dysfonction myocardique dans le sepsis

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DYSFONCTION MYOCARDIQUE
DANS LE SEPSIS
Mathieu Jozwiak, Romain Persichini, Xavier Monnet, Jean-Louis
Teboul
Hôpitaux universitaires Paris-Sud, Hôpital de Bicêtre, service de réanimation médicale, Université Paris-Sud, EA4533, 78, rue du Général
Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre.
INTRODUCTION
Le choc septique se caractérise par l’association d’une hypovolémie, d’une
dysfonction vasculaire périphérique responsable d’une vasodilatation, d’anomalies microcirculatoires, d’une dysfonction cellulaire ainsi que d’une dysfonction
cardiaque. Le profil hémodynamique des patients dépend de la présence et de
l’importance respective de ces différentes anomalies. Vieillard-Baron et al. ont
montré que 60 % des patients en choc septique présentaient dans les 72 premières heures une hypokinésie ventriculaire gauche (VG) globale [1]. Chez 39 %
des patients, cette hypokinésie VG était présente dès l’admission tandis que chez
21 % des patients, elle n’apparaissait que secondairement, après l’introduction
de la noradrénaline.
1. CARACTÉRISTIQUES DE LA DYSFONCTION CARDIAQUE LIÉE
AU SEPSIS
1.1. DYSFONCTION VENTRICULAIRE GAUCHE
Initialement, la dysfonction cardiaque liée au sepsis a été décrite comme
une dilatation biventriculaire avec altération de la fraction d’éjection VG (FEVG),
transitoires et disparaissant en 7 à 10 jours chez les patients survivants [2]. La
dilatation VG n’a néanmoins pas été retrouvée en association avec l’hypocontractilité VG par toutes les études ultérieures. Il faut noter que l’absence de dilatation
VG pourrait traduire l’incapacité du cœur à s’adapter et pourrait être un facteur de
mauvais pronostic [2]. Par ailleurs, une dysfonction diastolique VG transitoire et
réversible, isolée ou associée à une dysfonction systolique peut être retrouvée.
1.2.DYSFONCTION VENTRICULAIRE DROITE
En utilisant la ciné-angiographie ventriculaire, Parker et al. ont décrit une
altération de la contractilité ventriculaire droite (VD) associée à celle du ventricule
gauche, associant une augmentation du volume ventriculaire télédiastolique
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et une diminution de la FEVD [3]. Cette dysfonction VD pourrait être liée à la
dépression myocardique en elle-même mais également à l’augmentation de
la postcharge VD induite par une augmentation des résistances vasculaires
pulmonaires, fréquemment retrouvée en cas de sepsis.
2. MÉCANISMES DE LA DYSFONCTION CARDIAQUE LIÉE AU SEPSIS
Si de nombreux mécanismes ont été avancés pour expliquer la dysfonction
cardiaque liée au sepsis [4], nous n’évoquerons ici brièvement que les principaux.
2.1.MÉCANISMES EXTRA MYOCARDIQUES
2.1.1. Rôle du débit coronaire
L’apparition d’une ischémie induite par le sepsis qui entraînerait une dépression de la contractilité myocardique a été la première hypothèse mécanistique
avancée. En fait, il est maintenant clairement établi que l’ischémie myocardique
ne joue pas un rôle prépondérant dans la dysfonction cardiaque liée au sepsis. En
particulier, il a été montré que le débit coronaire est conservé chez les patients
en choc septique [5]. On peut néanmoins théoriquement supposer qu’une
ischémie myocardique puisse survenir lorsque la pression artérielle diastolique,
c’est-à-dire la pression de perfusion coronaire, est très basse chez un patient
porteur de sténoses coronaires significatives.
3.1.2. Rôle des facteurs dépresseurs myocardiques circulants
Dans une des premières études s’intéressant aux mécanismes de la maladie,
le sérum prélevé chez des patients pendant la phase initiale du choc septique
réduisait in vitro l’intensité et la vitesse de raccourcissement de cardiomyocytes
de rats, alors que cette dépression n’était pas observée avec le sérum de patients
non septiques [6]. Ce phénomène n’était plus observé lorsque le sérum était
prélevé chez des patients en choc septique en voie de guérison [6].
L’interleukine 1 (IL1) et le facteur de nécrose tumoral (TNFα) sont les deux
cytokines principalement suspectées d’être les facteurs dépresseurs myocardiques circulants. Cependant, l’IL1 et le TNFα ne peuvent théoriquement être
incriminés que pendant la phase initiale du choc septique, leurs taux plasmatiques
se normalisant dans les 48 heures suivantes.
