du mouvement de la désinstitutionalisation. Que ce 5 soit au Canada ou au Québec, celui-ci les a sortis des hôpitaux psychiatriques. Cela a contribué, en partie, à l’augmentation des aînés de 60 ans et plus atteints de problèmes de santé mentale à domicile (Depla et al., 2003; Reid et al., 2001). D’ailleurs, des enquêtes épidémiologiques, nationales et internationales, révèlent une augmentation de la prévalence de ces problèmes (Commissaire à la santé et du bien-être au Québec [CSBE], 2012). Selon le CSBE (2012), cette dernière représentait 11 % du poids de l’ensemble des maladies en 1990 et ce taux devrait s’élever à 15 % en 2020. Les problèmes de santé mentale constituent l’une des premières causes de morbidité et de mortalité précoce chez les personnes âgées et ils représentent 60 % des sources d’incapacités liées au vieillissement (Limosin, 2014). Ces changements démographique et organisationnel amplifient la possibilité que des aînés soient atteints de troubles de l’humeur à domicile. 1.1.3. Les troubles de l’humeur Les troubles de l’humeur correspondent à des troubles amenant les personnes affectées à ressentir d’intenses émotions, et ce, de manière prolongée ayant des conséquences négatives sur leur bien-être mental, leur santé physique, leurs relations interpersonnelles et leurs actions (Association canadienne pour la santé mentale [ACSM], 2016). Ceux-ci figurent parmi les troubles mentaux les plus répandus dans la société (Gouvernement du Canada, 2006). En 2014, près de dix pour cent des Canadiens étaient atteints, dans une période de leur vie, d’un trouble de l’humeur (ACSM, 2014). Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons plus spécifiquement aux personnes âgées souffrant d’une dépression d’un trouble bipolaire accompagnées par des proches aidants. Abordons ces deux types de trouble de l’humeur. 1.1.3.1. Les troubles dépressifs La dépression est une maladie mentale courante touchant au moins 350 millions de personnes dans le monde (OMS, 2015). Elle se caractérise par une tristesse, une perte d’intérêt ou de jouissance, des émotions de culpabilité ou de dévalorisation de soi, un sommeil ou un appétit perturbé, une certaine fatigue et des problèmes de concentration 6 (OMS, 2016). Lorsqu’elle est non traitée, elle peut s’aggraver. Selon les critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders 5 [DSM], les troubles dépressifs majeurs sont caractérisés par un ou plusieurs épisodes dépressifs sans pour autant avoir un historique de manie, de troubles bipolaires ou d’épisodes hypomaniaques (American Psychiatric Association, 2013). Bien que la dépression puisse être vécue par les aînés à domicile, elle est vraisemblablement sous-diagnostiquée et, au moment du diagnostic, souvent sous-traitée (Østbye, Kristjansson, Hill, Newman, Brouwer & McDowell, 2005). Ce phénomène est fréquent auprès de ceux ayant plusieurs atteintes psychiques. Effectivement, la dépression est non détectée chez environ 65 % des cas d’aînés atteints de démence (Kales, Chen, Blow, Welsh & Mellow, 2005). Ce sous-diagnostic demeure la cause d’un traitement inadéquat. Selon les auteurs de cette étude, la prévalence globale de la dépression majeure chez les personnes âgées de 65 ans s’estime à de 2.4 % (Kales et al., 2005). Finalement, Østbye et ses collaborateurs (2005) soulignent dans leur étude que la prévalence de toutes les formes de dépressions s’élève à 12.3 % pour ce même groupe d’âge. 1.1.3.2. Le trouble bipolaire Le trouble bipolaire est un trouble affectant l’humeur. Les personnes atteintes traversent des épisodes de dépression et de manie. Selon le DSM 5, les troubles bipolaires se divisent ainsi : le trouble bipolaire de type I, le trouble bipolaire de type II et le trouble bipolaire non spécifié (American Psychiatric Association, 2013). Malgré la présence de cette maladie mentale auprès des personnes âgées de 65 ans et plus, peu d’études abordent le fait que ces personnes sont parfois accompagnées d’un proche. Seulement deux études françaises s’y sont intéressées (Ellouze, et al., 2011; Mouchabac, 2011). Pourtant, ce type d’accompagnement entraîne parfois des problèmes physiques et psychiques chez les proches aidants (Ellouze et al., 2011; Mouchabac, 2011). Tout comme la dépression, les troubles bipolaires sont généralement sous-diagnostiqués chez les personnes âgées (Mouchabac, 2011). Au Québec, les proportions de personnes ayant vécu un trouble bipolaire au cours de leur vie ou au cours des 12 mois précédant l’enquête se situent autour de 2 % et 1 % respectivement (Biraldi, Joubert, Bordeleau & Plante, 2015). 7 Que l’aîné soit atteint de troubles dépressifs ou bipolaires, il semble essentiel de s’interroger sur les impacts de ces maladies mentales sur la vie des aidants. Abordons la prévalence de ces proches aidants au Canada et au Québec. 1.1.4. Le phénomène des proches aidants Le terme « proche aidant » englobe une multitude de personnes diversifiées ignorant qu’une telle notion définit leurs responsabilités vécues au quotidien (Silverman, 2009). Ce dernier remplace l’expression « aidant naturel » à la suite d’une prise de conscience individuelle et collective de l’aspect peut-être pas toujours naturel de l’aide (Ducharme, 2012; Saint-Charles & Martin, 2001; Silverman, 2009). Il est difficile d’établir le moment exact où la personne devient proche aidante. Il s’agit d’une transition apparaissant habituellement lorsqu’un membre de la famille ou un ami contribue au fonctionnement normal de l’aidé (Silverman, 2009). Une certitude demeure cependant. Le soutien offert par les aidants va au-delà des responsabilités habituelles impliquant les liens familiaux, affectifs ou amicaux. Ce rôle se compose « de tâches multiples : appels téléphoniques réguliers, soutien moral, prise de rendez-vous, soins infirmiers, tâches domestiques, supervision quotidienne permanente » (Silverman, 2009 : 16). Plusieurs raisons motivent un tel soutien de la part des aidants : l’amour, le devoir, la culpabilité, la reconnaissance envers une personne ayant pris soin de soi antérieurement (Éthier, 2012). Selon l’enquête sociale générale de 2012, plus de 25 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont fourni des soins à un membre de la famille ou à un ami ayant un problème de santé chronique, une incapacité ou des problèmes liés au vieillissement au cours des 12 mois précédant l’enquête (Sinha, 2013). Cela équivaut à environ 8,1 millions de Canadiens (Sinha, 2013). Au Québec, 1 675 700 Québécois, soit environ 25 %, ont fourni des soins en 2012 à un membre de la famille ou à un ami malade, ayant une incapacité ou des problèmes liés au vieillissement au cours des 12 mois précédant l’enquête (Lecours, 2015; Sinha, 2013). De ce nombre, 965 700 étaient des femmes et 710 000 des hommes (Lecours, 2015). 8 Ces chiffres exposent la prédominance des femmes en ce moment dans la prestation des soins à un proche. Effectivement, selon un sondage effectué par Santé Canada en 2004, la majorité des proches aidants était des femmes (70 %) (Cranswick et Dosman, 2008). L’enquête sociale de 2012 corrobore également ce fait puisqu’elles représentent maintenant 54 % de l’ensemble des aidants (Sinha, 2013). Par ailleurs, 64 % des proches aidants sont âgés de 55 à 64 ans (Santé Canada, 2004). Selon l’Institut canadien d’information sur la santé [ICIS], près de 20 000 d’entre eux (16 %) soutenant des aînés et recevant des services à domicile éprouvaient de la détresse associée à leur rôle (ICIS, 2010). De ce fait, les taux de détresse sont supérieurs chez les proches aidants fournissant « plus de 21 heures de soutien par semaine (28 %) » et pour ceux qui « aidaient des personnes âgées présentant des symptômes de dépression (32 %) » (ICIS, 2010 : 2). Selon l’OMS, la dépression représentera la principale cause de morbidité d’ici 2030 (OMS, 2011). En définitive, au Québec comme au Canada, les proches aidants sont des millions à accompagner une personne de leur entourage. Majoritairement du sexe féminin, ces personnes souffrent parfois de problèmes de santé mentale lorsqu’ils accompagnent une personne pendant plus de 21 heures par semaine. 1.2. La pertinence de la recherche Plusieurs raisons, tant sur le plan social, disciplinaire que scientifique soutiennent la réalisation d’une recherche auprès des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Abordons ces diverses raisons. 1.2.1. La pertinence sociale Le vieillissement démographique entraîne un contexte culturel encourageant la proche aidance (Ducharme, 2012). En guise d’exemple, la Politique Chez soi : le premier choix favorise le soutien dans le milieu de vie de la personne (MSSS, 2003). Cela accroît les possibilités des aînés de demeurer plus longtemps qu’auparavant à domicile. Néanmoins, selon Préville et ses collaborateurs (2007), 42,9 % d’entre eux éprouvent des signes élevés 9 de détresse psychologique. De fait, une proportion non négligeable de ces aînés risque de souffrir également d’un trouble de l’humeur. Dans certains cas, ils nécessiteront un soutien soutenu de proches aidants (Ellouze et al., 2011; Mouchabac, 2011; Sewitch et al., 2004; Zergaw, Hailemariam, & Alem, 2008). C’est pourquoi il est justifié de s’attarder à ce type d’accompagnement puisque, tel que mentionné auparavant, les troubles de l’humeur sont sous diagnostiqués (Mouchabac, 2011; Østbye et al., 2005) et à risque de créer des conséquences néfastes autant chez l’aidant que chez la personne âgée (Mouchabac, 2011, Sewitch et al., 2004; Zergaw et al., 2008). D’ailleurs, l’accompagnement des troubles psychopathologiques des aînés demeure un enjeu majeur (Limosin, 2014). Incontestablement, après les troubles cognitifs, les troubles dépressifs sont reconnus pour être le problème le plus inquiétant chez la personne âgée à cause de leur prévalence élevée et leurs associations avec les incapacités fonctionnelles, la mortalité et l’utilisation élevée des services de santé (Préville, Hébert, Boyer, Bravo & Seguin, 2005; Smit, Ederveen, Cuijpers, Deeg & Beekman, 2006). Une autre considération sur le plan social porte sur le phénomène de la « double stigmatisation » du vieillissement et de la maladie mentale (Dallaire et al., 2010). Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (Mendonça, Levav, Jacobsson & Rutz, 2003) et la Commission de la santé mentale du Canada (Kirby & Keon, 2006) dénoncent ce phénomène ayant des répercussions sur « l’organisation et la prestation des services ainsi que les conditions de vie imposées aux personnes âgées (...) » (Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert & Moskovitz, 2010 : p.268). Cette situation entraîne des lacunes sur le plan des services et, par le fait même, augmente le fardeau des proches aidants devenant ainsi une population à risque. En guise d’exemple, la dépression est liée à changements chez les personnes âgées au niveau de l’humeur et les comportements quotidiens peuvent être similaires à ceux observés chez celles atteintes de démence (Scazufca et al., 2002). Par exemple, certains aidants accompagnant un aîné dépressif vivront de la détresse lié à l’accompagnement de leur proche (Scazufca et al., 2002). Le vieillissement de la population entraîne une augmentation du nombre de personnes âgées atteintes de troubles de l’humeur et le risque de développer le phénomène de la « double stigmatisation. » 10 Conséquemment au phénomène de la « double stigmatisation. », cette recherche est pertinente socialement en raison de la nécessité de s’attarder aux interventions auprès des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte de la dépression (Sewitch et al., 2004) ou d’un trouble bipolaire (Ellouze, et al, 2011; Mouchabac, 2011) puisqu’ils sont « le pivot du maintien à domicile » (Paquet, 2008 : 55). Effectivement, de nos jours, la famille devient une source de soutien permettant aux aînés de bien vieillir à leur domicile (Ducharme, 2006). Elouze et ses collaborateurs (2011) soulignent l’importance d’octroyer du temps de parole supplémentaire aux proches aidants accompagnant une personne atteinte d’un trouble bipolaire afin qu’ils puissent s’exprimer sur leur réalité autant les aspects négatifs que positifs. Ces mêmes auteurs soulignent l’importance de valoriser leur rôle dans l’aide d’une personne atteinte d’un trouble bipolaire (Ellouze, et al, 2011). 1.2.2. La pertinence disciplinaire Chaque chercheur accorde de l’importance à un sujet précis pour des raisons tant professionnelles que personnelles. Étant donné que l’étudiante chercheuse est une travailleuse sociale, le choix de son objet d’étude n’est donc pas le fruit d’un hasard. La pertinence disciplinaire de cette recherche prend racine dans le fait que les thèmes du vieillissement, des troubles de l’humeur, des proches aidants et les sources de soutien offertes par le réseau de la santé et des services sociaux sont tous étroitement liés à la pratique professionnelle quotidienne des travailleurs sociaux. Plus spécifiquement, cette recherche s’attarde aux interactions entre ces proches aidants et le système de santé et à l’utilisation des sources de soutien disponibles pouvant répondre autant à leurs besoins qu’aux exigences d’un accompagnement à domicile d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. De plus, elle permettra sans doute de sensibiliser les professionnels de la santé mentale sur la réalité des troubles mentaux vécue par nos aînés québécois et des répercussions sur leurs familles. Cela cadre directement avec les raisons d’être d’une recherche en service social. 11 1.2.3. La pertinence scientifique En ce qui a trait à la pertinence scientifique, il faut savoir que très peu d’études québécoises ont tenté, à ce jour, d’aborder concrètement le phénomène de l’accompagnement d’un proche âgé de 65 ans et plus atteint d’un trouble de l’humeur. Beaucoup d’études traitent des troubles de l’humeur auprès des aînés, mais pas spécifiquement l’accompagnement de leurs proches (Limosin, 2014; Nour et al., 2010; Préville et al., 2005; Préville et al., 2007;). C’est pourquoi cette recherche peut apporter des retombées scientifiques et ainsi contribuer à l’amélioration des connaissances dans ce domaine. Bien que certaines recherches canadiennes et européennes aient effleuré le sujet, très peu abordent directement la réalité des proches aidants accompagnant ce type de clientèle précisément (Ellouze et al., 2011; Leinonen et al., 2001; Mouchabac, 2011; Sewitch et al., 2004), ce sujet n’est pas spécifiquement abordé au Québec. Pourtant, les troubles de l’humeur sont des maladies mentales présentes chez les personnes âgées. Effectivement, la Fondation des maladies mentales (2012) affirme qu’au Québec 100 000 personnes de 65 ans et plus demeurant à domicile souffrent de troubles anxieux ou de troubles de l’humeur. Cette situation demeure inquiétante sachant que la dépression est la principale cause de suicide et qu’au Québec 10 aînés par mois s’enlèvent la vie (Fondation des maladies mentales, 2012). Or, la majorité des études concernant les proches aidants examinent la situation des soins aux personnes âgées atteintes de démence (Scazufca et al., 2002). L’originalité de cette recherche provient du fait qu’elle explore la réalité des proches aidants accompagnant une personne âgée de 65 ans atteinte d’un trouble de l’humeur. Celle-ci contribuera à mieux connaître les interactions entre les proches aidants et les professionnels de la santé selon le point de vue de ces proches aidants et leur influence dans le choix des sources de soutien. Enfin, la pertinence scientifique se voit également dans la nécessité d’effectuer d’autres recherches concernant la prise en charge de cette clientèle (Leinonen et al., 2001; Mouchabac, 2011; Sewitch et al., 2004). En outre, les recherches recommandent d’axer l’intervention auprès des professionnels de la santé entourant des proches aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur sur la prévention. Cela établit la raison d’être de cette recherche visant à 1) explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions afin de les aider à cheminer tout au long de leur 12 parcours d’aidant; et à 2) explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. 13 Chapitre 2 : La recension des écrits Ce second chapitre expose la recension des écrits. Celle-ci est étroitement liée à la question de recherche suivante : comment l’interaction des proches aidants d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé contribue-t-elle à l’utilisation des sources de soutien? Ainsi, elle se compose des interactions avec le système de santé et des services sociaux en abordant par le fait même la théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989). Elle aborde brièvement la perception des professionnels de la santé des proches aidants selon le modèle de Twigg (1989), le soutien qui leur est offert, la réticence à l’utilisation des sources de soutien, les facteurs expliquant l’utilisation ou la non-utilisation des services de même que les limites dans les études actuelles. 2. La démarche documentaire Afin de rédiger la recension des écrits, quatre bases de données de diverses disciplines ont été consultées, soit « AgeLine », « Pubmed », « PsychInfo » et « Social Sciences Abstracts. » Les principaux concepts utilisés sont : aidants, aidants naturels, proches aidants, aidants familiaux (carer, caregiver, caregivers); soutien social (home care services); dépression (depression, burden, mental health); trouble de l’humeur (mood disorder); trouble bipolaire (bipolar disorder); interactions (formal, informal, linkages, network,) et personne âgée, vieillissement, gérontologie (older adults, elderly, aging, gerontology). Les articles sélectionnés en raison de leur pertinence s’échelonnent sur une période d’un peu plus de 30 ans soit de 1985 à 2016. Néanmoins, à la connaissance de l’étudiante chercheuse, la documentation scientifique aborde actuellement peu l’accompagnement d’un aîné atteint d’un trouble de l’humeur. Ainsi, les recherches recensées ici représentent davantage la réalité du parcours d’un aidant accompagnant une personne âgée en général. Nous présenterons plus spécifiquement les interactions entre le proche aidant et le système de santé; la perception des intervenants des proches aidants; le soutien offert aux aidants; et les raisons de leur réticence à utiliser les services offerts. 14 2.1. Les interactions entre le proche aidant et le système de santé et des services sociaux Les différents besoins rencontrés par les proches aidants les contraignent à interagir avec divers professionnels du système de santé et des services sociaux du Québec. Effectivement, les transitions dans le parcours de vie de la personne âgée présentent à la fois des occasions et des défis pour les proches aidants l’accompagnant à domicile. Plusieurs études se sont intéressées aux interactions entre les acteurs liés à l’accompagnement d’un aîné (le réseau formel et le réseau informel). Celles-ci ont contribué à développer une théorie et des typologies afin de décrire et d’augmenter la compréhension des contributions et des relations entre les divers acteurs engagés à soutenir un aîné à domicile. Les interactions sont ainsi classifiées selon les tâches ou les relations effectuées par ces derniers. Les prochaines sections présentent la théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989). 