La définition permettra la substitution salva veritate, c’est-à-dire que partout où le terme « humain »
apparaît, il devrait être possible de le remplacer par sa définition « animal politique » sans modifier
la vérité de l’énoncé (salva veritate). Si la vérité de l’énoncé devait s’en trouver modifiée, ce serait le
signe d’une définition erronée. Enfin, la définition contiendra les conditions nécessaires et suffisantes ;
si elle contenait des conditions nécessaires et non suffisantes, par exemple le genre prochain
(animal) sans la différence spécifique (politique) ou inversement, la définition serait trop large et
inclurait des éléments non voulus, comme la girafe, qui est un animal mais pas un animal politique.
Chacun de ces dix traits a fait l’objet d’une récusation, dont voici une synthèse.
1. Genre prochain et différence spécifique. Cette exigence est tributaire d’une cosmologie
aristotélicienne qui a fait long feu et où chaque espèce (humain) ne possède qu’un genre
prochain (animal). Or, pour plus d’une espèce tel n’est pas le cas. Plusieurs auteurs,
dont Rickert, ont considéré que le rejet de la cosmologie d’Aristote entraînait eo ipso
celui de sa théorie de la définition.
2. Unicité. Alors que classiquement, l’existence de plusieurs définitions signe la présence
d’une erreur, Aristote lui-même, suivi par Guillaume d’Occam, a accrédité l’idée que
certaines notions sont susceptibles de plusieurs définitions. Aujourd’hui, ce point fait,
semble-t-il, l’unanimité.
3. Universalité. La querelle des universaux (ce qui se dit de plusieurs) oppose notamment
les nominalistes selon lesquels les universaux ne sont que des noms renvoyant aux
individus et à nulle autre entité supra-individuelle – et les réalistes selon lesquels
l’universel renvoie en outre à une réalité supra-individuelle. Aristote retient quatre
universaux (genre, propre, définition et accident). Son commentateur Porphyre (234-
310) modifiera cette liste, supprimant la définition. Une autre décision (le maintien de
la définition dans la liste) aurait sans doute consolidé le rôle de la définition dans
l’histoire des idées.
4. Essence. L’essence est une notion très chargée, qui suppose quelque chose de sous-
jacent, de préexistant, voire d’éternel. Il n’est guère étonnant que cet aspect de la vision
d’Aristote ait été remis en question par de nombreux auteurs, notamment Al-Kindi,
Isidore de Séville, Occam, Bacon, Hobbes et Popper.
5. Brièveté. Selon Cicéron et Mill, il est légitime que la définition n’obéisse pas à une
exigence de brièveté.
6. Littéralité. Ce n’est pas seulement la définition mais tout le langage dont plusieurs
auteurs ont entendu montrer qu’il ne pouvait pas atteindre la littéralité. Celle-ci serait,
selon Vico, Rousseau et Nietzsche le résultat de métaphores usées, endormies, dont le
sens métaphorique aurait pâli. Il en résulterait que nous appelons littérales uniquement
les expressions dont nous avons perdu la signification d’origine, nécessairement
métaphorique.
7. Non-circularité. Le principe d’après lequel le cercle est une erreur d’argumentation est
tempéré par cette idée astucieuse d’après laquelle il y aurait, au côté de la circularité
vicieuse, une circularité vertueuse. Heidegger, Gadamer et d’autres théoriciens inspirés
par l’œuvre de Schleiermacher affirmeront la nécessité d’un cercle herméneutique.
8. Termes antérieurs et plus clairs. L’impossibilité ou du moins l’extrême difficulté de s’en
tenir à cette exigence de clarté et d’antériorité des termes a été mise en lumière