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Exposé de Pierre Leconte devant l’A.G. annuelle de l’ASIN du 22
septembre 2013 Les Paccots Fribourg, Suisse
Pourquoi et comment en finir avec la répression financière organisée par
les Etats et les banques centrales ?
Je vais vous entretenir d’un sujet dramatique qui nous concerne tous puisqu’il
s’agit de savoir pourquoi la crise internationale d’endettement qui dure depuis
les années 1970 s’est produite et amplifiée et comment elle est aggravée par les
Etats et les banques centrales, dont les mauvaises politiques débouchent sur le
chaos faute de s’attaquer aux racines du mal. Cest-à-dire à la réforme du
Système monétaire et bancaire international dont Jacques Rueff, le conseiller de
Charles de Gaulle qu’il avait convaincu de la nécessité du tablissement de
l’étalon-or, écrivait dans les années 1960 déjà -avec une rare prémonition- qu’«Il
n’y a pas actuellement, pour l’Occident, de tâche plus urgente que de
reconnaître le danger qui menace et, en y parant, de rétablir dans le monde
libre un Système monétaire générateur d’équilibre et de durée».
Etant donné que la raison principale de la régression économique et du chômage
de masse que nous connaissons un peu partout en Occident et ailleurs depuis la
fin des « Trente glorieuses » (1944 - 1974) tient au fait que les Etats ont
successivement :
-d’abord, monopolisé le pouvoir monétaire par la suppression du bimétallisme
puis de l’étalon-or et la généralisation du mécanisme des réserves fractionnaires,
pour se donner les moyens de recourir à la création monétaire ex nihilo illimitée
permettant leur endettement toujours plus grand ;
-puis que, ne pouvant plus stopper les désastres qu’ils ont ainsi créés en termes
d’inflation et de dévaluation des monnaies -donc de perte de pouvoir d’achat des
populations-, ils ont abandonné ce pouvoir monétaire à des banques centrales
supposées indépendantes ayant depuis poursuivi leur mauvaise politique tout en
l’aggravant.
Puisque que nous sommes désormais dans une épouvantable « économie de
spéculation » caractérisée par la collusion des banques centrales, qui ne sont
plus limitées ni par les mécanismes auto-équilibrants de létalon-or ni par la
nécessité de rendre compte à une autorité publique -émanation légitime de la
représentation des peuples-, avec les grandes banques privées dites « too big to
fail » pour leur assurer les taux de profits les plus juteux ou les sauver des
débâcles provoquées par leurs opérations spéculatives comme par leurs
irrégularités. Je n’aurai pas la cruauté d’insister sur les pratiques de l’UBS à cet
égard, dont les dérives ont couté si cher à la Suisse, en particulier en matière de
remise en cause du secret bancaire et de son indépendance nationale.
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Tout cela s’exerçant à l’évidence au détriment des populations, dont l’épargne
n’est plus rémunérée (taux zéro ou négatif obligent), et de la plupart des
entreprises, qui ne trouvent plus de crédit, au profit de quelques firmes
monopolistiques (du type Goldman Sachs) ou d’oligarques multimilliardaires.
Concentrant tous les deux une extrême richesse et donc un pouvoir
hégémonique hors norme leur permettant de se livrer à toutes sortes de
manipulations n’ayant rien à voir avec le « bien public », alors même que c’est
l’argent public (via le Quantitative Easing ou les déficits des bilans des banques
centrales par exemples) qui les enrichit. Je vous rappelle à ce propos que le bilan
de la BNS, composé principalement d’obligations en euros des Etats de l’Union
européenne et non plus d’or, est de l’ordre de 70% du PIB de la Suisse, ce qui
est très dangereux pour le cas où la crise de la dette européenne s’aggraverait ou
que l’euro finirait par imploser, deux risques que l’on ne peut pas exclure.
On ne répétera jamais assez que ces dérives n’ont rien à voir avec le libéralisme
classique ni avec le « marché libre » mais ne sont que la résultante des politiques
de « planification monétaire centrale » décidées de concert par les cinq ou six
banques centrales et la BRI (leur organisation commune) qui gouvernent le
monde, n’ayant rien à envier au défunt modèle communiste soviétique. Sauf que
c’est actuellement bien pire puisque ce n’est plus limité à quelques Etats en
perte de vitesse, nostalgiques d’une idéologie totalitaire, mais que c’est
mondialisé et qu’il n’y a plus de Système alternatif immédiatement accessible.
Cette révolution monétaire, sans aucun précédent historique, a été « habillée »
d’une idéologie dirigiste pseudo scientifique (le keynésianisme) consistant à
faire croire aux populations que l’intervention croissante des pouvoirs publics
(Etats et banques centrales), supposés être dotés de compétences absolues, en
matière financière et économique obtiendrait de meilleurs résultats que le
libéralisme classique. Et, en particulier, que l’accroissement des dettes publiques
et privées et la dévaluation des monnaies étaient les deux moyens principaux de
la croissance économique et du progrès social indéfinis, alors qu’ils sont les
raisons de leur extinction. Etant donné qu’une dette publique élevée réduit
mécaniquement la croissance et que la dévaluation de la monnaie appauvrit ceux
qui l’on gagnée par leur travail. Sans oublier que Keynes lui-même prônait
« l’euthanasie du rentier » dont l’épargne devait être confisquée par l’Etat au
motif qu’elle était improductive. Idée d’une bêtise insondable puisque sans
épargne préalable, il ne peut pas y avoir d’investissement futur créateur des
emplois de demain, mais que l’on s’applique hélas à réaliser un peu partout.
