Logique et Langage des ensembles

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Logique
et
Langage des ensembles
Les notions abordées dans ce module sont des notions de base qui interviennent dans tous les domaines des mathématiques. Souvent considérées comme
acquises par les étudiants après un cours d’introduction rapide, elles sont susceptibles de causer des difficultés dans tout le travail ultérieur, en cas de maîtrise
insuffisante. C’est pourquoi ce module est très détaillé sur les questions qui posent
problème aux étudiants. Il est conseillé de travailler de façon approfondie ce module au début de l’année, puis de revenir ensuite revoir les points qui sont source
de difficulté.
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Contenu du module "Logique et théorie des ensembles"
1. Connecteurs — Négation — Conjonction — Disjonction — Lois de Morgan
— Distributivité
Cours et cinq exercices interactifs avec correction.
2. Langage des ensembles — Notion d’ensemble — Inclusion et égalité —
Ensembles particuliers — Réunion d’ensembles — Intersection d’ensemble
— Propriétés de distributivité — Complémentaire d’un ensemble — Autres
opérations — Correspondance Ensembles/Propriétés
Cours et trente neuf exercices interactifs.
3. Quantificateurs — Quantificateur universel — Quantificateur existentiel —
Règles d’usage — Négation des quantificateurs
Cours, quatorze exercices interactifs, un test d’auto-évaluation avec quarante questions
4. Implication — Sens de l’implication — Condition nécessaire, suffisante —
Contraposée — Réciproque — Négation de l’implication — Équivalence
logique
Cours, trois exercices interactifs, deux tests d’auto-évaluation avec cinquante questions
5. Applications — Définition — Images — Composition — Propriétés
Cours, quarante exercices interactifs, deux tests d’auto-évaluation avec quatrevingt questions
6. Relations — Définition — Relation d’équivalence — Relation d’ordre —
Application croissante entre ensembles ordonnés
Cours et vingt six exercices interactifs.
7. Démonstrations — Implication — Conjonction — Disjonction — Négation
— Démonstration par l’absurde — Quantificateurs et démonstration
Cours et dix-sept exercices interactifs.
8. Rédaction — Directives générales — Connecteurs logiques — Quantificateurs — Remarques finales
Cours et neuf exercices interactifs.
9. Cardinal d’un ensemble — Les ensembles infinis — Cardinal d’un ensemble — Le dénombrable — Le continu : les réels — Le continu : les
nombres complexes — Les cardinaux infinis
Cours
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Connecteurs logiques
En mathématiques, on se situe dans le cadre d’une logique à deux valeurs.
Une proposition mathématique "P " est soit vraie soit fausse. Si elle est vraie,
nous lui attribuons la valeur 1, (ou V) ; si elle est fausse, nous lui attribuons la
valeur logique 0, (ou F).
On peut trouver des propositions toujours vraies, par exemple "x2 ≥ 0" pour x
réel, ou "0 = 0" qu’on appelle des tautologies, des propositions toujours fausses,
par exemple "0 = 1" et des propositions tantôt vraies, tantôt fausses, par exemple
"x2 = 1" qui est vraie pour "x = 1" ou "x = −1", et fausse sinon.
But de ce chapitre On examine comment, à partir de propositions données en
former de nouvelles, à l’aide de connecteurs logiques :
— la négation — le "non"
— la conjonction — le "et"
— et la disjonction logique — le "ou".
Négation
Notation de la négation d’une proposition On note "non P " le contraire de la
proposition "P ", c’est-à-dire la proposition qui est vraie quand "P " est fausse et
qui est fausse quand "P " est vraie. Par exemple si "P " est la proposition "x = 0",
"non P " est la proposition "x 6= 0".
Remarque Une notation des logiciens pour "non P " est la notation "¬P ". On
se contentera de la notation avec le mot non, car nous ne développons pas un cours
de logique.
Table de vérité de la négation
p non p
1
0
0
1
Négation de la négation Une propriété immédiate est que "non (non P )" est
équivalente à "P ", (cela se voit aussi sur la table de vérité.)
(non (non P )) ⇐⇒ P
Sens du symbole "équivaut" Le sens du symbole ⇐⇒ qui se lit équivaut, et
qui signifie ici que les deux propositions ont toujours la même valeur sera revu
par la suite.
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Conjonction
Notation de la conjonction de deux propositions Lorsque l’on a deux propositions "P ", "Q", on peut former une nouvelle proposition appelée la conjonction
de ces deux propositions, que l’on notera "P et Q". La proposition "P et Q" vraie
signifie que les deux propositions sont vraies en même temps. Par exemple pour
deux nombres x et y réels, la proposition "x2 + y 2 = 0" équivaut à "x = 0 et y =
0". Il est clair que :
(P et Q) ⇐⇒ (Q et P )
Remarque Une notation des logiciens pour "P et Q" est "P ∧ Q", que nous
n’emploierons pas dans ce cours.
Commutativité
Il est clair que (P et Q) ⇐⇒ (Q et P )
Table de vérité de la conjonction
p
1
1
0
0
q
1
0
1
0
p et q
1
0
0
0
Disjonction
Lorsque l’on a deux propositions "P ", "Q", on peut former une proposition
que l’on appelle la disjonction de ces deux propositions, et que l’on note "P ou Q".
La proposition "P ou Q" est vraie si l’une au moins des deux propositions "P " ou
"Q" est vraie.
Attention Ce point diffère du langage courant. En mathématiques, le ou est nonexclusif, c’est à dire qu’il comprend la possibilité que les deux propositions soient
vraies. Ainsi la proposition "xy = 0" équivaut à la proposition "x = 0 ou y = 0",
elle est vraie quand l’un des deux nombres est nul, elle est aussi vraie quand les
deux sont nuls.
Remarque Une notation des logiciens pour "P ou Q" est "P ∨ Q", que nous
n’emploierons pas dans ce cours.
Commutativité
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Il est clair que (P ou Q) ⇐⇒ (Q ou P )
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Table de vérité de la disjonction
p
1
1
0
0
q
1
0
1
0
p ou q
1
1
1
0
Lois de Morgan
Elles indiquent comment prendre la négation d’une disjonction, ou la négation
d’une conjonction.
Négation de la disjonction D’après l’inventaire des trois cas possibles pour la
proposition "P ou Q", la proposition "non (P ou Q)" signifie que l’on a "P " faux
et "Q" faux, c’est-à-dire que l’on a la proposition "(non P ) et (non Q)" :
non (P ou Q) ⇐⇒ ((non P ) et (non Q))
Négation de la conjonction De même la proposition "non (P et Q)" signifie
que l’on est dans l’un des trois cas : "P " faux et "Q" vrai, "P " faux et "Q" faux,
"P " vrai et "Q" faux, c’est-à-dire que l’une au moins des propriétés "P ", "Q" est
fausse, et que l’on a la proposition "(non P ) ou (non Q)" :
non (P et Q) ⇐⇒ ((non P ) ou (non Q))
Lois de distributivité
On va démontrer deux lois de distributivité par les tables de vérité.
La conjonction est distributive par rapport à la disjonction
(P et (Q ou R)) ⇐⇒ ((P et Q) ou (P et R))
p
1
1
1
1
0
0
0
0
q
1
1
0
0
1
1
0
0
r q ou r p et q p et r (p et q) ou (p et r) p et (q ou r)
1
1
1
1
1
1
0
1
1
0
1
1
1
1
0
1
1
1
0
0
0
0
0
0
1
1
0
0
0
0
0
1
0
0
0
0
1
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
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La disjonction est distributive par rapport à la conjonction
(P ou (Q et R)) ⇐⇒ ((P ou Q)et (P ou R))
p
1
1
1
1
0
0
0
0
q
1
1
0
0
1
1
0
0
r q et r p ou q p ou r (p ou q) et (p ou r) p ou (q et r)
1
1
1
1
1
1
0
0
1
1
1
1
1
0
1
1
1
1
0
0
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
0
0
1
0
0
0
1
0
0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
Travail à faire sur ordinateur
Les cinq exercices interactifs du chapitre "Connecteurs logiques"
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Notion d’ensemble
Depuis le début du vingtième siècle, tous les objets mathématiques sont décrits en utilisant le langage des ensembles. Ensembles de nombres, ensembles de
points, ensembles de fonctions, etc.
On ne définit pas la notion d’ensemble. Sinon, si l’on dit qu’un ensemble est
une collection, il faudrait définir ce qu’est une collection, etc. Nous allons simplement préciser les notations et les règles pour utiliser ce langage de façon sûre.
Exemples Vous-même avez commencé à utiliser ce langage.
N ensemble des entiers naturels, {0, 1, 2, 3, ...}
Z ensemble des entiers relatifs, {0, 1, −1, 2, −2, ...}
D ensemble des décimaux, c’est-à-dire des nombres qui peuvent s’écrire sous la
forme 10np , n et p entiers relatifs. Les décimaux comportent les entiers et
les nombres qui peuvent s’écrire sous une forme décimale avec un nombre
fini de chiffres non nuls après la virgule. On prendra garde que les nombres
décimaux ont deux écritures décimales illimitées : l’une avec des zéros indéfiniment à partir d’un certain rang, l’autre avec des 9 indéfiniment à partir
d’un certain rang. Par exemple :
14, 452 = 14, 452000 . . . = 14, 451999 . . .
Q ensemble des rationnels, c’est-à-dire des nombres qui peuvent s’écrire comme
le quotient de deux entiers n et m, (m 6= 0). On admet qu’à tout nombre
rationnel on associe un développement décimal périodique, unique si le
nombre n’est pas un décimal.
R les nombres réels. Ils n’ont jusqu’à présent pas été définis. Cette année on donnera très précisément les propriétés des nombres réels utilisables dans les
démonstrations. À tout nombre réel on associe un développement décimal
illimité, unique si le nombre n’est pas un décimal.
C les nombres complexes qui peuvent s’écrire sous la forme a + ib, avec a et b
réels.
En géométrie, vous avez aussi utilisé ce langage en parlant de la droite comme un
ensemble de points, etc.
Notion d’appartenance
x∈E
x∈E
x 6∈ E
x 6∈ E
x 6∈ E
:
:
:
:
:
x est élément de l’ensemble E
x appartient à l’ensemble E
est la négation de x ∈ E
x n’est pas élément de l’ensemble E
x n’appartient pas à l’ensemble E
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Ensemble vide On considère en mathématiques, qu’il y a un unique ensemble,
appelé ensemble vide, qui ne contient aucun élément, et qui est noté ∅. Si on
considère un élément x quelconque, on a forcément x 6∈ ∅.
Ensembles infinis Les ensembles ont été inventés pour manipuler des ensembles
infinis. Lorsque, à la fin du dix-neuvième siècle, les mathématiciens ont commencé à manipuler des ensembles, ils se sont aperçus que la notion d’" ensemble
de tous les ensembles" conduisait à des contradictions. Afin de limiter les ensembles utilisés, ils se sont fixé la règle suivante de formation des ensembles.
Règle de formation Si on se donne un ensemble E et une propriété "P ", on
peut former un nouvel ensemble F constitué des éléments de E qui vérifient la
propriété "P ". Cela s’écrit :
F = {x ∈ E | P (x)}
Écriture d’un ensemble
Pour écrire un ensemble, on a deux possibilités :
Écriture en extension On énumère ses éléments. On dit qu’on définit l’ensemble en extension. Cette définition n’est pas toujours utilisable : comment écrire
ainsi des ensembles tels que l’ensemble des points d’un segment par exemple ?
Exemples :
E = {0, 1, 5, 10}
Z = {0, 1, −1, 2, −2, ...}
Écriture en compréhension On se donne une propriété qui caractérise ses éléments. On dit qu’on définit l’ensemble en compréhension. C’est l’écriture des
ensembles la plus utilisée. Exemples :
[a, b] = {x ∈ R | a ≤ x ≤ b}
2N = {p | p " entier pair" }
Q = { pq | p ∈ Z et q ∈ Z et q 6= 0}
C = {a + ib | a ∈ R et b ∈ R}, avec (i2 = −1)
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Remarque importante Il y a deux parties dans l’écriture d’un ensemble, séparées par une barre verticale.
E = {x ∈ U | P (x)}
La première x ∈ U indique où sont pris les éléments de l’ensemble, la deuxième
P (x) indique une propriété caractéristique des éléments de l’ensemble E. Les
signes logiques ne peuvent donc intervenir éventuellement qu’au niveau de l’écriture de la propriété "P " et en aucun cas dans la première partie de l’écriture.
Inclusion et égalité
Inclusion d’ensembles
On dit qu’un ensemble F est inclus dans un ensemble E, si tout élément de F
appartient à E.
F ⊂E
F est inclus dans l’ensemble E
F ⊂E
F est contenu dans l’ensemble E
F ⊂E
F est un sous-ensemble de l’ensemble E
F ⊂E
F est une partie de l’ensemble E
F 6⊂ E
est la négation de F ⊂ E
F 6⊂ E
F n’est pas inclus dans l’ensemble E
F 6⊂ E
signifie "il existe au moins un élément de F n’appartenant pas à E"
L’inclusion est une inclusion large
semble E est inclus dans lui même.
D’après la définition précédente, tout enE⊂E
Inclusion stricte Lorsque le sous-ensemble F est strictement inclus dans l’ensemble E, on dit que F est un sous-ensemble propre de E. On doit alors le
préciser par la conjonction des deux propriétés :
F ⊂ E et F 6= E
Ensemble vide et inclusion
E.
L’ensemble vide est contenu dans tout ensemble
∅⊂E
Un ensemble E non vide a donc toujours au moins deux sous-ensembles, l’ensemble vide et lui même. Par contre, l’ensemble ∅ a un seul sous-ensemble, luimême.
