Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), né à Thionville d’une riche famille de confiseurs, s’établit à Perpignan, rue de l’Argenterie (qui était jusqu’à une époque récente la rue des confiseurs: qui ne se souvient des belles boites rouges des tourrons Dauner?) où il épouse la nièce du compositeur Valette de Montigny. Bien qu’il fût héritier d’une vigne à Vernet les Bains (serait-ce celle qui appartint plus tard à l’écrivain Henry de Monfreid?), le succès de ses premiers airs sérieux et à boire le fait “monter à Paris”. Musicien de salon, flûtiste et poète, il obtient un grand succès pour le charme et le naturel de ses compositions qui ne sacrifie en rien la qualité d’écriture et le génie de l’inspiration. Inventeur de l’“opéra-ballet”, il excella particulièrement dans la musique religieuse vocale et la musique de chambre, avec une prédilection pour les basses d’archet (viole et violoncelle). Dans cette sonate de 1732, écrite en trio, la basse de viole occupe la vedette à égalité avec le dessus – ici joué au traverso, mais qui se pourrait aussi bien jouer au violon. Concert Les instruments Le traverso, ou flûte traversière baroque, est un instrument simple dans sa conception, même si sa réalisation est fort délicate. Il est habituellement réalisé dans un bois dur (palissandre, ébène ou buis). La perce légèrement conique et la quasi-absence de mécanique obligeant parfois à des doigtés complexes, contribuent à une grande variété de timbres et de couleurs que les grands compositeurs ont su exploiter. Le Français Hotteterre dit "le Romain", virtuose, compositeur et facteur d’instruments, sut donner à la flûte une justesse en finesse de chaque intervalle qui peut surprendre par sa subtilité, en harmonie avec la manière d’accorder et de composer de son époque. La famille des violes s'étend du petit pardessus de viole jusqu'au violone et à la contrebasse de viole, illustrés par des musiciens de génie: compositeurs et interprètes comme Diego Ortiz, Tobias Hume, Marin Marais, Sainte Colombe et bien d'autres, et facteurs comme Henry Jaye, Barak Norman et John Rose à Londres, Michel Collichon à Paris, Joachim Tielke à Hamburg. La “grande basse de viole”, apparue tardivement sous l’impulsion de Sainte-Colombe (maintenant connu du grand public grâce à un film célèbre), possède une 7ème corde grave. Sa structure très légère donne un charme particulier à ses basses amples et à ses aigus chantants et flûtés. Le clavecin est, lui, resté aussi peu “normalisé” qu'on peut imaginer, partagé entre la tradition du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Autriche) tournée vers des structures légères rappelant justement la viole, et celle du Nord, volontiers à double clavier, plus charpentée mais infiniment variée avec les écoles d'Anvers, Paris, Toulouse (mais oui), Lyon, Londres, Hamburg, Berlin, Stockholm... Instrument complexe dont on pourrait parler des journées entières. L'instrument que nous entendrons ici cette année est un grand “double” moderne mais dans la tradition franco-flamande des années 16901700. J. L., 2007-2008 4 mardi 18 août 2009, 20h30 à l'église de Porta Antoni Soler, Joseph Bodin de Boismortier G. P. Telemann, J. S. Bach, Marin Marais "Les Resjouissances Baroques" Eric Kohenoff, traverso Marianne Le Clerc, viole de gambe Jean Louchet, clavecin Entrée libre 1 18 août 2009 Sonates et fantaisies baroques Georg Philipp Telemann (1681 - 1767) triosonate en mi mineur, pour flûte, viole de gambe & basse continue. Affetuoso Allegro Grave Allegro Johann Sebastian Bach (1685 - 1750) sonate en la majeur, BWV 1032, pour flûte et clavecin obligé. Vivace Largo e dolce Allegro _________ Antoni Soler (1729 - 1783) Sonates pour clavecin: no. 31 en do# mineur