2.1.1. La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) concerne les relations existantes, ou non, entre les réseaux formel (les professionnels du réseau de la santé) et informel (la famille). Selon cette théorie, les différents acteurs impliqués provenant des deux réseaux coordonnent leurs efforts. Ceux-ci contribuent au maintien à domicile de la personne âgée. Les tâches accomplies par ces réseaux demeurent complémentaires et interdépendantes de la structure de chaque groupe (Litwak, 1985). C’est en fait le postulat de base de cette théorie. Le réseau informel est associé aux dimensions des soins ne requérant pas de connaissances techniques (Litwak, 1985). Les organisations à domicile formelles sont quant à elles associées aux tâches nécessitant des connaissances techniques, un savoir professionnel et spécialisé (Litwak, 1985). La théorie des tâches spécifiques a démontré sa pertinence (Wilcox & Taber, 1991), mais elle a également fait l’objet de critiques (Noelker & Bass, 1989; George, 1987). À titre d’exemple, George (1987) considère la perspective théorique de Litwak comme étant « idéale », mais, au plan de la pratique, la division des tâches ne se réalise pas précisément entre les deux réseaux impliqués. Un bel exemple de 15 cela : le virage ambulatoire au Québec contraint des aidants à fournir des soins spécialisés et infirmiers à leur proche (Lavoie & Guberman, 2007). 2.1.2. La typologie de Noelker et Bass (1989) Noelker et Bass (1989) décrivent pour leur part, les différentes relations s’établissant entre les secteurs formel et informel auprès d’une personne âgée à domicile. Ayant pris en considération les particularités des aînés et des aidants, ces auteurs ont développé une typologie basée sur la participation de 500 proches aidants (Noelker & Bass, 1989). Cette typologie a trait aux différentes relations par lesquelles les aidants et l’État participent collectivement ou distinctement au soutien de la personne âgée à domicile. Ces chercheurs ont ainsi dégagé quatre types de relations, soit 1) l’indépendance des proches 2) la spécialisation des services formels 3) la double spécialisation et 4) le lien supplétif (Noelker & Bass, 1989). Le premier type de relation, l’indépendance des proches, se manifeste lorsque la personne âgée possède peu d’incapacités physiques (Noelker & Bass, 1989). Ainsi, elle demeure autonome, car elle subvient seule à ses besoins. Dans d’autres situations, l’indépendance apparaît lorsque l’aîné ou son aidant méconnaissent l’existence des services offerts par le réseau formel. Conséquemment, aucun point de jonction n’existe entre les réseaux formel et informel et l’aîné. La figure 1, telle qu’exposée par Vézina et ses collaborateurs (1993), démontre clairement l’absence de lien entre les différents acteurs impliqués. (Source : Vézina, Vézina & Tard, 1993). Figure 1. L’interdépendance des proches selon Noelker & Bass (1989) 16 Pour le deuxième type de relation, la spécialisation des services formels (Noelker & Bass, 1989), l’aidant effectue généralement les principales tâches d’AVD et d’AVQ. Cependant, les tâches spécialisées nécessiteront les compétences des professionnels de la santé puisque l’aidant sera incapable de les réaliser. C’est pourquoi les services formels, en substitution de la famille, déploieront leurs ressources dans le but de répondre à l’ensemble des besoins de l’aîné. La figure 2 démontre que le réseau informel, c’est-à-dire le proche aidant, sera impliqué spécifiquement dans la prestation de soins à la personne âgée à domicile. (Source : Vézina et al., 1993). Figure 2. Spécialisation des services formels selon Noelker & Bass (1989) Le troisième type de relation est la double spécialisation (Noelker & Bass, 1989). Le réseau formel interviendra dans la prestation de soins spécialisés tandis que le réseau informel interviendra quotidiennement dans les situations imprévues avec des tâches non spécialisées (Vézina et al., 1993). Ce type de relation représente la conceptualisation de Litwak (1985) concernant les aidants et les professionnels de la santé accomplissant des tâches complètement séparées. Nous y reviendrons plus tard. La double spécialisation des tâches se retrouve habituellement chez les proches aidants de sexe masculin (conjoint), chez les proches aidants ayant un degré de stress moindre associé à la dispensation des soins et chez l’aîné ayant peu d’incapacités fonctionnelles (Vézina et al., 1993). La figure 3 expose la double spécialisation. 17 (Source : Vézina et al., 1993) Figure 3. La double spécialisation selon Noelker & Bass (1989) Le quatrième type de relation concerne le lien supplétif (Noelker & Bass, 1989). Dans cette situation, les réseaux formel et informel travaillent conjointement à dispenser des soins à la personne âgée. Les réseaux s’engagent à soutenir la personne âgée dans un champ d’aide similaire. Il s’agit là d’un supplément offert par le réseau formel aux efforts fournis par le proche aidant (Noelker & Bass, 1989; Vézina et al., 1993). La figure 4 illustre ce type de relation. (Source : Vézina et al., 1993). Figure 4. Le lien supplétif selon Noelker & Bass (1989) Mentionnons que le lien supplétif n’empêche pas le proche aidant de contribuer au soutien de l’aîné à domicile. Celui-ci participera aux tâches non assumées par le réseau formel. 18 Cette situation entraîne une charge de travail supplémentaire aux aidants. Par conséquent, ils vivront une diminution de leurs temps libres (Vézina et al., 1993). En résumé, cette section aborde la théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989). La théorie des tâches spécifiques de Litwak illustre la complémentarité et l’interdépendance des tâches réalisées par les secteurs formels et informels. Cela démontre l’importance de la collaboration entre les réseaux formels et informels afin d’offrir un meilleur soutien à la personne âgée vivant à domicile. Litwak (1985) dégage quatre types de relations possibles dans sa théorie: soit 1) l’indépendance des proches 2) la spécialisation des services formels 3) la double spécialisation et 4) le lien supplétif. Il existe des liens entre cette théorie et cette typologie. La théorie des tâches spécifiques de Litwak (1985) et la typologie de Noelker et Bass (1989) présentent différentes formes de relations existantes ou non pouvant s’établir entre les acteurs du SAD des personnes âgées. Elles se rejoignent lorsqu’il est question de la double spécialisation de la typologie de Noelker et Bass (1989). Effectivement, la double spécialisation illustre la théorie de Litwak (1985) selon laquelle chaque réseau accompli les tâches spécifiques allant de pair avec sa raison d’être. Les relations s’établissent donc selon les tâches réalisées ou non par ces réseaux. Cela influence les perceptions des intervenants œuvrant avec la clientèle des proches aidants. 2.2. La perception des intervenants des proches aidants : le modèle de Twigg (1989) Les chercheurs abordent depuis plusieurs années diverses pistes de réflexion concernant la relation entre les organisations formelles et les proches aidants. Twigg (1989) expose trois modèles mettant l’accent sur la perception des intervenants des aidants. Ainsi, ils sont perçus comme 1) des ressources, 2) des partenaires et 3) des clients secondaires Le premier modèle considère l’aidant comme une ressource. Son point central est la personne aidée. Dans cette perspective, les professionnels de la santé perçoivent le proche aidant comme une ressource importante, sans toutefois être une préoccupation (Twigg, 19 1989). Son bien-être est marginalisé. Il est considéré comme un élément du contexte séparé et à la disposition des professionnels de la santé. L’aide informelle demeure parfois invisible (ou survisible) aux intervenants (Clément, 1996). Elle est perçue comme une normalité allant de soi (Clément, 1996). La manière d’intervenir de certains professionnels de la santé est le reflet des politiques de services à domicile. Les proches aidants apparaissent, dans ces dernières, comme des ressources importantes au maintien à domicile des personnes fragilisées (Lavoie, Pepin, Lauzon, Tousignant, & Belly, 1998). Selon ce modèle, certaines responsabilités familiales sont non assumées par le réseau formel. Cette situation développe des tensions entre les professionnels de la santé et les proches aidants (Twigg, 1989). Des études plus récentes abondent dans ce sens. Les intervenants offrent, aujourd’hui, un certain soutien psychosocial, éducatif ou de répit pour les proches aidants. L’objectif premier de ces interventions vise leur mobilisation afin de collaborer davantage et fournir de meilleurs soins (Béland & Arweiler, 1996). Les intervenants considèrent donc ici l’aidant comme « personne-ressource » (Guberman & Maheu, 2002). Le second modèle représente les proches aidants comme partenaires. Le secteur formel et informel travaille en parallèle visant ainsi à développer une relation complémentaire et de coopération. L’objectif premier est de réunir cette séparation (Twigg, 1989). Ce modèle semble intéressant, mais il contient des lacunes. Il comprend l’intérêt de l’aidant et le moral de ce dernier à l’intérieur de ses préoccupations se basant essentiellement sur un motif instrumental (Twigg, 1989). Cette stratégie vise une continuité de l’aide apportée par le proche aidant à la personne dépendante. Les conflits sont alors repoussés o u négociés entre les professionnels de la santé et ces derniers. Le dernier modèle perçoit les proches aidants comme clients secondaires. La signification d’un « client » demeure encore complexe au sein des services sociaux (Twigg, 1989). Il existe cependant une particularité lorsqu’il s’agit d’un accompagnement d’un aîné. Certains proches aidants demeurent volontaires. Ce volontarisme est à la fois une réalité de la vie sociale, et un principe moral reconnus par les organisations dans leurs relations avec eux. Dans le cas d’adulte, ils peuvent être considérés comme l’unité d’intervention. Dans ce modèle, les conflits d’intérêts entre les réseaux sont totalement reconnus. Récemment la 20 Chaire Desjardins en soins infirmiers aux personnes âgées et à la famille a produit un mémoire dans le sens de reconnaître le proche aidant comme client du système de santé et non plus seulement son proche (Ducharme, Lévesque, Bourbonnais, Dubé, Saulnier, 2013). Celle-ci démontre qu’une démarche favorable à l’ouverture d’un dossier client au nom du proche aidant permettrait aux intervenants d’optimiser leurs actions envers la clientèle des proches aidants (Ducharme, Lévesque, Bourbonnais, Dubé, & Saulnier, 2013). Ces paradigmes font référence à l’ensemble des valeurs, des croyances et des représentations, plus ou moins conscientes, orientant la perception de la réalité des professionnels envers les aidants (Lavoie et al., 1998). Ces représentations s’avèrent fondamentales, car elles peuvent influencer les décisions relatives à la mise en place des services et l’élaboration des règles et des normes les sous-tendant (Lavoie et al., 1998). Lavoie et ses collaborateurs (1998) citent en exemples les outils d’évaluation des besoins, les critères d’admission et de priorisation des services. En bref, cette section explique les trois modèles des proches aidants énumérés par Twigg (1989) : personnes ressources, partenaires ou clients secondaires. Ils fournissent des éléments riches apportant une meilleure compréhension de la relation entre le réseau formel et le réseau informel. Nous nous en distinguons quelque peu puisque la spécificité de ce mémoire comprend la description de la qualité du soutien reçu ainsi qu’une brève compréhension de l’influence des interactions entre le proche aidant et le système de santé dans le choix des sources de soutien utilisées. Abordons maintenant le soutien offert aux proches aidants. 2.3. Le soutien offert aux proches aidants Le gouvernement du Québec soutient les besoins des proches aidants dans au moins deux de ces politiques : premièrement, au sein de la première politique québécoise de soutien à domicile Chez soi : le premier choix (MSSS, 2003). Cette politique considère les aidants comme des clients ayant droit à des services, des partenaires dans les soins et des citoyens 21 remplissant leurs obligations. Elle propose une vision des proches aidants comme n’étant pas uniquement des ressources dans le but de favoriser le soutien à domicile des personnes âgées. Deuxièmement, une Politique relative au vieillissement a été adoptée : Vieillir et vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec (MFA & MSSS, 2012). Cette politique montre la nécessité de développer diverses actions, notamment pour soutenir les proches aidants. Cette politique vise, entre autres, à améliorer la reconnaissance, le soutien et l’accompagnement dont ils ont besoin (MFA & MSSS, 2012). Les proches aidants sollicite1nt de temps à autre du soutien afin de répondre à leurs besoins. Par contre, une étude canadienne de Black et ses collaborateurs (2010), réalisée auprès de 398 aidants, indique que 64 % ne bénéficieraient pas d’intervention formelle touchant leur rôle d’aidant. Paquet (2001) appuie cette vision en explicitant les raisons de leurs réticences à utiliser les services offerts. Pourtant, cela ne signifie pas qu’ils ne les nécessitent pas. Nous y reviendrons plus loin. De plus, les professionnels de la santé reconnaissent peu les proches aidants comme clientèle cible et, par conséquent, ils ne cherchent pas à répondre à leurs besoins spécifiques (Ducharme, Lebel, Lachance, & Trudeau, 2006). Ainsi, en dépit des politiques et des écrits scientifiques, les aidants sont encore le plus souvent considérés dans les faits comme des ressources utiles pour les soins à la personne vieillissante (Lavoie et al., 1998) et non comme des personnes ayant ellesmêmes des besoins spécifiques reliés à leur responsabilité d’aide. En pratique, les proches aidants obtiennent également du soutien individuel. La documentation scientifique démontre des résultats significatifs à court terme chez la clientèle des proches aidants lorsqu’il est question d’interventions individuelles ciblées (Ducharme, 2006) comme les thérapies brèves (Antoine, Quandalle, & Christophe, 2010; Ducharme et Trudeau, 2002; Thompson, 1996), la psychothérapie, et une combinaison de plusieurs de ces types d’interventions (Antoine et al., 2010; Ducharme, 2006). Il est en outre possible pour les proches aidants d’obtenir des interventions téléphoniques. Les interventions à long terme, chez les proches aidants, favorisent également des résultats bénéfiques (Ducharme, 2006) surtout lorsque leur expérience d’aidant est vécue comme un fardeau (Sörensen, Pinquart, Habil, & Duberstein, 2002). Le programme d’intervention 22 individuelle de gestion de stress tel qu’élaboré par Ducharme et ses collaborateurs (2006) diminue quelquefois la détresse psychologique vécue par certains aidants (Antoine et al., 2010; Ducharme & Trudeau 2002). Ces divers modèles d’intervention individuelle sont offerts en CLSC ou dans des organisations communautaires. En parallèle, le réseau social informel se constitue des familles de l’aidant et de la personne âgée, des voisins et des amis lesquels contribuent aussi à soutenir les proches aidants pour surmonter différentes épreuves (Ducharme, 2006) liées à leur rôle. Certains proches aidants reçoivent en outre du soutien par leurs participations à différents groupes, lesquels ont fait l’objet d’un plus grand nombre de travaux (Ducharme, 2006). Les programmes de groupes psychoéducatifs sont le plus fréquemment employés auprès des aidants (Ducharme, Trudeau, & Ward, 2005). Ils visent surtout l’enseignement « d’approches permettant aux aidants de mieux gérer les situations stressantes liées à la prise en charge de leur proche » (Ducharme, 2006 : 70). Le second groupe le plus documenté est le groupe de soutien. Celui-ci permet de renseigner les proches aidants sur le problème de santé de leur proche, de connaître les différentes sources de soutien disponibles, mais surtout de pouvoir exprimer leurs émotions et de discuter entre pairs des difficultés rencontrées au quotidien (Ducharme, 2006). Malgré tout cela, les effets bénéfiques sur les proches aidants de ces interventions sont modestes (Sörensen et al., 2002). Un programme psychoéducatif de groupe pour les aidants de personnes démentes vivant à la maison a été évalué par Hébert et ses collaborateurs (2003). D’autres programmes d’interventions de groupe axés sur la gestion du stress ont été évalués par différents auteurs (Acton & Kang, 2001; Zarit, Gaugler, & Jarrott, 1999). En général, ces programmes de groupe donnent des résultats modestes en ce qui concerne l’amélioration du bien-être des proches aidants (Acton & Kang, 2001; Gaugler, & Jarrott, 1999). D’autres limites sont soulevées. Ces programmes sont majoritairement centrés sur les aspects négatifs associés au rôle d’aidant et ne prennent pas en considération les aspects positifs (Carbonneau, Caron, & Desrosiers, 2009). Ces mêmes auteures montrent les possibilités d’améliorer le bien-être des proches aidants par le biais des aspects positifs associés à leur rôle. Leur programme d’éducation au loisir adapté vise, entre autres, le rehaussement de 23 moments de plaisir dans la relation entre le proche aidant et l’aidé âgé, ce qui permet de renforcer la qualité des temps libres ou des visites. Finalement, les proches aidants accèdent également à des services offerts par les entreprises d’économie sociale en aide domestique [EÉSAD] (FCSDSQ, 2016). Selon la FCSDSQ (2016), les EÉSAD se composent de coopératives de services à domicile de même que d’organismes à but non lucratif de services à domicile. Elles offrent des services de SAD plus spécifiquement auprès des personnes âgées. Leurs services proposés sont des services d’entretien ménager : travaux légers et lourds, lessive, préparation de repas, approvisionnement, etc. (FCSDSQ, 2016). Plus encore, les proches aidants ont également accès à des services d’accompagnement le jour, le soir et la nuit; des services de répit et de la présence-surveillance de leur proche. Cette section expose deux politiques mises en place par le gouvernement du Québec afin de soutenir les proches aidants : Chez soi : le premier choix (MSSS, 2003) et la Politique vieillir et vivre ensemble : Chez soi, dans sa communauté, au Québec (MSSS, 2012). Une question demeure : est-ce suffisant? Ces politiques affirment leur volonté de soutenir les proches aidants, ceux-ci demandent de l’aide pour les soutenir, mais des limites persistent en ce qui concerne l’accès, la qualité ou la continuité dans les services. Les interventions individuelles semblent obtenir de meilleurs résultats, selon les indicateurs mesurés. Les programmes de groupes rencontrent quant à eux diverses limites : ils axent trop souvent l’intervention sur les aspects négatifs du rôle d’aidant et leurs résultats, basés sur l’évaluation des effets sur le fardeau, semblent pour le moment plutôt modestes. 2.4. La réticence à l’utilisation des sources de soutien Une variété d’études démontrent que les proches aidants utilisent peu ou tardent à utiliser les services (Brodaty, Thomson, Thompson, & Fine, 2005; Brown & Chen, 2008; Lim 2012; Paquet, 1997). Il s’agit là du phénomène de la « réticence » à l’utilisation des sources de soutien. De nombreux facteurs sont à l’origine de celle-ci et il demeure pertinent de s’y attarder. 