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Exemples d’inclusion d’ensembles
N ⊂ Z, Z ⊂ D, D ⊂ Q, Q ⊂ R, R ⊂ C
Soit l’ensemble E = {a, b, c}. Ses sous-ensembles sont les ensembles :
∅, {a}, {b}, {c}, {a, b}, {a, c}, {b, c}, {a, b, c}
Transitivité de l’inclusion A, B, C étant trois ensembles, si le premier ensemble A est contenu dans le second B, si le deuxième ensemble B est contenu
dans le troisième C, alors le premier ensemble A est contenu dans le troisième C ;
on dit que l’inclusion est transitive ; cette propriété s’énonce :
Si (A ⊂ B
et B ⊂ C), alors A ⊂ C
et s’écrit en langage formalisé où ⇒ se lit " implique" et sera revu dans la suite :
(A ⊂ B
et B ⊂ C) ⇒ A ⊂ C
Justification Soit x un élément de A, d’après l’hypothèse A ⊂ B, on peut
affirmer que x est élément de B. D’après l’hypothèse B ⊂ C, on peut affirmer
que x est élément de C. On a donc montré que tout élément de A est élément de
C et donc que A est inclus dans C.
Abus d’écriture On peut écrire une série d’inclusions qui met en évidence la
transitivité de l’inclusion :
N⊂Z⊂D⊂Q⊂R⊂C
Égalité d’ensembles
Deux ensembles sont égaux s’ils ont exactement les mêmes éléments. Cela se
traduit par deux inclusions simultanées.
E = F ⇐⇒ (F ⊂ E
et E ⊂ F )
Comment démontrer
Une inclusion Pour démontrer qu’un ensemble F est inclus dans un ensemble
E, on prend un élément x quelconque de F , on utilise les hypothèses qui définissent l’ensemble F , et on démontre que x vérifie les propriétés qui définissent
l’ensemble E. La démonstration prend donc la structure suivante :
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Soit x un élément de l’ensemble F
...
(raisonnement)
...
donc x est un élément de l’ensemble E
Conclusion : F ⊂ E
Une non-inclusion Comment prouver F 6⊂ E ? Il suffit de trouver un élément
de F qui n’est pas dans l’ensemble E, (un contre-exemple suffit).
Une égalité d’ensembles Deux ensembles sont égaux s’ils ont exactement les
mêmes éléments. Cela se traduit par deux inclusions simultanées.
E = F ⇐⇒ (F ⊂ E
et E ⊂ F )
Pour démontrer l’égalité de deux ensembles E et F , il faudra faire deux démonstrations d’inclusion, d’une part pour démontrer F ⊂ E, d’autre part pour démontrer E ⊂ F .
Utiliser dans une démonstration
Une inclusion Comment utiliser une hypothèse F ⊂ E dans une démonstration ? On utilise que tout élément qui appartient à F appartient aussi à E et donc
vérifie les propriétés qui définissent E.
Une non-inclusion Comment utiliser une hypothèse F 6⊂ E ? On affirme : on
sait qu’il y a au moins un élément de F qui n’est pas élément de E, on dit qu’on
en prend un et on utilise l’élément ainsi défini dans la démonstration qui suit.
Exemple
Reprenons la démonstration faite précédemment de la propriété :
Si (A ⊂ B
et B ⊂ C), alors A ⊂ C
La justification a suivi les schémas "Démontrer une inclusion" et "utiliser une
inclusion" .
"Démontrer une inclusion" L’objectif est de montrer que A ⊂ C. On a donc
pris un élément x de A, et nous avons pour but de montrer que x est élément de
C.
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"Raisonnement" Il consiste à utiliser deux inclusions données en hypothèse,
(A ⊂ B et B ⊂ C).
"Utiliser une inclusion" : en utilisant l’inclusion A ⊂ B donnée par hypothèse, on peut affirmer que x est élément de B.
"Utiliser une inclusion" : comme x ∈ B, en utilisant l’inclusion B ⊂ C
donnée par hypothèse, on peut affirmer que x est élément de C, ce qui est notre
but.
"Conclure" On a donc montré que tout élément de A est élément de C et donc
que A est inclus dans C.
Ensembles particuliers
Ensemble des parties d’un ensemble Pour tout ensemble E, on peut former
un ensemble que l’on note P(E), dont les éléments sont les sous-ensembles de E.
P(E) = {F | F ⊂ E}
F ∈ P(E) ⇐⇒ F ⊂ E
Exemple 1
Pour l’ensemble E = {a, b, c}, l’ensemble des parties est
P(E) = {∅, {a}, {b}, {c}, {a, b}, {a, c}, {b, c}, {a, b, c}}
Attention à bien distinguer a qui désigne un élément de E, et {a} qui désigne
le sous-ensemble de E, appelé singleton, qui ne contient que l’élément a. On
écrira :
a ∈ E ; {a} ⊂ E ; {a} ∈ P(E)
a 6= {a} ;
a ∈ {a} ;
a 6⊂ {a}...
Exemple 2
P(∅) = {∅}, P(∅) est un singleton. Donc
P(P(∅)) = {∅, {∅}}
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Produit d’ensembles L’ensemble R2 , représentant les points du plan lorsque
l’on a choisi un repère est un ensemble produit ; c’est l’ensemble des couples
d’éléments de réels (x, y), x premier élément du couple, y deuxième élément du
couple. On peut généraliser au produit de deux ensembles E et F quelconques :
E × F = {(x, y) | x ∈ E et y ∈ F }
Ceci se généralise au produit d’un nombre fini d’ensembles E1 , E2 , . . . , En
quelconques :
E1 × E2 × · · · × En = {(x1 , x2 , . . . , xn ) | x1 ∈ E1 et x2 ∈ E2 et · · · et xn ∈ En }
Réunion d’ensembles
Si E et F sont des ensembles, E ∪ F est l’ensemble constitué des éléments
qui appartiennent à au moins l’un des deux ensembles E ou à F , (on admet qu’il
existe).
E ∪ F = {x | x ∈ E ou x ∈ F }
On a donc :
x ∈ E ∪ F ⇐⇒ (x ∈ E ou x ∈ F )
Le "ou" est non-exclusif, c’est-à-dire qu’il regroupe les trois cas :
x ∈ E ∪ F ⇐⇒
(x ∈ E et x ∈ F ) ou (x 6∈ E et x ∈ F ) ou (x ∈ E et x 6∈ F )
Lien avec les lois de Morgan
x 6∈ E ∪ F
⇐⇒
(x 6∈ E et x 6∈ F )
Propriétés de la réunion
La réunion de deux ensembles A et B est le plus petit ensemble qui contienne
à la fois ces deux ensembles Ce qui se traduit en langage formalisé par la
conjonction de deux propriétés.
[A ⊂ A ∪ B et B ⊂ A ∪ B] et
[(A ⊂ C et B ⊂ C) ⇒ A ∪ B ⊂ C]
On peut à titre d’exercice, démontrer ces propriétés, ainsi que les suivantes.
Idempotence
Pour tout ensemble E, E ∪ E = E
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Commutativité
Pour tous les ensembles E et F , E ∪ F = F ∪ E
Associativité (E ∪ F ) ∪ G = E ∪ (F ∪ G) pour tous les ensembles E, F et
G. Cela permet de définir la réunion de trois ensembles, d’un nombre fini d’ensembles.
E1 ∪ E2 ∪ E3 = {x | x ∈ E1 ou x ∈ E2 ou x ∈ E3 }
E1 ∪ E2 ∪ · · · ∪ En = {x | x ∈ E1 ou x ∈ E2 ou · · · ou x ∈ En }
Généralisation La réunion se généralise à la réunion d’une famille d’ensembles
(dont on admet l’existence).
[
Ei = {x | ∃i ∈ I, x ∈ Ei }
i∈I
∃ signifie il existe au moins un et sera revu plus tard.
Réunion, lien avec le connecteur "ou" Supposons l’ensemble E défini par une
propriété "P " et l’ensemble F défini par une propriété "Q", alors on remarque que
l’ensemble E ∪ F est défini par la propriété "P ou Q" :
E = {x ∈ U | P (x)}
F = {x ∈ U | Q(x)}
E ∪ F = {x ∈ U | P (x) ou Q(x)}
Intersection d’ensembles
Si E et F sont des ensembles, E ∩ F est l’ensemble constitué des éléments
qui appartiennent à la fois aux deux ensembles E et F .
E ∩ F = {x | x ∈ E et x ∈ F }
x ∈ E ∩ F ⇐⇒ (x ∈ E et x ∈ F )
On peut à titre d’exercice, démontrer ces propriétés, ainsi que les suivantes.
Lien avec les lois de Morgan
x∈
/ E ∩ F ⇐⇒ (x 6∈ E ou x 6∈ F )
autrement dit :
x 6∈ E ∩ F ⇐⇒
(x 6∈ E et x 6∈ F ) ou (x 6∈ E et x ∈ F ) ou (x ∈ E et x 6∈ F ))
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Propriétés de l’intersection
L’intersection de deux ensembles A et B est le plus grand ensemble qui est
contenu à la fois dans ces deux ensembles Ce qui se traduit en langage formalisé par la conjonction de deux propriétés.
[A ∩ B ⊂ A et A ∩ B ⊂ B] et
[(C ⊂ A et C ⊂ B) ⇒ C ⊂ A ∩ B]
Pour tout ensemble E, on a E ∩ E = E.
Idempotence
Commutativité
E ∩ F = F ∩ E, pour tous les ensembles E et F .
Associativité (E ∩ F ) ∩ G = E ∩ (F ∩ G), pour tous les ensembles E, F
et G. Cela permet de définir l’intersection de trois ensembles, d’un nombre fini
d’ensembles.
E1 ∩ E2 ∩ E3 = {x | x ∈ E1 et x ∈ E2 et x ∈ E3 }
E1 ∩ E2 ∩ · · · ∩ En = {x | x ∈ E1 et x ∈ E2 et · · · et x ∈ En }
Généralisation L’intersection se généralise à une intersection quelconque d’une
famille d’ensembles indexée par un ensemble non vide I.
\
Ei = {x ∈ E | ∀i ∈ I, x ∈ Ei }
i∈I
(Le sens du symbole ∀ qui veut dire "pour tout" sera revu ensuite.)
Lien avec le connecteur "et" Supposons l’ensemble E défini par une propriété "P " et l’ensemble F défini par une propriété "Q", alors on remarque que
l’ensemble E ∩ F est défini par la propriété "P et Q" :
E = {x ∈ U | P (x)}
F = {x ∈ U | Q(x)}
E ∩ F = {x ∈ U | P (x) et Q(x)}
Propriétés de distributivité
L’intersection est distributive par rapport à la réunion
distributivité de la conjonction par rapport à la disjonction.
Cela résulte de la
E ∩ (F ∪ G) = (E ∩ F ) ∪ (E ∩ G)
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La réunion est distributive par rapport à l’intersection
distributivité de la disjonction par rapport à la conjonction.
Cela résulte de la
E ∪ (F ∩ G) = (E ∪ F ) ∩ (E ∪ G)
Complémentaire d’un ensemble
On suppose E ⊂ U . On définit un ensemble noté {U E, appelé complémentaire
de E dans U :
{U E = {x ∈ U | x 6∈ E}
x ∈ {U E ⇐⇒ (x ∈ U et x 6∈ E)
Lien avec le connecteur "non" Si le sous-ensemble E de U est défini par la
propriété "P ", alors son complémentaire est défini par la propriété "non P ".
E = {x ∈ U | P (x)}
{U E = {x ∈ U | non P (x)}
Propriétés E et F sont deux sous-ensembles de U . En utilisant les lois de
Morgan et les autres propriétés logiques, démontrer que :
1. {U (E ∩ F ) = ({U E) ∪ ({U F )
2. {U (E ∪ F ) = ({U E) ∩ ({U F )
3. {U ({U E) = E
4. E ∪ ({U E) = U
5. E ∩ ({U E) = ∅
6. E ⊂ F ⇐⇒ {U F ⊂ {U E
Autres opérations
En mathématiques, on utilise aussi les notions suivantes :
Différence d’ensembles
Si E et F sont des sous-ensembles de U , on définit la différence de ces deux
ensembles, et on note E \ F , l’ensemble :
E \ F = {x ∈ U | x ∈ E et x 6∈ F } = E ∩ {U F
Remarque : certains notent la différence de deux ensembles E − F , mais cette
notation est dangereuse, en algèbre linéaire par exemple.
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Différence symétrique
Si E et F sont des sous-ensembles de U , on définit la différence symétrique
de ces deux ensembles, et on note E4F , l’ensemble
E4F = (E \ F ) ∪ (F \ E)
E4F = {x ∈ U | ((x ∈ E et x 6∈ F ) ou (x 6∈ E et x ∈ F )}
Correspondance entre propriétés et ensembles
On se donne un ensemble E et trois propriétés "P ", "Q", "R" susceptibles
d’être vérifiées par des éléments de l’ensemble E. À chacune des propriétés, on
associe un sous ensemble de E.
A = {x ∈ E | P (x)}, B = {x ∈ E | Q(x)}, C = {x ∈ E | R(x)}.
A∩B
P et Q
x ∈ A ∩ B P (x) et Q(x)
A∪B
P ou Q
x ∈ A ∪ B P (x) ou Q(x)
{E A = {x ∈ E | nonP (x)}
nonP
{E {E A = A
non(non(P )) ⇐⇒ P
{E (A ∩ B) = ({E A) ∪ ({E B) non(P et Q) ⇐⇒ ((nonP ) ou (nonQ))
{E (A ∪ B) = ({E A) ∩ ({E B) non(P ou Q) ⇐⇒ ((nonP ) et (nonQ))
A ∪ ({E A) = E
P ou (nonP )
A ∩ ({E A) = ∅
P et (nonP ) impossible
Travail à faire sur ordinateur
Les trente neuf exercices interactifs du chapitre "Langage des ensembles"
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18
Quantificateurs
Le langage courant (français) est facilement ambigu : la phrase "tous les guichets sont fermés certains jours" , qui est grammaticalement irréprochable, signifiet-elle "certains jours tous les guichets sont fermés" , ou bien signifie-t-elle "chaque
guichet est fermé certains jours" , ce qui est tout différent ?
Les mathématiques, qui ont la prétention de pouvoir affirmer avec certitude
que telle propriété est vraie, que telle autre est fausse, ne peuvent s’accommoder
d’un tel risque de flou, même s’il doit être artistique. C’est la raison de la nécessité
d’un langage précis spécifique aux mathématiques.