et no. 25 en ré mineur. Joseph Bodin de Boismortier (1689 - 1755) sonate en trio en sol mineur, op 37 n°4, pour flûte, viole de gambe & basse continue (1732). Allegro Adagio Allegro Marin Marais (1656 - 1728) Sonnerie de Sainte Geneviève du Mont de Paris, pour flûte, viole de gambe et basse continue (1723). Ensemble “Les Resjouissances Baroques” Eric Kohenoff, traverso Marianne Le Clerc, viole de gambe Jean Louchet, clavecin 2 Georg Philipp Telemann (1681 - 1767), grand musicien, théoricien (on lui doit une méthode d’accompagnement au clavecin), pédagogue et compositeur, fut fort célèbre (et riche) de son vivant. Homme de son temps, ouvert aux idées nouvelles, on lui doit l’invention du cycle de concerts sur abonnement et, paraît-il, une variété de roses: ses revenus confortables lui laissaient le temps de s’adonner au jardinage. Il a laissé ces brillantes compositions dont le style est déjà annonciateur de la génération des Carl Philipp Emmanuel Bach et même Josef Haydn. Johann Sebastian Bach (1685-1750), que dire de lui qui n’ait été dit? Un tel degré d’intelligence, de génie, d’éclectisme, de mysticisme, de puissance de travail et de culture ne s’est sans doute jamais vu dans l’histoire de la musique. Nous entendrons ce soir une sonate mal aimée: elle nous est en effet parvenue par un seul manuscrit dont deux pages, deux longues pages (Johann Sebastian écrivait serré) du premier mouvement sont perdues. Plusieurs musiciens en ont risqué des reconstructions, mission impossible s’il en est – la nécessaire prudence pouvant à chaque instant devenir trahison de l’invention permanente du Maître. A quelques modifications près, nous en suivrons une, d’auteur anonyme, qui nous a paru - bien subjectivement - fidèle en esprit. Marin Marais (1656 - 1728) Tous les musiciens connaissent la surprise de la cloche d’église qui sonne au moment le plus inattendu – est-ce pour conjurer cela que plusieurs compositeurs, saisissant l’occasion au vol et transformant la perturbation en inspiration, ont contrefait les carillons et s’en sont inspirés? Le premier du genre fut probablement le grand William Byrd, qui dans The Bells (vers 1580) attrape le tout simple motif, do, ré do, ré do... pour y broder avec bonheur une excentrique fantaisie. Toute l’Angleterre résonne encore au rythme de ses carillons d’église. Plus près de nous, vers 1660, Louis Couperin nous a aussi laissé ses Carillons. Ici, l’on retrouve cette naissante tradition des Folies Francaises, de l’art de la couleur et de la variation, ou l’art de faire tout avec presque rien. Avec talent, et souvent avec virtuosité. Antoni Soler (1729 - 1783), souvent appelé “el Padre”, natif d’Olot (Catalogne), moine de l’ordre de Saint Jérôme, élève du Napolitain Domenico Scarlatti. Ce dernier lui communiqua ses talents de compositeur autant qu’il reçut de son élève l’influence de la musique ibérique. Organiste du monastère de l’Escorial, il fut nommé maître de musique de l’infant Gabriel de Bourbon. Chercheur et théoricien, il construisit un appareil destiné à subdiviser le demiton en neuf intervalles, “el afinador”, illustration pratique des théories harmoniques qu’il a réunies en 1762 dans son ouvrage “Llave de la modulación y antegüedades de la música” qui fit grand bruit et donna lieu, paraït-il, à la plus grande querelle de l’histoire de la musicologie espagnole. Dans ses sonates, certains ethnomusicologues ont affirmé retrouver des motifs issus de la musique populaire latino-américaine et en particulier Maya - les échanges étaient nombreux avec le Nouveau Monde, comme l’illustra à la même époque le jésuite Domenico Zipoli, organiste, napolitain de naissance comme Scarlatti, mais qui fit carrière, lui, au Brésil et en Argentine. 3