SYNTHESE : L`union européenne dans l`économie globale 1

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SYNTHESE : L’union européenne dans l’économie globale
1- la construction européenne : un projet d’intégration ambitieux et original
A l’échelle mondiale, les accords d’intégration régionale sont nombreux mais d’ampleur diverse. En effet on peut, selon
l’économiste hongrois Bela Belassa, distinguer 5 étapes d’intégration (= renforcement des relations et des liens entre nations) :
zone de libre-échange, union douanière, marché commun, union économique et enfin union économique et monétaire. L’union
européenne (plus précisément l’UEM) constitue l’exemple le plus avancé d’intégration régionale car la plupart des accords
régionaux sont des zones de libre-échange ou des unions douanières.
En Europe, la zone de libre-échange est créée par le traité de Rome en 1957, l’union douanière est réalisée en 1968 et le marché
unique le sera en 1993. Quant à l’harmonisation des politiques économiques elle commence en 1962 avec la PAC. La monnaie
unique, décidée par Maastricht en 1992 marque une étape décisive de cette harmonisation car elle se caractérise par un transfert
de souveraineté important.
L’intégration européenne comprend 2 dimensions, une intégration par les marchés et une intégration par les institutions.
L’intégration par les marchés passe par un élargissement et un approfondissement du marché européen en est ainsi passé
d’une Europe de 6 à une Europe à 28 et cet élargissement s’est aussi accompagné d’un approfondissement du marché (des seuls
échanges des marchandises vers la libre circulation des hommes et des capitaux). Les politiques européennes, comme la
politique de la concurrence ou la mise en place de la monnaie unique, ont participé à l’intégration par les marchés.
L’intégration par les institutions de son côté, repose sur la mise en place d’institutions communes, en particulier le « triangle
institutionnel » constitué de la commission européenne, du Parlement européen et du conseil de l’union européenne. La
monnaie unique est elle aussi une institution importante par les transferts de souveraineté qu’elle engage.
L’UE s’est élargie (entrée de nouveaux membres) et approfondie (renforcement de certains liens, mise en place c’institutions et
de politiques communes).
Néanmoins l’Europe reste un projet politique à ce jour inachevé et qui soulève de nombreux débats sur les formes et
l’opportunité de la réalisation d’une union politique.
2. Quels sont les avantages et les contraintes de l’union monétaire ?
2.1 / Les avantages attendus de l’intégration monétaire
On peut rappeler ici que la monnaie unique prolonge les avantages du grand marché à la fois pour les producteurs et les
consommateurs [économies d’ échelle, baisse des prix, amélioration de la compétitivité, diversité et qualité des produits, entrée
de capitaux dans la zone, hausse de l’investissement, meilleure répartition des ressources ( travail et capital) …].
La monnaie unique va permettre d’accroître les échanges de biens, de services et de capitaux dans la mesure où elle crée une
zone de stabilité monétaire propice aux échanges (70% des échanges européens sont des échanges intra zone) ; elle réduit les
coûts de transaction, facilite la comparaison des prix, supprime la volatilité des changes et le risque de change. Elle rend
impossible les dévaluations compétitives.
La monnaie unique favorise l’abondance des capitaux et permet par conséquent de faibles taux d’intérêt. En effet, l’euro
constitue une monnaie forte (l’euro hérite de la respectabilité du deutschemark et bénéficie de la crédibilité de la politique
monétaire vis-à-vis de l’inflation) ce qui attire les capitaux étrangers. La force de l’euro contribue à asseoir son rôle de monnaie
internationale. Cela permet là encore d’attirer les capitaux (hausse de l’épargne disponible, baisse des taux d’intérêt et hausse de
l’investissement), de développer les places financières européennes, mais aussi d’utiliser la monnaie comme instrument de
facturation et de règlement des échanges.
2.2 / Ces avantages théoriques n’ont que partiellement été réalisés.
L’Europe constitue une puissante zone commerciale, l’euro est devenu une monnaie internationale (mais loin derrière le dollar),
beaucoup de capitaux ont été investis dans la zone, un processus de rattrapage des pays pauvres s’est opéré. Néanmoins, la
zone euro, en particulier, semble souffrir d’un déficit de croissance et les disparités dans la zone restent très importantes
(chômage, innovations, compétitivité, puissance industrielle, solde commercial, finances publiques connaissent des situations
très différentes). Cette absence de convergence réelle pose la question de l’opportunité d’une monnaie unique.
