
inimitable où tous les procédés d'écriture coexistent de façon constructive.   Même les 
collages de fragments empruntés à d'autres musiciens, passés ou contemporains, s'insèrent 
naturellement dans le discours, rapidement distordus et refondus dans la masse sonore. 
Schnittke s'est affirmé en écrivant la Symphonie n°1, une partition riche en trouvailles, qui 
distille avec fracas nombre d'extravagances sonores destinées à bousculer le public.   Sans 
surprise, elle a été interdite d'exécution publique et son auteur frappé des tracasseries en tous 
genres dont l'appareil du Parti avait le secret. 
Poursuivi par la bureaucratie soviétique, Schnittke n'en resta pas moins actif, fermement 
soutenu par la communauté intellectuelle et singulièrement par les membres de la Faculté des 
Sciences de l'Université de Moscou.  Ce fut le temps héroïque où des groupes clandestins de 
passionnés se réunirent pour faire entendre sa musique de chambre.   Le microfilm permit 
d'exporter les partitions à l'étranger, une tactique déjà pratiquée par Schostakovitch durant la 
seconde guerre mondiale. 
Schnittke enseigna au conservatoire de Moscou jusqu'en 1971.   Il arrondit ses fins de mois en 
écrivant des musiques de films, une trentaine au total (The Ascent, Clowns und Kinder, 
Agony, Die Glasharmonika, Der Aufstieg), qu'il considéra comme un laboratoire 
expérimental destiné à préparer des œuvres plus ambitieuses.  La musique d'Agonie (plages 
10 à 13) a, par exemple, servi de matériau à l'immense Passacaille qui couronne le Deuxième 
Concerto pour violoncelle.  Au bilan, ces partitions sont loin d'être banales (réécoutez cette 
plage 13 et comparez avec les sirops insipides qui accompagnent maints films actuels) et la 
firme Capriccio les édite : 4 volumes sont parus, à ce jour (Vol. 1, Vol. 2, Vol. 3, Vol. 4). 
Vers 1970, le régime soviétique relâcha la pression sur les artistes et les voyages des uns et 
des autres devinrent possibles.   Une poignée d'amis et interprètes fidèles se mirent en devoir 
de diffuser la musique de Schnittke un peu partout dans le monde : le violoniste Gidon 
Kremer, l'altiste Yury Bashmet, les violoncellistes Natalia Gutman et Mstislav Rostropovich 
et le chef Gennady Rozhdestvensky.   En 1988, Schnittke se rendit, pour la première fois, aux 
Etats-Unis pour la création américaine de la Première Symphonie et en 1990, il quitta 
définitivement l'URSS pour s'installer à Hambourg.  
A partir de 1985, une santé chancelante l'exposa à des accidents cardiaques particulièrement 
sévères.  Déclaré cliniquement mort à plusieurs reprises, il sortit chaque fois du coma sans 
rien perdre de son activité créatrice !   Cela dura 13 ans, jusqu'au coup fatal.