Le rôle du juge pendant la crise : entre ombre et lumière

R.A.E. – L.E.A. 2012/4 773
Le rôle du juge pendant la crise:
entre ombre et lumière
Hubert DE VAUPLANE, Avocat associé Kramer
Levin LLP
La crise financière a été analysée dans tous
ses détails. Ses causes, son déclenchement et
le fil des évènements sont maintenant connus.
Le rôle des principaux protagonistes aussi : les
banquiers bien sûr, mais aussi les agences de
notation, les superviseurs bancaires, les poli-
tiques. Il est pourtant un acteur dont le rôle
reste encore peu connu : le juge. Certes, par
définition, c’est un acteur a posteriori de la
crise, qui n’est pas lié au déclenchement de
celle- ci, contrairement aux précédents acteurs
évoqués. Mais une fois la crise née, il devient
un des protagonistes de cette crise. Parfois de
façon évidente et incontournable, comme lors
des faillites d’établissements bancaires, parfois
de façon plus classique pour trancher un diffé-
rent entre deux parties à un contrat ou recher-
cher les responsabilités des uns et des autres
dans les conséquences de cette crise ; parfois
de manière plus inattendue, comme lorsqu’il
s’agit de déterminer la constitutionnalité du
traité européen créant le MSE, voire même
lors de la mise en cause de responsables poli-
tiques dans la gestion de la crise. Les quelques
lignes qui suivent se proposent de jeter un re-
gard sur ce rôle. l’on constatera que le rôle
du juge oscille entre ombre et lumière.
I. Le juge et la faillite des banques
La première apparition médiatique du juge
dans la crise financière intervient lors de la
mise sous protection de la loi sur la faillite
de Lehmann Brothers le 15 septembre 2008.
Ce coup de tonnerre judiciaire fait suite ce-
pendant à de nombreux cas où, déjà, des dé-
faillances bancaires étaient intervenues et cer-
taines avaient été évitées. Comme dans toute
procédure du même genre, c’est le juge qui
décide de placer une entreprise sous un des
régimes du droit de la faillite. C’est lui qui
conduira ensuite les principales étapes de la
procédure. Aux États- Unis, le juge était inter-
venu avant Lehmann pour ouvrir des procé-
dures de faillites au cours de l’année 2007 :
New Century, en avril 2007 mais surtout
Indymac, filiale de Contrywide Financial en
juillet 2008. Le juge a ouvert d’autres pro-
cédures de faillites retentissantes dont celle
de Washington Mutual quelques jours après
Lehman.
Mais à y regarder de près, l’intervention du
juge dans les difficultés rencontrées par les
banques pendant la crise financière reste l’ex-
ception. Les pouvoirs publics aux États- Unis
et en Europe, conscients de l’effet désastreux
de la faillite de Lehmann sur les marchés ou
pour la stabilité du système financier inter-
national, ont tout fait pour éviter l’ouverture
de nouvelles faillites. Dans ces opérations de
« sauvetage » dirigées par les pouvoirs publics,
le juge disparaît complètement. Il est écarté
du processus alors même que salariés, créan-
ciers et déposants des établissements en diffi-
cultés devraient être protégés par sa présence.
L’urgence commande souvent la décision prise
par les pouvoirs publics en ce domaine. Ceux-
ci optent pour différentes solutions, de la plus
brutale qui consiste à la prise de participation
majoritaire et donc la nationalisation des éta-
blissements bancaires en difficulté, aux solu-
tions plus dégradées comme l’apport de ga-
ranties publiques ou le rachat par un tiers
avec le soutien ou le financement publics.