L’objet de ce cours est de présenter les signes qui dans le langage mathématique expriment la quantification, c’est à dire la quantité d’objets (aucun, certains,
tous) pour lesquels une propriété est vraie, signes que l’on appelle des quantificateurs.
Quantificateur universel
∀
Le quantificateur ∀ se lit :
pour tout,
quelque soit,
pour chaque
pour n’importe quel
Quantificateur existentiel
Le quantificateur ∃ se lit :
∃
il existe
L’usage de ces quantificateurs est très précis et diffère de l’usage intuitif du
langage ordinaire. Cette précision est nécessaire pour que les formules écrites avec
des quantificateurs aient un sens précis et non ambigu. C’est pourquoi il importe
de prendre conscience des règles d’utilisation de ces quantificateurs.
Quantificateur universel
∀x ∈ E, P (x)
Cette phrase formelle affirme que la propriété "P " est vraie pour tous les éléments
x de l’ensemble E, ou encore qu’il n’y a pas dans E de contre-exemple à la
propriété "P ".
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19
On remarquera que le quantificateur ∀ est placé avant la propriété qu’il quantifie.
En français, pour traduire le caractère universel d’une propriété dans l’ensemble E, on utilisera des expressions comme
pour tout x,
pour n’importe quel x,
quelque soit x,
pour chaque x,
pour un x quelconque.
Cependant, alors que le quantificateur en mathématiques doit figurer explicitement dans l’expression, il arrive en français qu’une phrase exprime une propriété
universelle sans qu’un mot particulier comme tout, n’importe quel... ne figure.
Exemple de phrases universelles en français
– Tout homme est mortel.
– N’importe quel homme est mortel.
– L’homme est mortel.
Ces phrases françaises sont rigoureusement équivalentes. Pourtant dans la dernière, il n’y a pas de marque explicite pour le caractère universel de la propriété
énoncée. C’est l’article défini qui joue ce rôle, et on doit d’après le sens de la
phrase, rétablir le quantificateur manquant pour traduire cette phrase en une phrase
formalisée en mathématiques. On écrira :
∀x ∈ H, M (x)
où H désigne l’ensemble des hommes et "M (x)" la propriété "x est mortel" .
Exemples mathématiques de phrases universelles
Ce même phénomène se présente aussi en mathématiques, dans la mesure où
les propriétés mathématiques sont énoncées en utilisant la langue naturelle. Lorsqu’on dit
"un entier positif est plus grand qu’un entier négatif ",
il est évident que le sens est
"n’importe quel entier positif est plus grand que n’importe quel entier négatif ",
et donc que cette phrase se traduit par :
∀p ∈ N, ∀n ∈ N, p ≥ −n.
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20
"L’addition des entiers est commutative" :
on sait que cela veut dire que le résultat de la somme de deux entiers (quelconques)
ne dépend pas de l’ordre des termes. Si on veut formaliser cette phrase, il faudra
donc faire intervenir deux quantificateurs universels :
∀x ∈ Z, ∀y ∈ Z, x + y = y + x.
Attention :
La propriété " ∀x ∈ ∅, P (x)" est vraie pour n’importe quelle propriété "P ",
puisqu’il n’y a aucun élément dans l’ensemble vide, et qu’une propriété est vraie
dans un ensemble s’il n’y a pas de contre-exemple.
Remarque :
La propriété " ∀x ∈ E, P (x)" ne dépend pas de x, elle signifie exactement la
même chose que " ∀y ∈ E, P (y)". On dit que la variable x est muette.
Exemple :
Les deux formules suivantes sont équivalentes :
∀x ∈ Z, ∀y ∈ Z,
x+y =y+x
∀a ∈ Z, ∀z ∈ Z,
a+z =z+a
En effet, les deux formules signifient : "l’addition dans Z est commutative" ,
et dans cette phrase, il n’y a ni x, ni y, ni a, ni z...
Quantificateur existentiel
∃x ∈ E, P (x)
Cette phrase formelle affirme que dans E il existe au moins un élément x qui
vérifie la propriété "P ". Attention, il peut aussi en exister plusieurs. La seule affirmation faite est la suivante : l’ensemble des éléments de E qui vérifie la propriété
"P " est non vide. Ceci est différent du langage courant souvent plus ambigu. Dans
certains contextes, l’affirmation Il y a un x qui vérifie "P " peut vouloir dire un
seul x, alors que dans le langage mathématique le sens est précis : au moins un
x, éventuellement plusieurs.
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21
Un exemple pour illustrer
Si a ∈ Z, étudions la propriété
"l’équation 2x2 − (a + 2)x + a = 0 a une solution entière".
L’équation a deux racines, x0 = 1 et x” = a2 ; si a est pair, elles sont entières toutes les deux, sinon, seule la première est entière. La propriété est donc
vraie, bien qu’il y ait quelquefois deux solutions entières ; elle doit être comprise
comme :
∃x ∈ Z, 2x2 − (a + 2)x + a = 0
Souvent on précise quand même :
"l’équation 2x2 − (a + 2)x + a = 0 a au moins une solution entière" , mais ce
n’est pas obligatoire.
Attention
La propriété " ∃x ∈ ∅, P (x)" est fausse quelle que soit la propriété "P ",
puisque l’ensemble vide ne contient aucun élément.
Remarque
La propriété " ∃x ∈ E, P (x)" ne dépend pas de x. Les expressions " ∃x ∈
E, P (x)" et " ∃y ∈ E, P (y)" signifient exactement la même chose. Les variables
x et y sont ici des variables muettes.
Règles d’usage des quantificateurs
Pas de mélange
Quand on écrit une phrase formelle avec des symboles logiques, on ne mélange pas des mots et des signes logiques :
— ou bien on écrit des phrases complètes en français,
— ou bien on écrit des phrases formelles.
En particulier, il est incorrect d’utiliser ces signes comme des abréviations et cela
conduit à des erreurs.
L’ordre d’écriture
L’ordre d’écriture des quantificateurs est fondamental pour le sens d’une phrase
formelle.
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22
— Quand deux quantificateurs existentiels se suivent, on peut les échanger
sans changer le sens.
— Quand deux quantificateurs universels se suivent, on peut les échanger sans
changer le sens.
— Quand on inverse l’ordre de deux quantificateurs différents, le sens
change.
Sens d’une phrase formelle
Considérons la propriété "P (x, y)" voulant dire x aime y. Si nous écrivons les
deux phrases formelles suivantes, leur sens est très différent.
phrase 1 ∀x ∈ E, ∃y ∈ E, P (x, y)
phrase 2 ∃y ∈ E, ∀x ∈ E, P (x, y)
Pour mieux saisir cette différence, il faut comprendre qu’un système de parenthèses est sous entendu lorsque plusieurs quantificateurs se suivent. Si nous les
rétablissons, cela donne :
phrase 1 ∀x ∈ E, (∃y ∈ E, P (x, y))
ou encore :
phrase 1 ∀x ∈ E, Q(x)
où "Q(x)" est la propriété " ∃y ∈ E, P (x, y)". La propriété "Q(x)" signifie x
aime au moins une personne.
La phrase 1 affirme pour chaque élément x de l’ensemble E l’existence
d’une personne aimée y, y pouvant dépendre de x.
phrase 2 ∃y ∈ E, (∀x ∈ E, P (x, y))
ou encore :
phrase 2 ∃y ∈ E, R(y)
avec pour "R(y)" la propriété " ∀x ∈ E, P (x, y)". La propriété "R(y)" signifiant
y est aimé par tout le monde.
La phrase 2 affirme donc l’existence d’une personne y au moins, qui est
aimée par toutes les personnes (y compris par elle-même).
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23
Exemple mathématique
Interpréter les phrases formelles suivantes obtenues en inversant l’ordre des
quantificateurs :
phrase 3 ∃n ∈ N, ∀p ∈ N, p ≤ n
phrase 4 ∀p ∈ N, ∃n ∈ N, p ≤ n
Rétablissons des parenthèses sous-entendues :
phrase 3 ∃n ∈ N, (∀p ∈ N, p ≤ n)
La propriété " ∀p ∈ N, p ≤ n" veut dire que n est plus grand que tous les
entiers. La phrase 3 signifie donc qu’il existe un entier n plus grand que tous
les autres. Ce qui est évidemment faux.
phrase 4 ∀p ∈ N, (∃n ∈ N, p ≤ n)
La propriété " ∃n ∈ N, p ≤ n" veut dire qu’étant donné p entier, on peut trouver
un entier n plus grand que p. La phrase 4 signifie donc que pour chaque entier
p, on peut trouver un entier plus grand, ce qui est vrai (par exemple p + 1 ou
p + 15, ou encore p lui-même . . . ).
Récapitulation :
∀x ∈ E, ∃y ∈ F, P (x, y)
pour chaque x il y a un y, fonction de cet x, tel que. . .
∃y ∈ F, ∀x ∈ E, P (x, y)
il y a un y, le même pour tous les x, tel que. . .
On comprend pourquoi il faut mettre les quantificateurs devant la propriété
qu’ils quantifient : si on se permettait d’écrire :
∃y ∈ F, P (x, y), ∀x ∈ E
on ne saurait jamais laquelle des deux formules précédentes on veut exprimer.
Négation d’une phrase avec quantificateurs
Comment prendre la négation d’une phrase formelle écrite avec des quantificateurs ?
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24
Négation d’une phrase universelle :
∀x ∈ E, P (x).
Comme on affirme qu’une propriété "P " est universelle sur E, pour nier cette
propriété, il suffit de trouver un contre-exemple.
Autrement dit :
(non (∀x ∈ E, P (x))) ⇐⇒ (∃x ∈ E, nonP (x)).
Remarque sur la phrase précédente.
Nous avons mis des parenthèses car sinon nous avons deux interprétations
possibles.
"non P ⇐⇒ Q" veut-il dire :
"non (P ⇐⇒ Q)"
ou
"(non P ) ⇐⇒ Q" ? ce qui n’est pas la même chose.
L’usage est plutôt "(non P ) ⇐⇒ Q", mais il vaut mieux expliciter comme nous
l’avons fait.
Négation d’une phrase existentielle :
∃x ∈ E, P (x)
On affirme ici que pour un x au moins, "P " est vrai, ou encore que l’ensemble des
x pour lesquels "P " est vrai n’est pas vide.
Le contraire est évidemment que l’ensemble des x pour lesquels "P " est vrai est
vide ou encore que "(nonP )" est universelle :
(non(∃x ∈ E, P (x))) ⇐⇒ (∀x ∈ E, nonP (x))
Négation d’une phrase comportant plusieurs quantificateurs
Il suffit de se souvenir que ces phrases admettent un parenthésage implicite et
d’appliquer progressivement les propriétés précédentes.
∀x ∈ E, ∃y ∈ F, ∀z ∈ G, ∃t ∈ T, P (x, y, z, t)
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25
Rétablissons un parenthésage :
∀x ∈ E, (∃y ∈ F, (∀z ∈ G, (∃t ∈ T, P (x, y, z, t))))
prenons la négation :
non(∀x ∈ E, (∃y ∈ F, (∀z ∈ G, (∃t ∈ T, P (x, y, z, t)))))
appliquons la première propriété :
∃x ∈ E, non(∃y ∈ F, (∀z ∈ G, (∃t ∈ T, P (x, y, z, t))))
appliquons la deuxième propriété :
∃x ∈ E, ∀y ∈ F, non(∀z ∈ G, (∃t ∈ T, P (x, y, z, t)))
appliquons la première propriété :
∃x ∈ E, ∀y ∈ F, ∃z ∈ G, non(∃t ∈ T, P (x, y, z, t))
appliquons la deuxième propriété :
∃x ∈ E, ∀y ∈ F, ∃z ∈ G, ∀t ∈ T, nonP (x, y, z, t).
Récapitulation
Pour nier une phrase formelle commençant par plusieurs quantificateurs,
conserve l’ordre d’écriture des variables, on change les "∀" en "∃", et les
"∃" en "∀", puis on remplace la propriété "P " par sa négation, "nonP ".
Attention
Lorsqu’on veut écrire la négation d’une propriété mathématique, on commence par écrire soigneusement de façon formelle, sans oublier de quantificateurs
et de signes logiques, ("et", "ou", "non", "implique", etc) la propriété directe. Puis
on en prend la négation avec les règles précédentes.
Exemple
Pour écrire qu’"un ensemble A, (A ⊂ R), n’est pas majoré", on commence
par écrire la propriété "A est majoré ; (il existe un élément x qui est un majorant
de A)" :
∃x ∈ R, ∀y ∈ A, y ≤ x.
Ensuite on en prend la négation :
∀x ∈ R, ∃y ∈ A, y > x.
Si on veut, on retraduit en français : "pour chaque réel, on peut trouver dans A un
réel strictement plus grand."
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26
Travail à faire sur ordinateur
Les quatorze exercices interactifs du chapitre "Quantificateurs"
Ensuite, testez vos connaissances
Faites les quarante questions du test d’auto-évaluation.
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27
Sens de l’implication
On peut considérer que les phrases suivantes ont le même sens :
— si la proposition "P " est vraie, alors la proposition "Q" est vraie,
— si "P " alors "Q",
— "P implique Q",
— "P ⇒ Q".
Le sens de la phrase formelle "P ⇒ Q", est celui-ci : ou bien "P " est faux, ou
bien "P " et "Q" sont vrais en même temps.
Attention :
La proposition Si "P " alors "Q" ne dit pas que l’hypothèse "P " est vraie ;
elle dit seulement que si l’hypothèse "P " est vraie, alors la conclusion "Q" l’est
aussi. Ceci s’exprime donc à l’aide des symboles de conjonction et de disjonction
par l’une ou l’autre des phrases suivantes :
— "(non P ) ou Q"
— "non (P et (non Q))"
Les formules suivantes sont donc équivalentes :
— "P ⇒ Q"
— "(non P ) ou Q"
— "non (P et (non Q))"
Condition nécessaire, condition suffisante
Il s’agit d’une autre façon d’exprimer les implications. Les phrases suivantes
ont le même sens :
— "P ⇒ Q" ;
— pour que "P " soit vraie, il faut que "Q" soit vraie ;
— "Q" est une condition nécessaire pour que "P " ;
— pour que "Q" soit vraie, il suffit que "P " soit vraie ;
— "P " est une condition suffisante pour que "Q".