Les pays « périphériques » de la zone ont, du fait de leur faible compétitivité, considérablement pâti de la force de la monnaie
unique (qui élève les prix des exportations). Parallèlement l’inflation et la politique monétaire européenne ont pu alimenter des
phénomènes d’endettement massif (endettement des Etats mais aussi des agents économiques privés) en réduisant
excessivement le taux d’intérêt réel pour certains pays qui bénéficiaient du taux d’intérêt e la zone et qui faisaient plus
d’inflation que les voisins : Espagne, Portugal, Grèce…). Ces excès d’endettement débouchant sur des bulles (comme la bulle
immobilière en Espagne) et une crise des dettes souveraines (l’exemple le plus marquant étant celui de la Grèce).
2.3 / Les contraintes de la mise en œuvre d’une monnaie unique
Pour s’assurer d’une certaine convergence des économies, le traité de Maastricht avait pourtant défini un certain nombre de
critères de convergence qui, pour être remplis, ont nécessité beaucoup d’efforts de la part des pays candidats à la monnaie
unique. Il s’agissait de favoriser une certaine homogénéité dans la zone, et d’éviter que certains pays soient tentés de se
comporter en passager clandestin ou que les difficultés d’un pays n’affectent les autres. L’euro accroît en effet les
interdépendances entre les pays. À titre d’exemple, si un pays laisse filer son déficit public, il risque d’augmenter l’inflation et
il devra emprunter massivement sur les marchés. Il en résultera alors une hausse des taux d’intérêt qui peut concerner toute la
zone. Par ailleurs, si un pays est trop endetté aux yeux des marchés financiers, cela va peser sur la confiance accordée à d’autres
Etats de la zone ainsi que l’a montré la crise des dettes souveraines.
Les contraintes résultent aussi d’une perte d’autonomie des politiques conjoncturelles. La mise en place de la monnaie
unique impose de renoncer, au niveau de chaque pays, à deux instruments de politiques conjoncturelles : la politique monétaire
et la politique de change.
L’euro étant la monnaie commune, aucun pays n’a désormais la possibilité de procéder à une dévaluation compétitive lorsqu’il
est confronté à un déséquilibre extérieur et un ralentissement de sa croissance. Faute de consensus, il n’existe pas de véritable
politique de change en Europe, cette dernière dépend des décisions de la banque centrale européenne qui mène par ailleurs la
politique monétaire commune. A ce titre, le mandat de la BCE et d’assurer la stabilité des prix dans la zone (soit une inflation
inférieure à 2 %). Cet objectif s’est, dans l’ensemble, accompagné d’une politique monétaire assez peu sensible à la croissance
économique et plutôt restrictive. Ce choix, inspiré du modèle allemand, a pu favoriser une appréciation de la monnaie
européenne.
En définitive, seul l’instrument budgétaire reste aux mains des Etats mais leurs marges de manœuvre sont limitées.
Rappelons, en effet, que les critères de Maastricht, renforcés par le pacte de stabilité et de croissance (PSC) en 1997, imposent
une dette publique limitée à 60 % du PIB et un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Ainsi, même si la baisse des taux d’intérêt
dans la zone euro peut faciliter le financement des déficits publics, ces derniers doivent être contenus. Il semble donc difficile
pour un pays de mener une politique de relance budgétaire s’il est confronté à une récession. Il ne pourra pas davantage
compter sur le très modique budget européen qui représente environ 1 % du PIB européen. Enfin la règle d’or budgétaire mise
en place en 2012 tend à imposer la norme de l’équilibre budgétaire dans la zone euro. Pourtant, on peut concevoir la mise en
place de politiques de relance coordonnées lorsque l’ensemble des pays membres est confronté à un choc qualifié alors de
symétrique. Mais il faut encore compter avec la difficulté de coordonner les politiques économiques en Europe….
3. Pourquoi est-il difficile de coordonner les politiques économiques en Europe ?
3.1 / Les difficultés de coordination liées à l’hétérogénéité de la zone euro
http://dessinemoileco.com/peut-on-concilier-diversite-des-modeles-europeens-et-monnaie-unique/
Les différences évoquées plus haut en matière de croissance, de chômage, d’inflation, de solde extérieur… s’accompagnent bien
évidemment de choix de politiques économiques différents et qui ne sont pas sans incidence sur les pays partenaires.
Cette idée peut être illustrée par l’exemple franco-allemand. L’Allemagne a fait le choix d’une politique d’austérité et de
modération salariale qui a constitué un soutien important à sa compétitivité. La croissance des débouchés a été assurée par une
demande provenant notamment des autres pays de la zone. La France a plutôt fait le choix d’une politique de soutien à la
demande qui se solde aujourd’hui par des déficits élevés imposant des politiques de rigueur et de modération salariale. Mais
l’Allemagne ne semble pas prête à stimuler sa demande intérieure afin de soutenir la demande européenne (il y a eu quelques
efforts récents en ce sens avec notamment la mise en place du SMIC allemand).