Toutes ces solutions visent à éviter la mise
sous « faillite » des établissements en difficul-
té. Le maître mot est « too risky too fail » :
plus question de prendre le moindre risque
de déclenchement d’une crise systémique, à
l’échelon mondial comme à l’échelon régional
ou local. Plus question non plus de voir des
« bank run » (ou ruées aux guichets »), sapant
la confiance des épargnants. Pour éviter ces
Le rôle du juge pendant la crise: entre ombre et lumière
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spirales infernales, une seule solution : l’in-
tervention rapide des gouvernements avec la
mise en place d’aides massives. Le temps de
la justice n’est pas le temps des marchés finan-
ciers, lesquels demandent des réponses claires
et surtout immédiates face aux situations ren-
contrées par certains établissements au bord
du dépôt de bilan. C’est ainsi qu’avant même
Lehmann, des établissements ont fait l’ob-
jet de procédures de « sauvetage » hors pro-
cédures judiciaires : on pense bien sûr à IKB
en Allemagne en juillet 2007, ou Northern
Rock en Grande- Bretagne (nationalisé en fé-
vrier 2008), ou encore Bear Sterns aux États-
Unis racheté à la demande du Trésor américain
par JP Morgan en mars 2008. Mais c’est sur-
tout après la faillite de Lehmann et ses effets
désastreux que les dirigeants de l’époque ont
alors considéré qu’il fallait éviter à tout prix
une nouvelle faillite : on se souvient de Fannie
Mae et Freddie Mac qui, tout comme AIG,
sont de fait nationalisés en septembre 2008.
Idem pour Fortis suite aux interventions des
gouvernements belges, néerlandais et luxem-
bourgeois en octobre 2008, ou Brandford &
Bingley, HBOS, Llyods et RBS en Grande-
Bretagne toujours en octobre 2008, Hypo Real
Estate en Allemagne à la même date, ou bien
les trois principales banques islandaises tou-
jours en octobre 2008, et les trois plus grandes
banques irlandaises en octobre 2008. La liste
des établissements « sauvés » in extremis est
longue et se poursuivra au cours des mois sui-
vants sans qu’il soit utile de faire l’énuméra-
tion (on pense à Dexia…). Dans toutes ces
situations, le juge est absent. Il est même dé-
libérément écarté. L’absence du juge du pro-
cessus de sauvetage (ou « bail- in ») est même
un des principes clé du projet de directive eu-
ropéenne sur le Redressement et la Résolution
des banques, lequel s’inspire pour l’essentiel
des principes mis en place par le FMI1. C’est
ce même projet de directive qui a donné lieu
à l’adoption en France de la loi sur la sépara-
tion et la régulation des activités bancaires, la-
1 IMF & World Bank : “In the context of bank insolvency, the
scope for judicial review should be clearly circumscribed so as
not to undermine the effectiveness and credibility of the banking
authorities’ actions in their efforts to protect the stability of the
financial system. The review process should not be so intrusive
and unpredictable as to discourage the banking authorities from
taking prompt and decisive action” (“An overview of the legal,
institutional, and regulatory framework for bank insolvency”,
17 avril 2009).
quelle minimise l’intervention du juge tout au
long du processus de redressement. Dans tous
ces textes, le rôle du juge se limite à la por-
tion congrue et les recours possibles, lorsqu’ils
existent, sont par définition toujours a poste-
riori. Certes, juridiquement parlant, les outils
de redressement bail- in tools ») sont mis en
place avant le déclenchement de la faillite, la-
quelle ouvre de nouveau la voie au juge. Mais
l’étendue des pouvoirs entre les mains du su-
perviseur bancaire ou de l’administrateur qu’il
a nommé mettent à mal les droits des créan-
ciers, voire même des actionnaires, sans que le
juge ne puisse opérer un contrôle de ces déci-
sions2. La crise bancaire aura ainsi conduit à
ce que le juge soit écarté le plus souvent des
restructurations bancaires.
II. Le juge et le contrat
Si le juge est absent – ou presque des res-
tructurations bancaires initiées par les pou-
voirs publics, qu’en est- il dans son rôle tradi-
tionnel, lorsqu’il s’agit de régler un différent
entre deux parties à un contrat ? S’agissant de
la crise financière, deux situations pouvaient
donner lieu à intervention d’un juge : lors du
défaut d’un débiteur vis- à- vis de ses créan-
ciers ou lors de la contestation des droits d’un
créancier par le débiteur.
Le premier cas est simple : dans quelle me-
sure un débiteur est- il en situation de ne pas
avoir respecté ses obligations contractuelles ?