24 2.4.1. Les facteurs influençant l’utilisation des sources de soutien Diverses raisons entourent l’utilisation et la non-utilisation des sources de soutien offertes aux proches aidants (Brodaty, Thomson, Thompson, & Fine, 2005; Brown & Chen, 2008; Kosloski, Montgomery & Youngbauer, 2001; Lévesque, Cossette, Potvin & Beenigeri, 2000). La plupart de ces auteurs se sont inspirés grandement du modèle d’Anderson et Newman (1974) qui inclut trois facteurs expliquant l’utilisation des services : 1) les caractéristiques du système de santé; 2) des changements dans la technologie médicale et des normes sociales relatives à la définition et le traitement de la maladie et 3) les déterminants individuels de l’utilisation modifié par Bass et Noelker (1987). Ce modèle est construit sur l’élaboration des quatre facteurs suivants : 1) facteurs prédisposants, 2) facteurs de risque, 3) facteurs liés à l’aidant, 4) facteurs liés à l’aidé. Abordons les facteurs de Bass et Noelker (1987). Les facteurs prédisposants sont l’ensemble des caractéristiques sociodémographiques et identitaires d’un individu : son âge, son sexe, son niveau de scolarité, etc. À titre d’exemple, l’étude de Kosloski et ses collaborateurs (2001) effectuée auprès de 458 proches aidants d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer démontre que les aidants plus scolarisés utilisent davantage les services. Les facteurs de risques se composent, entre autres, du réseau social du proche aidant et des services qui leurs sont offerts. Par exemples, un réseau social absent ou inexistant et des services ne correspondant pas aux besoins immédiats de l’aidant font en sortent qu’il sera à risque de ne pas utiliser les services. Toutefois, des études démontrent que lorsque le soutien informel est suffisant, ils n’utilisent pas les services (Kosloski, et al., 2001; Paquet, 1997). Pourtant, l’étude de Lévesque et ses collaborateurs (2000) illustre qu’un imposant réseau informel offre la possibilité aux aidants de mieux connaître les services et d’ainsi les utiliser. Les facteurs liés à l’aidant proviennent de leurs conditions physique et psychologique (Bass & Noelker, 1987). Finalement, les facteurs liés à l’aîné concernent le degré d’autonomie, mais également son acceptation des services qui lui sont offerts. Ces différents facteurs influencent l’utilisation des services. Malgré cela, il faut aussi considérer les caractéristiques des services. Celles-ci influenceraient aussi l’utilisation des sources de soutien. L’étude de Bruce et Paterson (2000) illustre que lorsque les aidants effectuent les démarches afin d’obtenir les services, 25 ceux-ci laisseraient tomber plus facilement le processus. De plus, l’étude de Gill et ses collaborateurs (1998) constate que les services les plus souvent utilisés sont dispensés au domicile de la dyade. Cette section relate que différentes recherches s’attardaient à l’utilisation des services de la part des proches aidants (Brodaty, Thomson, Thompson, & Fine, 2005; Brown & Chen, 2008; Kosloski et al., 2001; Lévesque, Cossette, Potvin & Beenigeri, 2000). Un constat demeure : ces derniers n’utilisent pas pleinement les services offerts actuellement. Pourquoi? Des facteurs prédisposant, des facteurs de risque, des facteurs liés à l’aidant et d’autres à l’aidé peuvent influencer l’utilisation, ou non, de la part des proches aidants. 2.5. Les limites des études actuelles Les limites présentes dans les études actuelles sont d’ordre méthodologique. De fait, certaines études présentent dans la recension ont des échantillons non représentatifs de la clientèle donc il est impossible généraliser leurs résultats (Antoine et al., 2010). Les chercheurs établissent peu des critères d’exclusions laissant percevoir les proches aidants comme un groupe homogène (Lévesque, et al., 2000). Pourtant, ils peuvent être des conjoints, des enfants de l’aîné, d’autres membres de la famille, des voisins ou même des amis, faisant d’eux un groupe hétérogène. Apparemment, les études dont s’inspire la recension des écrits manque de représentativité. Ceci demeure une lacune quant à la généralisation des conclusions aux proches aidants « célibataires, séparés, veufs, ni lorsqu’un enfant, un membre de la fratrie ou tout autre proche est l’aidant principal » (Antoine, et al., 2010 : .279). La signification accordée à la situation de prise en charge par ces différents types d’aidant varie. La taille de l’échantillon et l’absence d’un groupe témoin restreigne aussi la portée des résultats obtenus (Carbonneau, Caron, & Desrosiers, 2009). La prochaine considération méthodologique est le lieu de résidence. Incontestablement, il y a une différence entre les proches aidants habitant dans un milieu urbain et un milieu rural 26 (Carbonneau, Caron, & Desrosiers, 2009). De plus, le fait de cohabiter ou non avec l’aîné peut influencer grandement les résultats surtout lorsqu’il est question de fardeau. En guise d’exemple, l’inclusion dans un même échantillon de proches aidants cohabitant ou non avec le proche à accompagner conduit à des variantes dans les résultats obtenus (Paquet, 1990). Une dernière limite des études rendant difficile la généralisation des résultats à d’autres populations abordées ici est le caractère international. Celui-ci apporte, par différentes études, un éclairage précieux. Toutefois, les systèmes de santé et de services sociaux diffèrent d’un pays à l’autre. C’est pourquoi il faut être prudent avant de généraliser des résultats. De ce fait, la comparaison de l’utilisation ou non des services est difficile lorsqu’ils sont payants dans un pays et gratuits dans un autre. 27 Chapitre 3: Le cadre conceptuel 3. L’interactionnisme symbolique comme théorie L’interactionnisme symbolique [IS] provient de la contribution de différents penseurs dont les méthodes et les visions sont divergentes. C’est pourquoi, il existe de nombreuses représentations et définitions de l’IS (Le Breton, 2012). Charon (2009) considère cinq principaux fondateurs de l’IS : Charles Horton Cooley (1864-1929), William Isaac Thomas (1863-1947), Robert Ezra Park (1864-1944), George Herbert Mead (1863-1931) et Herbert Blumer (1900-1987). Attardons-nous aux deux derniers fondateurs. Historiquement, George Herbert Mead, enseignant en philosophie à l’Université de Chicago, a élaboré une théorie du sujet faisant de lui « l’un des pionniers de la psychologie sociale et l’un des inspirateurs de l’interactionnisme » (Le Breton, 2012 : 33). L’IS puise ses racines de la sociologie pragmatique étasunienne (Hewitt & Shulman, 2011) ensuite approfondie et diffusée par Herbert Blumer (1900-1987), un des étudiants de Mead (Charon, 2009). C’est d’ailleurs Blumer qui a utilisé pour la première fois le terme « symbolic interactionism » en 1937 (Le Breton, 2012). Toute théorie introduit une vision du monde, également nourrie par une morale implicite (Le Breton, 2012). La théorie de l’IS est considérée comme l’une des formes de la sociologie dite compréhensive. Ainsi, elle envisage les questions sociales selon la perspective des acteurs et leurs interprétations de celles-ci et étudie ainsi les significations de ces interactions par les acteurs (Le Breton, 2012). L’IS est une perspective importante et unique prenant en considération l’être humain actif dans son environnement. Celui-ci est un organisme interagissant avec les autres et avec soi-même (Charon, 2009). Il est également un être dynamique se définissant par ses interactions sociales. Cette relation entretenue entre l’acteur et son environnement est centrale. Selon les tenants de l’IS, l’acteur ne lui répond pas simplement, mais il va le définir et agir envers lui et l’utiliser (Charon, 2009). C’est l’IS tel que conceptualisé par Blumer qui est utilisé dans ce mémoire. 28 Herbert Blumer (1969) expose trois prémisses à l’IS. Selon la première prémisse, chaque individu ou acteur s’engage dans des actes selon la signification attribuée à ce sur quoi il agit. Ainsi, chaque personne développe sa propre conception des différents objets l’entourant. Cette unicité permet d’élaborer une explication quant aux divergences sur le plan de l’interprétation d’une situation identique d’un individu à l’autre (Le Breton, 2012). Dans l’ouvrage de Blumer Symbolyc Interactionism – Perspective and Method, il est expliqué que la signification peut provenir de deux sources distinctes (Blumer, 1969). Dans un premier temps, elle peut être de nature intrinsèque. Objectivement, cela signifie qu’elle provient de la nature même de l’objet. Par exemple, un être humain demeure un être humain et ne peut pas être autre chose. Dans un deuxième temps, elle provient parfois d’un processus psychique (par exemple, une vache est une vache, non pas autre chose) ou elle résulte d’un processus psychique effectué par l’individu. Blumer (1969) intitule ce processus ainsi « psychical accretion » en précisant que cette expression évoque les éléments suivants : les attitudes, les sentiments, les idées, les motivations ou les souvenirs. Ceux-ci sont accueillis et traités selon l’organisation psychologique de chaque personne. Ainsi, cela explique pourquoi une personne va concevoir sa propre vision d’une même réalité pouvant se révéler différente pour d’autres (Le Breton, 2012). Par exemple, la vache sera perçue différemment selon l’individu. Elle peut paraitre de grande taille aux yeux d’un enfant de six ans tandis qu’elle sera perçue de taille petite pour un adulte ou une menace pour celui la craignant. Selon la seconde prémisse, la signification attribuée à un objet par une personne provient des interactions sociales. Elle est, dans ce sens, un produit social. En somme, les acteurs adoptent des comportements sans être totalement libres, ni totalement conditionnés, c’est-àdire qu’ils sont dotés d’une capacité réflexive et ceux-ci demeurent libres de leurs décisions tout en étant influencés par l’environnement dans lequel ils vivent (Le Breton, 2012). En conséquence, un même objet peut changer de signification pour une personne au long de son existence selon le rapport qu’il entretient avec cet objet et selon ses interactions avec d’autres gens. 29 Finalement, selon la dernière prémisse de l’IS, les significations sont modelées et modifiées tout au long de la vie en fonction du cheminement des individus, par l’intermédiaire d’un processus interprétatif (Blumer, 1969). Selon Blumer (1969), ce processus interprétatif se réalise en deux étapes. Dans un premier temps, la personne est située par rapport à l’objet. Elle s’identifie aux significations de ce dernier. C’est à ce moment qu’un individu devient un acteur en interaction avec lui-même selon un processus social d’intériorisation. Finalement, la personne effectue différentes opérations (sélection, vérification, regroupement, transformation, etc.) dans le but de transformer la signification de l’objet selon le contexte dans lequel celui-ci se trouve tout en suivant la trajectoire qu’il souhaite donner à son action. L’IS a fait l’objet de plusieurs interprétations. Toutefois, six principes fondamentaux subsistent : 1) l’action individuelle des acteurs émerge des processus sociaux; 2) les symboles sont primordiaux, car ils produisissent les sens; 3) l’individu a pour référent sa propre personne; 4) les interactions structurent l’identité des personnes; 5) l’être humain est en mesure de se substituer à autrui; 6) la société et la culture structurent les comportements individuels. Revenons sur chacun. L’action individuelle des acteurs provient de l’émergence des processus sociaux. Il s’agit d’un principe fondamental de l’IS. Selon Hewitt et Shulman (2011), elle ne s’explique pas uniquement par les efforts individuels. L’IS s’intéresse à l’interaction et non à la personnalité, à la société ou l’influence des autres. Par exemple, les acteurs interagissent avec leur environnement sans toutefois être déterminés par celui-ci. L’humain est considéré comme un être dynamique (Charon, 2009) influencé par son environnement autant qu’il l’influence lui-même. Les symboles sont primordiaux, car ils produisent les sens. Grâce à ceux-ci, l’être humain ne demeure pas passif à une réalité s’imposant à lui; il crée et recrée plutôt activement le monde dans lequel il agit (Charon, 2009). Le sens donné par l’acteur à son environnement est découvert par l’analyse de ses intentions, de ses actions réalisées ou non qu’elles soient 30 verbales ou non (Hewitt & Shulman, 2011) par l’entremise des significations qu’il accordera aux choses, qui deviendront alors des symboles. L’individu se réfère à sa propre personne. En d’autres termes, il est à la fois l’objet et le sujet de sa propre expérience vécue. Il considère ses émotions, ses intérêts et son image de lui-même avant d’entreprendre des actions (Hewitt & Shulman, 2011). Puis, les interactions structurent l’identité des personnes. Selon Charon (2009), l’identité résulte d’une négociation avec l’autre personne à travers un processus d’étiquetage et de partage de ces mêmes étiquettes. L’être humain est en mesure de se substituer à autrui. Cette faculté fondamentale accompagne chaque personne dans chacune de ses communications avec les autres. Celle-ci adapte ses comportements selon les agissements et les pensées des autres dans une situation donnée (Charon, 2009). C’est pourquoi la société et la culture structurent les comportements individuels et ce sont également des produits à l’origine de ces mêmes comportements (Hewitt & Shulman, 2011). Par exemple, les individus s’assignent un rôle qu’ils croient correspondre à l’interprétation de l’intention cachée derrière les gestes des autres acteurs (Blumer, 1969). Ainsi, il observe que l’activité sociale des personnes dans une société provient de l’expression des actions élaborées par elles aux travers de leur interprétation des situations dans lesquelles elles se retrouvent (Blumer, 1969). D’où la pertinence du courant interactionniste dans l’orientation théorique de la présente recherche. 3.1. L’interactionnisme symbolique appliqué à la situation des proches aidants d’aînés atteints d’un trouble de l’humeur L’IS postule que les personnes construisent de manière active un monde de symboles et de significations collectives. Ces symboles fournissent des significations et ils influencent les expériences vécues, les comportements et les interactions quotidiennes (Charon 2009). L’IS selon l’approche de Blumer se caractérise par une interprétation subjective des symboles. Dans le cadre de ce mémoire, trois concepts de l’IS seront plus spécifiquement développés : l’identité, les rôles, et le contexte. Abordons-les respectivement. 31 La question de l’identité émerge du lien social qui, partiellement ou en totalité, contribue à la construction, à la déconstruction, à la reconstruction ou au maintien de ce qui définit l’existence d’une personne dans son univers social. C’est pourquoi Chauchat (1999) situe l’identité comme étant le fondement social de l’individu en exposant qu’elle est également liée à la société dans laquelle il appartient. Selon cette auteure, l’identité situe d’une certaine façon l’individu par rapport à son environnement en accordant une importance distinctive à la place qu’il aura par rapport aux autres personnes. Plus précisément, l’identité du sujet constitue son existence dans l’environnement social. C’est ce qui régularise la pensée d’agir et de penser du sujet. En complémentarité, Charon (2009) expose sa vision de l’identité : « Social interaction is the context within which identities are created, recognized, negociated, and lost. Everyone in an instance of interaction presents his or her own identities, defines what others are presenting, and forms his or her actions accordingly » (p.148). Autrement dit, selon l’approche de l’IS, l’identité est un processus dont l’importance se joue sur le plan de l’échange social. Vézina et Pelletier (2009) présentent une vision similaire de ce concept. Selon ces auteurs, l’identité d’une personne émerge et se transforme via des interactions, des habitudes, des valeurs et des compétences quotidiennes (identité biographique) de même que par les différents rôles joués tant sur les plans familial, professionnel et social (identité sociale) au travers des groupes au sein desquels celle-ci a développé un lien d’appartenance s’y rattachant collectivement (Vézina & Pelletier, 2009). Tant les propos de Charon (2009) que ceux de Vézina et son collaborateur (2009) postulent que l’identité personnelle se fonde majoritairement sur la conception qu’on les autres d’un individu donné. Dans cette recherche, les professionnels de la santé conviennent qu’une personne est aidante puisqu’elle accompagne un proche. Toutefois, elle n’est pas uniquement une personne fournissant des soins à une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Elle de même que l’aidé possèdent différentes valeurs, habitudes de vie et compétences communes qui doivent être considérées par les professionnels de la santé chaque fois que ceux-ci s’introduisent dans l’univers de cette dyade. Il demeure judicieux qu’ils prennent en 32 considération chacune des identités afin d’optimiser les possibilités d’utilisation des sources de soutien dont ils ont spécifiquement besoin. Pour ce faire, les professionnels de la santé doivent mieux comprendre les symboles et leurs significations, associés autant au rôle d’aidant qu’à celui d’aidé. En définitive, l’identité, selon l’IS, examine donc la question de l’identité dans une double perspective : d’une part l’interaction et de l’autre côté la socialisation. Tel que mentionné auparavant, les proches aidants sont au cœur de la réalisation de cette recherche. Ceux-ci interagissent auprès d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur nécessitant leur assistance. Il est ici question du rôle. Le rôle se définit brièvement comme l'ensemble des comportements espérés chez les individus occupant une position quelconque dans un groupe (Charon, 2009). Le proche aidant joue régulièrement, entre autres, les rôles de médiateurs et de protecteurs auprès d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Ces rôles seront joués à divers degrés selon les circonstances et les choix qu’il aura à faire tout au long de sa trajectoire. Pour la personne âgée atteinte de trouble de l’humeur, du point de vue de la société, elle apparaît parfois comme la personne ayant un trouble de santé mentale dont les humeurs peuvent varier drastiquement. Certains professionnels de la santé vont interagir différemment auprès d’elle. Dans certain cas, cela fragilisera leur perception d’elle et ils se réfèreront davantage à l’aidant. Tout au long de sa vie, un individu adoptera différents rôles (carrière objective) liés à des activités de même qu’à des responsabilités (Hewitt & Shulman, 2011). Cela entraîne l’émergence d’un parcours subjectif, c’est-à-dire que l’individu exposera sa propre signification donnée à ces rôles (Hewitt & Shulman, 2011). Ici, les acteurs adoptent le rôle de proche aidant accompagnant un aîné atteint d’un trouble de l’humeur puisqu’il nécessite de l’assistance (Piercy & Chapman, 2001). Au quotidien, ils développeront une expertise de cet accompagnement. Ils s’attendront à une reconnaissance de leur apport auprès des professionnels de la santé. Dans certains cas, l’acteur peut se voir réduire son autonomie par l’imposition de son statut (Strauss, 1992). Pour les proches aidants, cela se reflète parfois dans la « normalisation » de prendre soin d’un proche parent ou d’un conjoint. Par conséquent, tel que le mentionne Blumer (1969), l’implication des acteurs