De plus, des études ex vivo réalisées sur des cardiomyocytes d’animaux en
choc endotoxinique ont révélé la présence d’une altération de la force contractile similaire à celle mesurée in vivo sans que les cardiomyocytes ne soient
en contact avec le plasma [7]. Ces résultats suggèrent que des mécanismes
intramyocardiques sont également responsables pour partie de la dysfonction
cardiaque liée au sepsis.
2.2.MÉCANISMES INTRAMYOCARDIQUES
2.2.1. Rôle de la désensibilisation des récepteurs ß1-adrénergiques
Au cours du choc septique, une diminution du nombre des récepteurs
ß1-adrénergiques et de l’activité de l’adénylate cyclase a été rapportée. Par
ailleurs, Silverman et al. ont démontré chez les patients en choc septique, mais
pas chez les patients septiques sans état de choc, que la dobutamine n’augmentait pas le débit cardiaque et que l’isoprénaline n’induisait pas de synthèse
d’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) [8].
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2.2.2.Rôle de la diminution de la sensibilité au calcium des myofilaments
Au cours du sepsis, la sensibilité au calcium des myofilaments est altérée
(Figure 1). La phosphorylation de la troponine I au niveau de son site de liaison
du calcium pourrait être à l’origine de cette diminution de la capacité du calcium
à activer les myofilaments [7].
Figure 1 : Mécanismes d’action des différents médicaments inotropes.
A : filament d’actine et m : filament de myosine ; AMP : adénosine monophosphate ; AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; ATP : adénosine
triphosphate ; ß1R: récepteurs ß1 ; I-PDE : inhibiteurs des phosphodiestérases ;
PDE : phosphodiestérase ; PKA : protéine kinase A ; RS : réticulum sarcoplasmique.
2.2.3.Rôle du monoxyde d’azote et de la voie des peroxynitrites
Le rôle des cytokines dans la dysfonction cardiaque liée au sepsis est en
partie médié par l’augmentation intracellulaire de monoxyde d’azote (NO),
secondaire à l’activation des NO synthases (NOS) constitutives ou inductibles
calcium-dépendantes, en particulier la NOS-2. En fait, le NO semble plutôt jouer
un rôle indirect dans la dysfonction cardiaque liée au sepsis via la production
d’anions peroxinitrites (ONOO-).
2.2.4.Rôle de l’apoptose
L’apoptose peut être due soit à la cytotoxicité directe du NO et des anions
peroxynitrites, soit à l’activation des caspases par les cytokines. Les inhibiteurs
des caspases peuvent prévenir l’apparition de dysfonction cardiaque dans des
modèles animaux de choc endotoxinique [9]. Cependant, la nature réversible de
la dysfonction cardiaque liée au sepsis suggère que l’apoptose ne joue qu’un
rôle mineur dans sa genèse.
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3. COMMENT DIAGNOSTIQUER LA DYSFONCTION CARDIAQUE
LIÉE AU SEPSIS ?
3.1.L’ÉCHOGRAPHIE CARDIAQUE
L’échographie cardiaque est l’examen clef pour le diagnostic de la dysfonction
cardiaque liée au sepsis via la mesure de la FEVG (Figure 2). Il est important dans
ce contexte de souligner que la FEVG dépend de la postcharge VG, en d’autres
termes du niveau de pression artérielle systolique. Ainsi, une FEVG mesurée à
60 % alors que la pression artérielle systolique est basse correspond en fait à
une altération caractérisée de la contractilité VG. L’échographie cardiaque permet
également de rechercher une éventuelle dysfonction diastolique ou dysfonction
VD. Néanmoins, l’échographie cardiaque a l’inconvénient pratique de ne pas
permettre pas un monitorage hémodynamique en temps réel.
3.2.LE CATHÉTER ARTÉRIEL PULMONAIRE
Avec le cathéter artériel pulmonaire (CAP), la dysfonction cardiaque liée au
sepsis est usuellement détectée par l’association d’un bas débit cardiaque et
d’une pression artérielle pulmonaire d’occlusion élevée [10]. Cette définition est
cependant discutable. Premièrement, au cours du sepsis, le débit cardiaque
peut être normal voire augmenté en dépit d’une dysfonction cardiaque avérée.