Plus précisément, quand un débiteur peut-
il être considéré comme « en défaut » ? La
question s’est surtout posée à l’occasion de la
crise de la dette souveraine de la zone euro,
car dans le cas d’un débiteur bancaire, la si-
tuation est juridiquement plus simple : soit le
débiteur est placé en situation de « faillite » et
dès lors le défaut est avéré ; soit il fait l’objet
d’un « sauvetage » par les pouvoirs publics, ce
qui, dans la plupart des contrats financiers, est
aussi considéré comme un « défaut » contrac-
tuel. Mais le cas des débiteurs souverains est
plus complexe. Notamment du fait qu’un État
ne peut pas être en « faillite ». Il peut être
2 Cf. H. DE VAUPLANE, “Procedural aspects of the Bail in mecha-
nism : conflict between public and private interest”, Butterworth,
JIBFL, October 2012, p. 572.
Le rôle du juge pendant la crise: entre ombre et lumière
R.A.E. – L.E.A. 2012/4 775
en situation de défaut, mais il ne peut pas
être placé sous un régime de protection de
faillite3. Le cas le plus topique est ici celui
de la Grèce : techniquement en « faillite », de
fait en « défaut », la Grèce n’a pourtant juri-
diquement pas fait l’objet d’un défaut au sens
contractuel. Comment expliquer ce paradoxe ?
Lorsque la République hellénique, comme tous
les émetteurs souverains, procède à des émis-
sions de titres, elle documente son émission
dans un document Offering Circular ») qui
reprend les principales caractéristiques des
titres émis et qui juridiquement constitue le
contrat passé avec ses créanciers. Ce contrat,
bien que non standardisé jusqu’à une période
récente, prévoit les conditions dans lesquelles
l’émetteur peut être déclaré en défaut par les
créanciers, et ainsi permettre à ceux- ci d’exi-
ger le remboursement anticipé de leur créance.
Deux situations particulières sont généralement
prévues : le non- respect d’un engagement dé-
terminant au titre du contrat, et le défaut de
paiement du capital ou des intérêts à une
échéance, sous réserve d’un délai de grâce4.
Or, grâce une restructuration de sa dette par-
ticulièrement audacieuse juridiquement, la
Grèce a évité le défaut. Comment ? En res-
tructurant sa dette avec ses créanciers privés
avant d’être en défaut. En non après, comme
cela arrive généralement. Ainsi, à l’issue de
cette restructuration qui a vu les créanciers
abandonner plus de 70 % de la valeur nomi-
nale de leur créance, la République hellénique
continue d’honorer ses engagements contrac-
tuels, même revus à la baisse du fait de la ré-
duction du poids de sa dette, et n’est pas ju-
ridiquement en défaut au titre de ses contrats
d’émission. Et pourtant, malgré cette belle
mécanique, il est une situation la Grèce
a été considérée comme en défaut : il s’agit
du cas des produits dérivés Credit Default
Swaps ») utilisés par certains investisseurs
pour se couvrir contre… le risque de défaut
de la Grèce ! Ici, le cadre contractuel diffère
de celui des émissions obligataires en ce que
la notion de « défaut » est plus large que pré-
3 Cf. H. DE VAUPLANE, « Faillite des individus, des entreprises,
des collectivités et des États : convergences et différences juri-
diques », Rapport Moral sur l’argent dans le monde, 2011-2012.
4 Sur tous ces points, cf. G. DE MARGERIE et H. DE VAUPLANE,
« Les défauts du défaut : quelques clés pour comprendre la crise de
la dette souveraine », En temps réel, Cahier 48, novembre 2011.
cédemment. Pour aller à l’essentiel5, le contrat
ISDA qui régit les relations entre deux parties
à un contrat dérivé, dont l’actif sous- jacent est
une obligation d’État grecque, prévoit que doit
être considéré comme étant en défaut l’émet-
teur qui impose une restructuration de sa dette
à ses créanciers. Or, la restructuration de la
dette grecque avait ceci d’exceptionnel qu’elle
était « volontairement obligatoire », c’est- à-
dire que les créanciers pouvaient renoncer de
façon volontaire à une partie de leurs droits
(dans ce cas, le défaut n’était pas avéré) mais
s’ils refusaient de le faire, ils pouvaient voir
leurs créances converties de force sans leur
accord aux conditions décidées par la majo-
rité des autres créanciers. La question était
donc de savoir si cette procédure constituait
un défaut au sens de la documentation ISDA.