La même implication peut donc s’écrire
— soit comme une condition suffisante, "pour que la conclusion soit vraie, il
suffit que l’hypothèse soit vraie",
— soit comme une condition nécessaire, "pour que l’hypothèse soit vraie, il
faut que la conclusion soit vraie".
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Contraposée d’une implication
On a vu que les phrases suivantes sont équivalentes :
P ⇒Q
(non P ) ou Q
L’implication "P ⇒ Q" est donc aussi équivalente à
(non (non Q)) ou (non P )
c’est-à-dire à
(non Q) ⇒ (non P )
La proposition
(non Q) ⇒ (non P )
s’appelle la contraposée de l’application "P ⇒ Q" ; elle lui est équivalente.
On a donc toujours "P ⇒ Q " équivaut à " (non Q) ⇒ (non P )".
Attention
L’implication contraposée de "P ⇒ Q" n’a pas la même signification que
l’implication réciproque de "P ⇒ Q" qui est "Q ⇒ P ".
Exemple d’implication contraposée
L’implication : "ab = 0 ⇒ (a = 0 ou b = 0)"
sa contraposée : "(a 6= 0 et b 6= 0) ⇒ ab 6= 0" ;
l’implication "x = 1 ⇒ x2 = 1" est vraie (x supposé réel), ainsi bien sûr que
l’implication contraposée "x2 6= 1 ⇒ x 6= 1",
tandis que l’implication réciproque "x2 = 1 ⇒ x = 1" est fausse.
Réciproque
Pour toute proposition "P implique Q", on peut associer une application réciproque "Q implique P" où l’hypothèse de la première est devenue la conclusion de
la seconde et la conclusion de la première est devenue l’hypothèse de la seconde.
Attention, comme vous le savez déjà l’une des propositions peut être vraie et
l’autre fausse.
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29
Négation d’une implication
D’après le sens même de l’implication on voit tout de suite que
non (P ⇒ Q)
est équivalente à
P et (non Q)
Equivalence logique
Les phrases suivantes ont le même sens :
les propriétés "P " et "Q" sont équivalentes ;
— "(P ⇒ Q) et (Q ⇒ P )" ;
— "P ⇔ Q" ;
— "P ", "Q" sont simultanément vraies, ou simultanément fausses ;
— "(P et Q) ou ((non P ) et (non Q))" ;
— pour que "P " il faut et il suffit que "Q" ;
— "P " est vraie si et seulement si "Q" est vraie ;
— "P " est une condition nécessaire et suffisante pour que "Q".
Bien entendu, dans toutes ces phrases, on peut échanger les rôles de "P " et de
"Q".
Travail à faire sur ordinateur
Les trois exercices interactifs du chapitre "Implication"
Ensuite, testez vos connaissances
Faites les cinquante questions des deux tests d’auto-évaluation.
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30
Notion d’application
Le but est de généraliser la notion de fonction numérique y = f (x) étudiée au
lycée.
Habituellement, on se donne une fonction numérique en se donnant une partie
non vide de R où varie la variable x (le domaine de définition de la fonction f ),
et une loi, un moyen de calcul qui, à une valeur du nombre x, associe une unique
valeur de y dans R. Par exemple, y = 3x2 + 1.
Quelquefois, par exemple quand on parle de la " fonction logarithme" , le
premier travail à faire est de préciser l’ensemble de définition, ici R∗+ .
Jusqu’à présent, à l’étude d’une fonction f , on a associé son graphe Gf , un
dessin du plan ainsi défini : Gf = {(x, y) | y = f (x)}. Une propriété caractéristique du graphe d’une fonction est que tout élément x de l’ensemble de définition
est l’abscisse d’un point et d’un seul du graphe.
Nous voulons généraliser cette notion de fonction à des relations entre ensembles. Nous ne parlerons plus alors de fonction, mais plutôt d’application (ou
d’application ponctuelle). Nous définirons une application à l’aide de son graphe.
Définition
On définit une application f d’un ensemble E dans un ensemble F en se donnant son graphe G, G ⊂ E × F ; ce sous-ensemble possède la propriété suivante :
pour tout x de E, il y a un couple unique (x, y) appartenant à G. Pour tout x de
E, soit f (x) l’unique point y de F tel que (x, y) ∈ G.
Notation
On note l’application
f : E → F,
x 7→ f (x) = y
E est l’ensemble de définition (ou ensemble de départ), F est l’ensemble d’arrivée ; si y = f (x), y est l’image de l’élément x de E et x est un antécédent de
l’élément y de F .
N’oubliez pas
À un élément de l’ensemble de définition est associée une image et une seule.
Par contre un élément de l’ensemble d’arrivée peut avoir zéro, un ou plusieurs
antécédents.
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31
Exemples
– Les fonctions numériques étudiées au lycée.
– Les transformations géométriques que vous avez étudiées au lycée sont suivant les cas, des applications du plan dans le plan, (par exemple une translation ou une rotation autour d’un point, etc), ou des applications de l’espace
dans l’espace, (par exemple une symétrie orthogonale par rapport à un plan),
ou des applications de l’espace dans un plan, (par exemple une projection
orthogonale sur ce plan).
– A tout produit de deux ensembles E et F , on peut associer deux applications appelées ses deux projections canoniques :
première projection pr1 : E × F → E, (x, y) 7→ x
deuxième projection pr2 : E × F → F, (x, y) 7→ y
– A tout ensemble E est associée une application appelée application identique de E, notée IdE : E → E, x 7→ x.
On a donc : ∀x ∈ E IdE (x) = x Le graphe de IdE est la diagonale de
E × E, c’est à dire le sous-ensemble {(x, x) | x ∈ E}.
– Voici une fonction très bizarre appelée fonction de Dirichlet, qu’on ne peut
pas représenter, (essayez !) :
Φ : R → R avec Φ(x) = 1 si x ∈ Q et Φ(x) = 0 sinon.
Ces différents exemples doivent vous montrer que la notion d’application est une
notion très générale qui intervient dans tous les secteurs des mathématiques.
Images et images réciproques
Image d’un ensemble par une application
Soit une application f : E → F, x 7→ f (x). A tout sous ensemble A de E,
on associe un sous ensemble de F appelé image de A et noté f (A) :
f (A) = {y ∈ F | ∃x ∈ A, f (x) = y}
Exemples :
f (E) est une partie de F . On s’intéressera plus loin au cas f (E) = F . On a
toujours f (∅) = ∅.
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Image réciproque d’un ensemble par une application
On a une application f : E → F, x 7→ f (x). A tout sous ensemble B de F ,
on associe un sous ensemble de E appelé image réciproque de B et noté f −1 (B) :
f −1 (B) = {x ∈ E | f (x) ∈ B}
Faire très attention : Cette notation est mauvaise, mais elle est toujours utilisée
dans les livres. En effet, ici, f −1 n’est pas une application réciproque, au sens des
applications usuelles : en général f n’a pas d’application réciproque. C’est une
application qui à un ensemble B ⊂ F , fait correspondre un ensemble f −1 (B),
f −1 (B) ⊂ E, c’est à dire une application de P (F ) → P (E)
Composition d’applications.
Lorsque l’on a deux applications f : E → F et g : F → G, on peut définir
une troisième application appelée composée des deux applications f et g et notée
g ◦ f , (attention à l’ordre d’écriture !) :
g ◦ f : E → G, x 7→ (g ◦ f )(x) = g(f (x))
Attention : Ce produit n’est en général pas commutatif.
Par exemple, si on considère les fonctions numériques f (x) = sin x et g(x) =
x2 , on a : (g ◦ f )(x) = sin2 (x) et (f ◦ g)(x) = sin(x2 )
Et si f (x) = −x2 et g(x) = ln(x), alors f ◦ g(x) = −(ln(x))2 , alors que g ◦ f
n’est pas définie !
Propriétés
Nous avons vu que dans une application, tout élément de l’ensemble de départ
avait une image et une seule. Si nous cherchons à savoir si la correspondance qui
à y ∈ F associe x ∈ E est une application, nous sommes amenés à nous poser
la question : combien un élément de F a-t-il d’antécédents ? Si chaque y a un
et un seul antécédent, on pourra définir ce qu’on appelle l’application réciproque
de l’application donnée. Toutefois il est intéressant de décomposer la propriété :
chaque y a un et un seul antécédent en deux propriétés :
– chaque y a au moins un antécédent dans E
– chaque y a au plus un antécédent dans E
et nous distinguerons certaines applications suivant la réponse qu’elles apportent
à ces questions.
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33
Surjection
Définition
Une application f : E → F est surjective si tout élément de l’ensemble d’arrivée a au moins un antécédent, (peut-être plusieurs) :
(f surjective ) ⇐⇒ (∀y ∈ F,
∃x ∈ E,
y = f (x))
(f surjective ) ⇐⇒ (f (E) = F )
Si on considère l’application numérique,
f : E → R,
x 7→ f (x)
fonction d’une variable réelle x, définie sur un sous-ensemble E de R, les propriétés suivantes sont équivalentes et traduisent la surjectivité :
1. tout élément de l’ensemble d’arrivée est l’image d’au moins un point de
l’ensemble de départ, (peut-être de plusieurs) ;
2. toute parallèle à Ox coupe le graphe en au moins un point, (peut-être en
plusieurs points) ;
3. toute équation f (x) = α a au moins une solution.
Si f est surjective, on dit parfois que f est une application de E sur F . Toute
application f : E → F définit une application surjective f : E → f (E)
Injection
Définition
Une application f : E → F est injective si tout élément de l’ensemble d’arrivée a au plus un antécédent, (peut-être aucun) :
(f injective ) ⇐⇒ ∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x 6= x0 ⇒ f (x) 6= f (x0 ))
Cette propriété peut aussi s’écrire (par contraposition) :
(f injective ) ⇐⇒ ∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (f (x) = f (x0 ) ⇒ x = x0 )
Si on considère l’applications numérique
f : E → R,
x 7→ f (x)
fonction d’une variable réelle x, définie sur un sous-ensemble E de R, les propriétés suivantes sont équivalentes et traduisent l’injectivité :
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34
1. tout élément de l’ensemble d’arrivée est l’image d’au plus un point de l’ensemble de départ, (peut-être d’aucun) ;
2. toute parallèle à Ox coupe le graphe en au plus un point, (peut-être ne le
coupe pas) ;
3. toute équation f (x) = α a au plus une solution, (peut-être aucune).
Bijection
Définition
Une application f de E dans F est dite bijective si elle est à la fois injective et
surjective. Tout élément de l’espace d’arrivée F a un antécédent et un seul dans
E.
Alors, et seulement dans ce cas, on peut définir une application de F dans
E, qu’on appelle application réciproque de f et qu’on note f −1 qui vérifie les
propriétés suivantes :
– ∀x ∈ E, ∀y ∈ F, [y = f (x) ⇐⇒ x = f −1 (y)]
– f −1 ◦ f = IdE et f ◦ f −1 = IdF
– f −1 est elle même une bijection. En effet, chaque élément x de E a un et
un seul antécédent par f −1 , puisqu’il a une et une seule image par f par
définition de l’application f .
Travail à faire sur ordinateur
Les quarante exercices interactifs du chapitre "Applications"
Ensuite, testez vos connaissances
Faites les quatre-vingt questions des deux tests d’auto-évaluation.
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35
Relations
Définition
Soit un ensemble E, on dit qu’on a défini une relation R sur l’ensemble E, si
on s’est donné un ensemble G ⊂ E × E appelé graphe de la relation.
Cette définition revient à dire que pour définir une relation, on se donne l’ensemble des couples (x, y) d’éléments de E qui vérifient la relation. On constate
que l’on a ici le même mode de définition que pour une application, qui est un cas
particulier de relation, appelée relation fonctionnelle.
Au lieu de noter (x, y) ∈ G nous noterons xRy.
Dans ce chapitre, nous étudions deux autres type classiques de relations :
— les relations d’équivalence
— les relations d’ordre
Relation d’équivalence
Définition
On dit qu’une relation est une relation d’équivalence si elle est :
– symétrique : ∀x ∈ E, ∀y ∈ E, xRy ⇒ yRx,
– réflexive : ∀x ∈ E, xRx,
– transitive : ∀x ∈ E, ∀y ∈ E, ∀z ∈ E,
(xRy et yRz) ⇒ xRz.
Exemples :
a) Sur tout ensemble, l’égalité de deux éléments.
b) Sur l’ensemble des droites (du plan ou de l’espace), la relation " droites parallèles ou confondues " .
c) Sur l’ensemble des bipoints du plan (ou de l’espace), la relation d’équipollence.
d) Pour les angles du plan, la relation de congruence modulo 2π.
e) Dans Z, la relation x ≡ y
mod(n), si x − y est divisible par l’entier n.
f) Dans E = N × N, (a, b)R(a0 , b0 ) ⇐⇒ a + b0 = a0 + b.
g) Dans E = Z × Z∗ , (p, q)R(p0 , q 0 ) ⇐⇒ pq 0 = p0 q.
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36
Classe d’équivalence
Étant donné un ensemble E muni d’une relation d’équivalence R, on appelle
classe d’un élément x l’ensemble :
Cx = {y ∈ E | xRy}.
Propriété
Toute classe d’équivalence contient au moins un élément. En effet, puisque
tout élément x est équivalent à lui-même, la classe Cx de x contient au moins
l’élément x.
Théorème
Soient les classes Cx et Cy de deux éléments x et y. Ces classes sont disjointes
ou sont confondues.
Démonstration
– 1er cas : Cx ∩ Cy = ∅. Les deux classes sont disjointes.
– 2e cas : Cx ∩ Cy 6= ∅. Soit z ∈ Cx ∩ Cy . On a xRz et yRz, donc on a
xRz et zRy, et par transitivité xRy. On en conclut que y est dans la classe
de x : y ∈ Cx . Montrons que la classe de y est contenue dans celle de x.