Les interdépendances justifient donc une concertation en matière de politiques économiques car la réalisation des objectifs de
politique économique d'un pays dépend de ce qui se fait dans les autres pays de la zone.
Une convergence des politiques budgétaires en accroit considérablement l’efficacité globale. En effet, lorsqu'un seul pays est
concerné (relance non coordonnée), la relance par les dépenses publiques est en partie absorbée par ses partenaires
commerciaux (une partie de la demande se tourne vers les produits étrangers surtout si le pays a des problèmes de
compétitivité) limitant de ce fait la stimulation de l’activité nationale. Cela n’est plus le cas si tout le monde mène une politique
de relance.
Le succès des politiques conjoncturelles peut être accentué si la banque centrale soutient de son côté l’activité en baissant ses
taux d’intérêt. D’une manière générale, il faut parvenir à articuler la politique monétaire mise ne œuvre par la BCE (souvent
assez peu accommodante) et les politiques budgétaires des Etats membres (qui peuvent être tentés de laisser filer leurs déficits).
3.2 / Une difficile gestion de crise (crise financière, économique, puis des dettes souveraines)
La crise a rappelé à quel point les économies de la zone euro sont sensibles aux évènements qui affectent un ou plusieurs pays
membres mais aussi que l’Europe n’avait pas de gouvernement économique (voir doc.1 et 2). La réaction a été lente, un peu
désordonnée, faisant apparaître des désaccords quant aux solidarités à mettre en place et aux politiques à mener.
Sur le plan monétaire, la BCE a réagi plus tardivement et de manière moins volontariste que son homologue américaine en
baissant ses taux et en injectant des liquidités. Néanmoins récemment la BCE, dans un contexte de très faible inflation, a pris des
mesures pour accroitre les liquidités (en rachetant des titres de la dette publique détenus par les banques et les assurances)
Pour aller plus loin sur ce dernier point : http://dessinemoileco.com/quantitative-easing/
Sur le plan budgétaire les pays européens, dès 2008, ont mené des politiques de relance afin de soutenir l’activité. Mais ces
politiques ont été d’ampleur très variable et n’ont pas porté sur les mêmes composantes de la demande (soutien à la
consommation pour certains, soutien à l’investissement pour d’autres).
Dans leur ensemble ces plans de relance ont été d’une ampleur bien plus faible que le plan américain ce qui n’a pas vraiment
permis de renouer avec la croissance avant que la crise des dettes souveraines n’impose un retour vers l’austérité.
Face aux très fortes difficultés des pays « du Sud » la solidarité a été tardive. Des mécanismes d’aide se sont néanmoins mis en
place à travers des rachats de titres de la dette publique par la BCE, de prêts bilatéraux des Etats, de prêts du FMI. Une nouvelle
institution a vu le jour il s’agit du mécanisme européen de stabilité chargé d’apporter une aide financière aux pays très endettés
et financé par les contributions des pays membres de la zone euro.
Document 1 : Quelle union budgétaire pour la zone euro ?
Agnès Benassy-Quéré Professeur d'économie à l’Université Paris 1, Membre associé à PSE, Paris School of
Economics – École d'économie de Paris
1 avril 2016,
https://theconversation.com/quelle-union-budgetaire-pour-la-zone-euro-57063
L’union monétaire s’est faite en 1999 sans rien changer à l’organisation politique et économique de l’Union
européenne. En particulier, la politique budgétaire et la surveillance des banques sont demeurées la
responsabilité exclusive des États. Ces derniers se sont simplement engagés à respecter une règle de discipline
budgétaire – le Pacte de stabilité – afin de protéger l’Union d’une crise financière provoquée par une insolvabilité
budgétaire.
La nécessaire politique budgétaire européenne
La crise de la zone euro a démontré l’inadéquation de cette architecture. Le Pacte de stabilité n’a pas été respecté
en Grèce. Dans d’autres pays, le respect du Pacte n’a pas empêché la crise financière et budgétaire, révélant la
toxicité des liens étroits entre les États et « leurs » banques. Enfin, l’ensemble de la zone euro souffre aujourd’hui
d’un déficit de demande, sans que la BCE ne parvienne seule à résoudre le problème. Il faudrait l’épauler par une
politique budgétaire active, mais la zone euro n’a pas d’instrument pour cela.