Plutôt que d’attendre qu’un juge prenne une
décision dans un contentieux, comme ce fut
le cas dans des circonstances différentes avec
l’Argentine, les créanciers ont préféré deman-
der à l’ISDA, simple organisation profession-
nelle dépourvue de tout pouvoir normatif ou
interprétatif, de se prononcer. Ce que cette as-
sociation a fait en considérant qu’en l’espèce
la Grèce était bien en défaut, ouvrant ainsi la
possibilité aux « acheteurs de protection » de
se voir indemniser de la perte de valeur de
leurs actifs grecs couvert par un CDS. Il est
à tout le moins curieux que ce soit une ins-
tance professionnelle qui déclare un État sou-
verain en défaut ! Et ce, sans aucun contrôle
du juge. Ainsi, s’agissant de la documenta-
tion contractuelle relative à la dette grecque,
le juge a été absent du processus. Le plus sou-
vent du fait des techniques de restructuration
retenues ; mais aussi d’une volonté d’écarter
l’intervention du juge dans des « affaires trop
sérieuses pour lui être confiées ».
Par contre, lors de différents entre deux par-
ties à un contrat sans relation avec une dette
souveraine par exemple lors d’opérations de
titrisation ou de structuration d’actifs dont
l’une des parties est en faillite, le juge re-
trouve toute son importance. Les situations
un juge a se prononcer sur l’existence,
l’opposabilité ou la validité d’un droit d’une
partie qu’une autre partie contestait sont très
5 Pour plus de détail, ibid.
Le rôle du juge pendant la crise: entre ombre et lumière
R.A.E. – L.E.A. 2012/4776
nombreuses6, en particulier lors d’opérations
utilisant des produits dérivés dont le méca-
nisme de « close out netting » vient en oppo-
sition avec les principes du droit de la faillite.
La plupart des cas a été jugée aux États- Unis7
ou en Grande- Bretagne8. Il en est de même
dans les situations un investisseur reproche
à son banquier ou son courtier ses investisse-
ments pendant la crise et cherche à faire peser
sur celui- ci les pertes liées à la baisse de va-
leur des actifs. Ici, le rôle du juge est on ne
peut plus simple et classique, et ne mérite pas
plus de s’y attarder.
III. Le juge et la fraude
Toute période de crise apporte son lot de
fraudes, escroqueries et autres abus de
confiance. Il y a bien sûr les cas exception-
nels comme KERVIEL en France, ou ADOBOLI
en Grande- Bretagne ou encore toutes ces en-
quêtes et plaintes pénales aux États- Unis à l’en-
contre de courtiers ou de banques pour avoir
vendus des prêts immobiliers de façon fraudu-
leuse et les nombreuses class actions lancées
aux États- Unis à l’encontre des banques par
des clients ou investisseurs de ces banques9.
Mais on pense surtout à la fraude MADOFF,
véritable escroquerie planétaire. Ici, s’agissant
de droit pénal, le juge retrouve l’entièreté de
ses attributs. Y compris sous l’angle civil de
ces fraudes. Ainsi, s’agissant de l’escroquerie
MADOFF, le juge a se prononcer sur la res-
ponsabilité des intermédiaires financiers, éven-
tuellement coupables de négligence dans leurs
processus de sélection des fonds MADOFF,
mais aussi du partage de responsabilité entre
les investisseurs et leurs banques ou courtiers
pour essayer de faire supporter à ceux- ci les
6 Cf. le site « The D & O Diary » qui recense les actions judi-
ciaires en matière de produits dérivés et de subprime : http://www.
dandodiary.com/articles/subprime- litigation/
7 SDNY 20 janvier 2011, LBIH v. Swedbank, Banque & droit,
137, p. 35 ; SDNY 25 janvier 2010, Lehman Brothers Special
Financing Inc v. BNY Corporate Trustee Services Ltd, Banque &
droit, 130, p. 45.