Deuxièmement, la mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion est
sujette à de nombreux pièges. Enfin, la pression de remplissage VG est affectée
par de nombreux paramètres au cours de la réanimation du choc septique, de
sorte que son élévation est peu sensible et peu spécifique pour le diagnostic
de dysfonction VG. Ainsi, si les anomalies caractéristiques sont observées avec
le CAP, ceci doit raisonnablement inciter à réaliser une échographie cardiaque
pour confirmer le diagnostic avant de prendre des décisions thérapeutiques.
Le CAP présente l’avantage de permettre une évaluation précise de
l’oxygénation tissulaire via la saturation en oxygène du sang veineux mêlé
(SvO2). Il est aussi particulièrement approprié pour guider les thérapeutiques
à visée cardiaque, en particulier inotropes (Figure 2). En effet, à la mesure du
débit cardiaque, il adjoint l’estimation de l’oxygénation tissulaire, ce qui permet
d’estimer l’adéquation du débit cardiaque aux besoins en oxygène des tissus
de l’organisme (Figure 2).
3.3.LA THERMODILUTION TRANSPULMONAIRE
La thermodilution transpulmonaire (système PiCCO, Pulsion Medical
Systems et système VolumeView/EV1000, Edwards Life Sciences) est une
technique de monitorage hémodynamique qui fournit de nombreuses données
hémodynamiques telles que le débit cardiaque, le volume télédiastolique global et
l’eau pulmonaire extra-vasculaire pulmonaire. La thermodilution transpulmonaire
permet aussi de mesurer l’index de fonction cardiaque qui est un marqueur de la
fonction systolique [11]. Chez les patients en choc septique, il existe une bonne
corrélation entre cet indice et la FEVG mesurée à l’échographie [11]. Un index
de fonction cardiaque bas, tel qu’il peut être mesuré par une simple injection de
bolus de soluté salé froid au travers d’un cathéter veineux central, peut alerter le
clinicien et l’inciter à réaliser une échographie cardiaque. Associée à une mesure
de la SvO2 du sang veineux central (ScvO2), la thermodilution transpulmonaire
permet comme le CAP de guider le traitement, en particulier inotrope (Figure 2).
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Quand évoquer le diagnostic ?
1. Bas débit cardiaque (ou basse ScvO2)
• CAP
• PiCCO, VolumeView/EV1000
• Echocardiographie
2. Précharge élevée
• PiCCO, VolumeView/EV1000 (volume télédiastolique global)
• CAP (PAPO, POD)
• Echocardiographie (E/A, E/Ea)
3. Baisse de la contractilité
• Echocardiographie (FEVG)
• PiCCO, VoumeView/EV1000 (indice de fonction cardiaque)
4. Elevation des biomarqueurs
• BNP/NT-proBNP
• Troponine
Comment faire le diagnostic ?
Echocardiographie
à FEVG basse
L'analyse de la FEVG doit prendre en compte la PAS (= postcharge du VG)
[voir texte]
Qui traiter ?
ScvO2
(ou SvO2)
• Interpréter la ScvO2/SvO2 en fonction de l'lHb et de la SaO2
• S'assurer que l'expansion volémique a été suffisante : tester la précharge-dépendance
< 70 %
Envisager
de traiter
70-80 %
> 80 %
• Rechercher d'autres arguments avant
d'envisager de traiter (par ex : clairance du
lactate, gradient artéro-veineux de pCO2, etc...)
•Réaliser un test thérapeutique
Ne pas
traiter
TRAITEMENT
(voir figure 2)
Evaluer la réponse au traitement
• Examen clinique (par ex : diurèse, disparition des marbrures, etc...)
• Lactate
• ScvO2 / SvO2
• Débit cardiaque, EEVG, indice de fonction cardiaque
 
Figure 2 : Proposition de prise en charge d’une dysfonction cardiaque liée au
sepsis. CAP : cathéter artériel pulmonaire ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire
gauche ; Hb : hémoglobine ; IFC : index de fonction cardiaque ; POD : pression
de l’oreillette droite ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; PAS :
pression artérielle systolique ; pCO2 : pression partielle en dioxyde de carbone ;
SvO2 : saturation veineuse en oxygène ; ScvO2 : saturation veineuse centrale en
oxygène ; VG : ventricule gauche ; SaO2 : saturation artérielle en oxygène.