demeure 33 variable. C’est également le cas des proches aidants. Ils s’impliquent à différents degrés dans la prestation des soins offerts à leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur. De l’autre côté, celui-ci possède également l’expertise de sa maladie. Pourtant, elle ne semble pas toujours considérée. Ces rôles permettront aux acteurs d’interagir auprès du réseau formel. L’identité et les rôles s’influencent grandement par le contexte dans lequel ils se réaliseront entre les différents acteurs en cause (Ross, Rosenthal, et Dawson, 1997). Selon Blumer, le contexte encadre l’action, mais il ne détermine pas les comportements (Blumer, 1969). En guise d’exemple, le proche aidant s’implique dans une situation d’accompagnement à son domicile. Certains comportements adoptés dans ce lieu seront différents de ceux vécus à l’intérieur du système de santé et de services sociaux. En effet, le domicile demeure une zone de confort tant pour l’aidant que la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Le contexte demeure une figure symbolique de l’espace dans lequel les acteurs réalisent leurs actions (Le Breton, 2012). Ces interactions peuvent être très variables d’un contexte à l’autre. À titre d’exemple, le proche aidant demeure davantage sur ses gardes à domicile de crainte du jugement des professionnels de la santé, mais il peut également éprouver de la réticence à l’acceptation de l’aide par crainte de ne pas se sentir à la hauteur de l’accompagnement de son proche. Dès lors, les proches aidants peuvent aussi accepter en utilisant des normes qui seront déviées de leurs valeurs personnelles (Blumer, 1969). L’action individuelle des acteurs émerge des processus sociaux. Il s’agit d’un principe fondamental de l’IS. Selon Hewitt et Shulman (2011), elle ne s’explique pas uniquement des efforts individuels. L’IS s’intéresse à l’interaction et non à la personnalité, à la société ou l’influence des autres. Par exemple, les acteurs interagissent avec leur environnement sans toutefois être déterminés par celui-ci. L’humain est considéré comme un être dynamique (Charon, 2009) qui est influencé par son environnement autant qu’il l’influence lui-même. L’IS accorde de l’importance aux processus des échanges sociaux. Tout comme Blumer (1969), le proche aidant n’est pas uniquement influencé par son environnement, mais celui-ci aussi l’influence. Les actions individuelles des proches aidants auront un impact sur leur milieu de vie et cela va se refléter également dans la prestation des soins de 34 l’aîné atteint d’un trouble de l’humeur. Néanmoins, les interactions ne sont pas uniquement verbales, mais elle implique également, selon Le Breton (2012), une symbolique corporelle. Celles-ci se composent de mimiques, de gestes, de postures, d’une distance physique dont l’interprétation diverge selon l’interprétation qu’en feront les acteurs impliqués. Les gestuelles utilisées par les professionnels de la santé moduleront les actions des proches aidants et vice versa. En définitive, l’IS examine les circonstances par lesquelles l’individu modifie son rapport avec le monde et voit son identité être transformée par le passage d’un statut à un autre (Le Breton, 2012). La compréhension de ce rôle, de ces interactions et des processus des échanges sociaux dans la perspective de l’IS pourrait servir à mieux cibler les interactions vécues par les proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur et des impacts quant aux choix des sources de soutien. Cela peut bonifier les interventions auprès de cette clientèle et remettre en question le mode de fonctionnement des services actuellement offerts. 35 Chapitre 4 : La méthodologie 4. Les visées, le but et les questions spécifiques de l’étude Cette recherche traite de la réalité des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Elle comporte deux visées : 1) explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions afin de les aider à cheminer tout au long de leur parcours d’aidant; et 2) explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. En outre, le but de l’étude est de répondre à la question suivante : comment l’interaction des proches aidants d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur avec le système de santé contribue-t-elle à l’utilisation des sources de soutien? Afin d’y répondre, quatre questions spécifiques ont été élaborées à partir du cadre conceptuel de l’interactionnisme symbolique. À cette fin, elles ciblent deux principaux thèmes : les sources de soutien du proche aidant et l’accompagnement d’un aîné atteint d’un trouble de l’humeur à domicile. Le premier thème se compose de trois questions : 1) comment les interactions entre l’aidant, l’aidé et le système de santé influencent-elles le choix des sources de soutien?, 2) comment les sources de soutien répondent-elles aux besoins des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur? et 3) quels sont les motifs de l’utilisation ou de la non-utilisation des sources de soutien? Finalement, le deuxième thème est abordé à travers la question suivante : dans quelle mesure le proche aidant est-il impliqué dans la dispensation des soins relatifs au trouble de l’humeur de son proche âgé? 4.1. Le type de recherche : exploratoire Le devis de cette recherche propose une approche exploratoire (Creswell, 2014). Elle est dite exploratoire, car elle fournit des renseignements descriptifs par rapport à un phénomène peu étudié (Rubbin & Babbie, 2013). Effectivement, cette recherche vise, tel qu’indiqué dans la section précédente, à explorer les sources de soutien mises à la disposition des aidants et à explorer les répercussions des interactions entre le proche 36 aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. L’approche choisie cadre avec le scénario de Padgett (2008) consistant à saisir l’expérience vécue du point de vue des personnes concernées. Conséquemment, la façon d’explorer cette expérience puisera ses racines du paradigme constructivisme. Celui-ci permet au chercheur d’étudier un problème social à partir de la subjectivité individuelle des participants de son étude (Keuchyan, 2007). La principale préoccupation reliée à cette recherche est d’explorer la réalité des proches aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur afin de produire des connaissances provenant de leurs vécus et expériences et cela, dans un processus interactif entre l’étudiante chercheuse et les participants. 4.2. L’approche privilégiée : qualitative Cette recherche privilégie l’approche qualitative. Trois raisons ont motivé le choix de cette approche : les buts de la recherche, le cadre théorique de l’interactionnisme symbolique et la structure de cette recherche. La première raison de l’utilisation de l’approche qualitative provient des buts orientant cette recherche qui sont premièrement de décrire la perception des proches aidants de la qualité du soutien reçu lors d’un accompagnement à domicile d’une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur; et deuxièmement, de comprendre l’influence des interactions entre le proche aidant et le système de santé dans le choix des sources de soutien disponibles. Ainsi, comme ce mémoire a pour intention d’explorer le phénomène de l’accompagnement à domicile des proches aidants auprès des aînés par le biais des interactions, il est judicieux d’utiliser l’approche qualitative. Le cadre théorique de l’IS constitue la seconde raison justifiant le choix de l’approche qualitative. Celle-ci met l’accent, tout comme l’IS, sur le constat de l’existence d’un sens dans les propos des participants à un phénomène choisi (Alami, Desjeux, & Garabuau- 37 Moussaoui, 2013). L’obtention d’une adéquation entre la méthodologie utilisée et le cadre théorique choisi demeure primordiale pour soutenir ce mémoire. La troisième raison concerne le choix de l’échantillon et de la méthode d’analyse des données. L’approche qualitative s’utilise avec de petits échantillons pour analyser un phénomène en profondeur sans ambition de généralisation. Elle vérifie des propositions formulées sous forme de questions au lieu des relations de cause à effet (Paillé & Mucchielli, 2012). Finalement, l’analyse qualitative des données possède davantage de flexibilité et d’induction offrant une interprétation enrichissante et plus ouverte (Rubin & Babbie, 2013). Toutes ces raisons justifient le choix de l’utilisation de l’approche qualitative. 4.3. La population à l’étude La population à l’étude correspond à l’ensemble des proches aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur demeurant à domicile sur les territoires de la Capitale-Nationale et de la Gaspésie. L’intérêt premier de ce mémoire est d’exposer la réalité des proches aidants s’occupant d’une personne âgée. Pour des raisons pratiques et théoriques, la personne âgée est ici considérée comme ayant plus de 65 ans. Le choix des territoires de la Capitale-Nationale et de la Gaspésie provient du fait que ce sont deux régions géographiques du Québec où la population est de plus en plus vieillissante. Effectivement, en 2011, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus se chiffraient à 20,5 % de la population totale (Dubé, 2007). Dans la région de la Capitale-Nationale, en 2010, la proportion de personnes âgées est la plus élevée parmi les grandes régions canadiennes (Ferland, Pageau & Desbiens, 2012). Ces deux raisons soutiennent clairement le choix de s’attarder à ces deux territoires. 38 4.4. L’échantillonnage Cette recherche se base sur une méthode d’échantillonnage par cas multiples. Il s’agit du contraste-approfondissement afin de comparer le matériel empirique en profondeur d’un petit nombre de personnes (Pires, 1997). Cette méthode d’échantillon a permis la sélection d’un nombre restreint de neuf proches aidants accompagnant à domicile un aîné atteint d’un trouble de l’humeur tout en ayant l’opportunité d’approfondir la connaissance de leur trajectoire. Deux techniques d’échantillonnage ont été utilisées dans cette étude : premièrement, l’échantillonnage par critères. Les proches aidants ont en effet été sélectionnés sur la base des certains critères : son aidé doit avoir un diagnostic de dépression ou de trouble bipolaire, il doit demeurer à domicile et être âgé de plus de 65 ans. La durée de la relation unissant l’aidant à l’aidé doit être d’au moins un an, sans quoi une nouvelle relation pourrait influencer les résultats. La seconde technique employée fut la technique d’échantillonnage « boule de neige » a été utile. Elle consiste à recourir à des personnes pouvant référer à leur tour des personnes susceptibles de donner leur consentement à participer à l’étude (Ouellet & Saint-Pierre, 2000). Pour ce faire, l’étudiante chercheuse a collaboré étroitement avec des proches aidants accompagnant des personnes âgées atteintes d’un trouble de l’humeur ainsi que des professionnels de la santé œuvrant auprès des aidants. Ceux-ci demeurent les informateurs clés de ce mémoire. C’est pourquoi le partenariat établi avec les organismes (la Boussole, le Cercle Polaire et l’Appui de la Capitale-Nationale) devenait indispensable à la sélection des participants. La collaboration des intervenants de ces organismes a permis de recruter certains participants à l’étude. 4.5. Procédure de recrutement des participants Tel que mentionné auparavant, les proches aidants ayant participé à cette étude accompagnaient une personne âgée à domicile atteinte d’un trouble de l’humeur. C’est pourquoi l’étudiante chercheuse a contacté la directrice générale de l’organisme communautaire la Boussole, madame Hélène Lévesque, et de la coordonnatrice du Cercle 39 Polaire, madame Marie-Claude Turgeon, afin de les informer de l’étude et d’obtenir leur collaboration pour le recrutement. À la suite de la réception de deux lettres d’appui provenant de ces dernières, des démarches ont été faites auprès du comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval (CERUL). Une fois l’approbation du CERUL obtenue, une publicité a été transmise par courriel aux proches aidants membres de ces deux organismes collaborateurs par l’entremise des intervenants y œuvrant. Cette démarche a été effectuée à trois reprises. De plus, le bouche-à-oreille a permis de recruter suffisamment de participants. Les personnes intéressées à collaborer à cette recherche contactaient directement l’étudiante chercheuse par courriel ou par téléphone afin de planifier un rendez-vous pour une entrevue individuelle. Auparavant, les modalités de la recherche ont été expliquées aux participants potentiels et une vérification des critères d’exclusion a été effectuée. Deux participants n’ont pas été inclus dans la recherche puisque leur proche n’avait pas un diagnostic de dépression ou de trouble bipolaire. Suite à ce premier contact téléphonique, une rencontre a été planifiée selon les préférences des participants concernant le lieu et la date de la rencontre, confirmée la veille de chacun des entretiens. Malgré tous ces efforts, le nombre de proches aidants à l’étude était insuffisant. Il a donc fallu identifier des stratégies optionnelles de recrutement. La première stratégie fut celle d’élargir le bassin géographique de recrutement. Une fois cette démarche acceptée par le CERUL, l’étudiante chercheuse a pu recruter dans la région de la Gaspésie afin de compléter l’échantillon. La seconde stratégie fut celle d’identifier une autre organisation susceptible d’aider au recrutement. Madame Isabelle Daigle, conseillère aux proches aidants à l’Appui de la CapitaleNationale, a accepté de collaborer au recrutement. Une affiche publicitaire a été publiée sur la page web de cet organisme. Toutes ces stratégies ont permis d’obtenir finalement la collaboration de neuf participants à cette étude. 4.6. Les considérations éthiques Ce mémoire respecte toutes les considérations éthiques essentielles à la réalisation d’une étude. Dans un premier temps, l’étudiante chercheuse a obtenu deux certificats 40 d’approbation éthique (#2013-193; #2013-193 A-2 R-1) émis par le CERUL. Ainsi, elle s’est assurée de respecter toutes les règles relatives à la recherche. Deuxièmement, l’étudiante chercheuse a obtenu le consentement libre et éclairé de tous les participants à l’étude. Pour ce faire, elle obtenait, lors du premier contact téléphonique, un consentement verbal à la participation à une entrevue individuelle enregistrée. Enfin, lors de la rencontre individuelle, un formulaire de consentement a été lu, expliqué et signé par les participants en début d’entrevue. Conséquemment, elle les avisait qu’ils pouvaient se retirer en tout temps de l’étude. Dans un troisième temps, l’étudiante chercheuse était consciente de l’existence de faibles risques liés à cette participation. C’est pourquoi, en fin de rencontre, une liste des ressources pour les proches aidants leur était transmise afin de pallier aux possibles risques psychologiques reliés à leur participation. Puis, la quatrième considération éthique consiste à la confidentialité des renseignements obtenus. Dans le cadre de cette recherche, ceux-ci demeurent et demeureront confidentiels, c’est-à-dire que leurs utilisations se sont faites uniquement dans le cadre de cette recherche et tous les documents ont été anonymisés. En résumé, tous les documents (formulaire de consentements, questionnaires sociodémographiques, etc.) recueillis dans le cadre de ce mémoire sont conservés dans un classeur sous clés au domicile de l’étudiante. Celle-ci utilise également un mot de passe unique afin d’éviter que quiconque n’ait accès aux données informatiques liées à cette recherche. 4.7. Les procédures de collecte des données La première procédure de collecte des données a consisté en la réalisation d’entrevues semi-dirigées. Dans le contexte de ce mémoire, l’entrevue semi-dirigée consiste en des interactions verbales animées avec souplesse de la part de l’étudiante chercheuse. Celle-ci s’est laissé guider par le rythme des participants afin d’aborder, sur un mode de 41 conversation, les thèmes généraux à explorer (Savoie-Zajc, 2009). Les entrevues ont duré entre 60 et 90 minutes puisque le type d’échantillon sélectionné, tel que mentionné auparavant, est le contraste-approfondissement. En définitive, un guide d’entrevue, présenté en annexe 1, a été produit afin de faciliter la réalisation de chacune des entrevues. Il est à noter que dans une perspective inductive, les guides d’entrevues ont été adaptés en fonction du participant, de sorte que d’autres sous-questions ont parfois été posées. La seconde procédure de collecte des données est un questionnaire sociodémographique, apparaissant en annexe 2. Il a été rempli par tous les participants après l’entrevue. Celui-ci a permis de recueillir des renseignements d’ordre sociodémographique : l’âge, l’état matrimonial, l’occupation, le revenu et des informations permettant de mieux cibler le lien avec l’aidé. Il a permis de dresser le profil des participantes de la recherche afin de mieux contextualiser et interpréter les données recueillies lors de l’entrevue. 4.8. Les stratégies favorisant l’expression des participants Le succès de cette recherche qualitative repose sur la capacité de l’étudiante chercheuse à établir une relation empreinte d’humanité dans le plus grand respect d’autrui au moment des entrevues semi-dirigées. Pour ce faire, elle a utilisé des stratégies favorisant l’expression de soi auprès des participants se traduisant par des compétences techniques, relationnelles et professionnelles. Abordons-les. 4.8.1. Les compétences techniques Les compétences techniques se traduisent par les techniques de communication afin que l’échange demeure concis et sans ambigüité (St-Arnaud, 2003). Afin de communiquer le plus simplement possible, l’étudiante chercheuse a évité, autant que possible, d’utiliser des termes techniques afin que l’échange puisse ressembler à une discussion conviviale. À titre d’exemple, elle a préféré se référer au terme « difficulté » plutôt que « fardeau » afin de ne pas accentuer les aspects négatifs se rattachant à la trajectoire du proche aidant. 42 4.8.2. Les compétences relationnelles Comme l’indique St-Arnaud (2003), les compétences affectives se développent via des compétences techniques permettant au chercheur de construire des contacts humains auprès de ses interlocuteurs. Dans le cadre de cette recherche, l’étudiante chercheuse a fait preuve d’empathie et de respect par ses gestes et ses attitudes. Ainsi, elle a été attentive au contenu, elle a respecté le rythme des participants et a soutenu un contact visuel auprès de chacun des proches aidants. Elle a également fait preuve de reconnaissance en les remerciant chaleureusement avec une poignée de main comprenant ainsi que leur temps accordé est précieux. Elle a également utilisé des techniques favorisant l’écoute empathique de même que la compréhension de l’autre (DeVito, Chassé & Vezeau, 2001). 4.8.3. Les compétences professionnelles Les habilités qu’ont les chercheurs à structurer leur recherche correspondent aux compétences professionnelles. Au quotidien, elles se traduisent dans le vécu de l’étudiante chercheuse puisque cette dernière intervient déjà auprès de la clientèle des proches aidants d’aînés autre que les organisations sélectionnées dans le cadre de cette recherche. Par conséquent, elle savait qu’il faut se présenter à l’heure à une rencontre auprès de cette clientèle. De plus, elle savait à quel point, avant chacune des entrevues, celle-ci devait être préparée afin d’être à l’aise et d’établir une présence soutenue tout au long de l’entrevue. Finalement, elle était consciente des difficultés vécues par cette clientèle et elle était en mesure d’intervenir auprès d’elle le cas échéant. 