Dental Tribune Édition Française | Novembre 2014
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Les pathologies des glandes salivaires tou-
chent 1 % de la population adulte, et l’odonto-
logiste est particulièrement concerné puis-
qu’il est en première ligne pour les diagnosti-
quer. En quelques années, la prise en charge
des pathologies salivaires a beaucoup évolué.
Il s’agit ici de faire une mise au point sur les
avancées en matière d’imagerie des glandes
salivaires et de prise en charge médicale et
chirurgicale des pathologies salivaires.
Avancées dans la prise en
charge des sécheresses
buccales (1-3)
La sécheresse buccale ou xérostomie est
une plainte fréquente rapportée par plus de
la moitié des patients âgés et 1/5 des adultes
jeunes. Elle doit être entendue, évaluée et
prise en charge précocement puisqu’elle
compromet les fonctions orales et la qualité
de vie. Les étiologies sont diverses, allant des
facteurs médicamenteux aux maladies sys-
témiques en passant par la radiothérapie et la
chimiothérapie. Cependant, les recherches
avancent et la démocratisation de la radio-
thérapie conformationnelle à modulation
d’intensité et sa planification en cancérolo-
gie tête et cou ont permis de réduire significa-
tivement cette xérostomie. Parallèlement,
des équipes de recherche travaillent sur le po-
tentiel des cellules souches et sur la
transplantation orthotopique de glande sali-
vaire dans le modèle murin.
Après une écoute attentive du patient
consultant pour un syndrome sec, l’examen
clinique va se concentrer sur l’aspect des té-
guments extra-oraux (Fig. 1), puis des mu-
queuses constituant la cavité orale. L’analyse
de la denture permet souvent de retrouver
des altérations tissulaires érosives, carieu-
ses,… (Fig.2). La protraction linguale deman-
dée au patient met en lumière une langue
lisse, vernissée, érythémateuse (Fig.3).
L’inspection des ostiums à la suite de la palpa-
tion des glandes salivaires principales voit
sourdre une salive souvent épaisse, vis-
queuse (Fig.4).
Une fois objectivée par l’examen cli-
nique, la xérostomie doit faire l’objet d’un
diagnostic étiologique parfois évident,
comme dans le cas des irradiations théra-
peutiques, et parfois plus délicat, comme
par exemple pour le syndrome de Gouge-
rot-Sjögren.
Une fois le diagnostic confirmé, et selon l’é-
tiologie, les thérapeutiques comprennent le
suivi plus rapproché des soins conservateurs
et la fluoroprophylaxie pour le maintien de la
denture, la prescription de rinçages buccaux
et de substituts salivaires ou de sialogogues
selon le cas, et l’élimination éventuelle de mé-
dicaments ayant des effets anticholiner-
giques.
Ainsi les patients n’ayant pas de contre-in-
dications et dont les glandes salivaires princi-
pales ont un fonctionnement résiduel (éva-
lué cliniquement par la palpation ou en écho-
graphie par le test au citron) se verront pres-
crire du chlorhydrate de pilocarpine et une
réévaluation se fera au bout de quatre semai-
nes. La céviméline, autre sialogogue mieux
toléré et qui montre moins d’effets indésira-
bles que le chlorhydrate de pilocarpine, n’a
pas encore son AMM en France.
Les substituts salivaires, utilisés pour hu-
midifier la cavité orale, associés à la fluora-
tion topique sont prescrits pour les patients
ne présentant plus aucune fonctionnalité sa-
livaire.
Pour tous ces patients, des conseils hy-
giéno-diététiques doivent être proposés.
Concernant l’hygiène bucco-dentaire, des
dentifrices fluorés non mentholés associés à
des bains de bouche bicarbonatés sont pro-
posés. L’adaptation diététique comprend la
mastication de fruits frais, l’utilisation d’eau
gazeuse sans sucres, l’adjonction de crèmes
ou d’huile pour plus d’onctuosité. Une prise
en charge multidisciplinaire avec la collabo-
ration d’un diététicien permet d’aider le pa-
tient à retrouver du « goût ».
Avancées en imagerie
salivaire (4, 5)
La pathologie des glandes salivaires ne
peut se comprendre aujourd’hui que grâce
d’une part à la clinique et d’autre part aux
examens complémentaires et principale-
ment par la radiologie. L’apport des nouvelles
technologies à profondément remanié cette
approche. La numérisation des clichés per-
met un stockage beaucoup plus facile des
données pour chaque patient, et son suivi ne
s’en trouve qu’amélioré.
La radiologie standard des glandes salivai-
res a vécu son heure de gloire pendant des dé-
cennies mais, elle n’en est pas moins obs-
olète. L’arrivée des capteurs plans ou flat
panel permet de mieux visualiser tant les
parties molles que les structures dures. La re-
cherche des doses minimales de rayonne-
ment s’en trouve nettement améliorée. Lex-
ploration des pathologies rétentives doit pas-
ser par des clichés standards.
