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présentation Dossier interventions en Débat Livres
milieux ont une histoire, via l’ensemble des pratiques et représentations
qui l’entourent et que, de cette histoire existent des témoignages directs
et indirects, que l’on peut rassembler dans une synthèse intellectuelle.
Faire l’histoire de l’environnement, cela suppose en eet que celui-ci se
transforme, et l’une des questions vives consiste à mieux comprendre en
quoi les modications environnementales dont nous faisons l’expérience
sont liées à d’autres types de transitions historiques. Parmi celles-ci, les
mutations économiques se présentent immédiatement comme un accom-
pagnement nécessaire, puisque les modalités d’acquisition des richesses
semblent constituer la plus évidente des formes d’emprise collective sur la
nature. Nous voudrions donc donner ici quelques éléments qui plaident
pour une convergence entre l’histoire environnementale et l’histoire du
capitalisme mondialisé, c’est-à-dire pour une démarche où l’une et l’autre
s’éclairent réciproquement.
Notre réexion, d’un point de vue plus théorique, s’appuie sur trois
hypothèses sociologiques. La première consiste à dénir le social dans et
par ses relations à un environnement naturel, c’est-à-dire à rompre avec
l’identication classique (mais peu questionnée) entre rapports sociaux
et rapports humains. La dépendance collective à l’égard de la nature est
d’abord matérielle – cela ne fait pas débat – mais également symbolique,
c’est-à-dire culturelle : les représentations, attitudes, valeurs et savoirs qui
permettent de se donner accès à la nature sont un aspect essentiel de la
structuration sociale, et elles ne sont jamais sans lien avec les formes de
subsistance que l’on observe. C’est ce qu’a montré Philippe Descola2,
donnant ainsi un socle théorique à une démarche moniste en sciences
sociales, qui ne ferait plus de l’homme le centre de gravité de ses objets.
Les rapports collectifs à l’environnement naturel représentent donc
un fait social élémentaire, et la forme qu’ils ont pris dans la modernité
doit informer l’étude que l’on fait de ses transformations actuelles. La
seconde hypothèse est de nature plus historiographique. C’est l’idée selon
laquelle le système économique et social dans lequel nous vivons n’a de
sens qu’à une échelle supra-étatique3, voire mondiale4. Le développement
du capitalisme s’accompagne en eet d’une logique globale orientant la
circulation des marchandises, des capitaux, de l’information, et d’une
division du travail elle-même mondialisée. Les démarcations entre centres
et périphéries, pôles d’extraction, de production et de consommation,
par exemple, jouent un rôle clé dans le devenir de l’économie de marché,
mais elles aectent également les milieux naturels. En eet, la pression
2. Descola Philippe, La Nature domestique, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1986, et Par-delà nature et culture,
Paris, Gallimard, 2005.
3. Braudel Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, 3 vol., Paris, Armand Colin, 1979.
4. Wallerstein Immanuel, Le Système du monde du XVe siècle à nos jours, Paris, Flammarion, 1980.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 31/05/2013 09h06. © P.U.F.
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