Soit z1 ∈ Cy . On a yRz1 et xRy, et donc xRz1 par transitivité. C’est-à-dire
z1 ∈ Cx et donc Cy ⊂ Cx . De la même façon, on montre Cx ⊂ Cy . Donc
les deux classes Cx et Cy sont confondues.
Définition
Cx est la classe d’équivalence de tout élément z de Cx . En effet, si y et z
appartiennent à la classe de x, alors leurs classes sont confondues avec celle de x.
Ceci justifie d’appeler tout élément d’une classe représentant de cette classe.
Partition d’un ensemble
L’ensemble E est partagé en une réunion disjointe de classes.
E = ∪x∈E Cx
On dit qu’on a une partition de l’ensemble E :
— Chaque élément de E appartient à une classe au moins
— Chaque élément de E appartient à une seule classe.
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37
Exemples :
a) ∀x ∈ E, Cx = {x} pour l’égalité.
b) Relation de parallélisme sur les droites du plan : si d est une droite, sa classe
d’équivalence Cd est par définition la direction de d.
c) Relation d’équipollence sur les bipoints (A, B) : la classe d’équivalence CAB
−→
est par définition le vecteur libre AB.
d) Un angle modulo 2π.
e) Pour la congruence modulo n, les classes d’équivalence sont représentées par
0̄, 1̄, 2̄, . . ., n − 1, où ī = {x | ∃k ∈ Z, x − i = kn}.
f) E = N × N, (a, b)R(a0 , b0 ) ⇐⇒ a + b0 = a0 + b. La classe de (a, b) est par
définition le nombre relatif a − b.
g) E = Z × Z∗ , (p, q)R(p0 , q 0 ) ⇐⇒ pq 0 = p0 q. La classe de (p, q) est par
définition le nombre rationnel pq .
Relation d’ordre
Définition
Soit E un ensemble. Une relation binaire R dans E est une relation d’ordre si
elle est :
— réflexive :
∀x ∈ E, xRx
— antisymétrique :
∀x ∈ E, ∀y ∈ E,
(xRy et yRx) ⇒ x = y
— transitive :
∀x ∈ E, ∀y ∈ E, ∀z ∈ E,
(xRy et yRz) ⇒ xRz
Exemples
— La relation d’ordre x ≤ y sur les nombres réels.
— La relation d’ordre x ≥ y sur les nombres réels.
— La relation d’inclusion ⊂ sur les parties d’un ensemble.
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Remarques
Notation :
Par analogie avec la relation d’ordre sur les nombres, on note souvent les relations d’ordre avec le symbole .
Attention
La relation x < y sur R n’est pas une relation d’ordre car elle n’est pas réflexive.
x < y pour x ≤ y et x 6= y
On dit cependant quelquefois que c’est une relation d’ordre strict, ce qui est dangereux puisque ce n’est pas une relation d’ordre. Même problème pour l’inclusion
stricte des ensembles.
Ordre total
La relation d’ordre sur les nombres est une relation d’ordre total. En effet
deux éléments sont toujours comparables. Étant donnés deux nombres réels x et
y, on a toujours x ≤ y ou x ≥ y.
∀x ∈ R, ∀y ∈ R,
(x ≤ y ou x ≥ y)
La relation d’inclusion entre sous-ensembles d’un ensemble E n’est pas une
relation d’ordre total sur P(E). Il existe des ensembles tel que le premier ne soit
pas inclus dans le second, ni le second inclus dans le premier. Par exemple [1, 3] 6⊂
[0, 2] et [0, 2] 6⊂ [1, 3] pour des intervalles de R.
Majorant, minorant
Définition : majorant
Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre notée et F un sous-ensemble
de E. On dit qu’un élément M ∈ E est un majorant de F s’il est plus grand que
tous les éléments de F .
∀x ∈ F, x M
Si M est un majorant de F , tout élément plus grand que M est aussi un majorant.
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Définition : minorant
On dit qu’un élément m ∈ E est un minorant de F s’il est plus petit que tous
les éléments de F .
∀x ∈ F, m x
Si m est un minorant de F , tout élément plus petit que m est aussi un minorant.
Définition : ensemble majoré
On dit qu’un sous-ensemble F de E ensemble ordonné est majoré s’il possède
un majorant. Ce qui d’après les règles d’usage des quantificateurs se traduit par la
phrase formelle :
∃M ∈ E, ∀x ∈ F, x M
Définition : ensemble minoré
Un sous-ensemble F d’un ensemble ordonné E est minoré s’il possède un
minorant.
∃m ∈ E, ∀x ∈ F, m x
Définition : ensemble borné
Un sous-ensemble F d’un ensemble ordonné E est borné si il possède à la fois
un majorant et un minorant, c’est-à-dire s’il est à la fois majoré et minoré.
∃m ∈ E, ∃M ∈ F, ∀x ∈ F,
mxM
Définition : plus grand élément
Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre notée et F un sous-ensemble
de E. On dit qu’un élément M ∈ F est le plus grand élément de F , si c’est un
majorant de F , c’est-à-dire si il est plus grand que tous les éléments de F . Cela se
traduit formellement par :
M ∈ F et (∀x ∈ F,
x M)
On définit de la même façon la notion de plus petit élément m de F .
m ∈ F et (∀x ∈ F,
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m x)
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Unicité du plus grand élément
Nous avons mis le plus grand élément de F , car il est facile de voir que si nous
supposons dans F deux tels éléments M 0 et M ”, on a M 0 M ” et M ” M 0 , et
donc d’après l’antisymétrie de la relation d’ordre, M 0 = M ”.
Si un majorant de F appartient à F , alors c’est le plus grand élément de F .
Un sous-ensemble F majoré peut ne pas avoir de √
plus grand élément. Par
exemple, l’ensemble des nombres rationnels inférieurs à 2 est majoré par exemple
par 2, mais il n’a pas de plus grand élément.
Définition
Soit un ensemble ordonné E et F un sous-ensemble de E. On suppose que F
est majoré. Si l’ensemble des majorants de F admet un plus petit élément, il est
appelé borne supérieure de F et noté sup F .
Définition
On définit de même la borne inférieure d’un ensemble F minoré, comme le
plus grand des minorants de cet ensemble et on le note inf F .
Si F a une borne supérieure qui appartient à F , alors c’est aussi le plus grand
élément de F .
Il est facile de montrer les implications suivantes qui résultent simplement des
définitions.
Propriétés
Soit un ensemble ordonné E et F un sous-ensemble de E.
— Si F admet un plus grand élément M , alors M est la borne supérieure de F .
— Si F admet une borne supérieure a, alors a est un majorant de F .
Application croissante
Soient E et F deux ensembles ordonnés et f une application de E dans F .
Définition
f est croissante si deux éléments et leurs images sont rangés dans le même
ordre. Cela se traduit formellement par
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x ≤ x0 ⇒ f (x) ≤ f (x0 ))
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Définition
f est décroissante si deux éléments et leurs images sont rangés dans l’ordre
contraire. Cela se traduit formellement par
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x ≤ x0 ⇒ f (x) ≥ f (x0 ))
Définition
f est monotone si elle est croissante ou si elle est décroissante. Cela se traduit
formellement par
[∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x ≤ x0 ⇒ f (x) ≤ f (x0 ))]
ou
[∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x ≤ x0 ⇒ f (x) ≥ f (x0 ))]
Remarques
attention à l’écriture précédente. Si on est tenté de "mettre en facteur les
quantificateurs", un peu de réflexion peut vous persuader que l’écriture suivante
est vraie pour toutes les applications d’un ensemble ordonné E dans un ensemble totalement ordonné F .
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, [(x ≤ x0 ⇒ (f (x) ≤ f (x0 ) ou f (x) ≥ f (x0 ))]
Définition
Fonction strictement croissante : Si on veut exclure qu’une fonction croissante
prenne deux fois la même valeur, on utilise la notion de fonction strictement croissante :
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x < x0 ⇒ f (x) f (x0 )
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x < x0 ⇒ (f (x) ≤ f (x0 ) et f (x) 6= f (x0 ))
Définition
On définit de la même façon une fonction strictement décroissante
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x < x0 ⇒ f (x) f (x0 )
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x < x0 ⇒ (f (x) ≥ f (x0 )etf (x) 6= f (x0 ))
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Définition
On définit de la même façon une fonction strictement monotone, ce qui signifie
que f est strictement croissante ou que f est strictement décroissante.
Remarque
Une fonction constante est une fonction croissante. Ceci n’est pas paradoxal,
car il faut se souvenir que les inégalités écrites sont des inégalités larges.
Attention
Méfiez vous du langage. Le contraire de "f est croissante" n’est pas "f est
décroissante".
Comment écrire que f n’est pas croissante ?
Pour écrire que f n’est pas croissante, utilisons le formalisme et prenons la
négation de
∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (x ≤ x0 ⇒ f (x) ≤ f (x0 ))
On obtient :
∃x ∈ E, ∃x0 ∈ E, (x ≤ x0 et f (x) > f (x0 ))
La donnée d’un couple bien choisi et de ses images donne la non-croissance de f .
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Les vingt six exercices interactifs du chapitre "Relations"
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Démonstration
Typiquement, dans une démonstration, on a des objets donnés dans l’énoncé,
des hypothèses c’est-à-dire de propriétés de ces objets qui sont supposées vraies,
et il s’agit de démontrer un but, qui est une propriété que l’on doit établir et qui
concerne ces mêmes objets, à l’aide des hypothèses et des propriétés connues
antérieurement (les axiomes, les théorèmes, . . . ).
Les considérations ci-dessous ont pour but d’aider à avoir un plan de démonstration : comment s’y prendre à partir des hypothèses pour aboutir au but ? Toutes
les démonstrations ne se réduisent pas à des automatismes, mais le peu de logique
pratique indiqué ci-dessous doit aider à organiser une démonstration.
Implication
1. Pour démontrer une implication "P ⇒ Q" : on suppose que "P " est vraie
et on démontre "Q". Autrement dit on ajoute "P " aux hypothèses, et on
remplace le but par "Q".
2. Pour utiliser une hypothèse (ou propriété déjà connue — dans la suite, on ne
fera pas la distinction) "P ⇒ Q", on essaie de démontrer "P ", et on obtient
alors la propriété "Q".
Ne pas perdre de vue, pour (1) comme pour (2), qu’il est parfois commode de
remplacer l’implication par sa contraposée "(non Q) ⇒ (non P )".
Conjonction
3. Pour démontrer une conjonction "P et Q" : on démontre séparément la propriété "P " et la propriété "Q", dans un ordre au choix. Autrement dit on fait
deux démonstrations avec les hypothèses que l’on a, l’une dont le but est
"P ", l’autre dont le but est "Q".
4. Pour utiliser une hypothèse "P et Q", on la remplace par les deux hypothèses, d’une part "P ", d’autre part "Q".
Equivalence
Penser à remplacer systématiquement "P ⇐⇒ Q" par la conjonction des deux
implications "P ⇒ Q" et "Q ⇒ P ".
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Disjonction
5. Pour démontrer une disjonction "P ou Q" : on démontre que l’une au moins
des deux propriétés est vraie. Cela se fait généralement en supposant que
l’une des deux propriétés, "P " par exemple, est fausse, et en démontrant
l’autre, "Q" dans notre exemple. Remarquer que procéder ainsi revient à
remplacer la disjonction "P ou Q" par l’implication équivalente
"(non P ) ⇒ Q".
6. Pour utiliser une hypothèse "P ou Q" : on fait deux démonstrations séparées, l’une en prenant "P " comme hypothèse supplémentaire, l’autre en prenant "Q" comme hypothèse. C’est ce qu’on appelle la disjonction des cas ;
on l’exprime par exemple de la façon suivante :
Premier cas : supposons que "P " est vraie . . .
Deuxième cas : supposons que "Q" est vraie . . .
On peut aussi considérer "P ou Q" comme étant "(non P ) ⇒ Q", ou comme
étant "(non Q) ⇒ P ".
Négation
Pour une négation, pas de règle générale, sauf qu’il est adroit de rentrer au
maximum les négations à l’intérieur des formules. Par exemple, s’il s’agit de
"non (P ⇒ Q)", transformer cette formule en "P et (non Q)". Quand les négations sont arrivées au stade atomique, c’est-à-dire sous la forme "a 6= b", ou
"x ∈
/ E", il n’y a plus de gros problème de logique.
Exemple de démonstration
Énoncé : On considère deux nombres réels x et a. On suppose que l’on a
(x 6= a) ⇒ (x = 1)
Montrer que
((x 6= a) ⇒ (x 6= 1)) ⇒ (x = a)
Objets donnés : x et a.
Hypothèse : (x 6= a) ⇒ (x = 1).
But : [(x 6= a) ⇒ (x 6= 1)] ⇒ (x = a).
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Démonstration
On va faire une démonstration de la contraposée de la propriété cherchée. On
remplace le but [(x 6= a) ⇒ (x 6= 1)] ⇒ (x = a) par l’implication contraposée,
(x 6= a) ⇒ [(x 6= a) et (x = 1)] (revoir la négation d’une implication)
On prend donc maintenant l’hypothèse x 6= a. Supposons x 6= a et montrons
que (x 6= a) ⇒ (x 6= 1) est faux. Autrement dit montrons que (x 6= a) et (x = 1).
On sait déjà que x 6= a, il reste à démontrer que x = 1.
Or nous savons x 6= a, et par hypothèse (x 6= a) ⇒ (x = 1), donc x = 1, ce
qui termine la démonstration de x = 1.
On a donc montré la contraposée du but et donc le but est montré.
Exemples
Une exception : la démonstration par l’absurde
Il est quelquefois nécessaire d’utiliser cette technique particulière de démonstration. Elle consiste à ajouter comme hypothèse la négation du but, le nouveau but
étant alors une contradiction, c’est à dire une propriété du type " Z et non Z " , où
Z est une propriété quelconque, qui ne figure pas nécessairement dans l’énoncé.
