La Grande France - Michel Guénaire - 4 avril 2016
Français et est à l’abri de toute censure directe du Parlement, mais, ainsi que le veut le régime
parlementaire, le Premier ministre qu’il nomme est responsable devant l’Assemblée nationale.
L’alchimie est complexe. Modifier une règle au sein de cet ensemble conduirait à malmener
l’équilibre du tout. Si l’on supprimait l’élection du président de la République au suffrage universel
direct, la Vème République redeviendrait un régime parlementaire paradoxal, comme il l’était de 1958 à
1962, en faisant cumuler une désignation du président par les deux chambres parlementaires et des
attributions fortes de ce dernier, comme la désignation du Premier ministre et la dissolution de
l’Assemblée nationale. Le peuple français serait en outre privé de l’enjeu de la désignation de son
véritable responsable avec l’élection présidentielle qui reste le rendez-vous électoral préféré des
Français.
Si, à l’inverse, on supprimait le Premier ministre, dont l’utilité est mise en cause à côté de celle du
président, le président se retrouverait à la tête d’un pouvoir omnipotent, sans limitation de la censure
parlementaire ou celle des élections législatives, hormis le cas d’une majorité différente de son opinion
avec laquelle il doit cohabiter en cours de mandat.
La Constitution de la Vème République, telle qu’elle a été composée par son histoire longue à présent
de plus d’un demi-siècle, est rentrée dans les mœurs du peuple français. Elle est la règle du jeu
démocratique. Sa durée protège le peuple contre les partis politiques. Nous lui manifestons notre
attachement.
La Constitution n’est pas en cause. Seules les personnes le sont. Elles peuvent enrichir le
fonctionnement des institutions par leurs qualités, mais peuvent l’affecter par leur médiocrité. La
France ne demande pas une nouvelle constitution, mais une nouvelle action politique conduite par de
nouveaux responsables qui la représentent mieux.
La politique n’aurait jamais dû devenir un métier
La politique est un service. Elle n’aurait jamais dû devenir un métier. L’élu devant être sans cesse
renouvelé par l’électeur, il n’aurait jamais dû poursuivre une carrière le voyant toute sa vie se porter
candidat à tous les mandats possibles.
L’élu ne doit pas s’éterniser. S’il dure, il s’éloigne de l’électeur ; il n’est plus vrai, ou il ne dit plus la
vérité de la démocratie. S’il dure, il éloigne surtout l’électeur de la liberté. Une représentation
nationale réussie est un accord entre les responsables et les citoyens, en même temps que la promesse
de la liberté de ces derniers. Seules les sociétés qui se reconnaissent dans leurs responsables sont des
sociétés libres. C’est cette liberté que la France a perdue.
Une classe politique est au pouvoir depuis 1986, date emblématique du commencement de la
confusion politique avec la première cohabitation. « Ce qui explique la cohabitation, c’est que
majorité et opposition acceptent de se partager le pouvoir et ses avantages », notait Raymond Barre
lucide à la fin de sa vie.1 Il poursuivait : « Les partis, sous la cohabitation, ont retrouvé une place de
plus en plus grande dans la vie politique, face à des gouvernements qui se sont montrés de plus en
1 Raymond Barre, L’expérience du pouvoir, Conversations avec Jean Bothorel, Paris, Fayard, 2007, p. 277.