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3.4.LE PEPTIDE NATRIURÉTIQUE DE TYPE B
En cas de sepsis, les taux sanguins de peptide natriurétique de type B (BNP)
et de la partie N terminale de sa prohormone (NT-proBNP) peuvent être élevés.
Outre l’augmentation de la tension pariétale des cavités cardiaques, plusieurs
autres facteurs contribuent à cette élévation en cas de sepsis : stimulation de
l’expression de l’acide ribonucléique messager du BNP par l’IL1 et le TNFα,
diminution de l’activité de l’endopeptidase neutre, enzyme responsable de la
dégradation plasmatique du BNP, dysfonction rénale réduisant la clairance du BNP.
En pratique, une élévation du NT-proBNP ou du BNP chez un patient en choc
septique devrait avoir valeur d’alerte et conduire à la réalisation d’une échographie
cardiaque afin de rechercher une dysfonction cardiaque liée au sepsis.
3.5.LES TROPONINES CARDIAQUES
Une élévation de la troponine I et de la troponine T a été retrouvée fréquemment chez les patients en choc septique. Tous les mécanismes décrits
précédemment peuvent entraîner une altération des cardiomyocytes et une
libération sanguine de troponine. Comme pour le BNP et le NT-proBNP, il semble
raisonnable de recommander de rechercher une dysfonction cardiaque par
échographie lorsque le taux des troponines cardiaques est élevé au cours du
choc septique.
4. TRAITEMENT DE LA DYSFONCTION CARDIAQUE LIÉE AU SEPSIS
4.1. QUELS PATIENTS TRAITER ?
La nécessité de traiter systématiquement la dysfonction cardiaque liée au
sepsis est source de débats. Il est important de rappeler que chercher à obtenir
de façon systématique des valeurs supra-physiologiques de débit cardiaque à
l’aide de l’expansion volémique et d’un traitement inotrope n’améliore pas le
devenir des patients de réanimation et peut même être délétère [12]. Il faut aussi
garder à l’esprit que la dobutamine, inotrope de référence, induit de nombreux
effets secondaires, dont des arythmies cardiaques graves et une augmentation
de la consommation myocardiaque en oxygène.
Les recommandations les plus récentes de la Surviving Sepsis Campaign
stipulent d’initier un traitement inotrope chez les patients avec une valeur de
ScvO2 < 70 % malgré un remplissage vasculaire adéquat (guidé sur la pression
veineuse centrale), l’instauration d’un traitement vasopresseur et la correction
de toute anémie [10].
Ces recommandations méritent d’être discutées. Premièrement, s’assurer
que la volémie du patient est adéquate avant de débuter un traitement inotrope
est difficile lorsque l’expansion volémique n’est guidée que par la mesure
de la pression veineuse centrale. Il est aujourd’hui très établi que les indices
dynamiques de réserve de précharge sont bien plus fiables pour cela [13].
Deuxièmement, le seuil de ScvO2 (70 %) a été fixé arbitrairement, probablement
en se fondant sur le protocole proposé par Rivers et al. [14] dont les résultats
positifs ont été contredits [15]. Enfin et surtout, la présence d’une dysfonction
cardiaque contractile avérée à l’échographie devrait être un pré-requis logiquement indispensable à l’instauration d’un traitement inotrope.
Il semble raisonnable de conseiller de débuter le traitement inotrope d’une
dysfonction contractile lors du choc septique si :
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197
• Le diagnostic de dysfonction systolique VG est certain (FEVG < 45 % avec une
pression artérielle restaurée).
•Le débit cardiaque est insuffisant pour satisfaire les besoins en oxygène des
tissus, comme cela serait suggéré par une valeur de SvO2 ou de ScvO2 abaissée
et des taux de marqueurs de l’hypoxie tissulaire élevés.
• La volémie du patient a été optimisée et une éventuelle anémie a été corrigée
(Figure 2).
4.2. COMMENT TRAITER ?
4.2.1.La dobutamine
Il s’agit du traitement de première intention de la dysfonction cardiaque liée
au sepsis [10]. La dobutamine active la voie de signalisation ß1-adrénergique
après s’être fixée sur les récepteurs ß1-adrénergiques (Figure 1). Cependant,
comme nous l’avons vu plus haut, l’efficacité des agonistes ß1-adrénergiques
peut être réduite en cas de choc septique [8]. De plus, il faut garder à l’esprit
les effets secondaires importants et nombreux liés à la dobutamine. Tout
d’abord, ceci incite à ne débuter le traitement par dobutamine qu’après s’être
assuré qu’il est vraiment nécessaire (paragraphe ci-dessus). Ensuite, lorsque la
décision d’administrer de la dobutamine est prise, il est important d’en évaluer
précisément l’efficacité et d’en adapter la dose, en se fondant en particulier sur
les indices d’oxygénation tissulaire (normalisation de la SvO2 ou de la ScvO2 et
diminution de la lactacidémie (Figure 2)).