L’échographie (Fig. 5) débutée dans les an-
nées 1980, n’a cessé de s’améliorer pendant
les 30 dernières années, jusqu’à devenir l’exa-
men de référence ou gold standard de toutes
les pathologies salivaires confondues. De la
CONFÉRENCE À VENIR
Fig. 1 : Aspect tégumentaire oral d’une patiente atteinte d’un syndrome de Gougerot-Sjögren.
Fig. 2 : Xérostomie : Erosions amélaires du bloc incisivo-canin mandibulaire.
Fig. 3 : Langue sèche, collante avec des débris muqueux chez un patient ayant eu une radiothérapie
cervico-faciale.
Fig. 4 : Salive très visqueuse retrouvée à l’orifice du conduit parotidien après palpation de la glande
parotide chez un patient irradié.
Fig. 8 : Lithiase du tiers antérieur du conduit
submandibulaire gauche parfaitement visible
sur un scanner non injecté.
Fig. 7 : Sialographie d’une parotidite en vue
tridimensionnelle sous scanner.
Fig. 5 : Echographie de la glande parotide gauche.
SPÉCIAL ADF
Fig. 6a : Echographie en mode B d’un cystadé-
nome (tumeur de Wharthin) de la parotide.
Fig. 6b : Même tumeur vue en mode élastogra-
phie avec différentiation des tissus.
Fig. 6c : Pièce anatomique de cette tumeur .
parotidienne : concordance entre les différents
tissus la composant et les images échogra-
phiques.
1 2
3 4
6a
6b
6c
Quoi de neuf en
pathologie salivaire ?
Responsable scientifique : Jacques-Henri Torres (Montpellier)
Intervenants : Sylvie Boisramé (Brest), Philippe Katz (Paris), Cyrille Chossegros (Marseille)
Conférence C73-Jeudi 27 novembre-12h3015h
simple infection jusqu’à la tumeur (Fig. 6) en
passant par les maladies métaboliques, l’é-
chographie est aujourd’hui le meilleur outil
diagnostique. Les nouvelles acquisitions tri-
dimensionnelles et en élastographie permet-
tent l’analyse des densités tissulaires, ce qui
laisse entrevoir une amorce de diagnostic dif-
férentiel entre tumeurs bénignes et tumeurs
malignes. L’échographie est l’examen le plus
simple d’utilisation, le plus rapide, le moins
invasif, mais aussi le moins coûteux.
La sialographie est le plus vieux des exa-
mens à contraste, utilisée depuis 1921 !! Elle
n’est pas encore détrônée et reste le meilleur
examen dans les pathologies rétentives. De la
sténose à la lithiase en passant par les mal-
adies récurrentes, elle sert aussi à l’apprentis-
sage de la sialendoscopie. Cet examen est en-
core indispensable. Des progrès ont été réali-
sés dans les produits de contraste. Le mar-
quage de l’arbre canaliculaire trouve
aujourd’hui un intérêt tout particulier en
combinaison avec d’autres techniques
comme la tomodensitométrie (Fig. 7).
La tomodensitométrie ou scanner a été
depuis 1976 un des examens les plus utilisés
dans les pathologies salivaires, principale-
ment tumorales. Cette tomographie digitali-
sée donne encore de bons renseignements
sur les tissus, voire les lithiases (Fig. 8). Mais il
est progressivement abandonné et sup-
planté par deux autres examens beaucoup
moins irradiants décrits ci-dessous.
La tomographie volumétrique ou Cone
Beam, née du nouveau système de capteur
plan associé à une informatique de dernière
génération, permet d’obtenir des images des
parties osseuses pratiquement comparables
au scanner en ayant une irradiation pouvant
atteindre 40% de moins. Il est devenu in-
dispensable dans la recherche des calcifica-
tions glandulaires.
L’IRM (imagerie par résonnance magné-
tique) constitue actuellement l’examen des
glandes salivaires le plus performant dans
l’étude des processus expansifs (Fig. 9). Ses in-
dications doivent être larges. Elle est réalisée
en tenant compte des contre-indications ha-
bituelles incontournable (pacemaker) ou
modulables (agitation, claustrophobie).
L’IRM est proposée au décours d’une écho-
graphie. L’injection est réalisée de façon la
plus systématique en tenant compte des pré-
cautions d’usage (fonction rénale). Les der-
nières techniques d’IRM seraient capables de
préciser la nature histologique des lésions
dans 90% des cas.
