Liberté syndicale
et développement économique
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Liberté syndicale
et développement
économique
Guy Caire
Bureau international du Travail Genève
Copyright © Bureau international du Travail 1976
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ISBN 92-2-201455-3
Première
édition 1976
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AVANT-PROPOS
Le titre même du présent ouvrage et la personnalité de son auteur 1 n'appel-
leraient pas normalement d'explications. Si quelques mots nous paraissent
cependant nécessaires, c'est afin de le situer par rapport aux activités et aux
préoccupations de l'Organisation internationale du Travail.
Pour l'Organisation internationale du Travail, la liberté syndicale n'est
pas simplement un sujet parmi tant d'autres. Elle a étés sa création et reste
plus que jamais un de ses objectifs fondamentaux. Condition essentielle pour
que les travailleurs puissent défendre efficacement leurs intérêts et, plus géné-
ralement, pour que leur participation à la vie économique et sociale ait une
réelle signification, la liberté syndicale a été affirmée dans les textes constitu-
tionnels de l'OIT et consacrée dans certaines des conventions les plus impor-
tantes et du reste les plus largement ratifiées de l'Organisation. Pour
contribuer à sa protection et à sa promotion, un mécanisme spécial a été mis
sur pied depuis vingt-cinq ans et est largement utilisé, en plus du système
général de contrôle de l'OIT qui s'attache aussi à suivre régulièrement l'appli-
cation des conventions adoptées dans ce domaine. L'importance et la « valeur
universelle
»
des principes de la liberté syndicale ont été fréquemment et
encore récemment réaffirmées dans des résolutions adoptées par la Confé-
rence générale aussi bien que par les conférences régionales des Etats Membres
(d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Europe) de l'OIT et dans des appels lancés
par ces conférences à tous les pays pour la pleine application de ces principes.
Cependant, si aucune voix discordante ne s'élève lorsqu'il
s'agit
de procla-
mer ces principes, les difficultés commencent avec leur mise en œuvre. Si para-
doxal que cela puisse paraître, c'est sans doute dans le domaine de la liberté
1 Guy Caire, professeur de sciences économiques à l'Université de Paris-Nanterre, est
l'auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés notamment à des questions relevant de
la planification, de l'industrialisation, des relations de travail, du syndicalisme et de l'emploi.
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syndicale, où les conventions existantes ont été le plus ratifiées et les procédures
de contrôle le plus développées, que l'application de la norme a rencontré les
obstacles les plus sérieux. Mais cela ne doit étonner qu'à première vue. Les
droits syndicaux sont si étroitement liés à l'organisation de la société, aux
libertés publiques et, plus généralement, à la vie de la nation qu'il est inévitable
qu'ils soient affectés par les conceptions et les structures nationales, souvent
même par les vicissitudes de la politique intérieure.
Les problèmes qui ont ainsi entravé, dans de nombreux pays, la mise en
œuvre de la liberté syndicale ont été d'ordre et d'importance très différents.
Il en est un que l'on voit souvent invoqué et pas seulement à propos de la
liberté syndicale et qui tantôt est plus ou moins clairement formulé et tantôt
transparaît en filigrane au cours de discussions sur l'application des conventions
de l'OIT. Il
s'agit
des relations qui peuvent exister entre la liberté syndicale
et le développement économique. La liberté syndicale serait-elle une entrave
au développement économique? Devrait-on alors accepter qu'elle soit restreinte,
voire supprimée, pour faire face aux nécessités du développement? Ou, inver-
sement, le ralentissement du développement devrait-il être le prix du respect
de la liberté syndicale?
Pour sa part, l'OIT a estimé qu'on ne devrait pas s'enfermer dans un tel
dilemme. Et qu'il
s'agit
même, dans une large mesure, d'un faux problème.
A ses yeux, il ne saurait être question de sacrifier ni le développement écono-
mique ni la liberté syndicale. Un développement économique soutenu a tou-
jours été considéré comme un important facteur du progrès social, mais le
développement économique n'est pas une fin en soi: il constitue un moyen
dont il ne faut pas perdre de vue les finalités sociales et humaines. Cette thèse,
que l'OIT a longtemps soutenue, a été appuyée, en 1970, par l'Assemblée
générale des Nations Unies lorsque, en adoptant la Stratégie internationale pour
la deuxième Décennie des Nations Unies pour le développement, elle y a insisté
sur les objectifs sociaux du développement et a même rapporté l'économique
au social. Il devrait donc être possible, et des voix autorisées l'ont souvent
souligné, de concilier les besoins du développement avec le droit des individus
de vivre et de se développer dans la liberté et la dignité.
Mais cela, pourra-t-on dire, ne constitue que de belles généralités et une
vue trop idéaliste des choses. Qu'en est-il réellement des rapports entre la
liberté syndicale et le développement économique? Qu'y
a-t-il
de vrai dans ce
qu'on entend dire de leur incompatibilité?
Une étude scientifique et objective de la question nous a donc paru s'impo-
ser. L'objet de cette étude est d'apprécier la réalité et éventuellement les dimen-
sions d'une objection qu'on oppose parfois aux principes de la liberté syndi-
cale et de pouvoir ainsi, soit démythifier l'objection, soit envisager les moyens
propres à la surmonter. Il est, en définitive, de contribuer, par une meilleure
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