4.9. Procédure de l’analyse des données L’interprétation et l’analyse des données recueillies lors des entrevues individuelles se font dans la perspective de la théorisation ancrée. Cette section aborde, l’analyse qualitative selon le processus de la théorisation ancrée ainsi que les procédures spécifiques de codage qui lui sont associées, soit les codages ouvert, axial et sélectif ainsi que le codage du processus. Elle aborde également la validation interjuges. 43 4.9.1. Le processus de la théorisation ancrée La méthode d’analyse des données utilisée dans ce mémoire s’inspire de la théorisation ancrée développée à l’origine par Glaser et Strass (1967). Selon Strauss et Corbin (2004), cette méthodologie vise la recherche de compréhensions nouvelles et fournit au chercheur un ensemble de méthodes permettant de construire une théorie enracinée et pertinente. Le terme « théorie enracinée » réfère à une « théorie qui dérive des données systématiquement récoltées et analysées à travers le processus de recherche » (Strauss & Corbin, 2004, p. 30). La théorisation ancrée est un processus analytique composé de six étapes (annexe 3) : la codification, la catégorisation, la mise en relation des catégories, l’intégration, la modélisation et la théorisation (Strauss 1987 cité dans Dionne, 2009). Cette stratégie d’enquête, contrairement aux méthodes traditionnelles, se construit et se valide par la comparaison constante entre la réalité observée et l’analyse en émergence. Comme le mentionne Creswell (2014), ceux s’engageant dans cette forme d’enquête soutiennent une façon de voir les recherches abordant un style inductif, tout en mettant l’accent sur le sens individuel, et l’importance compte-rendu de la complexité de la situation. Dans la théorisation ancrée, même si l’objectif consiste à développer une théorie, cela ne devrait pas être le but de chaque projet de recherche (Strauss & Corbin, 2004). 4.9.2. Les procédures de codage La présente section décrit les procédures de codage présentées dans l’ouvrage de Strauss et Corbin (2004), soit le codage ouvert, le codage axial et le codage sélectif. Ces procédures ont été utilisées dans le cadre de l’analyse de ce mémoire. 4.9.2.1. Le codage ouvert Le codage ouvert est un processus par lequel les concepts sont identifiés et par lequel les propriétés et leurs dimensions sont découvertes dans les données. La première étape de ce codage est la conceptualisation. Lors de celle-ci, des mots ou des expressions sont tirés textuellement en analysant ligne par ligne la transcription du discours des participants (Luckerhoff & Guillemette, 2012). Après la conceptualisation, la deuxième étape est la 44 découverte des catégories, c’est-à-dire grouper les concepts sous des termes explicatifs plus abstraits. Les catégories plus larges sont décortiquées en sous-catégories. Finalement, des mémos, c’est-à-dire des réflexions et des interprétations du chercheur, sont rédigés au fur et à mesure de la codification ouverte. Dans le cadre de ce mémoire, l’étudiante chercheuse a passé en revue chacun des entretiens verbatim. Par la suite, elle a analysé ligne par ligne afin de sortir les éléments pertinents provenant textuellement des proches aidants. 4.9.2.2. Le codage axial La codification axiale consiste à la découverte de thèmes centraux apparaissant dans les données. Ces thèmes couvrent le phénomène étudié et identifient les différents concepts intégrant le sens repéré dans les segments (Dionne, 2009). L’étudiante chercheuse a regroupé des segments entre eux en fonction de la première catégorisation. Selon Strauss et Corbin (2004), le codage axial est le « processus de mise en rapport des catégories avec leurs sous-catégories, appelées « axial » parce que le codage se produit autour de l’axe d’une catégorie, liant ainsi les catégories en fonction de leurs propriétés et de leurs dimensions » (p. 157). C’est dans cette optique que les relations entre les divers 'axes' des catégories interprétatives émergent en termes de conditions causales, de contextes, de conditions intermédiaires et de stratégies (Dionne, 2009; Strauss & Corbin, 2004). Dans le cadre de cette recherche, l’étudiante chercheuse a effectué le codage axial en suivant la démarche rigoureuse de Strauss et Corbin (2004) en réalisant les étapes suivantes : 1) un exposé des propriétés et des dimensions des différentes catégories; 2) un exposé des propriétés, des interactions/actions et des conséquences en lien avec le phénomène à l’étude; 3) une mise en relation d’une catégorie avec des sous-catégories en précisant les liens entre elles 4) la catégorie doit avoir un nom suffisamment abstrait; 5) par son analyse, la catégorie centrale doit faire augmenter le pouvoir explicatif et la profondeur de la théorie; et enfin 6) la catégorie doit pouvoir expliquer les variations, c’est-à-dire que l’explication doit tenir même lorsque les conditions du phénomène varient. 45 4.9.2.3. Le codage sélectif La troisième étape était la mise en relation des catégories. En d’autres termes, il s’agit de ressortir judicieusement le processus dans lequel prend place le phénomène à l’étude (Éthier, Garon, & Boire-Lavigne, 2015). Cela signifie que les codes des deux premières étapes sont mis en relation afin de développer des codes conceptuels émergents. Il s’agit alors d’un processus de hiérarchisation concernant les différentes catégories développées et de leur donner un ordre d’importance (Dionne, 2009) dont le but est l’émergence d’une catégorie centrale (Éthier, Garon, & Boire-Lavigne, 2015). Pour ce faire, Strauss et Corbin (2004) ont sélectionné six critères afin de la cibler : 1) la catégorie centrale se connecte à toutes les autres catégories; 2) la catégorie centrale doit être présente fréquemment dans les données; 3) la mise en relation des catégories à la catégorie centrale est une suite logique, cohérente et harmonieuse; 4) la catégorie possède un nom plutôt abstrait; 5) l’analyse de la catégorie centrale augmente la possibilité d’expliquer l’émergence de la théorie et sa profondeur; et en définitive 6) la catégorie centrale explique les variations en tenant compte que diverses conditions amènent des variations au phénomène à l’étude. Ces codages ont été effectués dans le cadre de ce mémoire. 4.9.3. Validation interjuges L’étudiante chercheuse est une travailleuse sociale œuvrant depuis près de trois ans auprès de la clientèle des proches aidants d’aînés au SABV. C’est pourquoi une validation interjuges avec sa directrice de mémoire, madame Sophie Éthier, a été faite avec une partie des données afin de prévenir et de limiter sa subjectivité. De plus, les résultats ont été comparés avec ceux de recherches antérieures. 46 Chapitre 5 : Présentations des résultats Ce chapitre contient l’interprétation et la construction des connaissances acquises de l’étudiante chercheuse à la suite de la réalisation des neuf entrevues semi-dirigées qui se sont déroulées auprès de la clientèle des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Ainsi, il sera question du profil sociodémographique des participants, des résultats obtenus à la suite de l’analyse de contenu et de l’interprétation des catégories par l’utilisation de la théorisation ancrée selon Strauss et Corbin (2004). 5.1 Le profil sociodémographique des participants Bien que cette recherche n’ait pas comme objectif d’obtenir un échantillon représentatif de la population à l’étude en raison des choix méthodologiques et épistémologiques de l’étudiante chercheuse, il s’avère judicieux d’exposer certaines particularités sociodémographiques des participants de même que de la personne âgée qu’ils accompagnent. Le portrait complet des participants est présenté en annexe 4. Toutefois, nous aborderons brièvement ici quelques caractéristiques des participants à l’étude. Les participants ayant collaboré à l’étude représentent un échantillon plutôt hétérogène du point de vue de leur profil sociodémographique. Premièrement, l’échantillon est constitué majoritairement de femmes (huit femmes et un homme). Au moment des entrevues, l’âge moyen des participants à l’étude se situait à 63 ans, variant de 49 à 74 ans. Concernant leur lieu de résidence géographique, cinq participants provenaient de la région de la CapitaleNationale et quatre de la région de la Gaspésie. La majorité des participants, soit sept, demeurent avec la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur dont ils s’occupent. Six aidants prodiguent des soins à leur parent, deux à leur conjoint et le dernier s’occupe de son frère. Seulement trois aidants travaillaient encore à temps plein. Six considèrent s’occuper de leur conjoint 24 heures sur 24. Finalement, en ce qui concerne la scolarité des proches aidants, cela varie du niveau secondaire à universitaire. Abordons maintenant les principales caractéristiques de leurs aidés. 47 Certaines caractéristiques des personnes âgées atteintes d’un trouble de l’humeur ressortent. Au moment de la réalisation des entrevues, l’âge moyen des aînés s’élevait à 83 ans, variant de 65 à 96 ans. Parmi eux, cinq femmes et quatre hommes. Formellement, ils possédaient tous, au moment des entrevues semi-dirigées, un diagnostic de trouble de l’humeur confirmé par leur proche aidant. Trois ont un diagnostic de trouble bipolaire, les six autres aînés sont atteints d’un trouble dépressif. Le diagnostic de ces personnes a été établi par leur médecin de famille. Les diagnostics de dépression sont généralement récents, variant entre 12 et 24 mois. Toutefois, ce n’est pas le cas pour les trois hommes atteints d’un trouble bipolaire puisqu’ils sont atteints depuis 20 ans, 11 ans et 10 ans. Ceux-ci ont également une particularité commune : les trois ont vécu une intolérance quant à la prise de lithium sur le long terme. Ce bref portait des participants permettra de mieux situer dans leur contexte les résultats qui suivent. 5.2. La trajectoire de proche aidant accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. D’entrée de jeu, avant d’aborder le thème central de ce mémoire, c’est-à-dire l’influence des interactions avec les professionnels de la santé dans le choix d’utiliser les sources de soutien, les participants de cette étude se sont exprimés sur leur trajectoire de proche aidant. Celle-ci comprend les divers identités et rôles du proche aidant, le phénomène du prendre soin et les sources de soutien qu’ils utilisent afin de maintenir une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur à domicile. 5.2.1. Les identités et les rôles du proche aidant Comme il a été mentionné dans le cadre théorique, les proches aidants possèdent différentes identités et une variété de rôles à jouer dans leur quotidien. Ils sont à la fois conjoints, amis, parents, travailleurs, etc. Les données démontrent que les participants de cette recherche ne font pas exception à la règle. En guise d’exemples, quatre proches aidants sont travailleurs, six sont en relation conjugale, six sont également parents et grands-parents, cinq sont 48 enfants de leur proche, etc. Pourtant, malgré la diversité des identités qu’ils cumulent, les participants de cette étude privilégient généralement les diverses demandes de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur au détriment de leurs propres besoins ou ceux exprimés par les membres de leur famille. Leur rôle de proche aidant prédomine donc sur les différentes facettes de leur vie et les autres rôles qu’ils endossent par ailleurs. Comme le mentionne une participante, elle manque fréquemment des événements familiaux et des sorties avec son entourage afin de maintenir sa mère à domicile : J’passe mon temps qu’à soutenir ma mère sinon elle ne vivrait plus à domicile ça c’est certain. Je n’en reviens pas que ma propre fille m’a dit qu’elle n’avait plus de mère à cause d’elle. C’est vrai que j’manque plusieurs événements dans sa vie. J’manque de temps tout simplement pour moi. (Madame Leclerc1) Cet exemple, parmi tant d’autres, démontre l’enracinement de l’identité du proche aidant. Celle-ci bouscule fréquemment les autres sphères de vie tant sur les plans social, familial que professionnel, devenant pour plusieurs une « carrière » à temps complet. Toutefois, ce dévouement se fait, pour les participants de cette étude, naturellement. C’est pourquoi, certains ont pris uniquement conscience de leur rôle par les interactions qu’ils ont développées auprès des professionnels de la santé. En voici un exemple : (…) Mon rôle de proche aidante (…) C’est drôle hein, au départ, j’me voyais pas comme ça (…) aidante. C’est mon médecin de famille qui m’a parlé de ça. J’trouvais ça bizarre qu’on donne un terme à ça, s’occuper d’un membre de sa famille. (Madame Chabot) Ceci illustre bien que cette participante normalise l’accompagnement lorsqu’il s’agit d’un membre de sa famille. Cette normalisation du rôle d’aidant n’est pas sans conséquence. Non seulement celle-ci devient un frein à la reconnaissance de leur rôle, mais cela à des répercussions sur l’utilisation des sources de soutien : Bien (…) quand t’vois pas que t’es aidante, tu ne comprends pas que des services pour toi bien (…) ils existent. J’savais pas que j’avais le droit à des 1 Les noms cités dans le texte sont fictifs. Ils contribuent à l’humanisation des propos émis. 49 services pour soutenir ma mère. Avoir su ce que j’étais avant, je l’aurai eu plus facile j’pense bien. (Madame Beaudin) En revanche, d’autres participants de l’étude se considéraient d’emblée comme proche aidant. Effectivement, ils avaient pris conscience de leurs rôles et de leurs implications. Leur réalité de proches aidants est étroitement liée à la prestation de soin des AVD et AVQ de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Certains participants se disent proches aidants en raison de l’accompagnement et de la surveillance qu’ils effectuent quotidiennement auprès de cette dernière. Ils mentionnent, entre autres, qu’ils la soutiennent psychologiquement tout en répondant à ses besoins. Ils font également preuve de compassion envers le trouble de l’humeur vécu par celle-ci. En voici un exemple : Je dirai que ça se définit par la présence. (…) c’est d’être là finalement quand il y a un besoin quelconque pis d’agir en conséquence. C’est de tenter de comprendre sa maladie et d’accepter qu’il y ait des fluctuations d’humeur et que ce ne soit pas de la faute de la personne… c’est la maladie qui fait ça! (Madame Boutin) En somme, plusieurs aidants se définissent à partir de ce qu’ils font, soit les tâches qu’ils accomplissent. D’autres aidants, cependant, abordent leur rôle comme étant une responsabilité morale, c’est-à-dire qu’ils mentionnent un devoir à accomplir, des valeurs personnelles altruistes à poursuivre ou encore subir des pressions externes. À titre d’exemple : C’est sacrifier de mon temps (…) afin de le consacrer (…) bien (…) à mon père afin qu’il va bien. Je veux dire (…) si j’n’étais pas là qui en prendrait soin. Les autres membres de ma famille me disent toujours que j’suis la meilleure pour ça. C’est d’le maintenir chez nous le plus longtemps possible. C’est souvent un « titre » qu’on nous donne quand on s’occupe de quelqu’un d’autre. C’est un choix (…) c’est mon choix de donner à quelqu’un qui m’a donné la vie. C’est une obligation aussi, je dois le faire pour son bien-être. (Madame Arseneault) En définitive, dans cette étude, les participants apprennent du contact avec leur intervenant qu’ils sont des proches aidants ou encore sont confirmés dans leur rôle par lui. Cet engagement surpasse souvent les autres rôles de la personne, car l’implication dans la 50 prestation de soin est soutenue. Toutefois, il ne faut pas tenir pour acquis qu’ils se reconnaissent comme proche aidant. Concrètement, les aidants assument plusieurs rôles auprès de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur : accompagnement, surveillance, prestations des soins liés au AVD et AVQ. Ils le font naturellement ce qui pose problème à la reconnaissance de cette identité. Bien que les identités et les rôles varient d’un aidant à l’autre, ils ont un point commun : leur identité prend naissance du phénomène du prendre soin. 5.2.2. Le phénomène du prendre soin : une réalité de nature complexe Le rôle d’aidant semble naturellement vécu de la part de plusieurs participants à l’étude, du moins au début. Pourtant celui-ci leur apparait beaucoup plus complexe que prévu et leur inflige parfois des conséquences tant sur les plans, social, familial et professionnel. Je ne penserai pas que j’aurai autant à prendre soin de ma mère. C’est vraiment difficile parce que ça m’attriste de la voir ainsi. J’ai dû m’absenter tellement de fois du travail. Moment donné mon employeur, m’a dit c’est elle ou c’est nous… J’répondais à quel point c’est compliqué pour moi. Y finissait par comprendre que prendre soin d’autrui c’est compliqué, c’est ma vie c’est ça être aidante! (Madame Beaudin) Madame Beaudin évoque dans ses paroles le phénomène du prendre soin afin de décrire son rôle et son identité de proche aidante. Les participants de cette étude l’appuient en expliquant dans leurs mots que ce phénomène correspond à l’ensemble des tâches qu’ils ont à effectuer dans la prestation des soins d’un membre de leur famille âgée indépendamment de l’aide externe (formelle et informelle) obtenue. Ils sont d’avis que ce phénomène devient beaucoup plus complexe avec le vieillissement de leur proche, mais également le leur. Depuis un certain temps, mon conjoint n’arrive plus à faire les tâches extérieures. J’y arrive encore, mais je ne sais pas combien de temps je vais encore en être capable. Ça m’inquiète de vieillir parce que si j’plus capable de l’aider qui va le faire (Madame Pelletier) 51 Dans cette étude, les données dévoilent que le prendre soin est issu d’une relation entre deux membres d’une même famille afin de contribuer au bien-être d’une personne âgée dans le besoin. La contribution au maintien à domicile participe également au phénomène du prendre soin. Selon les participants à l’étude, ce phénomène s’installe en raison des modifications que le réseau de la santé et des services sociaux vit depuis les dernières décennies au Québec. Avant les gens restaient plus longtemps à l’hôpital. Maintenant on nous encourage fortement à prendre soin des membres de notre famille. C’est comme ça et faut nous y faire. On prend soin en espérant contribuer à maintenir à domicile (….) c’était pas d’même dans les années 60, c’est devenu graduellement ça. J’fais avec, mais j’apprécie le faire aussi (Monsieur Tremblay). Dans la perspective de la théorisation ancrée utilisée pour l’analyse des données, le phénomène du prendre soin devient en conséquence la catégorie centrale de cette étude autour de laquelle gravite les autres dimensions relevées par les aidants dans la mesure où elle englobe toutes les autres catégories qui seront traitées plus loin. La figure 5 expose le lien entre cette catégorie centrale et les autres. Cette catégorie permet l’harmonisation des principaux thèmes à l’étude soit les interactions aidant-intervenants de même que les interactions et leurs influences dans le choix des sources de soutien. Le phénomène du prendre soin est effectivement à l’origine de l’émergence de nombreuses interactions avec différents acteurs. Les participants sont d’avis que ces interactions proviennent de trois relations distinctes : la relation aidant-aidé, la relation aidant-professionnel de la santé et la relation aidant-entourage. Le choix des sources de soutien sera influencé par ces interactions qui auront un impact décisionnel dans l’utilisation ou non des sources de soutien. 