Claude Julien
L'EMPIRE
AMERICA N
Le document de l'année.
NOUVEL OBSERVATEUR
Les Etats-Unisdoivent leurs privilèges à leur empire.
Ils ne peuvent avoir valeur d'exemple.
Georges BALANDIER
LE MONDE
L'impérialisme au nom de la liberté.., la démonstration
est convaincante.
Jean-François REVEL
L'EXPRESS
La naissance, l'influence, l'avenir de l'empire le plus
original du monde : les U.S.A. Un livre qui donne beau-
coup à penser.
Roger GIRON
FRANCE-SOIR
PRIX
AUJOURD'HUI
GRASSET
pour moi, le marxisme actuel-
lement représente la plus vala-
ble des méthodes pour arriver
à une transformation des
structures. » Et vous ?
J. C. --
Il n'est pas question pour
moi de traiter maintenant des rap-
ports du marxisme et de la foi en
Jésus-Christ. Je voudrais uniquement
noter que l'identification du marxisme
avec le communisme matérialiste et
athée me paraît fausse. Certaines gran-
des intuitions de Marx et d'Engels,
comme certaines de Freud, ne sont
pas incompatibles avec PEvangile.
C'est souvent une réaction de classe
qui se dissimule sous les condamna-
tions sommaires du marxisme. Ce que
je crois la plus féconde intuition de
Marx et d'Engels, mais, hélas, souvent
méconnue, c'est l'idée de l'union
intime de la théorie et de la pratique.
Je voudrais traiter un jour « Praxis,
Foi et Théologie ». Quand Marx écrit
que les philosophies se sont efforcées
de contempler le monde, de l'expli-
quer, alors qu'il faut le transformer,
pour moi ce propos s'accorde au
caractère dialectique de la foi selon le
Christ : «
Celui qui fait la vérité vient
à la lumière. »
La vérité ne se
contemple pas, elle se fait, elle s'in-
vente. Les hommes sont poètes du
verbe, ait sens profond de la
-
parole.
Quand tous les hommes s'expriment
dans le verbe unique, ils inaugurent,
ils innovent le monde.
Comment expliquez-vous,
à ce moment-là, que PEglise,
à :travers les siècles, ait été
absente de toute cette trans-
formation sociale, qu'elle a
même combattu les valeurs
nouvelles et qu'elle continue
àle faire, comme par exem-
ple les régimes communistes,
qui sont encore condamnés
par PEglise ? Dans la mesure
.
où vous refusez cela, com-
ment vous situez-vous dans
cette Eglise?
J. C.
Ce que je pense, c'est que
tout un travail critique est à faire,
mais qu'il faut le mener, au coeur
d'une action. Il s'agit d'un travail cri-
tique du christianisme, du catholi-
cisme, de l'idéologie chrétienne, de la
religion chrétienne, de la chrétienté,
de la gangue idéaliste et de la gangue
spiritualiste, de tout ce qui concerne
Jésus-Christ. J'appellerai cette entre-
prise
one décantation révolution-
naire de la foi » —
pour arriver à
mettre en relief le fait christique.
Si vous voulez, j'emploie une
expression quelquefois, qui pour moi
rend raison de la foi : nous avons été
pendant des siècles substantiellement
déistes et accidentellement chrétiens,
c'est-à-dire que finalement Jésus-
Christ a été emprisonné dans la gan-
gue du déisme. Pour mieux me faire
comprendre, je dirai volontiers que
l'on a donné pour père à Jésus-Christ
Zeus, et que l'on a reconstitué un
Olympe chrétien. Du même coup,
toutes les théologies traînent une
anthropologie, et cette anthropologie
c'est une conception méprisante des
hommes. Ils sont sujets, même quand
ils arrivent à s'émanciper, à se libérer.
Ils sont les esclaves du Tout-Puis-
sant, du Tout-Autre.
Alors, pour moi, ce qui est fonda-
mental, ce qui fait que je crois Jésus-
Christ, ce qui Me fait spécifiquement
chrétien, et ce qui fait que je ne peux
pas être autre chose, c'est que je ne
vois aucune issue nulle part, parce
que Jésus-Christ tranche avec toutes
les représentations humaines de la di-
vinité.
Quelle est la relation du
Christ avec Dieu, dans votre
conception ?
L C.
Mon intuition théologique
centrale serait à peu près celle-ci
tout est une question d'expression, eh
bien je dis que le Dieu qui s'exprime
dans la solidarité totale, c'est-à-dire
la rupture avec tous les stimulants
matériels, le retour à soi, ce Dieu-là
ne peut pas être l'expression du Père
dominateur. Pour moi Jésus-Christ
Dieu, c'est celui qui n'a pas la divi-
nité, au sens où il ferait main basse
sui la divinité, où il aurait le mono-
pole de la divinité, mais c'est celui
qui introduit dans le monde une
vision de Dieu qui n'a aucune
commune mesure avec les représen-
talions religieuses, au point qu'il vaut
mieux souvent ne pas dire le mot
« Dieu ».
En bref, Jésus-Christ ne fait
propriété, capital de rien. Il n'a rien
et il n'est rien qu'il ne donne, qu'il
ne mette en commun Dieu est caché
dans l'immense labeur des,jtommes
pour briser leurs frontières et former
l'humanité. Dieu ne fabrique pas des
créatures mais suscite et ressuscite
des créateurs, un peuple créateur. Si
je n'ai pas l'appui d'un foyer, c'est
pour être célébrant de la liturgie
d'amitié des hommes, de leur solida-
rité, de leur communion, qui est le
Christ même.
Revenons à la politique...
N'y a-t-il pas affinité » en-
tre les événements de Prague
et le congrès de Bogota ?
J.
C.
Si. D'abord Prague. On
dirait qu'il n'est possible au monde,
aux hommes, de s'unifier, de se ras-
sembler que par la puissance. Très
marquée par le stalinisme, l'Union
soviétique ne se libère pas d'une atti-
tude colonisatrice à l'égard des autres
pays socialistes. Aussi les partis
communistes parlent-ils de régler les
conflits dans un esprit qui respecte à
la fois l'indépendance nationale et
l'internationalisme prolétarien.
Mais n'y a-t-il pas opposition entre
l'indépendance nationale regardée
comme norme suprême et l'éveil des
hommes à l'internationalisme, plus
largement A la conscience de former
une seule et commune humanité ?
Jusqu'à maintenant, faute d'un
approfondissement des racines de
l'oppression et des possibilités de libé-
ration des hommes, le mouvement
ouvrier oscille entre la voie propre à
chaque pays pour le développement
du socialisme, avec, au terme, le ris-
que des national-socialismes et le
maintien artificiel de l'unité sous la
botte d'un seul. Parce que les hommes,
laissés à eux-mêmes, ne voient d'autre
critère, d'autre finalité que le profit,
le retour à soi, le bonheur privé, sécré-
tant d'ailleurs le malheur d'une foule,
le socialisme ne se conçoit pas sans
contrainte. La liberté alors est celle
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