4.2.2.La noradrénaline
Grâce à ses propriétés d’agoniste α-adrénergique, la noradrénaline est l’agent
vasopresseur de première intention dans le choc septique. Outre ces propriétés
vasoconstrictrices classiques, en tant qu’agoniste ß1-adrénergique, la noradrénaline peut exercer un effet inotrope et lusitrope positifs. Ceci peut contribuer à
une augmentation du débit cardiaque [17]. Ces effets sont toutefois modérés.
Ainsi, on peut raisonnablement recommander que, si on choisit d’augmenter la
dose de noradrénaline afin d’améliorer la contractilité myocardique au cours du
choc septique, on en monitore précisément les effets (indices de contractilité,
débit cardiaque, indices d’oxygénation tissulaire).
4.2.3.Le levosimendan
Le levosimendan est un « sensibilisateur calcique » qui exerce un effet
inotrope en favorisant la fixation du calcium sur les myofilaments (Figure 1).
Morelli et al. ont montré chez 28 patients en choc septique réfractaire (persistance d’une dysfonction VG après 48 heures de traitement conventionnel
incluant la dobutamine 5 µg.kg-1.min-1), que le levosimendan (0,2 µg.kg-1.min-1)
augmentait l’index cardiaque et la FEVG et diminuait la pression artérielle
pulmonaire d’occlusion [16]. Cependant, de part ses effets vasodilatateurs,
le levosimendan nécessite en cas de choc septique l’administration conjointe
d’agents vasopresseurs. De plus, aucune autre étude à notre connaissance n’a
confirmé ces résultats.
4.2.4.L’adrénaline
Bien qu’aussi efficace que l’association noradrénaline plus dobutamine [18],
l’adrénaline n’est pas recommandée en première intention dans le traitement de
la dysfonction cardiaque liée au sepsis [10]. En effet, elle peut induire une éléva-
198
MAPAR 2014
tion de la lactacidémie ainsi qu’une altération significative de la microcirculation
splanchnique et de la perfusion de la muqueuse gastrique [19].
4.2.5.La milrinone
Comme tous les autres inhibiteurs des phosphodiestérases, la milrinone
exerce un effet inotrope médié par l’augmentation de la concentration d’AMPc
dans le cytosol des cardiomyocytes (Figure 1). Du fait de leur effet vasodilatateur
prononcé et du manque de données positives solides, l’usage de ces agents
inotropes n’est pas recommandé au cours de la dysfonction cardiaque liée au
sepsis.
4.2.6.Les anti-inflammatoires
Les anti-inflammatoires, tels que le facteur de croissance de transformation
ß1 (TGF ß1) et les inhibiteurs des voies de l’inflammation, pourraient prévenir
l’apparition de la dysfonction cardiaque liée au sepsis bien qu’ils soient dépourvus d’effet inotrope [20]. Ces molécules, dont cette indication est en cours
d’évaluation, représentent une nouvelle approche thérapeutique potentiellement
intéressante de la dysfonction cardiaque liée au sepsis.
CONCLUSION
La dysfonction cardiaque liée au sepsis est une complication fréquente
et précoce du choc septique. De nombreux outils peuvent être utilisés pour
la détecter et l’affirmation de son diagnostic repose sur l’échographie. Son
traitement ne devrait pas être systématique mais ne devrait être initié qu’en cas
de retentissement notable sur l’oxygénation tissulaire. En particulier, la mesure
régulière de la SvO2 ou de la ScvO2 ainsi que des marqueurs d’hypoxie tissulaire
permet de décider d’administrer un traitement spécifique et d’en guider l’administration. Si la dobutamine reste le traitement inotrope de référence dans ce
cadre, on doit garder en tête ses nombreux effets secondaires, ne l’administrer
qu’après en avoir bien évalué la nécessité et en monitorer précisément les effets.
Conflits d’intérêts : J-LT et XM sont membres du Medical Advisory Board de Pulsion
Medical Systems. Les autres auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt à déclarer.
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