52 Figure 5. La catégorie centrale : le phénomène du prendre soin Le phénomène du prendre soin est bien présent auprès des aînés atteints d’un trouble de l’humeur. Il entraîne différentes conséquences et l’émergence de certains besoins. Afin de répondre à ceux-ci, les participants ont utilisé différentes sources de soutien. Abordons maintenant les interactions, les sources de soutien et leurs utilisations. 5.3. Les interactions Les participants de cette étude sont d’avis que les interactions se définissent par chacun des contacts qu’ils ont avec les autres personnes directement ou indirectement liées à leur trajectoire. Par conséquent, celles-ci sont étroitement liées à deux grands secteurs : le réseau formel et le réseau informel. Le réseau formel se compose de tous les professionnels de la santé (infirmiers, travailleurs sociaux, physiothérapeutes, ergothérapeutes, médecins, intervenants sociaux, etc.) œuvrant dans des établissements de santé (CH, CHSLD, CLSC), des organismes communautaires ou du secteur privé. Afin d’accéder aux sources de soutien convoitées, l’aidant suivra certaines règles. Cet aspect normatif démontre qu’une hiérarchie est en place, c’est-à-dire 53 que l’accès aux services doit se faire par le biais de différentes démarches. En guise d’exemple, dans certains établissements de santé, la demande initiale du proche aidant sera traitée par ordre de priorité. Effectivement, un délai d’attente est fréquemment requis afin d’accéder au professionnel de la santé. Une fois celui-ci terminé, la demande initiale sera distribuée et un rendez-vous sera fixé concrètement dans le temps. Ainsi, les interactions sont dites organisées. Toutefois, cela a pour conséquences de retarder parfois l’accès aux services étant donné le retard de l’aidant à se mobiliser. Quand j’ai commencé l’accompagnement de mon conjoint, les gens de mon entourage me disaient d’ouvrir un dossier au CLSC. J’les comprenais pas. J’étais un peu plus jeune et plus en forme. J’voyais pas la nécessité de le faire. J’ai fait un infarctus. Dire que ça m’a pris, tenez-vous bien, plus d’un an et demi avant d’recevoir des services à domicile pour lui. C’est parce que j’avais besoin de service là pas un an et demi après. J’me suis déplacée cinq fois, j’ai eu la visite d’au moins quatre travailleuses sociales différentes sans compter le nombre d’appels. Avoir su j’aurai agi avant! (Madame Lebreux) Le réseau informel quant à lui se compose des voisins, des amis, des membres de la famille et de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Les interactions se font quotidiennement avec ceux-ci. C’est pourquoi elles sont évolutives et empreintes d’émotion, car elles ont une durée temporelle supérieure à la relation avec un professionnel de la santé. Conséquemment, les relations deviennent beaucoup plus complexes qu’avec le réseau formel en raison de la profondeur du lien développé entre l’aidant et les membres de son entourage. L’entretien des interactions favorise l’émergence d’une réciprocité mutuelle. Cela accroît les possibilités des proches aidants d’accéder, s’ils le désirent, à une plus grande diversité de sources de soutien. Donc, dans le fond, les professionnels de la santé (…) bin c’est sûr que ma famille va réagir beaucoup plus vite que le système de la santé va le faire. Ça finit toujours par bouger pareil. Pis le fait qu’on est présent ça m’aide beaucoup! (Madame Boutin) La figure 6 illustre la matrice de l’ensemble des interactions utilisées par les neuf participants à cette étude. Elle expose la différence entre les interactions avec les réseaux formel et informel telle que décrite auparavant. 54 Figure 6. Matrice des interactions entre le proche aidant et les réseaux formels et informels 5.3.1. La perception des proches aidants des interactions avec le réseau formel Les participants de cette étude définissent le réseau formel, tel que présenté à la figure 6, comme un lieu hiérarchisé (organisme communautaire, établissement de santé ou services privés) où ils obtiennent de l’assistance de la part des différents professionnels de la santé dans le but de maintenir, le plus longtemps possible, leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile. Pour ce faire, plusieurs interactions émergent de ces contacts entre le proche aidant et les professionnels de la santé. C’est pourquoi les participants se sont exprimés quant à la qualité perçue des interactions vécues avec eux dans leur trajectoire. 55 Dans un premier temps, les proches aidants sont d’avis que les interactions avec les professionnels de la santé peuvent s’avérer bienveillantes à leur égard. À titre d’exemple, certains participants ressentaient une relation de collaboration avec ces derniers : Mon intervenante sociale m’écoutait beaucoup. Elle me conseillait et prenait le temps d’me recevoir. Je pense même retourner la voir afin de m’assurer de mieux m’occuper de mon frère étant donné ses changements d’humeur plus fréquents présentement. C’est elle qui m’a appris comment interagir avec lui après tout. C’est mon ange gardien! (Madame Giroux) La plupart des participants reconnaissaient les efforts de la part des professionnels de la santé de travailler en collaboration avec eux. Ceux-ci citent, entre autres, le soutien reçu lors de l’annonce du diagnostic du trouble de l’humeur de leur proche et les suites, dont le travail pour leur trouver des ressources facilitant son maintien à domicile. Deuxièmement, pour certains proches aidants, la perception est à l’effet que les interventions avec les professionnels de la santé sont parfois à sens unique. Effectivement, certains participants à l’étude pensent que les intervenants les voient, voire les utilisent, comme une ressource pour maintenir leur proche à domicile atteint d’un trouble de l’humeur : Ce que je veux dire bin (…) j’ai eu longtemps cette impression d’être uniquement une ressource du soutien à domicile de mon conjoint. J’étais pas la cliente. J’comprends pas qu’on a pas de dossier nous aussi. Moi aussi j’ai besoin de soutien! (Madame Lebreux) Madame Lebreux, comme d’autres, ne comprend pas qu’elle ne puisse pas être considérée elle aussi comme une bénéficiaire des services de SAD au CLSC, et en conséquence, obtenir des services pour l’aider. Dans ce cas, les intervenants ont tendance à limiter les interactions avec les aidants, ce qui semble avoir un impact quant à la mobilisation des aidants vers les services. 56 En résumé, les participants de cette étude ont des perceptions positives et négatives des interactions entre les professionnels de la santé. Toutefois, il n’y a pas uniquement le réseau formel avec lequel les proches aidants ont des interactions. Ils en ont aussi avec le réseau informel. 5.3.2. L’influence des interactions avec le réseau formel dans l’utilisation des sources de soutien Comme abordé dans les deux sections précédentes, les participants de cette étude vivent des expériences positives et négatives lorsqu’ils ont des interactions auprès des réseaux formel et informel. Or, ces interactions semblent influencer l’utilisation des sources de soutien. Voyons de quelle façon. Dans un premier temps, les expériences d’interaction négatives restreignent l’utilisation des participants des sources de soutien qui sont disponibles pour leur venir en aide dans leur trajectoire. Ils éprouvent de la difficulté à se mobiliser afin de répondre à leurs besoins lorsqu’ils n’ont pas l’impression d’être reconnus, entendus et compris de la part des intervenants. De plus, les interactions négatives avec le réseau formel peuvent entraîner l’augmentation de leur fardeau. À titre d’exemple, madame Arseneault explique en quoi la hiérarchisation et la bureaucratisation participe à l’élaboration d’interactions négatives nuisant à l’utilisation adéquate, et efficiente, des ressources disponibles. J’en reviens pas comment c’est difficile d’obtenir du soutien. Premièrement, j’savais pas pantoute où appeler. En plus, y’a toujours des délais. Juste pour obtenir des services de soutien à domicile ça m’a pris deux ans d’attente. J’veux dire faut passer par l’accueil, on analyse notre dossier, ensuite on décide si on a le droit d’avoir certains services… Est-ce normal autant d’attente? J’ai changé au moins 5 fois de travailleur social dans mon dossier avant d’aboutir à des services. Le dernier, c’est un amour! Enfin un qui prend le temps de m’écouter. Il m’a pris au sérieux et il est venu à mon domicile pour me venir en aide. J’en pouvais pu! Hey pouvez-vous croire que dans mon dossier c’était indiqué pas besoin de rien. Une chance que j’ai insisté sans ça j’en avais pas d’services sibole! J’suis beaucoup plus épuisée maintenant qu’au départ de mes démarches. (Madame Arseneault) 57 À l’opposé, les interactions positives avec le réseau formel peuvent favoriser l’utilisation des sources de soutien et réduire le fardeau de l’aidant. Effectivement, quelques participants à l’étude ont vécu des expériences de qualité avec des professionnels de la santé. Ceux-ci ont réussi à développer avec ces derniers des liens significatifs. Dans ce cas, leur trajectoire de proche aidant peut s’avérer positive, car ils sont en mesure d’obtenir les sources de soutien nécessaire au maintien à domicile de leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur et, par le fait même, répondre à leurs propres besoins, et ce, au moment opportun. Dans cette recherche, certains participants éprouvent même du plaisir et un sentiment de réciprocité dans leur rapport avec les professionnels de la santé. En voici un exemple : (…) Ma travailleuse sociale actuelle le reconnait ça et je l’apprécie. J’ai des échanges le fun avec elle. Elle m’aide du mieux qu’elle peut. C’est pas parfait, mais le système de santé lui-même l’est pas. (Monsieur Tremblay) Dans un même ordre d’idées, les proches aidants ont besoin de se sentir rassurés dans leur rôle d’aidant. Le renforcement positif de ce rôle par des interactions agréables favorise conséquemment l’utilisation des sources de soutien proposées par les intervenants. Pour les participants à cette étude, plus les interactions seront positives avec les professionnels de la santé, plus ils auront tendance à utiliser les sources de soutien. Les participants à l’étude sont également d’avis que les professionnels de la santé devraient privilégier des interventions « préventives » au lieu de « curatives. » Incontestablement, ils sont conscients des conséquences psychologiques et physiques à l’accompagnement de leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur. À titre d’exemple, une proche aidante craint de décéder avant sa mère: Parfois, j’ai peur de ne pas y arriver (…) j’ai peur de mourir avant maman tellement je me sens fatiguée. J’trouve ça lourd avec le temps. Depuis que j’l’accompagne, j’ai des problèmes d’anxiété et j’ai fait un infarctus. J’ai vraiment peur d’y passer. (Madame Chabot) 58 5.3.3. La perception des proches aidants des interactions avec le réseau informel Les participants de cette étude se sont également exprimés concernant leur perception des interactions auprès du réseau informel. Celui-ci se compose des membres de leurs familles, de leur entourage (voisins et amis) et de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Diverses interactions quotidiennes sont vécues entre les participants à l’étude et ce dernier. Conséquemment, une relation aidant-entourage émerge. Tant positive que négative, celle-ci influence aussi l’utilisation des sources de soutien. Dans un premier temps, ils apprécient grandement l’aide provenant des interactions qu’ils ont avec leur réseau informel afin de maintenir leur proche âgée atteint d’un trouble de l’humeur à domicile. Pour certains, l’émergence d’une relation aidant-entourage positive devient une source de motivation à utiliser les sources de soutien. En voici un exemple : J’ai une sœur dans le réseau de la santé. Quand je ne sais pas comment aider maman, je me réfère à elle. Elle m’indique à qui m’adresser. C’est facile comme ça de faire confiance et de choisir au fond les services qui me sont nécessaires. (Madame Boutin) Dans certains cas, les participants augmentent l’utilisation des sources de soutien provenant du réseau informel en raison d’interactions négatives avec celles du réseau formel. Ils agissent ainsi surtout lorsqu’il est question de la personne âgée dont ils prennent soin : À force de frapper un mur avec les services du CLSC, j’ai décidé d’appeler une de mes sœurs pour me venir en aide. Depuis, elle m’accompagne dans mon cheminement auprès de mon conjoint. (Madame Lebreux) Toutefois, d’autres participants sont influencés par les propos des membres de leurs familles ou de leurs amis. Malgré le fait que la maladie éloigne leur proche, les participants de cette étude limitent également leur utilisation de services lorsqu’ils sentent que leurs amis ou membres de la famille n’abondent pas dans le même sens qu’eux : 59 J’ai encore d’la misère à utiliser les services. J’le vois bien que dans la famille les gens ne sont pas d’accord avec mes actions. J’ai pas le choix, c’est une question de survie. Si j’me sentais pas aussi coincée entre eux et mes choix, j’aurai plus d’aide sans aucun doute (Madame Chabot) C’est pourquoi tant positivement que négativement les participants à l’étude prennent également l’avis de leur famille afin d’utiliser les diverses sources de soutien. Un fait demeure, lorsqu’ un lien de confiance est établi, ils utilisent les services plus facilement. 5.4. Les sources de soutien des proches aidants Les données de l’étude dévoilent que les participants ont cinq principaux besoins : le répit, le soutien, l’assistance financière, l’information et la reconnaissance. Afin de répondre à ces derniers, ils utilisent quatre principales sources de soutien : leur entourage, le Centre intégré Universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN) ou le Centre intégré de santé et des services sociaux de la région de la Gaspésie et des Îles de la Madeleine (CISSS), les organismes communautaires et le secteur privé. Celles-ci contribuent au maintien à domicile de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Afin de démontrer les disparités régionales, ces sources de soutien seront abordées selon la région administrative concernée. Dans la région de la Capitale-Nationale, il existe, à la connaissance des participants, deux ressources spécialisées pouvant venir en aide aux proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Ils ont mentionné les deux organismes communautaires suivants : le Cercle Polaire et la Boussole. Tant des rencontres individuelles, de groupe et de l’écoute téléphonique sont disponibles pour leur venir en aide. Au niveau du CIUSSS, ils ont accès à des services de SAD offerts par le CLSC. Ils peuvent obtenir des services des professionnels de la santé suivants : travailleur social, infirmier, ergothérapeute, physiothérapeute et médecin. Les participants ont mentionné qu’ils peuvent recevoir de l’accompagnement psychosocial, du temps de répit du programme alternatif-répit, de l’aide à l’entretien ménager et des soins partiels ou complets pour leur proche âgé. Ils peuvent également recourir à l’EÉSAD de leur secteur afin 60 d’obtenir des services d’entretien ménager, de la préparation de repas, des soins d’hygiène ou du répit. C’est un auxiliaire à domicile qui sera affecté à ces services. Ils ont également accès aux services de l’Association des proches aidants de la Capitale-Nationale et du Carrefour des proches aidants pour obtenir du soutien individuel et de groupe de même que du répit. De plus, une participante a nommé la ligne d’informations pour les proches aidants (la ligne téléphonique Info-Aidant) à l’Appui de la Capitale-Nationale. Une participante a recours à des services privés pour les soins d’hygiène et le ménage. Bien que certains services leurs soient offerts, les participants croient qu’il faut en développer davantage : À ma connaissance, mis à part le Cercle Polaire aussi que j’ai vu une intervenante là-bas non. Y’en a des services, mais comme je vous dis beaucoup plus sur d’autres problèmes que la santé mentale. Faudrait qu’il y en ait plus. Qu’on reconnaisse que la santé mentale c’est important surtout auprès des personnes âgées. (Madame Pelletier) Finalement, deux proches aidants du secteur de la Capitale-Nationale demandaient de l’aide régulièrement à leur famille afin de les soutenir dans leur trajectoire. À titre d’exemple, madame Boutin utilise régulièrement son courriel comme outil facilitateur afin de communiquer à ses proches les problématiques qu’elle vit avec sa mère dépressive : J’explique la situation. Souvent je le fais par courriel comme ça, je sais que tout le monde a l’information en même temps. (…) J’envoie un courriel à tout le monde. Puis là, par la suite, j’attends les réponses. (…) J’explique vraiment toute la situation en détail. Pis là, je mentionne mon opinion. Puis, bin souvent, tout le monde répond. (…) Pis là on sait toute qu’est-ce que tout le monde pense. Ça m’aide beaucoup. (Madame Boutin) Les participants de la région de la Gaspésie sont d’avis que les ressources disponibles afin de maintenir une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur domicile leur semblent limitées comparativement à celles disponibles dans les villes : Par ici y’a pas grand service. En ville ça doit être mieux. Ici on se contente de ce qu’on a. On a pas beaucoup de choix de services. J’connais pas de services liés à la dépression. (Madame Giroux) 61 À leur connaissance, il n’existe pas de ressources spécialisées pouvant leur venir en aide spécifiquement reliées au trouble de l’humeur de leur proche. Par contre, ils ont accès à une association pour les personnes âgées afin d’obtenir des services d’entretien ménager et du répit. Sinon, ils doivent communiquer avec leur CLSC, le centre hospitalier ou leur clinique médicale. Toutefois, l’accès à ces derniers services nécessite de se déplacer en automobile. En CLSC, il est possible d’obtenir la visite de soins infirmiers à domicile et d’hygiène par un auxiliaire familial. Finalement, ils ont mentionné avoir accès à un CHSLD. Sinon, ils ont recours aux membres de leurs familles ou à leurs amis sur une base irrégulière. Les participants déplorent que la majorité des services offerts soient en lien avec la personne âgée qu’ils accompagnent et non spécifiquement pour eux. En définitive, la trajectoire des proches aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur est variable. Plusieurs participants de cette étude ont reconnu leur identité de proche aidant avec l’aide des professionnels de la santé. Cette étape leur a permis de mieux cerner leur rôle. Toutefois, avec le temps, ce rôle a contribué au développement de différents besoins : le répit, la reconnaissance, l’assistance psychosociale, l’assistance financière et l’information. Afin de répondre à ces besoins, les participants ont utilisé différents services. Les participants de cette étude semblent utiliser quatre sources de soutien : leur