Ne pas abuser des démonstrations par l’absurde : quand il y a une démonstration directe et naturelle, il est lourd de présenter les choses par l’absurde. En
particulier, pour démontrer une implication "P ⇒ Q", une démonstration du style
" supposons que "Q" est fausse, . . . donc "P " est fausse. " est une démonstration
par contraposition, et pas une démonstration par l’absurde !
Montrer que
√
2 est irrationnel
Pas
√ d’objet donné, pas d’hypothèse,
but : 2 n’est pas un quotient d’entiers.
√
Démonstration Démontrons
cette
propriété
par
l’absurde
:
supposons
2 ration√
p
nel ; on peut écrire 2 = q où p et q sont deux entiers (constater l’introduction de
nouveaux objets). Quitte à simplifier la fraction par 2 autant de fois qu’il le faut,
on se ramène au cas où p et q ne sont pas pairs tous les deux.
On a alors p2 = 2q 2 . Le second membre de cette égalité est pair, donc le
premier aussi, ce qui montre que p est pair, car le carré d’un nombre ne peut être
pair que si ce nombre est pair. En écrivant p = 2p0 , où p0 est entier, on obtient
4p02 = 2q 2 , puis 2p02 = q 2 , ce qui montre par la méthode déjà utilisée que q est
pair.
En rapprochant les trois propriétés écrites en caractères penchés, on obtient la
contradiction cherchée (la formule Z étant par exemple " p pair et q pair " ). Le
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nombre
√
2 est donc irrationnel.
Quantificateurs et démonstrations
Le but de cette section est de donner une aide pour les démonstrations où
interviennent, de façon implicite ou explicite, des quantificateurs. Il n’y a pas
(malheureusement ? heureusement ?) de recette pour démontrer une propriété mathématique, mais on essaiera ici de donner un guide permettant presque toujours
d’y voir plus clair en comprenant mieux ce qu’il y a à faire, en se construisant un
plan raisonnable de démonstration.
Les interventions de formules quantifiées, explicites ou implicites, dans une
démonstration se font (si l’on excepte le départ d’une démonstration par l’absurde
qui modifie les hypothèses et le but) en utilisant les quatre règles suivantes.
Formules universelles :
"∀x, P (x)" signifie que pour tout x, "P (x)" est vraie, donc :
règle 1
Pour démontrer une propriété universelle (du type "∀x, P (x)"), on prend un
x quelconque (c’est-à-dire que l’on ne suppose rien a priori sur cet x), et on
démontre que "P (x)" est vraie. On exprimera dans la démonstration que l’on
prend cet x en écrivant quelque chose du genre "soit x", ou "prenons un x quelconque". . .
règle 2
Pour utiliser une propriété (hypothèse) universelle (du type "∀x, P (x)"), on
cherche un x particulier intéressant (quelquefois plusieurs), et on peut alors utiliser la propriété "P (x)".
Formules existentielles :
"∃x, P (x)" signifie qu’il existe un x tel que "P (x)" est vraie, donc :
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règle 3
Pour démontrer une propriété existentielle (du type "∃x, P (x)"), on construit
(synonymes : on trouve, on fabrique, . . . ) un x et on démontre pour cet x la propriété "P (x)".
règle 4
Pour utiliser une propriété (hypothèse) existentielle (du type "∃x, P (x)"),
on prend un x ayant la propriété P (x). Cela peut se faire en écrivant quelque
chose du genre "considérons x tel que "P (x)", ou "prenons un x tel que P (x)",
ou simplement "il existe x tel que P (x)" (noter dans cette dernière expression que
"il existe" écrit en toutes lettres peut signifier dans ce contexte, non seulement que
l’on affirme l’existence d’un x, ce que la formule "∃x, P (x)" fait, mais en plus
qu’on en prend un, fixé pour la suite de la démonstration, ce que la formule ne fait
pas !). Une fois qu’on a pris cet x, on peut utiliser la propriété "P (x)" (attention,
c’est tout ce qu’on sait sur x).
Exemple.
Voyons ci-dessous un exemple commenté dans lequel on est amené à exploiter
ces règles. On trouvera successivement un énoncé d’exercice, une réflexion sur la
façon de lui trouver une démonstration, la rédaction de la démonstration obtenue
(ce n’est pas la même chose !), et enfin quelques considérations critiques sur celleci.
Énoncé.
Montrer que si f : E → F est une injection, et P et Q deux parties de E, alors
f (P ) ∩ f (Q) ⊂ f (P ∩ Q).
Décortication de l’énoncé
Regardons d’abord l’hypothèse
"f injective" ; elle se traduit par la formule universelle
∀x ∈ E, ∀y ∈ E, (f (x) = f (y) ⇒ x = y)
On ne peut l’utiliser tout de suite car on ne dispose ni de x ni de y intéressants
pour pouvoir l’utiliser. Prendre un x et un y quelconques ici ne servirait à rien.
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Regardons maintenant le but
(ici comme souvent c’est par là qu’il est bon de commencer). Il peut s’écrire :
∀y ∈ F, (y ∈ f (P ) ∩ f (Q) ⇒ y ∈ f (P ∩ Q))
On va donc prendre un y quelconque dans F et essayer de démontrer l’implication
y ∈ f (P ) ∩ f (Q) ⇒ y ∈ f (P ∩ Q)
Pour cela, on commence par supposer y ∈ f (P ) ∩ f (Q), et il reste à démontrer
y ∈ f (P ∩ Q). Or y ∈ f (P ∩ Q) signifie ∃x ∈ P ∩ Q, y = f (x) ; il nous faut
donc trouver un x tel que. . . mais nous n’avons pas encore un tel x sous la main ;
il faut donc continuer autrement.
Construction d’une démonstration
On sait que y ∈ f (P ) ∩ f (Q), autrement dit que y ∈ f (P ) et que y ∈ f (Q) ;
or y ∈ f (P ) signifie que ∃x ∈ P, y = f (x), on va donc prendre un tel x en disant
"prenons x ∈ P tel que y = f (x)". De même y ∈ f (Q) va nous donner un x0 ∈ Q
tel que y = f (x0 ) (attention, il faut prendre ici une autre notation que x, en effet
y ∈ f (Q) signifie bien ∃x ∈ Q, y = f (x), mais il ne faut pas oublier que nous
avons déjà un x dans le problème ; y ∈ f (Q) dit que y a un antécédent dans "Q",
mais ne nous dit pas s’il s’agit de x).
On sait maintenant que x ∈ P , que x0 ∈ Q, que y = f (x) et que y =
f (x0 ), donc en particulier que f (x) = f (x0 ). C’est le bon moment pour utiliser
l’hypothèse "f injective" : nous avons maintenant x et x0 dans E pour exploiter
cette hypothèse. Comme f (x) = f (x0 ), on tire x = x0 . Ainsi x est un élément
commun à P et "Q", donc x ∈ P ∩ Q.
On a fabriqué un x ∈ P ∩ Q tel que y = f (x) ; on peut donc conclure que
y ∈ f (P ∩ Q) et atteindre le but.
Rédaction de la démonstration
Notre recherche de démonstration est ainsi terminée. Il nous reste à rédiger
cette démonstration. Voici dans l’encadré ci-dessous la rédaction telle qu’on pourrait la trouver dans une bonne copie.
Soit y ∈ F ; supposons y ∈ f (P ) ∩ f (Q). Comme y ∈ f (P ), il existe x ∈ P tel
que y = f (x) ; de même puisque y ∈ f (Q) il existe x0 ∈ Q tel que y = f (x0 ).
Ainsi f (x) = f (x0 ), d’où x = x0 car f est injective. Alors x ∈ P et x = x0 ∈ Q,
donc x ∈ P ∩ Q, et y = f (x) ∈ f (P ∩ Q).
Conclusion : f (P ) ∩ f (Q) ⊂ f (P ∩ Q).
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49
Notez :
– Combien de quantificateurs, de ⇒, . . . ont été écrits dans cette démonstration ?
– Comment les formules quantifiées de la partie recherche sont-elles évoquées ?
– À quels endroits et de quelle façon les notations sont-elles introduites ? Il
s’agit ici des notations x, x0 et y car E, F , P , Q et f sont données par
l’énoncé et n’ont donc pas à être introduites.
– À quels endroits et de quelles façons les hypothèses sont-elles utilisées ?
"Rédaction" déconseillée :
On trouve souvent dans les copies des suites de formules en guise de démonstration. Sur l’exemple précédent, jugez-vous même de la clarté d’une telle rédaction :
f (P ) ∩ f (Q) = {y ∈ F | ∃x ∈ P, y = f (x) et ∃x ∈ Q, y = f (x)}
= {y ∈ F | ∃x ∈ P, ∃x0 ∈ Q, y = f (x) = f (x0 )}
f injective ⇒ ∀x ∈ E, ∀x0 ∈ E, (f (x) = f (x0 ) ⇒ x = x0 )
f (P ) ∩ f (Q) = {y ∈ F | ∃x ∈ P, ∃x0 ∈ Q, y = f (x) et x = x0 }
= {y ∈ F | ∃x ∈ P ∩ Q, y = f (x)}
= f (P ∩ Q)
D’accord, elle donne l’égalité et pas seulement l’inclusion, mais à quel prix
pour la clarté ! Et de toutes façons l’autre inclusion est très facile — rédigez-la.
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Les dix sept exercices interactifs du chapitre "Démonstrations"
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50
Langage mathématique et métalangage
Tout texte mathématique, que ce soit un énoncé de problème, une copie d’étudiant, un manuel ou une publication, comporte plusieurs niveaux de langage.
Le langage mathématique proprement dit, qui est le langage formel, ou celui
que l’on pourrait formaliser (au moins en théorie). En gros, il s’agit des notations
et des formules, ou assertions. Exemples : "x ∈ N", "x = 2 ⇒ x2 = 4", "f est
continue en x0 " qui se formalise comme on sait par "∀ε > 0 . . .".
Le langage métamathématique ou métalangage qui exprime ce qu’on peut
dire à propos de la véracité des assertions dans un contexte donné, ou de la façon
dont les assertions se déduisent les unes des autres, au cours d’une démonstration,
ou encore les définitions (de notations entre autres). "x ∈ N est faux", "x = 2 donc
x2 = 4", "soit ε > 0, . . ." sont des phrases de métalangage. Certains autres types
de langage ne sont pas strictement indispensables au discours mathématique, mais
on conçoit difficilement un texte de quelque importance où ils ne se rencontrent
pas :
Les explications ou commentaires de type heuristique qui soutiennent l’intuition et aident à comprendre le texte. En font partie les figures, les rappels au
moment opportun du résultat ou de la définition utile pour une déduction, les indications méthodologiques, etc.
D’autres parties Notes historiques, bibliographies, tables des matières, le
présent préambule de cette section, etc.
Rédaction mathématique
Directives générales
Aucun signe logique n’est nécessaire à une bonne rédaction de démonstration.
Mais de même qu’il est plus simple d’écrire "x = y" que "x et y sont égaux",
leur utilisation permet d’alléger l’écriture, et d’améliorer la clarté, à condition de
respecter un minimum de règles élémentaires.
Règle 1
L’emploi des "⇒", "⇔", "∀", "∃", . . . doit être strictement limité à des formules symboliques complètes, s’écrivant sauf cas exceptionnels en une ligne au
maximum (de préférence isolée des autres) et ne comportant pas en principe de
mots du vocabulaire ordinaire, excepté "et", "ou" et "non" qui doivent être assimilés à des signes.
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Règle 2
Ces formules ne doivent en aucun cas être une indication de démonstration :
2x + 3 = 5x − 6 ⇒ 3 + 6 = 5x − 2x ⇒ 9 = 3x ⇒ x = 3
est inacceptable car "⇒" n’est pas synonyme de "j’en déduis".
Par contre ces formules seront efficacement utilisées pour les objectifs suivants.
— Titrer une question, en indiquant ce que l’on compte démontrer,
— Rappeler brièvement une hypothèse ou une propriété déjà démontrée ( quoiqu’elles ne soient pas toujours idéales pour cela),
et surtout
— Exprimer une conclusion partielle ou définitive.
Une bonne rédaction en comporte en général assez peu, mais judicieusement
placées.
Utilisation des connecteurs logiques
"⇒", "⇔", "et", "ou".
Ces signes, appelés connecteurs binaires, sont obligatoirement utilisés entre
deux formules qui, si elles ne sont pas très simples, doivent être entourées de
parenthèses pour éviter toute ambiguïté. Le résultat est une autre formule.
Exemples
Si x et y sont des nombres réels définis dans le texte précédent, on pourra
écrire :
(x ≥ 0 et y ≥ 0) ⇒ x + y ≥ 0
xy = 0 ⇐⇒ (x = 0 ou y = 0)
Sont à proscrire
Des expressions comme
A⇒B⇒C
car elles n’ont aucun sens : les deux membres de chacun des "⇒" ne sont pas bien
déterminés, et suivant la place des parenthèses que l’on peut mettre, la signification change ; en général, l’énoncé ci dessous est vrai :
non ((A ⇒ B) ⇒ C) ⇐⇒ (A ⇒ (B ⇒ C))
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Emploi des quantificateurs
Règle 3
"∀" et "∃" doivent être suivis d’une seule lettre, notation non encore définie
dans le texte antérieur. Par exemple, si (xn )n∈N est une suite de nombres réels
positifs, on écrira :
∀n, (n ∈ N ⇒ xn > 0)
ou
∀n ∈ N, xn > 0
qui en est une abréviation, mais surtout pas :
∀xn , xn > 0
Règle 4
Un "∀x", ou un "∃x" commençant une formule doit être suivi d’une (sous-)
formule complète, par exemple :
∀x, (x ∈ R ⇒ x2 ≥ 0)
∃z, (z ∈ C et z 2 = −1)
mais on écrit souvent les formules de ce type sous les formes respectives suivantes :
∀x ∈ R, x2 ≥ 0
∃z ∈ C, z 2 = −1
Remarque : le "tel que" que l’on dit après un "il existe . . . " ne s’écrit pas dans
les formules.