Les réformes opérées depuis 2010, en particulier la création du Mécanisme européen de stabilité pour prêter aux
pays en crise et le transfert au niveau de la zone euro de la surveillance des banques, ont contribué à
« normaliser » cet objet étrange qu’est la zone euro – une monnaie sans État – par rapport aux fédérations
existantes (États-Unis, Canada, Allemagne, etc.). Dans les pays fédéraux, toutefois, les entités locales (états,
provinces, régions, Länder…) appliquent des règles budgétaires beaucoup plus simples et strictes que le Pacte de
stabilité européen. Ceci est compensé par un budget fédéral substantiel dont une des tâches est de stabiliser
l’économie : soutenir l’activité en période de crise et redresser les finances publiques en période de reprise.
Rien de tel dans la zone euro où la stabilisation budgétaire continue d’être la responsabilité exclusive des États
membres. Il en résulte des règles budgétaires de plus en plus compliquées puisqu’il faut combiner, au niveau de
chaque pays, la discipline budgétaire avec un volant de stabilisation.
Pour un fonds d’indemnisation du chômage européen
Si les chances sont minces qu’un vrai budget soit mis en place au niveau de la zone euro dans les années qui
viennent, on peut réfléchir à un fonds d’indemnisation du chômage qui permettrait, en période de forte hausse
du chômage dans un ou plusieurs États membres, d’allonger transitoirement la durée d’indemnisation, comme
c’est le cas aux États-Unis. Un tel système soutiendrait les revenus dans les pays en crise (contre une contribution
quand ça va mieux) et marquerait le début d’une solidarité entre travailleurs européens. Les transferts seraient
temporaires par construction, calés sur la variation du taux de chômage et non son niveau.
En les concentrant sur l’indemnisation du chômage en période difficile, on maximise les chances d’un effet
multiplicateur élevé et on minimise les risques liés à l’aléa moral. Aux États-Unis, les transferts fédéraux ont
représenté jusqu’à 0,5 % du PIB en 2010, la durée d’indemnisation étant allongée jusqu’à 99 semaines, contre 26
en temps normal (cf P. Berenberg-Gossler, Focus CAE n°011).
Une assurance chômage européenne pourrait être conçue dans un premier temps sur la base d’un traité
intergouvernemental (donc sans changement de traité européen), comme pour le Mécanisme européen de
stabilité. Elle serait activée selon des règles automatiques, ce qui limiterait les problèmes de gouvernance et
maximiserait l’effet de stabilisation macroéconomique. Certes, un tel projet exigerait une certaine convergence des
marchés du travail, pour éviter qu’un même choc ne provoque une hausse du chômage dans un pays et une
baisse des salaires dans un autre.
Cependant, convergence ne veut pas dire harmonisation. L’essentiel est d’éliminer les effets d’une trop forte
dualité du marché du travail, d’encadrer le niveau du salaire minimum par rapport au salaire médian, de définir
une couverture minimale de l’assurance chômage. La solution alternative est de coordonner les politiques
budgétaires nationales dans les périodes exceptionnelles, bonnes ou mauvaises, de manière à « mimer » ce que
ferait un gouvernement fédéral dans de telles circonstances. Mais on se heurte alors aux souverainetés nationales.
Paradoxalement, une solution « fédérale » est peut-être plus acceptable qu’une coordination des instruments
nationaux.
Document 2 : Réparer la zone euro sans la casser
Le Monde.fr | 03.06.2015 Par Maxime Sbaihi
La zone euro dans sa forme actuelle est le résultat de décennies de métamorphoses. Tout a commencé avec une
zone de libre-échange, promue plus tard au rang d’union douanière avant de devenir un marché commun et,
enfin, d’aboutir à l’union monétaire telle que nous la connaissons. Jean Monnet a écrit en 1976 que « l’Europe se
fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ».
La prochaine étape logique dans le processus d’intégration est celle d’une union budgétaire venant compléter la
politique monétaire unique. Cela suppose aussi une nouvelle forme de gouvernance, afin que les décisions
budgétaires soient pourvues d’une légitimité démocratique.
Mais un tel changement ne peut être réalisé dans le dos des électeurs. Après d’épuisantes années d’austérité et de
bricolage de crise, l’euroscepticisme a le vent en poupe. Toute perte de souveraineté qu’entraînerait une nouvelle
vague d’intégration serait politiquement invendable. Comme Jean-Claude Juncker l’avait joliment résumé :
« Nous savons tous ce qu’il faut faire, mais nous ne savons pas comment nous faire réélire une fois que nous
l’avons fait ».