Avancées en thérapeutiques
mini-invasives : lithotripsie,
sialendoscopie, chirurgie (6-10)
Les lithiases (calculs) comptent parmi les
pathologies salivaires les plus fréquentes. Les
circonstances de découverte sont variables,
allant de la tuméfaction sous la langue ou
dans la joue, à la calcification visible sur un
panoramique dentaire (Fig. 10). Ces patholo-
gies salivaires s’associent habituellement à
des gonflements du cou (Fig. 11), de la joue, ou
à des douleurs, survenant préférentielle-
ment au cours des repas ; ce sont elles qui
amènent le patient à consulter.
L’examen clinique est simple et rejoint ce-
lui que tout odontologiste pratique sur ses
patients ; il est ici centré sur le plancher buc-
cal (conduit submandibulaire et glande sub-
linguale, Fig. 12 a et b) et le cou (glande sub-
mandibulaire et glande parotide). Il faut se
méfier des ulcérations néoplasiques de l’os-
tium du conduit submandibulaire près du
frein lingual qui se manifestent au début
comme une lithiase (Fig. 13), par un gonfle-
ment de la glande au repas.
Le traitement des lithiases est de plus en
plus conservateur ; les glandes salivaires ne
sont plus enlevées pour les pathologies lithia-
siques ou exceptionnellement. Si la glande est
conservée, c’est le calcul qui sera enlevé, le plus
souvent par voie buccale, grâce aux nouvelles
techniques mini-invasives que sont la sialen-
doscopie (Fig. 14) ou la lithotripsie (Fig. 15).
La lithotripsie a été mise au point dans les
années 1990, grâce à l’amélioration de la tech-
nologie des lithotripteurs rénaux. La miniatu-
risation des appareils mais surtout des com-
posants a permis la fabrication d’un appareil
spécialement dédié aux pathologies lithia-
siques salivaires : le Minitlith® (Karl Stroz Me-
dical Kreuztligen, Suisse). Cet appareil unique
au monde permet de fragmenter les calculs
salivaires à l’aide d’ondes de chocs électroma-
gnétiques. D’une précision extrême par l’in-
termédiaire d’une sonde d’échographie de
7,5 MHz, il permet la frag mentation de tous les
calculs à partir d’une taille de 0,6 mm.
Le traitement est peu douloureux, tout au
plus désagréable, et il peut être effectué sur
des enfants à partir de 6 ans. Il ne nécessite
pas d’anesthésie. Les contre-indications sont
mineures : infection de la glande et trouble de
la crase sanguine. Aucune lésion du nerf fa-
cial ou lingual n’a été observée par aucune
équipe au monde pratiquant cette tech-
nique.
Sur une étude rétrospective de 1571 pa-
tients traitée par lithotripsie extra corpo-
relle, toutes les lithiases ont été fragmentées
quelle que soit leur taille. 1056 ont été totale-
ment évacuées et 515 partiellement détruites.
92% des patients n’ont plus présenté de
symptômes douloureux.
Les inconvénients de cette technique res-
tent la longueur du traitement et la possibi-
lité de laisser des fragments dans la glande.
Peu de centres proposent la lithotripsie extra
corporelle qui constitue pourtant la seule
technique non chirurgicale pure. Lorsque la
lithotripsie n’est pas possible, on pourra en-
lever les petits calculs par sialendoscopie et
les gros calculs par exérèse endo-buccale ou
«taille» (ou par abord combiné sinon), sans
enlever la glande bien sûr. Cette attitude
conservatrice est d’autant plus intéressante
qu’une fois le calcul enlevé la glande retrouve
sa fonction.
Bien entendu, les techniques conservatri-
ces ne concernent pas les pathologies tumo-
rales, dans lesquelles la glande salivaire est
bien entendue enlevée en partie ou en tota-
lité selon le type histologique et son risque de
récidive.
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10.Katz P, Guerre A. Pathologies non tumora-
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2012;102:16-26
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Fig. 12a : Anatomie normale du plancher buccal.
Fig. 12b : Anatomie normale du plancher buccal gauche après ouverture de la muqueuse, langue réclinée.
Fig. 13 : Lithiase de l’ostium du conduit submandibulaire gauche.
Fig. 14 : Exérèse d’une lithiase du 1/3 postérieur du conduit submandibulaire droit par sialendoscopie.
Intervention effectuée sous anesthésie locale.
Fig. 15 : Lithotripteur.
Dental Tribune Édition Française | Novembre 2012
Fig. 9a : IRM de la parotide droite en T1 pour un adénome pléomorphe (flèche).
Fig. 9b : IRM de la même parotide en T2.
Fig. 10 : Volumineuse lithiase de la glande submandibulaire droite découverte de façon fortuite sur un
panoramique dentaire. Noter en rouge la ligne sur laquelle se projettent ces lithiases.
Fig. 11 : Tuméfaction de la loge submandibulaire droite par lithiase, survenant lors des repas.
CONFÉRENCE À VENIR
SPÉCIAL ADF
9a 9b
10 11
12a 12b
13
15
14
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