Règle 5
"∀" et "∃", suivis d’une lettre, définissent cette lettre comme notation pour la
suite de la formule que l’on écrit (par exemple, dans "∀x, x ∈
/ ∅", le deuxième x
est défini par le quantificateur), mais pas pour la suite de la démonstration :
Si A est un ensemble donné, et si on a démontré "∃x, x ∈ A", "x" n’est
pas une notation définie dans le reste du problème ; si on a besoin d’utiliser un
élément de A, on en définira explicitement un par "Soit x un élément de A" (on
tolère généralement dans ce cas l’abus de langage "Soit x ∈ A", et dans le même
ordre d’idée "Soit > 0" pour "Soit un nombre réel strictement positif").
Ceci est particulièrement important, car la définition correcte des termes utilisés est essentielle à une bonne démonstration.
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Règle 6
Toutes les notations utilisées dans une formule doivent être définies, soit par
des quantificateurs placés avant dans la formule, soit dans le texte précédent (ou
l’énoncé).
Remarques finales
On tolère en général un certain assouplissement des règles précédentes, en
particulier l’utilisation discrète des mots pour éviter une définition qui serait plus
lourde, par exemple :
Possible
Si f est une fonction d’un ensemble X dans un ensemble Y , on pourra écrire :
(f injective) ⇐⇒ ∀x ∈ X, ∀x0 ∈ X, (f (x) = f (x0 ) ⇒ x = x0 )
Possible
Si X, Y , Z sont des intervalles de R, f une application de X dans Y , g une
application de Y dans Z, et x0 un élément de X, on pourra écrire :
((f continue en x0 ) et (g continue en f (x0 ))) ⇒ (g ◦ f continue en x0 )
Impossible
Il ne faut pas écrire d’horreurs du genre :
"Puisque f et g sont continues ⇒ ∀1 + 2 > 0, ∃ inf(η1 , η2 ) tel que si |x −
x0 | < η ⇒ |f (x) = g(x) − (f + g) (x0 )| < ⇒ f + g continue car η1 et η2 sont
positifs." qui ont l’énorme avantage de réunir toutes les erreurs dénoncées ici, que
le lecteur pourra retrouver et le (non moins énorme) désavantage de se rencontrer
fréquemment dans certaines copies.
Bien entendu, le respect des règles pratiques exposées ci-dessus ne dispense
pas du bon usage de la langue française (l’orthographe en particulier, sans parler
de l’écriture !), non plus que de l’utilisation des artifices classiques de présentation
tels que séparation des paragraphes, rappel des numéros de questions, mise en
relief des conclusions . . . dont l’emploi équilibré donne un texte plus clair et plus
agréable.
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Travail à faire sur ordinateur
Les neuf exercices interactifs du chapitre "Rédaction"
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Le dénombrable et le continu
Après une présentation historique de quelques problèmes liés à l’infini dans
l’histoire, on introduit la notion de cardinal d’un ensemble, généralisation de la
notion de nombre d’éléments d’un ensemble et on pose la question suivante :
Les ensembles de nombres entiers, rationnels, réels, complexes comportent une
infinité d’éléments. Pouvons nous comparer ces infinis ? Y a-t-il plusieurs sortes
d’infinis ?
La réponse est oui, et les deux premiers infinis, le dénombrable et le continu
apparaîtront à propos des ensembles de nombres.
Ce chapitre ne détaille pas toutes les démonstrations, mais souvent donne
l’idée essentielle permettant de les construire. C’est une première approche de
notions fondamentales en mathématiques.
Les ensembles infinis
De tout temps, les mathématiciens ont fait usage de raisonnements élémentaires portant sur des ensembles de façon plus ou moins consciente, par exemple
la phrase : "Le tout est plus grand que la partie". Le maniement des syllogismes
(tel que "Si tout A est un B, si tout B est un C, alors tout A est un C"), la question
de l’appartenance d’un objet à une collection, l’inclusion d’un ensemble dans un
autre relève de ce type de raisonnement.
Cantor, le premier à revendiquer l’usage des ensembles infinis en mathématiques, donne la "définition" suivante :
"Par ensemble, on entend un groupement en un tout, d’objets bien distincts de
notre intuition ou de notre pensée."
Ce qui montre une fois de plus qu’on ne peut pas tout définir en mathématiques et
que, ainsi que nous l’avons vu, le terme d’ensemble fait partie des termes primitifs.
Les paradoxes de Zénon
Très tôt dans l’histoire, les mathématiciens se sont heurtés au problème de
l’infini. Un philosophe de l’Antiquité a avancé ainsi des paradoxes logiques faisant
intervenir l’infini dont le plus célèbre était celui d’Achille et la tortue : dans une
course entre Achille et la tortue, Achille laisse la tortue prendre une avance au
départ ; Achille ne rattrapera jamais la tortue, dit le philosophe, car lorsque Achille
parvient à la position atteinte par la tortue quand Achille a commencé sa course,
celle-ci a avancé et se trouve dans une autre position ; quand Achille atteint cette
nouvelle position, la tortue a de nouveau avancé et ainsi de suite. Bien sûr, Zénon
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sait parfaitement qu’Achille rattrape la tortue, mais il s’agit pour lui de lancer un
défi : comment démonter le raisonnement précédent ?
Infini potentiel, infini actuel
La solution trouvée par le philosophe Aristote dans l’Antiquité fut de distinguer deux sortes d’infini.
L’infini potentiel, ou infini en puissance que l’on utilise par exemple lorsqu’on
dit "Pour tout entier, on peut en trouver un plus grand" ;
L’infini actuel qui consiste à accepter et à travailler avec une infinité d’objets, de
nombres considérés comme disponibles en même temps, tels que l’infinité d’intervalles de temps et de distances envisagés dans l’exemple d’Achille ou pour
prendre un exemple d’aujourd’hui, le fait de dire "soit l’ensemble des entiers...".
La solution trouvée par Aristote fut d’accepter des raisonnements faisant intervenir l’infini potentiel et de refuser l’infini actuel, en considérant qu’on n’en
avait pas besoin en mathématiques.
L’infini en mathématiques
Le point de vue auquel se sont arrêtés les mathématiciens depuis l’Antiquité
a, pour l’essentiel, été de refuser le débat. On évite d’introduire l’infini actuel, ensemble portant sur une infinité d’objets existant simultanément, et on se contente,
y compris dans le calcul infinitésimal, de l’infini potentiel, en se donnant la possibilité d’augmenter ou de diminuer toute grandeur donnée. Classiquement, on peut
dire qu’un point appartient à une droite, mais il est impossible de dire que la droite
est constituée de points. Ceci sert de garde-fou après les querelles provoquées par
l’usage de l’infini.
Le tout et la partie
Galilée (au début du dix-septième siècle) remarque que la relation entre les
entiers naturels et leurs carrés est bijective ; donc qu’une partie des entiers est en
bijection avec les entiers. La relation "Le tout est plus grand que la partie", ne
s’applique pas aux ensembles infinis. Ceci renforce la méfiance des mathématiciens vis à vis de l’usage de l’infini actuel mais pourtant les nécessités de l’analyse
les confrontent à ce problème. Par exemple, les développements décimaux illimités font bien intervenir
un infini actuel, infinité des chiffres du développement de
√
nombres tels que 2 ou π. De plus en plus, les mathématiciens font usage de l’infini dans leurs raisonnements, sans avoir les moyens de justifier rigoureusement
ces méthodes.
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L’infini actuel
L’acceptation de l’usage de l’infini actuel fut le fait de plusieurs mathématiciens de la seconde moitié du siècle dernier dont Bolzano est un précurseur et
Cantor le plus connu.
Au cours de cette période, on suit un processus de débat et d’acceptation.
Ainsi, on voit une évolution chez un mathématicien comme Bolzano. En 1817, il
montre l’existence de la borne inférieure d’un ensemble minoré de nombres réels
par un raisonnement en compréhension. Trente ans plus tard, il utilise l’infini actuel en montrant que deux intervalles compacts de R sont équipotents, (c’est-àdire en bijection). Il remarque qu’une différence caractéristique entre ensemble
fini et ensemble infini est l’existence de sous-ensembles propres équipotents au
tout. Cependant Bolzano n’arrive pas à dégager clairement la notion de puissance
d’un ensemble (généralisation de la notion de nombre d’éléments pour un ensemble infini) et à la distinguer de la notion d’ordre de grandeur.
Comparaison d’ensembles
Il faut séparer nettement les questions liées à l’infini et à la notion de cardinal
ou de puissance d’un ensemble, beaucoup plus difficiles. Depuis les paradoxes de
Zénon, jusqu’à Bolzano et Cantor, les mathématiciens sont confrontés à la difficulté de concevoir une grandeur finie composée d’une infinité de points dépourvus
de grandeur. La notion d’équipotence, c’est-à-dire de l’existence d’une bijection
entre ensembles est dégagée petit à petit.
Quand on travaille avec les ensembles finis, pour comparer deux ensembles
du point de vue du nombre de leurs éléments, on peut soit compter celui-ci pour
chacun des deux ensembles, soit essayer d’établir une bijection entre les deux ensembles. Toutefois, si l’un des ensembles finis est strictement inclus dans l’autre,
on sait qu’il a moins d’éléments.
Ceci n’est plus vrai pour les ensembles infinis. Paradoxalement, la propriété
qui avait choqué Galilée va devenir une définition. On va définir un ensemble
infini comme un ensemble qui possède un sous-ensemble propre équipotent à cet
ensemble.
Les travaux de Cantor
On peut introduire la notion d’ensemble dénombrable pour des ensembles
d’objets que l’on peut ranger en une suite, c’est-à-dire pour lesquels on peut établir une bijection avec l’ensemble des entiers. Y a-t-il des ensembles qui ne sont
pas dénombrables ?
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Cantor aborde ces questions à propos d’ensembles exceptionnels apparus dans
l’étude des séries trigonométriques. En 1873 il montre que l’ensemble des rationnels est dénombrable et que l’ensemble des nombres réels ne l’est pas. En 1877,
après avoir montré que les ensembles R et R2 peuvent être mis en bijection, il
écrit à Dedekind "Je le vois, je ne le crois pas", tant ce résultat est en contradiction
avec l’intuition. De 1878 à 1884, il publiera six mémoires sur la théorie des ensembles. Il dégage la notion d’équipotence de deux ensembles, de puissance d’un
ensemble, d’ensemble totalement ordonné, étudie les propriétés topologiques de
R et aborde les problèmes de mesure. Ses travaux sont très controversés, et s’il reçoit l’appui de Dedekind et de Weierstrass, il se heurte à une très grande hostilité
de mathématiciens influents comme Schwarz et Kronecker.
Dedekind prolonge les travaux de Cantor en dégageant la notion d’application
quelconque d’un ensemble dans un autre, la notion d’ensemble ordonné et celle
d’ensemble réticulé.
La crise des fondements
Très vite le langage des ensembles est adopté par les mathématiciens, mais
très vite aussi, des paradoxes surgissent : par exemple Cantor lui-même en montre
l’apparition lorsque l’on utilise une notion telle que "l’ensemble de tous les ensembles". En voici quelques autres en mathématiques ou ailleurs :
La règle "toutes les règles possèdent des exceptions" est une règle ; donc elle
doit avoir une exception ; donc au moins une règle ne possède pas d’exception.
On connaît ainsi plusieurs énoncés autoréférents qui se nient eux-mêmes : le
paradoxe du menteur quand il dit "je mens", faut-il le croire ? Que penser de "la
phrase que j’énonce est fausse" ?
Russel en 1902 définit la classe N de tous les classes E qui n’appartiennent
pas à elles-mêmes. D’après la définition, N ne s’appartient pas. Mais si N ne
s’appartient pas, il fait partie des classes qui ne s’appartiennent pas et appartient
donc à N .
Controverses
Hausdorff en 1914 écrit dans les "Fondements de la théorie des ensembles"
que c’est "... un champ dans lequel rien n’est évident, dont les énoncés vrais sont
souvent paradoxaux et dont les énoncés plausibles sont faux..."
Certains mathématiciens sont violemment opposés à l’usage des ensembles.
D’autres y voient une avancée essentielle :
"La solution des difficultés qui entouraient auparavant l’infini mathématique
est probablement la plus grande réalisation dont notre âge ait à se glorifier",
Russel, 1910.
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"Personne ne nous chassera du paradis que Cantor a créé pour nous", Hilbert.
La théorie des ensembles
Différents courants de pensée cherchent une solution à ces problèmes. Ceci
conduit à l’élaboration de théories axiomatiques des ensembles fixant "les règles
du jeu". Celle utilisée aujourd’hui a été élaborée par Zermelo en 1908 et améliorée par Fraenkel en 1922. Même si on sait qu’on ne pourra jamais prouver qu’elle
n’entraîne pas de contradiction, elle est acceptée par la grande majorité des mathématiciens, comme l’exprime le texte de Bourbaki, (collectif de mathématiciens) :
"Nous nous contenterons de remarquer que ces difficultés peuvent être surmontées d’une manière qui évite toutes les objections et ne laisse aucun doute
quant à l’exactitude du raisonnement".
"Pendant vingt-cinq siècles, les mathématiciens ont corrigé leurs erreurs, voyant
leur science enrichie et non pas appauvrie ; en conséquence, cela leur donne le
droit de contempler le futur avec sérénité". Les solutions trouvées pour la théorie élémentaire des ensembles ont été esquissées avant. On va voir maintenant
ce qu’est le cardinal d’un ensemble et chercher quels sont les cardinaux des ensembles de nombres connus. Quelques indications sur les démonstrations de dénombrabilité ou non dénombrabilité d’ensembles seront données pour permettre
à ceux qui le souhaitent de faire eux-mêmes les démonstrations complètes.