Restructuration de la dette
La zone euro est aujourd’hui à la croisée de quatre chemins : le démantèlement, la séparation, le surplace ou
l’intégration. Un démantèlement ou une séparation en plusieurs blocs marqueraient le retour à une fragmentation
économique avec la réapparition de monnaies nationales. Un choix discutable pour des économies européennes
aussi interdépendantes commercialement que financièrement.
Le risque de voir les banques centrales profiter de leur indépendance retrouvée pour mener une guerre des
devises continentale est non négligeable. Compte tenu de ses contradictions internes, la zone euro ne peut non
plus rester dans sa forme actuelle si elle veut durer. Une coopération économique forte semble inévitable si ses
membres veulent continuer à partager richesse et paix dans une économie mondialisée.
Trois mesures raisonnables et pratiques permettent de la renforcer sans toucher à la souveraineté de ses membres
ni bouleverser ses institutions.
La restructuration de la dette n’est pas interdite par les traités mais reste néanmoins un sujet tabou. Elle est
pourtant la meilleure réponse à la question existentielle, lourde de plusieurs milliers de milliards, de la zone
euro : comment réduire des dettes publiques record alors que croissance et inflation sont vouées à la modération
et que les efforts d’austérité atteignent leurs limites ?
Union européenne des marchés de capitaux
La restructuration offre une alternative à l’austérité poussive tout en permettant de lever l’ambiguïté qui a faussé
l’évaluation du risque souverain avant la crise. L’astuce consiste à alléger le fardeau de la dette d’une manière
ordonnée, en évitant les perturbations financières ou les phénomènes d’aléa moral. La palette d’instruments
financiers à disposition est suffisamment large pour répondre à ces impératifs. Rappelons toutefois qu’il n’y a pas
de solution miracle : une restructuration favorise toujours les débiteurs au détriment des créditeurs.
L’économie européenne est trop dépendante de ses banques puisque les prêts bancaires représentent environ
80 % de la dette du secteur privé. Le problème a éclaté au grand jour pendant la crise quand ces dernières ont
fermé le robinet du crédit aux premières secousses, sans aucune alternative de taille pour y remédier.
L’idée est de créer cette alternative sous la forme d’une union des marchés de capitaux européenne venant
compléter l’union bancaire. L’objectif est de réduire la fragmentation financière en encourageant les flux
transfrontaliers. L’harmonisation des réglementations nationales est ici essentielle. L’enjeu est particulièrement
important pour les PME, premier vivier d’emploi en Europe. Elles ne représentent qu’un dixième du marché de la
titrisation européenne, lui-même étant cinq fois plus petit qu’aux Etats-Unis.
Le marché du travail de la zone euro est davantage une juxtaposition de dix-neuf marchés nationaux qu’un seul
marché commun. Les formes d’État-providence ainsi que l’organisation du dialogue social varient fortement
entre pays membres. Certaines conventions du marché du travail qui affaiblissent le lien entre productivité et
rémunération peuvent encore alimenter des déséquilibres salariaux au sein de la zone euro, sans possibilité de
correction par les taux de change.
Conseil de compétitivité
Les différences culturelles sont néanmoins trop fortes pour vouloir imposer un cadre commun. S’inspirant de la
Belgique, l’économiste au think tank bruxellois Bruegel André Sapir propose une solution intermédiaire
raisonnable sous la forme d’un conseil de compétitivité dans chaque état membre.
Celui-ci endosserait le rôle de surveiller (et de comparer avec les voisins) des indicateurs de compétitivité puis de
formuler des propositions d’évolution salariales lors des négociations entre partenaires sociaux. Des
recommandations qui seraient non-contraignantes mais fourniraient un curseur précieux pour le débat public.
Ces trois idées sont loin d’être des pansements. Leur mise en œuvre offrirait aux gouvernements une alternative à
l’austérité, au secteur privé des nouvelles sources de financement, et à la compétitivité un nouvel œil bienveillant.
Il est certainement trop tôt pour rêver, avec Victor Hugo et Winston Churchill, des Etats-Unis d’Europe. Le défi
immédiat est de rendre la zone euro suffisamment robuste pour éviter les erreurs existentielles du passé sans
trahir ses citoyens. La reprise aidera probablement à calmer leur défiance mais il faudra des années, voire des
décennies, pour les réconcilier avec l’idée originale d’une monnaie unique. Donnons du temps au temps.
Maxime Sbaihi (Economiste zone euro chez Bloomberg, à Londres)
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