entourage, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux dans la région de la Capitale-Nationale (CIUSSS) ou Centre intégré de santé et des services sociaux de la région de la Gaspésie (CISSS), les organismes communautaires et le secteur privé. Ceci leur permet de maintenir à domicile leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur. Finalement, les proches aidants de cette étude sont d’avis qu’il y a peu de ressources qui, à leur connaissance, soient liés directement à leur réalité d’accompagner un proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur. Tant l’intervention individuelle que de groupe est susceptible de répondre à certains de leurs besoins. Une question demeure : qu’est-ce qui est au cœur du choix de ses sources de soutien? Afin de répondre à leurs besoins, les proches aidants doivent interagir avec différentes personnes : les professionnels de la santé, les membres de leur famille, leurs amis et la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Il est souvent question de 62 compromis afin d’établir l’équilibre avec la personne âgée dans le but de la maintenir à domicile. Toutefois, ces actions peuvent entraîner des conséquences suivantes : manque de répit, difficulté d’instaurer les soins, épuisement physique et psychologique du proche aidant, etc. 5.5. L’utilisation des sources de soutien : une question de lien de proximité Les participants à cette étude accordent beaucoup d’importance à la relation qu’ils développeront avec les professionnels de la santé. Cette relation est étroitement liée aux interactions qu’ils auront avec eux. C’est à partir de ce lien de proximité que les proches aidants ayant participé à cette étude démontrent de la réceptivité et de l’ouverture pour s’engager dans un processus d’acceptation d’aide, c’est-à-dire dans l’utilisation des sources de soutien répondant à leurs besoins. Les participants de cette étude abordent positivement l’utilisation des services lorsqu’ils ont développé une relation de proximité avec au moins un professionnel de la santé. Ils définissent cette relation comme étant une relation respectueuse dans laquelle ils se sentent en confiance d’interagir avec le professionnel de la santé dans le but de répondre à leurs besoins immédiats. La notion de respect est primordiale. Dans un contexte de SAD, les proches aidants désirent développer une relation de proximité avec un professionnel de la santé afin qu’ils puissent soutenir adéquatement leur proche. Pour certains d’entre eux, ce n’est pas facile d’accepter les services à domicile. Le respect signifie, pour eux, que le professionnel de la santé reconnaisse ce qu’ils sont et se préoccupe de leur bien-être, de leurs besoins et tiennent compte de leurs valeurs. Cela doit se faire autant auprès du proche aidant que de l’aidé, surtout lorsqu’il est question de laisser quelqu’un d’autre s’occuper de leur proche. Voici un témoignage à cet effet : Par contre, ça été difficile d’instaurer du répit. Mon frère ne voulait pas que j’parte. Un inconnu pour l’accompagner… La crise qu’il m’a faite. Avec ses idées suicidaires, j’étais pas à l’aise de le laisser seul. J’m’en suis occupée plusieurs années (…) il ne comprenait pas que j’en pouvais plus. Je n’aurai eu besoin avant, mais bon. Les compromis encore une fois (…) Aujourd’hui ça va mieux. Il a même développé de la complicité avec son frère. Il me demande plusieurs fois par semaine de ses nouvelles. Il s’ennuie de lui qu’il me répète! (Madame Giroux) 63 En résumé, l’ouverture à l’autre, le dévouement, la jovialité et le fait d’être à l’écoute sont des éléments essentiels à la construction de ce lien de proximité favorisant l’utilisation des sources de soutien. Toutefois, certains participants continuent d’avoir de la réticence à l’utilisation des sources de soutien. Abordons maintenant cet aspect de la question. 5.5.1. La réticence à l’utilisation des sources de soutien Les participants de cette étude éprouvent certaines réticences à l’utilisation des sources de soutien. Celles-ci peuvent provenir de l’aidant lui-même, du contexte du domicile comme lieu de la prestation des soins, du contexte géographique, de l’aidé et de la lourdeur hiérarchique du système formel. Premièrement, l’aidant lui-même peut être un frein à l’utilisation des sources de soutien. Tel que mentionné auparavant, plusieurs participants de cette étude ne se reconnaissaient pas comme proche aidant au départ de leur accompagnement. C’est pourquoi certains ne s’associaient pas automatiquement avec les sources de soutien proposées par leurs intervenants et les médias (journal local et radio) : Aidant, aidant… j’entendais ça partout à la télé, à la radio. Même mon intervenant m’en parlait. J’trouvais ça normal de m’occuper de ma mère. J’avais l’impression que ces services étaient pour d’autres que moi. J’me reconnaissais pas là-dedans. (Madame Leclerc) De plus, certains participants avaient de la difficulté à se confier aux travailleurs sociaux, car ils savaient que ce sont eux qui s’occupent également du placement potentiel de leur proche. Finalement, des interactions jugées négatives entre le proche aidant et les professionnels de la santé entraînent une réticence, voire l’annulation de l’utilisation de certaines sources de soutien. Deuxièmement, le contexte du domicile peut devenir une limite à l’utilisation des sources de soutien. Il est difficile pour la plupart des participants à cette étude utilisant les services 64 de soutien à domicile d’accepter la présence d’inconnus auprès de leur proche. Cela peut entraîner l’émergence d’un sentiment d’échec, c’est-à-dire que le proche aidant ne se sent pas compétent dans son accompagnement auprès de la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Tant et aussi longtemps qu’un lien de confiance n’est pas établi entre eux et le professionnel de la santé, il est difficile pour les participants concernés d’accepter la prestation de soin à domicile. De plus, ils éprouvent également un sentiment de peur d’être jugés par les gens de leur entourage lorsqu’ils prennent du temps pour eux. C’est pourquoi cela peut prendre beaucoup de temps avant d’accepter d’obtenir des services de SAD et des services de répit. Dans un troisième temps, le contexte rural de la Gaspésie peut également contribuer à une réticence à l’utilisation des sources de soutien. Certains participants en milieu rural éprouvent de la difficulté à utiliser les services craignant le jugement des gens de leur village. La distance géographique séparant leur domicile des lieux où les services sont dispensés peut en outre poser problème. Si les services ne sont pas à proximité du territoire des proches aidants vivant en région, ceux-ci ne sont pas enclins à se mobiliser étant donné les coûts que cela peut entraîner. Toutefois, il importe de mentionner que la proximité des ressources dans la région de la Capitale-Nationale ne favorise pas automatiquement l’utilisation des sources de soutien, car, tel que mentionné auparavant, il y a des délais d’attente parfois jugés trop longs de la part des proches aidants. Quatrièmement, la réticence à l’utilisation des sources de soutien peut provenir également de l’aidé. À titre d’exemple, si la personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur refuse le service d’accompagnement (le répit), les proches aidants auront majoritairement tendance à l’annuler. Toutefois, certains aidants de cette étude vont continuer tout de même à l’utiliser pendant un certain temps en espérant que cela va fonctionner surtout lorsque les services d’hygiène et de répit sont nécessaires. Enfin, la lourdeur hiérarchique du réseau formel rend les proches réticents à l’utilisation des services. Ils sont d’avis que le temps d’attente afin d’être accompagné par un professionnel 65 de la santé est trop long. À titre d’exemple, le diagnostic du trouble de l’humeur demeure tardif chez leur proche âgé. Incontestablement, afin d’obtenir un diagnostic, la majorité des proches aidants à l’étude se sont présentés à plusieurs reprises chez leur médecin. Comme les rendez-vous ne sont pas faciles à obtenir, cela retarde d’autant plus le diagnostic. 5.5.2. Les quatre attitudes à adopter pour les professionnels de la santé Selon le point de vue des participants, quatre attitudes que présentent les professionnels favoriseraient l’utilisation des sources de soutien. Effectivement, les interactions harmonieuses, l’instauration d’une relation coopérative, la stabilité de la relation et l’adaptabilité situationnelle sont des attitudes que doivent adopter les professionnels de la santé afin de mobiliser les proches aidants d’aînés atteints d’un trouble de l’humeur. Cellesci contribuent, bien que modestement, à diminuer les risques qu’ils développent de la réticence à l’utilisation des services. Les interactions harmonieuses surviennent lorsque les professionnels de la santé respectent les rituels, les valeurs et les manières d’être du proche aidant à domicile. Selon les participants à cette recherche, elles se définissent comme une relation humaine dans laquelle des échanges verbaux et non verbaux se produisent dans le but de soutenir et d’agir avec empathie auprès de l’aidant, et ce, de manière positive favorisant l’émergence d’un lien de confiance. Quand ma travailleuse sociale m’accueille sans me juger, que je sens qu’elle est présente pour moi, ça m’fait du bien. Les échanges sont positifs. J’le sais qu’elle m’écoute me plaindre d’ma situation d’aidant (…) au moins trois ou quatre fois dans un mois. Pourtant, quand elle me regarde en me disant : « Monsieur Tremblay, j’suis là pour ça. C’est normal, vous êtes fatigué. Une chose à la fois. » Ça fait déjà la différence, j’me sens compris. Elle m’échange des pistes concrètes de solution. Elle ne m’impose rien. J’ai vraiment confiance en elle. J’peux pas refuser d’utiliser les services quand c’est aussi bien présenté. (Monsieur Tremblay) La relation coopérative prend naissance lorsque les réseaux formel et informel travaillent conjointement. Ces derniers reconnaissent les acquis de l’aidant au cours de sa trajectoire. 66 Selon les participants de cette étude, elle implique la mise en commun, le partage et les échanges des ressources afin de faciliter le maintien de leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur tout en respectant leurs besoins en tant qu’aidant. Il est question ici d’une double implication de la part de l’aidant et du professionnel de la santé à collaborer étroitement. Dans cette optique, les proches aidants se mobilisent davantage vers les ressources, car ils se sentent inclus, appuyés et encouragés à jouer un rôle actif dans la prestation de soin. En définitive, la stabilité de la relation (aidant-professionnel de la santé) est primordiale. Plus celle-ci perdure dans le temps, plus elle accroît les possibilités de développer le nécessaire lien de confiance que recherchent, entre autres, les participants de cette étude. Celui-ci contribue grandement à mobiliser les aidants vers les ressources. À titre d’exemple, Madame Pelletier a développé un lien de confiance envers son intervenante, car celle-ci est demeurée stable depuis plusieurs années. Bien qu’elle ne la voie plus sur une base régulière, elle retournera certainement la voir lorsque sa situation de proche aidante évoluera dans les prochains mois : La stabilité de la relation avec mon intervenante m’encourage a retourné la voir. À l’aube de ma retraite, sachant que j’vais être quotidiennement avec mon conjoint atteint de trouble bipolaire à domicile, j’vais aller la consulter à nouveau afin de m’outiller à cette nouvelle réalité dans ma vie personnelle. J’le sais qu’elle va me donner des outils et m’accueillir. (Madame Pelletier) La meilleure stratégie afin de mobiliser les proches aidants d’un aîné atteint d’un trouble de l’humeur semble être la capacité des professionnels de la santé à s’adapter à la situation de la dyade. En effet, les participants de l’étude accordent de l’importance à ceux démontrant une flexibilité et une adaptabilité par rapport aux divers bouleversements pouvant survenir lors de l’accompagnement. Plus le professionnel de la santé sera flexible avec la dyade (aidant-aidé) plus l’aidant collaborera et acceptera mieux l’aide offerte tant au domicile qu’à l’externe. J’ai enfin une travailleuse sociale fiable. Elle se déplace à domicile, ça m’aide beaucoup étant donné mon âge. J’peux également la joindre par courriel. J’lui ai 67 dit qu’au téléphone j’peux pas parler, ça rend nerveux mon père. Ça m’évite de parler devant lui. J’réussis mieux à répondre à mes besoins de cette façon. J’ai même un code avec elle. J’lui dis que j’pas intéressée à son sondage et je raccroche après avoir répété trois fois cette phrase. Comme ça mon père sait pas que mon répit est planifié (Madame Arseneault) Les quatre attitudes à adopter ont un point de jonction : le lien de confiance. Celui-ci est étroitement lié au savoir-être des professionnelles de la santé. S’adapter à la réalité des proches aidants demeure la perspective gagnante afin de les aider à cheminer vers les sources de soutien adapté à la réalité de l’accompagnement d’une personne atteinte d’un trouble de l’humeur. 5.6. Les types d’aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur Lorsque l’on croise les interactions des aidants avec le réseau formel avec leur rapport à l’utilisation des services, il est possible d’esquisser une typologie d’aidants dans laquelle les raisons de la prise en charge du proche sont également mises en relief. Effectivement, dans cette étude, les principales raisons motivant les participants à accompagner à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur sont : leur satisfaction personnelle, la culpabilité, l’affection portée à leur proche âgé et la peur d’être jugé par autrui. Cela a permis l’émergence de quatre types de proche aidant : le surmené, l’obligé, le collaborateur et l’accompli. Selon l’interprétation du discours des participants de cette étude, le proche aidant dit « surmené » se définit comme un aidant accompagnant son proche par affection, mais avec un sentiment de culpabilité. Il se caractérise également comme un aidant incapable de répondre à ses besoins par les ressources existantes. Celui-ci a donc développé une relation avec les professionnels de la santé comme étant une « ressource » au maintien à domicile de son proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur. Ce type de proche aidant a de la difficulté à prendre conscience de son rôle. En voici un exemple : 68 Chaque fois que j’interagis avec eux (…) les professionnels, ils me disent : « Madame Leclerc vous pourriez faire si ou ça pour votre mère. Vous pourriez même lui faire ses exercices de physio » et j’en passe. J’suis qu’une ressource, mes besoins sont inexistants. J’le sais pu ou je dois mettre mes limites, j’suis même plus capable de nommer mes besoins tellement j’suis fatiguée. (Madame Leclerc) Le second type de proche aidant est dit « obligé. » Il effectue l’accompagnement de son proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur malgré lui. Il s’agit d’un proche aidant qui éprouve de la culpabilité à ne pas compléter sa trajectoire et qui redoute le jugement de son entourage s’il devait en venir à héberger son proche. Il est question ici de « devoir », c’està-dire qu’il prend en charge son proche parce qu’il normalise l’accompagnement d’un membre de sa famille. Il utilise certaines ressources, mais ne le fera pas au fur et à mesure que les besoins se feront sentir. C’est pourquoi, lorsqu’il y a un imprévu, celui-ci va se désorganiser plus facilement. J’me dois d’accompagner ma mère. Elle est tout pour moi. Tsé, j’suis l’aînée de la famille, je dois le faire. J’me vois pas la placer. C’est normal d’accompagner la personne qui nous à tant donnée (…) la vie. Vous comprenez, j’suis à boute, j’me sens mal (…) coupable de penser au placement. Tout l’monde me dit que j’suis capable, j’le sais que j’ai besoin d’aide, mais j’sais pu par quel bout m’y prendre! (Madame Beaudin) Le type de proche aidant dit « collaborateur » est un proche aidant ayant établi des interactions visant la coopération avec des professionnels de la santé. Il s’agit du troisième type. Celui-ci est généralement capable de répondre à ses besoins au fur et à mesure qu’il avance dans sa trajectoire. Aussi longtemps que ses besoins seront comblés par les interactions avec un professionnel de la santé, celui-ci maintiendra son proche à domicile. Monsieur Tremblay en est un bon exemple de ce type de proche aidant : Donc c’est rendu (…) bin on peut dire des relations (…) bin je dirai une relation de partage. J’prends les opportunités pendant qu’elles passent. J’donne de mon temps pour m’occuper de ma mère, les professionnels de la santé bin y’me fournissent des moyens de la garder à domicile. Donc, j’suis une référence (…) une ressource pour eux. Pis bin eux me dépannent quand j’en ai trop. (Monsieur Tremblay) 69 Le type de proche aidant « accompli » est celui qui est en mesure d’utiliser les services adéquatement. Celui-ci a suffisamment de ressources autant sur le plan familial qu’auprès des professionnels de la santé afin d’avoir une trajectoire en douceur. Il accomplit son rôle parce que cela lui apporte quelque chose au plan personnel (satisfaction) : (…) j’me sens pas toute seule non plus. Donc, (…) en tant tel, c’est sûr que pour toi, je suis certaine que y’a plein de monde, plein d’aidants qui se retrouvent vraiment tout seuls. Pis que ça peut devenir très lourd. Les fois où ça va pas bien, je trouve ça lourd, mais de l’autre côté, je ne suis pas toute seule à assumer tout ça. J’réponds facilement à mes besoins. (Madame Boutin) Le tableau 1 représente la typologie des proches aidants accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les raisons de la relation d’aide. Tableau 1. Typologie du proche aidant accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les motifs de la prise en charge Surmené Obligé Collaborateur Accompli Par satisfaction - - - + Par culpabilité + + - - Par affection + - + + Par peur d’être jugé - + + - 70 Chapitre 6 : Conclusion La conclusion de cette recherche démontre sa pertinence et son originalité. Les personnes atteintes de troubles de l’humeur sont nombreuses dans notre société et leurs aidants nécessitent d’être suffisamment soutenus. 