Cardinal d’un ensemble
On ne va pas définir le cardinal d’un ensemble mais se donner les moyens de
dire si des ensembles ont le même cardinal ou de comparer des cardinaux. On
utilise dans les démonstrations les idées suivantes :
– à tout ensemble est attaché un cardinal et un seul ;
– si deux ensembles peuvent être mis en bijection, on dit qu’ils ont le même
cardinal, ou la même puissance ;
– un cardinal est le cardinal d’au moins un ensemble ;
Comparaison de cardinaux
– si un ensemble est contenu dans un autre, le cardinal du premier est inférieur
ou égal au cardinal du second ; plus généralement, le cardinal d’un ensemble
E est dit inférieur au cardinal d’un ensemble F , s’il existe une injection de
E dans F ;
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– cette relation définit une relation d’ordre sur les cardinaux ; la transitivité de
cette relation est immédiate, l’antisymétrie résulte du théorème de CantorBernstein établi en 1897 :
Quels que soient les ensembles E et F , s’il existe une injection de E dans
F et une injection de F dans E, alors ces deux ensembles sont en bijection.
– on admet que deux cardinaux sont toujours comparables ;
– on désigne par ℵ0 le cardinal de l’ensemble des entiers.
Le dénombrable
L’ensemble des entiers relatifs.
Comment montrer que Z est dénombrable ?
Z contient N comme sous-ensemble, donc sa puissance est au moins celle des
entiers naturels.
Z peut être construit en établissant une relation d’équivalence sur les couples d’entiers positifs : (a, b) est équivalent au couple (c, d) si a + d = b + c. Chaque classe
d’équivalence représente un entier relatif : la classe d’un entier positif n admet un
représentant du type (n, 0) et pour l’entier négatif −n un représentant (0, n).
On peut ranger ces éléments en une suite de la façon suivante :
(0, 0), (1, 0), (0, 1), (2, 0), (0, 2), . . . , (n, 0), (0, n), . . .
Cela montre que le cardinal de Z est égal à ℵ0 , cardinal de N.
L’ensemble des nombres rationnels
La démonstration de la dénombrabilité de Q fut faite par Cantor en 1874.
Comme l’ensemble Q contient l’ensemble des entiers, le cardinal de cet ensemble
est au moins ℵ0 .
Il est facile de voir d’après la démonstration précédente que si l’ensemble des
nombres rationnels positifs Q∗+ est dénombrable, l’ensemble Q l’est aussi.
L’ensemble Q∗+ peut être construit en établissant une relation d’équivalence sur
l’ensemble des couples d’entiers relatifs (a, b) avec a ∈ N, b ∈ N et b 6= 0 :
(a, b) ∼ (c, d) si et seulement si a · d = b · c.
Ceci est la façon mathématique d’exprimer que des "fractions égales" représentent
le même nombre rationnel qui admet donc pour représentants une infinité de
couples (numérateur, dénominateur).
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L’ensemble des couples d’entiers
Q∗+ est en bijection avec une partie de l’ensemble des couples, donc que son
cardinal est inférieur ou égal à celui des couples d’entiers. On peut ranger ces
couples d’entiers (a, b), pour a ∈ N∗ et b ∈ N∗ , en une suite de la façon suivante.
On range dans la première ligne les couples de premier terme 1 suivant l’ordre
croissant du deuxième terme. Dans la deuxième ligne, les couples de premier
terme 2, etc.
(1, 1) (1, 2) (1, 3) (1, 4) (1, 5) . . .
(2, 1) (2, 2) (2, 3) (2, 4) (2, 5) . . .
(3, 1) (3, 2) (3, 3) (3, 4) (3, 5) . . .
(4, 1) (4, 2) (4, 3) (4, 4) (4, 5) . . .
Ensuite on range tous les couples en les numérotant suivant des diagonales de ce
tableau. Cela donne l’ordre :
(1, 1), (1, 2), (2, 1), (1, 3), (2, 2), (3, 1), . . .
L’ensemble des couples d’entiers positifs est donc dénombrable. Donc Q l’est
aussi.
L’ensemble des nombres algébriques
L’ensemble des nombres algébriques est l’ensemble des racines de polynômes
à coefficients entiers. Pour un tel polynôme,
P = a0 + a1 x + a2 x2 + · · · + an xn
nous définissons un entier positif appelé sa hauteur :
h(P ) = n − 1 + |a0 | + |a1 | + |a2 | + · · · + |an |
Avec un peu de réflexion, on voit qu’il n’existe qu’un nombre fini de polynômes de hauteur h. Chacun de ces polynômes n’a qu’un nombre fini de racines.
Pour ranger tous les nombres algébriques en une suite, on commence à ranger les
polynômes en une suite, en utilisant leur hauteur et en rangeant arbitrairement les
polynômes (en nombre fini) qui ont une hauteur donnée. Pour chacun de ces polynômes, on range ses racines par le même procédé. On fabrique donc une suite
formée de tous les nombres algébriques. L’ensemble des nombres algébriques est
donc contenu dans une réunion dénombrable d’ensembles finis, cela permet de
montrer que l’ensemble des nombres algébriques est dénombrable.
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Le continu : les réels
L’ensemble des nombres réels peut être mis en bijection avec un intervalle,
par exemple en utilisant la fonction tangente, et deux intervalles quelconques de
R peuvent être mis en bijection en utilisant une fonction affine. Il suffit donc de
montrer que l’ensemble des réels de l’intervalle ]0, 1[ est non dénombrable.
Chaque nombre réel compris entre 0 et 1 possède un développement décimal
illimité ou deux. Les nombres non décimaux en ont un seul, les nombres décimaux
possèdent deux développements : Par exemple :
0, 95 = 0, 95000... = 0, 94999...
l’un comporte des 9 indéfiniment, on l’appelle développement impropre, l’autre,
qu’on appelle développement propre, comporte seulement un nombre fini de chiffres
non nuls après la virgule. Si on convient de n’utiliser que des développements
propres, chaque nombre réel est donc associé à un unique développement propre ;
si deux développements propres différent en un chiffre, ils sont les développements de nombres réels distincts.
Non dénombrabilité de l’ensemble des réels
On suppose que les nombres réels de l’intervalle ]0, 1[ peuvent être rangés en
une suite A0 , A1 , A2 , . . ., et on écrit les développements décimaux propres de ces
nombres, (les aij sont des chiffres) :
A0
A1
A2
A3
=
=
=
=
..
.
0,a00 a01 a02 a03 a04 · · ·
0,a10 a11 a12 a13 a14 · · ·
0,a20 a21 a22 a23 a24 · · ·
0,a30 a31 a32 a33 a34 · · ·
An = 0,an0 an1 an2 an3 an4 · · ·
..
.
Le procédé diagonal de Cantor
Le principe de la démonstration est de montrer qu’au moins un nombre réel
échappe à ce classement et donc qu’il y a une contradiction. On fabrique un
nombre réel B par un procédé appelé procédé diagonal en prenant B = 0,b0 b1 b2 b3 · · ·
en imposant b0 6= a00 , b1 6= a11 , b2 6= a22 , etc. et que de plus les bi ne soient pas
égaux à des 9 indéfiniment.
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Comme on ne travaille qu’avec des développements propres, il est sûr que
B 6= A0 car le premier chiffre après la virgule de ces deux nombres diffère, B 6=
A1 car le deuxième chiffre après la virgule de ces deux nombres diffère, B 6=
A2 car le troisième chiffre après la virgule de ces deux nombres diffère, etc. Le
nombre B n’a pas été classé et on a obtenu une contradiction. On ne peut donc
pas ranger les nombres réels de l’intervalle ]0, 1[ en une suite. Cet ensemble n’est
pas dénombrable. On en déduit immédiatement que l’ensemble des nombres réels
R est non dénombrable.
L’ensemble des nombres transcendants
La réunion de deux ensembles dénombrables est dénombrable. Comme l’ensemble des nombres réels est la réunion de l’ensemble des nombres algébriques
et de l’ensemble des nombres transcendants, on peut conclure que l’ensemble des
nombres transcendants n’est pas dénombrable, sinon l’ensemble R le serait aussi.
Dans l’enseignement au lycée, les étudiants rencontrent quelques nombres
transcendants comme π et e. Implicitement, ils peuvent en tirer l’idée que ces
nombres sont peu nombreux et se limitent à quelques nombres exotiques. On voit
combien le résultat mathématique est ici loin de l’intuition.
Le continu : les nombres complexes
Comme on peut établir une bijection entre R et ]0, 1[, les ensembles R2 et
]0, 1[2 sont aussi en bijection. Cantor a montré qu’on pouvait établir une bijection
entre les points de l’intervalle ]0, 1] et les points du carré ]0, 1]2 , ce qui permet
d’affirmer l’existence d’une bijection entre les points de la droite et les points du
plan.
Démonstration de Cantor
Comment fabriquer une bijection entre les points de ]0, 1] et les points du
carré ]0, 1]2 ? On considére un point du carré de coordonnées x et y et on écrit le
développement décimal illimité de ces deux nombres, en choisissant cette fois-ci
le développement impropre (avec des 9 indéfiniment), si ce nombre est décimal.
Aucun des développements écrits n’a donc que des zéros à partir d’un certain
rang. On partage les chiffres de ces développements en blocs de zéros terminés
par un chiffre non nul. Puis on écrit un développement décimal d’un nombre z en
écrivant dans l’ordre le premier bloc de x suivi du premier bloc de y, le second
bloc de x suivi du second bloc de y, etc.
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Un exemple pour comprendre
x
y
x
y
z
z
=
=
=
=
=
=
0,301204007 · · ·
0,00137008 · · ·
0,3|01|2|04|007| · · ·
0,001|3|7|008| · · ·
0,3|001|01|3|2|7|04|008|007| . . .
0,30010132704008007 · · ·
Ce procédé permet d’établir une bijection entre les points du carré et les points
du segment. Un peu de réflexion permet de le voir et de comprendre pourquoi on
a choisi des développements n’ayant pas de zéros indéfiniment.
Par conséquent l’ensemble des points de la droite et celui des points du plan
ont le même cardinal, résultat qui avait paru si surprenant à Cantor quand il l’avait
établi. Cela entraîne que l’ensemble des nombres complexes a le même cardinal
que l’ensemble des nombres réels.
Les cardinaux infinis
L’axiome du choix
Un principe important dans les mathématiques issues des travaux de Cantor est
ce qu’on appelle l’axiome du choix qui donne la possibilité de faire une infinité
de choix simultanément. En voici l’énoncé :
"Étant donné un ensemble E et l’ensemble F de ses parties non vides, on peut
définir une application de F dans E qui à toute partie non vide de E, associe un
élément de cette partie."
Il y a en mathématiques de nombreux énoncés dont on a montré qu’ils sont
équivalents à l’axiome du choix.
Cet axiome permet, si on connaît une surjection ϕ entre E et F , d’affirmer
qu’on peut, pour chaque élément y de F , choisir arbitrairement un antécédent
x ∈ ϕ−1 ({y}) dans E et ainsi fabriquer une application ψ de F dans E dont on
montre qu’elle est injective en utilisant les propriétés des applications étudiées
précédemment.
Utiliser une autre relation d’ordre ?
On peut essayer de définir une autre relation d’ordre sur les cardinaux en disant que le cardinal de E est plus grand que celui de F , si on peut définir une
application surjective ϕ de E sur F .
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L’axiome du choix permet de montrer qu’alors il existe une injection ψ de F
dans E. On n’a donc défini en fait qu’une seule relation d’ordre sur les cardinaux.
On montre que si la théorie des ensembles est non contradictoire, elle le reste
si on lui adjoint l’axiome du choix (résultat démontré par Gödel en 1940), elle
le reste aussi si on adopte la négation de l’axiome du choix (Cohen, 1963), ce
qui signifie que cet axiome est indépendant des autres axiomes de la théorie des
ensembles.
Le théorème de Cantor
Cantor a établit le théorème suivant :
Pour tout ensemble E, le cardinal de l’ensemble P (E) des parties de E est
strictement supérieur au cardinal de E.
On en fait une démonstration par l’absurde en supposant une application surjective f de E sur P (E), et on considère l’ensemble A :
A = {x ∈ E | x ∈
/ f (x)}
Cet ensemble A est l’image d’un élément a de E par l’application f . On constate
alors que les deux assertions, a ∈ A et a ∈
/ A sont impossibles. On a donc une
contradiction, ce qui démontre qu’il n’existe pas de surjection d’un ensemble sur
l’ensemble de ses parties.
Infinité de cardinaux
Le théorème de Cantor montre l’existence d’une infinité de cardinaux, puisque
pour tout cardinal e, on peut en trouver un strictement plus grand, celui de l’ensemble de ses parties que nous noterons 2 puissance e.
Cette notation s’explique, car à tout sous ensemble F d’un ensemble E, on
peut associer une application de E dans l’ensemble {0, 1} en prenant la fonction
caractéristique de F . P (E) peut donc être mis en bijection avec l’ensemble des
fonctions de E à valeur dans {0, 1}, ensemble noté {0, 1}E .
On désigne par c le cardinal de R et par ℵ0 le cardinal de N. On a vu que
ℵ0 < c car R n’est pas dénombrable.
Comparaison des cardinaux 2ℵ0 et c
On va montrer la relation 2ℵ0 = c en montrant une double inégalité :
Si à tout nombre compris entre 0 et 1, on associe son développement dyadique
(propre), (c’est-à-dire son développement en base 2), on obtient une injection de
[0, 1[ dans {0, 1}N et donc c ≤ 2ℵ0 .
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Si à toute suite infinie d’éléments de {0, 1}, on associe un nombre entre 0 et 1
qui admet cette suite comme développement triadique, (c’est-à-dire son développement en base 3), on obtient une injection de {0, 1}N dans [0, 1[ et donc 2ℵ0 ≤ c.
L’hypothèse du continu
On peut se demander s’il existe des cardinaux compris entre ℵ0 et c. L’affirmation "Il n’existe pas de cardinal strictement compris entre ℵ0 et c." est un axiome
qui s’appelle l’hypothèse du continu.
On peut généraliser avec l’affirmation "Pour tout cardinal infini e, il n’existe
pas de cardinal strictement compris entre e et 2 puissance e." est un axiome qui
s’appelle l’hypothèse généralisée du continu. Gödel et Cohen ont aussi montré
que cet axiome était indépendant des autres axiomes de la théorie des ensembles.
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