8 Cf. par exemple, Kauphting HF v. Kaupthing Singer &
Friedlander Ltd [2012] EWHC 2235 (Ch), Butterworth, JIBFL,
October 2012, p. 588. ; Lomas and others v. JRB Firh Rixson
Inc, High Court of London, 21 décembre 2010, Banque et droit,
n° 135, p. 35 ; BNP Paribas v. Wockhardt [2009] EWHC 3116,
Banque & droit, n° 130, p. 47.
9 Cf. le site de American Bar Association qui recense toutes les
class actions en la matière : http://apps.americanbar.org/litigation/
committees/classactions/news.html
pertes liées à la disparition de plusieurs mil-
liards de dollars10.
Mais il est une autre situation qui a attisé
toutes les critiques, celle du cas de la res-
ponsabilité éventuelle des agences de notation
dans la crise. Dans quelle mesure un investis-
seur qui avait souscrit un titre ou un produit
noté par une agence pouvait- il se retourner
contre cette agence ? Ce n’est pas tant la res-
ponsabilité de l’agence au titre d’un défaut de
prévision de la crise qui est recherchée mais
la responsabilité pour manœuvre frauduleuse
et conflit d’intérêts. La situation est connue11.
Tout comme le fait qu’il a fallu que le législa-
teur, tant aux États- Unis qu’en Europe, modi-
fie les textes en vigueur pour créer un régime
spécial de responsabilité pour les agences de
notation afin de faciliter la mise en cause de
ces agences, protégées jusque- là par des dis-
positions particulières12. Mais, si les conditions
législatives relatives à la responsabilité de ces
agences ont été modifiées, les juges ont fait
preuve d’imagination pour réussir à contourner
les obstacles réglementaires en vigueur jusque-
là. Ainsi du juge australien dans une décision
du 5 novembre 201213 ou du juge américain le
17 août 201214. Quant aux États- Unis, et après
de longs mois de silence, le Département de
la Justice a déposé plainte auprès d’un tribu-
nal de Los Angeles contre une agence pour
son rôle dans la crise financière de 2008. Le
ministère accuse S&P d’avoir sciemment sous-
évalué, au travers de ses notations, les risques
de certains actifs immobiliers à l’origine de la
crise, afin d’accroître ses parts de marché et
de développer son chiffre d’affaires. Plusieurs
États américains se sont joints à cette plainte,
ou ont annoncé leur intention de le faire.
10 Cf. H. DE VAUPLANE, « Madoff : l’étau se resserre auprès des
intermédiaires financiers » : http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-
marches/finance- marches/bourse/221163887/madoff- etau- resserre-
autour- intermediaires- fina
11 Cf. le rapport très complet de la SEC au Congrès américain :
http://www.sec.gov/news/studies/2012/939h_credit_rating_standar-
dization.pdf
12 R. C. POZEN and B. CONROY, “Credit Rating Agency Reform in
the US and EU”, Harvard Business School Case, 312-127, April
2012.
13 Bathurst Regional Council v Local Government Financial
Services Pty Ltd (No 5) [2012] FCA 1200
14 Abu Dhabi Commercial Bank and others v. Moody’s, Standard
& Poors and Morgan Stanley, Opinion and Order, SDNY, 17 août
2012 : http://sdnyblog.com/wp- content/uploads/2012/08/08- Civ.-
7508-2012.08.17- Summary- Judgment- Ruling.pdf
Le rôle du juge pendant la crise: entre ombre et lumière
R.A.E. – L.E.A. 2012/4 777
IV. Le juge, la constitution
et les traités de lUnion
européenne
Souvent écar des décisions importantes dans
les restructurations bancaires ou de dettes sou-
veraines, le juge est réapparu là où beaucoup
ne l’attendaient pas : à l’occasion de contes-
tations par des citoyens européens des modifi-
cations du cadre institutionnel européen relatif
au « plans de sauvetage » vis- à- vis de certains
pays. Si le droit national dans certains cas,
comme en Allemagne, en Finlande, en Irlande,
ou en Autriche, oblige toute modification des
traités européen à obtenir une ratification des
instances législatives nationales, il permet aussi
parfois à certains individus de saisir directe-
ment leur cour constitutionnelle (ou ce qui en
tient lieu) sur la constitutionnalité de ces mo-
difications des traités par rapport à leur consti-
tution nationale15. Ce retour du droit constitu-
tionnel dans l’organisation de la gouvernance
européenne est, à cet égard, le grand enseigne-
ment de cette crise. Qui ne connait pas au-
jourd’hui le Tribunal constitutionnel allemand
de Karlsruhe ? L’Europe entière fut suspendue
à de nombreuses reprises à ses décisions. Dans
l’arrêt rendu le 12 septembre 2012 à propos
du Mécanisme européen de stabilité (MES),
les juges constitutionnels allemands ont assor-
ti leur approbation de la ratification des deux
traités européens, remise en cause par divers
organismes et élus, de deux principales condi-
tions : le respect du droit (et même, du devoir)
d’information du Parlement, et le respect de
la souveraineté budgétaire du Parlement16. Le
tribunal constitutionnel a rappe une décision
antérieure adoptée le 7 septembre 2011 (au
sujet de l’aide à la Grèce et du FESF), dans la-
quelle il indiquait que les décisions concernant
les recettes et dépenses publiques devaient res-
ter de la compétence du Parlement, car il s’agit
d’une base essentielle de la capacité d’autodé-
termination démocratique. le juge se rap-
pelle aux hommes politiques
Il est un autre juge, peu connu du public, qui
a été amené à se pencher sur la crise : le juge
européen de Luxembourg.