6.1. Les faits saillants de l’étude. Rappelons que le thème de ce mémoire est l’expérience des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte de trouble de l’humeur et que l’objectif de ce mémoire était de comprendre leur réalité selon deux visées : (1) explorer les sources de soutien mises à leurs dispositions afin de les aider à cheminer tout au long de leur parcours d’aidant et (2) explorer les répercussions des interactions entre le proche aidant, son aidé et le système de santé dans l’utilisation ou la non-sélection des sources de soutien. Cette recherche est originale, car elle dévoile des brides d’une trajectoire unique de neuf proches aidants d’aîné atteint d’un trouble de l’humeur à domicile. Abordons maintenant les faits saillants de l’étude qu’il importe de retenir. Premièrement, tout comme le mentionne Ducharme (2012) dans sa recherche, la majorité des proches aidants ne se reconnaissaient pas ainsi au début de l’accompagnement. C’est également le cas de certains de ceux accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur à domicile de notre étude. Effectivement, plusieurs prennent conscience de leur rôle lorsqu’ils interagissent avec les différents professionnels de la santé, plus particulièrement avec leur médecin de famille qui semble une porte d’entrée à l’accès aux services. En deuxième lieu, comme présenté dans la recension des écrits, les participants de cette étude ont développé différents besoins tout au long de leur trajectoire (Altintas, Gallouj, & Guerrien, 2012; Guberman, 2010; Mouchabac, 2011; Sewich et al., 2004). Dans cette étude, les proches aidants ne font pas exception à la règle : l’accompagnement de leur 71 proche contribue à l’émergence de différents besoins : 1) de répit, 1) d’assistance financière, 3) soutien, 4) d’information informations et 5) de reconnaissance. Troisièmement, tout comme dans les écrits scientifiques, différentes sources de soutien sont accessibles aux proches aidants d’aînés afin de contribuer au maintien à domicile (Ducharme, 2006; Ducharme, Trudeau, & Ward, 2005). Néanmoins, bien que les problèmes de santé mentale soient présents auprès de ces derniers, peu de ressources spécialisées semblent disponibles pour ceux les accompagnant. Un fait demeure similaire à la littérature : le diagnostic du trouble de l’humeur (dépression et trouble bipolaire) se fait tardivement amplifiant ainsi le fardeau du proche aidant (Mouchabac, 2011; Østbye et al., 2005). En quatrième lieu, cette recherche expose l’importance qu’accordent les proches aidants aux interactions au cours de leur parcours avec les professionnels de la santé. Leur définition des interactions est comparable à celle proposée par Herbert Blumer (1969), utilisée comme cadre théorique dans cette étude. Les interactions sont au cœur de toutes les actions qu’ils entreprennent avec les différents acteurs (professionnels de la santé, membre de leur famille, amis et personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur). Leur interprétation est symbolique, c’est-à-dire qu’elle provient souvent de leur propre perception de la qualité de l’accompagnement qu’ils reçoivent des actions que feront les professionnels de la santé à leur égard. Blumer (1969) considère en effet que l’activité sociale des individus dans une société est l’expression de l’action élaborée par ces derniers à travers leur interprétation des situations dans lesquelles ils sont placés. Ces interactions jouent un rôle dans le choix des sources de soutien utilisées. De son côté, Twigg (1989) expose un modèle de relations selon lequel le proche aidant peut être perçu comme une ressource par les professionnels de la santé. Bien que plusieurs efforts soient effectués par les professionnels de la santé, les proches aidants se sentent encore comme la principale ressource du maintien à domicile de leur proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur. C’est pourquoi chacune des interactions demeure primordiale puisque celle-ci influence le choix d’utiliser ou non les sources de soutien. Comme il en a été question dans la section des résultats, les interactions positives sont favorables à la mobilisation des aidants notamment 72 pour l’aidant de type accompli, collaborateur, obligé et surmené vers l’utilisation des sources de soutien. Dans le cas d’interactions négatives, ils ne les utiliseront pas ou seront plus réticents à le faire. Toutefois, les interactions avec le réseau informel semblent apparemment influencer le choix d’utiliser les sources de soutien. Lorsque la personne âgée est défavorable à l’utilisation des sources de soutien, cela peut limiter les actions du proche aidant vers les ressources. Un fait important demeure : le lien de proximité est important afin de contribuer à développer des interactions favorables. Tout comme le mentionne Paquet (2012), il semble difficile de développer une relation de proximité lorsque les affinités sont inexistantes entre les individus impliqués dans ce rapport relationnel. Dans ce cas, les participants à l’étude limiteront leur choix des sources de soutien. Tout cela démontre que les interactions influencent les sources de soutien utilisées par les proches aidants accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. Cinquièmement, une autre similitude avec la littérature scientifique ressort de cette étude : il existe bel et bien un phénomène de réticence à l’utilisation des sources de soutien (Brodaty, Thomson, Thompson, & Fine, 2005; Brown & Chen, 2008; Lim 2012; Paquet, 1997). Celle-ci peut provenir de l’aidant lui-même, du contexte, du domicile comme lieu de prestation des soins, du contexte géographique, de l’aidé et de la lourdeur hiérarchique du système formel. Toutefois, quatre attitudes relationnelles émergent des données afin d’amoindrir le développement de cette réticence : les interactions harmonieuses, l’instauration d’une relation coopérative, la stabilité de la relation et l’adaptabilité situationnelle. Ayant comme point de jonction le lien de confiance, les participants prouvent qu’il faut accorder de l’importance au savoir-être professionnel. Mais surtout, cette recherche a permis d’établir une typologie du proche aidant accompagnant un aidé âgé atteint d’un trouble de l’humeur à domicile selon les motifs à l’origine du choix d’endosser ce rôle d’aidant ce qui aura une influence sur les interactions avec le réseau de soutien et l’utilisation des sources de soutien. Nous confronterons ici cette typologie avec la littérature existante. Commençons par le proche aidant que nous 73 nommons « accompli ». Ceci est un type d’aidant qui démontre, selon Wang (2011), que l’expérience peut s’avérer positive, ces deniers peuvent effectivement cheminer dans leur rôle tout en ne ressentant que certains symptômes de détresse. Antoine et ses collaborateurs (2010) ajoutent d’autres gains significatifs : une perception de continuité du lien marital pour les conjoints, des sentiments de gratification et de satisfaction personnelle et une impression de maîtrise situationnelle. Dans notre étude, les proches aidants de ce type étaient en mesure d’obtenir l’aide nécessaire afin de maintenir un équilibre dans leur accompagnement à domicile. Le collaborateur représente le type de proche aidant en mesure de saisir les occasions afin de cheminer dans son rôle d’aidant. Dans la littérature, on mentionne que les interactions de ce type d’aidant avec les professionnels de la santé sont de nature coopérative, c’est-à-dire qu’il y a l’établissement d’un partenariat (Carlson, 2014; Ducharme, 2006). Il utilise les ressources lui apportant ce qu’il veut tout en contribuant au bien-être de son proche. Ainsi, le réseau de la santé s’assure qu’il contribuera au maintien à domicile plus longtemps. L’obligé est inspiré par la typologie de Neufeld et Harrison (2000) dite familialiste. Effectivement, ce type d’aidant expose l’importance de la famille dégageant ainsi des valeurs de loyauté, de réciprocité et de solidarité. Tel que le désigne son nom, il fait son accompagnement par obligation ou par devoir. Tous ces éléments correspondent très bien au modèle familialiste. Toutefois, l’obligé éprouve un fort sentiment de culpabilité de ne pas réussir à tout faire lui-même. Celui-ci est grandement présent dans la littérature (Éthier, 2012; Clément, Gagnon & Roland, 2005; Ducharme, 2006; Mouchabac, 2011). L’obligé redoutera aussi le jugement des membres de son entourage tout au long de sa trajectoire. C’est pourquoi son utilisation des services sera limitée bien qu’il possède certaines connaissances à leurs sujets. L’aidant que nous appelons le surmené a le profil le plus abordé dans la littérature. Effectivement, la majorité des écrits étayent quasi exclusivement les aspects négatifs de la relation d’aide (Antoine et al., 2010). Le fardeau vécu par ce type de proches aidants 74 accompagnant une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur est particulièrement élevé (Mouchabac, 2011), car il est la principale source de la prestation de soin. Le surmené subit donc d’importantes conséquences psychologiques et physiques reliées à son rôle d’aidant (Antoine et al., 2010; Mouchabac, 2011; Paquet, 2001). Celui-ci utilise peu ou pas les sources de soutien mises à sa disposition. L’utilisation des services entraîne un sentiment d’échec et de culpabilité (Ducharme, 2006), ce qui restreint l’aidant dans ses actions vis-à-vis les ressources. 6.2. L’apport de cette recherche au service social Cette recherche est étroitement liée au domaine du service social puisque les thèmes et les problématiques abordés sont la réalité quotidienne de plusieurs travailleurs sociaux œuvrant dans les services du SAD. De manière générale, les résultats de ce mémoire identifient certaines sources de soutien; démontrent l’influence des interactions dans le choix de ces derniers et étayent les raisons pour lesquelles les proches aidants sont réticents à l’utilisation des sources de soutien. Tant la reconnaissance des problématiques de santé mentale des personnes âgées que leur accompagnement permettront aux travailleurs sociaux d’être mieux outillés. Conséquemment, certains éléments ressortis de l’étude mettent l’accent sur l’importance de sensibiliser les travailleurs sociaux au dépistage précoce des proches aidants œuvrant auprès d’un proche âgé atteint d’un trouble de l’humeur afin d’éviter leur épuisement. Pour ce faire, des références personnalisées sont souhaitables afin de mieux accompagner ces derniers tout au long de leur trajectoire. Ce mémoire met en lumière également l’importance d’assurer la stabilité des professionnels de la santé œuvrant dans le système de soutien formel. C’est pourquoi les données peuvent permettre de sensibiliser les différentes directions des établissements de santé et de services sociaux à maintenir une stabilité dans les équipes de SAD afin de favoriser la création d’interventions de proximité auprès de la clientèle des proches aidant accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. 75 Enfin, cette étude a permis de faire ressortir que les travailleurs sociaux peuvent avoir une influence sur l’utilisation des services par les aidants en établissant avec eux des interactions harmonieuses, coopératives, stables et en s’adaptant à leur situation singulière. En résumé, cette recherche contribue humblement à enrichir les connaissances sur la clientèle des proches aidants accompagnant à domicile un aîné atteint d’un trouble de l’humeur. Des formations continues pour les travailleurs sociaux concernant cette clientèle peuvent être une piste envisageable afin de bonifier les interventions auprès de cette clientèle. Ils sont souvent en première ligne en ce qui concerne les interventions en matière de SAD. 6.3. Les limites de la recherche La nature qualitative de cette recherche a pour principale limite d’empêcher la généralisation des résultats obtenus étant donné le nombre restreint de neuf participants. Néanmoins, la saturation de la plupart des catégories à l’étude est atteinte malgré ce modeste échantillon puisque plusieurs similitudes ressortaient dans le discours des participants lors de l’analyse des données. La seconde limite de cette recherche est étroitement liée à l’étudiante chercheuse ellemême. Effectivement, en tant que travailleuse sociale auprès des proches aidants d’aînés, elle côtoie quotidiennement la clientèle à l’étude. De plus, elle est issue d’un milieu familial comptant plusieurs proches aidants. C’est pourquoi elle est consciente que ces antécédents personnels et professionnels sont des facteurs pouvant influencer l’analyse et l’interprétation des données de cette recherche. Afin de diminuer les impacts de sa propre subjectivité, l’étudiante chercheuse s’est inspirée de Miles et Huberman (2003) pour des pistes de solution entre autres de demeurer explicite. Pour ce faire, elle devait être consciente des impacts de ses propres valeurs, partis pris et hypothèses personnelles sur cette recherche (Miles et Huberman, 2003). Afin de parvenir à limiter sa subjectivité, elle a 76 comparé les résultats de son étude avec les résultats de recherches antérieures en plus d’avoir procédé à une validation interjuges avec sa directrice d’une partie des données. 6.4. Les perspectives pour la recherche Cette recherche enrichit les connaissances sur la réalité des proches aidants accompagnant à domicile une personne âgée atteinte d’un trouble de l’humeur. En guise d’exemple, elle a abordé plus en profondeur les interactions avec les professionnels de la santé ainsi que brièvement avec le réseau informel. Elle démontre aux professionnels de la santé l’importance de reconnaître cette clientèle. Clairement, ils doivent se sensibiliser aux différentes interactions qu’ils vivront avec cette dyade (aidant-aidé) afin de mieux les accompagner. Plus, ils seront dans une relation de proximité avec eux, plus les acteurs impliqués (proches aidants, personnes âgées et les professionnels de la santé) ont une chance de sortir gagnants de la relation. L’influence des interactions dans le choix des sources de soutien semble incontestable. Chaque action jugée positive par le proche aidant peut faire la différence dans l’utilisation des sources de soutien. Ainsi, une collaboration entre les médecins de famille et les autres professionnels de la santé (travailleurs sociaux, infirmiers, ergothérapeute, auxiliaires familiales) est nécessaire afin d’établir une perspective de suivi à long terme qui permettrait de soutenir l’aidant et de s’assurer qu’il ne s’épuise pas. La proximité des liens unissant le proche aidant au réseau formel demeure une formule gagnante. La littérature s’imprègne déjà de cette vision. Paquet (2012) croit en cette proximité des interactions avec la clientèle des proches aidants. L’exploration de l’importance de ce lien de proximité entre l’aidant et le professionnel de la santé semble une piste de recherche envisageable dans le cadre de recherches futures. Toutefois, dans le cadre d’études ultérieures, il pourrait s’avérer pertinent d’accroître le nombre de participants. Conséquemment, un échantillon de participants plus diversifié quant à leurs caractéristiques sociodémographiques serait susceptible d’apporter des résultats enrichissants. De plus, cela permettrait de comparer davantage la réalité de l‘accompagnement d’une personne atteinte de dépression à celle 77 atteinte d’un trouble bipolaire. Il est effectivement possible que le petit échantillon n’ait pas permis de faire ressortir ces distinctions. Pour conclure, nous souhaitons que cette étude permette d’améliorer un tant soit peu la qualité de vie des aidants de proches âgés atteints de trouble de l’humeur en favorisant une meilleure et une plus grande utilisation des sources de soutien leur étant destinées. 78 Références bibliographiques Acton, G. J., & Kang, J. (2001). Interventions to reduce the burden of caregiving for an adult with dementia: A meta‐analysis. Research in Nursing & Health, 24, 349-360. Alami, S, Desjeux, D, & Garabuau-Moussaoui, I. (2013). 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Si l’aidant n’utilise pas de service : Parlez-moi des raisons qui font que vous n’utilisez pas les services offerts ? Thème 3- Les difficultés et ce qui va bien Qu’est-ce qui est le plus difficile dans votre situation actuellement? Qu’est-ce qui se passe bien dans votre situation actuellement ? Thème 4- Les interactions Comment qualifiez-vous la relation que vous entretenez avec votre proche atteint d’un trouble de l’humeur ? Les points forts ? Les points faibles? 90 Décrivez-moi comment s’est transformée concrètement cette relation entre le début de l’accompagnement et l’annonce du diagnostic ? Comment qualifiez-vous la relation que vous entretenez avec les professionnels de la santé ? Les points forts ? Les points faibles ? Décrivez-moi comment s’est transformée concrètement cette relation entre le début de l’accompagnement et l’annonce du diagnostic ? Thème 5- Les sources de soutien Quelles sont vos stratégies pour obtenir de l’aide lorsque vous sentez que c’est nécessaire? 91 Annexe 2 : Questionnaire sociodémographique 1. Quel est votre sexe? (1) ☐Féminin (2) ☐Masculin 2. Votre âge? ___________ 3. Quel est votre état matrimonial actuel? (1) ☐Célibataire (2) ☐Séparé(e) / Divorcé(e) (3) ☐ Conjoint de fait (4) ☐Marié(e) (5)☐Veuf / Veuve 4. Présentement quel est votre occupation? (Cochez une seule réponse) (1) ☐ Travailleur à temps complet (2) ☐ Travailleur à temps partiel (3) ☐ Chômage (4) ☐À la maison (7) ☐ Étude temps plein (8) ☐Étude temps partiel (5) ☐ Étude temps plein avec emploi temps partiel (6) ☐Étude temps partiel avec emploi temps plein 5. Quel est le plus haut niveau de scolarité que vous ayez atteint? (1) ☐Primaire (5) ☐Universitaire premier cycle (2) ☐Secondaire (6) ☐Universitaire deuxième cycle (3) ☐DEP (7) ☐Universitaire troisième cycle (4) ☐Collégial 5.1. Ce niveau a-t-il été complété? (1) ☐ Oui (2)☐ Non 6. Quel est votre revenu brut annuel? (1) ☐Moins de 15 000 (6) ☐55 001 et plus (2) ☐Entre 15 000 à moins de 25 000 (7) ☐Ne sait pas, ne veut pas répondre (3) ☐Entre 25 001 à moins de 35 000 (4) ☐Entre 35 001 à moins de 45 000 (5) ☐Entre 45 001 à moins de 55 000 92 7. Dans quel type d’habitation demeurez-vous? (1) ☐ Maison unifamiliale (2) ☐ Maison bigénérationnelle (3) ☐Duplex (4) ☐HLM (5) ☐Appartement (6) ☐Maison Rangée (7) ☐Condo 7.1 Êtes-vous locataire ou propriétaire de cette habitation? (1) ☐Oui (2) ☐Non 8. Demeurez-vous avec la personne de qui vous prenez soin? (1) ☐Oui (2) ☐Non 9. Quel est votre lien avec la personne de qui vous prenez soin? (1) ☐ Conjoint (e) (2) ☐Père (3) ☐Mère (4) ☐ Frère (5) ☐Sœur (6) ☐Ami (7) ☐Voisin(e) 10. Depuis combien de temps occupez-vous le rôle d’aidant auprès de votre proche? (1) ☐1 à 3 ans (2) ☐4 à 6 ans (3) ☐7 à 9 ans (4) ☐10 à 12 ans (5) ☐13 à 15 ans (6) ☐Plus de 15 ans 11. À combien d’heures estimez-vous le temps que vous passez à prendre soin de votre proche dans une journée? (incluant tous les moments dont votre présence est requise) Par exemple, si votre proche ne peut demeurer seul pendant la nuit, vous devez l’inclure. (1) ☐Moins de 2 heures (4) ☐11 à 15 heures (2) ☐2 à 5 heures (5) ☐16 à 20 heures (3) ☐6 à 10 heures (6) ☐ 24 heures sur 24 93 Annexe 3 : Les étapes de la théorisation ancrée (Strauss (1987) cité par Dionne, 2009) 94 Annexe 4 : Profil sociodémographique des participants à l’étude Profil sociodémographique Caractéristiques sociodémographiques Sexe Âge État matrimonial Occupation actuelle Plus haut degré de scolarité atteint Degré de scolarité complété Données (n=9) Homme (n=1) Femme (n=8) Âge minimal: 49 ans Âge maximal: 82 ans Âge moyen: 63 ans Marié (n=4) Divorcé / séparé (n=1) Conjoint de fait (n=2) Veuf/veuve (n=1) Célibataire (n=1) Travail temps complet (n=3) Travail temps partiel (n=1) Bénévolat (n=1) Retraite (n=4) Secondaire (n=6) Collégial (n=2) Universitaire premier cycle (n=1) Oui (n=7) Non (n=2) Moins de 15 000 (n=2) Entre 15 000 à moins de 25 000 (n=3) Entre 35 001 et 45 000 (n=1) Entre 45 001 à moins de 55 000 (n=2) 55 001 et plus (n=1) Revenu brut annuel Type d’habitation Maison unifamiliale (n=3) Maison bigénérationelle Appartement (n=2) HLM (n=2) Jumelé (n=1) Oui (n=7) Non (n=2) Conjoint(e) (n=2) Mère (n=5) Père (n=1) Frère (n=1) Cohabitation avec la personne âgée Lien avec la personne âgée 95 Nombre d’année d’accompagnement 1 à 3 ans (n=1) 4 à 6 ans (n=1) 7 à 9 ans (n=2) 10 à 12 ans (n=1) 15 ans et plus (n=4) 2 à 5 heures (n=2) 11 À 15 heures (n=1) 24 heures sur 24 (n=6) Durée quotidienne d’accompagnement 96