Nous verrons ultérieurement comment on pourrait sortir de cette tragédie. Mais,
d’abord, nous allons considérer les stratégies de répression financière que les
Etats et les banques centrales ont développées pour temporairement éviter
l’explosion du Système monétaire et bancaire structurellement instable qu’ils
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ont créé. Explosion à terme inévitable, surtout si ladite répression devait se
poursuivre et s’aggraver puisque, loin de constituer un remède, elle n’est -ainsi
que nous allons le voir- que le poison qui détruit ce qu’il s’agit de soigner.
Il y a répression financière quand les pouvoirs publics prennent des mesures
dirigistes pour orienter au profit de l’Etat le capital privé qui, en l’absence de ces
injonctions, irait s’investir ailleurs dans des secteurs productifs. Ou bien quand
ils pratiquent une création monétaire effrénée cassant le pouvoir d’achat des
agents économiques -et donc la croissance- lesquels, dès lors, se mettent à
épargner le plus possible offrant ainsi bêtement aux Etats la manne dans laquelle
ils vont puiser. Il s’agit donc d’un transfert définitif de richesse des créanciers
(les épargnants) vers l’emprunteur (l’Etat) via une ponction supplémentaire peu
visible se rajoutant aux impôts et taxes de toutes sortes. Alan Greenspan, du
temps il était libéral et critique, c’est-à-dire avant de devenir le calamiteux
président de la Federal Reserve US, avait stigmatisé la répression financière de
la manière suivante : « La politique financière d’un Etat-providence requiert
que celui qui possède du capital n’ait aucun moyen de se protéger » !
C’est ce modèle que poursuivent les Etats et les banques centrales en forçant les
investisseurs, en particulier dits institutionnels (grandes banques privées et
assureurs) au moyen de la redéfinition des normes « macro-prudentielles » (Bâle
III, Solvency II, etc…) -qui n’ont pas pour objet d’accroître leur solvabilité mais
tout au contraire de les contraindre-, à acheter les obligations d’Etat. C’est-à-dire
les colossales dettes étatiques dont les pouvoirs publics savent très bien qu’elles
ne sont plus remboursables en totalité et dont le rendement réel est négatif, ce
qui revient à condamner à terme ces investisseurs à la faillite, même si les
marchés obligataires ne s’écroulaient pas du fait de la hausse des taux longs.
Idem, lorsque les Etats augmentent les impôts sans le consentement préalable
des populations -alors que ledit consentement est la base de toute démocratie
représentative- ou bien lorsque les banques centrales organisent l’inflation
ouverte ou cachée, voire comme on l’a vu depuis quelques années manipulent à
outrance les marchés financiers pour faire monter actions et obligations (ce qui
allège les dettes des banques et des Etats) comme pour faire chuter les métaux
précieux (ce qui prive l’épargnant de valeur refuge).
Et, cela, en instituant pour les métaux un mécanisme de double marché entre
leur prix physique et leur prix papier ayant pour résultat de casser leur valeur
marchande -temporairement à notre avis jusqu’à ce que leurs prix papier se
rapprochent de leurs coûts de production auquel cas ils remonteront
mécaniquement-. Les métaux précieux étant l’ennemi par excellence des faux-
monnayeurs qui nous gouvernent puisqu’ils offrent aux investisseurs qui les
achètent, tant qu’ils ne seront pas à nouveau confisqués par les Etats -comme
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l’ont fait il n’y a pas si longtemps les USA de Roosevelt et l’Allemagne
d’Hitler-, le moyen de se protéger à terme contre l’effondrement systémique, en
particulier du dollar US, qui menace bien plus que ne le disent la plupart des
analystes. Les manipulations des marchés de l’or et de l’argent-métal ne doivent
donc pas étonner puisque l’on se rappellera que les USA sous la présidence de
Nixon, déjà pour défendre leur dollar US, n’avaient pas hésité en août 1971 à
violer les accords de Bretton-Woods en mettant unilatéralement un terme à la
libre convertibilité du dollar US en or entre banques centrales.
Quant à l’alibi du financement de l’Etat-providence, mentionné par Greenspan
et ses continuateurs pour justifier la répression financière, il n’est pas valable
étant donné que cela fait bien longtemps que ledit Etat n’est plus en mesure de
protéger les classes pauvres et moyennes qui font au contraire l’objet de son
pillage systématique, auxquelles le meilleur service que les hommes politiques
peuvent apporter c’est de mettre en œuvre les conditions-cadres de la croissance
économique, au premier rang desquelles figurent l’organisation d’un Système
monétaire et bancaire stable, des marchés financiers non manipulés et la
modération de la ponction fiscale sous toutes ses formes -directes et indirectes-.
