Tant que le dollar a joué son rôle de pivot du système monétaire
international (SMI) né à Bretton Woods en 1944, assurant une grande
stabilité à celui-ci de l’après-guerre à la fin des années 1960, les
Européens n’avaient aucune raison de le remettre en cause.
Pourtant dès 1969, la Commission européenne présente un plan
(le Plan Barre) visant à créer une union économique et monétaire. Ces
travaux ont été menés par un groupe d’experts présidé par Pierre
Werner, Premier Ministre du Luxembourg. Le Rapport Werner propose
en 1970 de créer une union économique et monétaire avant 1980, ce
que les États membres décidèrent de réaliser en mars 1971. Le plan
Werner est l’ancêtre de l’UEM actuelle. Il défendait cinq principes : une
convergence économique préalable à l’union monétaire, la
libéralisation des mouvements de capitaux, la fixation irrévocable des
parités entre les monnaies, un transfert de souveraineté nationale vers
les instances communautaires, dont un Fonds monétaire européen, et
trois phases pour y parvenir.
Mais l’explosion du système de Bretton Woods rendra impossible
ce projet et obligera l’Europe à inventer dans l’urgence des systèmes
de stabilisation des changes et une coopération monétaire
européenne, d'abord le serpent monétaire puis en 1978 le Système
monétaire européen, s’émancipant progressivement vis-à-vis du
dollar. La question monétaire ne devait dès lors plus quitter les
préoccupations européennes.
Globalement le SME fut une réussite, une zone de relative
stabilité des changes dans un monde en très forte instabilité. La
coopération monétaire a plutôt bien fonctionné, même si cette relative
stabilité monétaire a été payée chèrement au niveau de l’économie
réelle. Mais le gros point noir du SME, qui va sceller sa fin et ouvrir la
voie à la monnaie unique, est la situation asymétrique au sein de la
zone. En effet, le SME a évolué vers une zone mark, c’est-à-dire que la
monnaie de la République Fédérale d’Allemagne (RFA) a rapidement
joué le rôle de pivot du système. Grâce à sa maîtrise de l'inflation et à
ses forts excédents commerciaux qui ont permis à l’Allemagne
d'accumuler de grandes réserves de devises, sa monnaie jouit d'une
forte attractivité. Dès lors, sa politique monétaire a pu s’affranchir de
l’objectif externe du taux de change pour se concentrer sur ses
objectifs internes et plus particulièrement sur l’inflation. Cette
évolution correspond au « triangle d’incompatibilité » de Mundell
(1960 ; 1961) qui avait montré qu'un pays ne pouvait poursuivre
simultanément que deux des trois objectifs suivant : des taux de
change fixes, une mobilité parfaite des capitaux et une politique