15 Cf. le cas de l’Estonie : http://www.riigikohus.ee/?id=1340
16 P.C MÜLLER- GRAFF, « L’arrêt de Karlsruhe à propos du
MES », Bulletin économique du CIRAC 106 (2012).
Tout d’abord, dans le prolongement des rati-
fications des modifications des traités de l’UE
avec la création du MSE, la Cour de justice
de l’Union européenne a eu à se prononcer, en
urgence, sur une question préjudicielle posée
par la Cour Suprême irlandaise quant à la va-
lidité de la décision 2 011/199/UE du Conseil
européen, du 25 mars 2011, modifiant l’ar-
ticle 136 TFUE en ce qui concerne un méca-
nisme de stabilité pour les États membres dont
la monnaie est l’euro17.
S’agissant de la dette grecque, l’interven-
tion du juge est apparue là on ne l’atten-
dait pas : devant le Tribunal de l’Union eu-
ropéenne dans deux affaires qui impliquent la
Banque Centrale Européenne : le première, à
l’encontre de Bloomberg qui demandait à avoir
accès à des documents du Conseil des gou-
verneurs considérés par la BCE comme confi-
dentiels ; la seconde dans un contentieux initié
par des petits porteurs italiens de titres grecs
mécontents des conditions dans lesquelles la
restructuration est intervenue.
Mais le cas le plus connu est celui du dif-
férent qui opposa la Grande- Bretagne à l’Is-
lande. Après avoir bloqué en octobre 2008,
au nom d’une loi sur le financement du ter-
rorisme (!) les avoirs de certaines filiales des
banques islandaises en Grande- Bretagne et
suite à une loi islandaise jugée inéquitable
par le gouvernement britannique dans le trai-
tement des situations entre les créanciers islan-
dais de ces banques et leurs créanciers inter-
nationaux, les juges français18 comme anglais19
ont été amenés à se prononcer sur la validité
de certaines mesures de protection des créan-
ciers, dont certaines saisies opérées par des
créanciers internationaux sur les comptes de
ces filiales. Mais surtout, la justice s’est pro-
noncée dans l’affaire Icesave qui, après des
tensions diplomatiques entre les deux pays
suite au refus par l’Islande, de rembourser
d’environ 4 milliards d’euros les épargnants
anglais qui avaient placé leurs économies dans
les filiales anglaises des banques islandaises, a
17 CJUE, 27 novembre 2012, Pringle, aff. C- 370/12, nep.
18 Cass. Com., 14 février 2012, M. et Mme G / Kepler Capital
Market, Banque & droit, 143, p. 31.
19 Jefferies International Ltd v Landsbanki Islands HF [2009]
EWHC 894 (Comm) (28 April 2009) ; Rawlinson & Hunter
Trustees SA v Kaupthing Bank HF & Ors, Court of Appeal -
Commercial Court, March 16, 2011, [2 011] EWHC 566 (Comm)
1 / 6 100%

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