C’est d’ailleurs la suspension de la libre convertibilité de la monnaie en or ou en
argent-métal qui fut la première manifestation de la répression financière totale
puisque, dans un Système d’étalon-or ou de bimétallisme, l’Etat et la banque
centrale ne pouvaient pas taxer (via le cours forcé de la monnaie fiduciaire dont
ils détiennent le monopole d’émission) ou même ruiner (via la monétisation à
terme inflationniste de leurs dettes) les détenteurs de papier-monnaie.
Empêchant les pouvoirs publics d’accroitre la création monétaire bien au-delà
des réserves métalliques qu’ils sont en mesure de détenir et les grandes banques
privées d’émettre de la quasi monnaie -sous forme de crédit- bien au-delà de la
croissance réelle des économies, l’étalon-or ou le bimétallisme ont été les seuls
Systèmes évitant les dérapages des déficits publics et du surendettement des
grandes banques privées comme de l’ensemble des autres agents économiques.
Raison pour laquelle soit on y reviendra sous une forme ou sous une autre, soit
on assistera à l’explosion du Système actuel, à moins de confisquer l’épargne
mondiale ou bien de cesser le remboursement des dettes voire de les effacer,
intérêt d’abord et principal ensuite.
A cet égard, le changement de stratégie opéré par la Troïka (Union européenne,
BCE et FMI) dans la récente crise chypriote, consistant à imposer un « Bail-in »
(via la spoliation des dépôts bancaires) alors que jusqu’ici c’était le « Bail-out »
(via la ponction de l’ensemble des contribuables) qui était privilégié, montre que
ces autorités sont prêtes à aller encore plus loin puisque dans un premier temps
elles sont même passées outre à l’assurance de garantie théorique des dépôts
bancaires inférieurs à cent mille euros en vigueur dans l’Union européenne. Cela
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montre aussi qu’à l’avenir l’Allemagne, qui rejette la mutualisation des dettes
européennes (via la création d’eurobonds) -ce qui est son droit-, refusera de
payer la facture de l’endettement de ses partenaires. Ce qui empêchera la BCE
d’aller plus loin dans son prétendu « sauvetage » des Etats européens les plus
endettés et les moins compétitifs, qui n’est qu’une mise en scène pour calmer
l’opinion, puisqu’ils n’auront pas d’autre choix que de serrer la ceinture ou de
sortir de leuro. Entretemps, la répression financière continuera de s’aggraver
soit par la limitation des mouvements de capitaux (contrôle des changes), soit
par la création d’emprunts forcés auxquels les épargnants disposant d’un certain
capital et les fonds de retraites seront contraints de souscrire. Quant aux attaques
contre le secret bancaire ou les supposés « paradis fiscaux », elles redoubleront.
Mais confisquer directement l’épargne mondiale ce serait provoquer
l’effondrement économique via l’instauration de mécanismes encore plus
dirigistes que les populations refuseraient, quant à cesser le remboursement des
dettes voire les effacer ce serait créer une crise de confiance telle que plus
personne n’accepterait de s’engager dans le moindre contrat avec l’Etat qui les
pratiqueraient puisque sachant à l’avance que ce contrat ne serait pas respecté.
Ce qui obligerait cet Etat à vivre en autarcie, coupé de tout nouveau crédit
international, sans préjudice de la saisie de ses avoirs et biens situés à l’étranger.
Et pourtant, en un an, la dette publique dans la zone euro seulement (alors
qu’elle atteint déjà en moyenne son plus haut historique à prés de 93% du PIB
des Etats de cette zone) vient d’augmenter de 450 milliards d’euros
supplémentaires. En face, la production annuelle de richesses n’a progressé que
de 30 milliards. Alors que c’est sur cette seconde qu’il faudra prélever de quoi
rembourser la première. Les chiffres sont proportionnellement pires encore au
Japon et aux USA. C’est donc intenable. De telle sorte que, à moins de réformer
en profondeur le Système monétaire et bancaire actuel, il n’y a pas d’autres
alternatives que d’augmenter les impôts ou de sabrer la dépense publique, sauf à
laisser croître les déficits (méthode japonaise) ou à les monétiser (méthode
américaine et anglaise), procédés également mauvais parce que n’apportant
qu’un soulagement provisoire et limité mais qui sera bientôt payé au centuple
par l’effondrement monétaire du dollar US et/ou l’hyper-inflation.
Je voudrais ici faire une remarque à propos du fait que lon ne constate pas
encore de forte inflation en Occident et moins encore au Japon, même si le
renchérissement y est plus fort que les statistiques étatiques actuelles le
mesurent. Cela tient à ce que, en dépit de la très forte augmentation des masses
monétaires, la vitesse de circulation de la monnaie et le multiplicateur de crédit
continuent de diminuer, les liquidités massives créées par les banques centrales
allant se perdre dans une « trappe » les engloutissant. Etant donné que les
grandes banques privées, devant faire des provisions sur leurs mauvais risques et
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