L’état du mal-logement
en France
RAPPORT ANNUEL #22
2017
PARTIE I
I
Introduction 11
15 idées contre
la crise du logement
PARTIE I
12 État du mal-logement en France
I
2017
Introduction
Combattre la crise du logement,
un enjeu démocratique
Sur le front du mal-logement, la plupart des indicateurs sont au rouge. Près de
15 millions de personnes sont aujourd’hui victimes de la crise du logement et sou-
mises à des formes plus ou moins graves de mal-logement : 4 millions sont mal
logées et 12 millions fragilisées dans leur rapport au logement (dont un million
entrent dans ces deux grandes catégories).
Loin de régresser, le mal-logement s’installe même s’il est difficile de com-
parer l’évolution, entre 2006 et 2013, du nombre total de mal-logés. Malgré tout,
il est possible pour la plupart des indicateurs du mal-logement, de dégager des
tendances significatives. La plupart de ces chiffres, issus de l’Enquête nationale
Logement ou de données administratives, montrent une dégradation de la situa-
tion, qu’il s’agisse du nombre de personnes sans domicile (en hausse de 50 % entre
2001 et 2012), de l’hébergement contraint chez des tiers (+ 19 % pour la période
2002-2013), de la part des ménages ayant froid (+ 72 % entre 1996 et 2013), des
assignations en justice pour impayés (+ 21 % entre 2006 et 2015) et des expulsions
(+ 33 % entre 2006 et 2015), de la difficulté à déménager (mobilité résidentielle en
baisse de 13 % entre 2006 et 2013) ou de l’attente d’un Hlm (la hausse du nombre
de demandeurs est de 12 % entre 2006 et 2013) 1.
La crise n’est pas forcément là où on l’attendait. Les locataires continuent de
payer leur loyer, puisque le nombre de locataires en impayés semble stable à
près de 500 000 ménages, après une hausse marquée entre 2002 et 2006. Mais
à quel prix… En 2013, les Français sont 6 % de plus à se serrer en surpeuplement
accentué qu’en 2006, alors que ce grave problème semblait en décroissance
continue depuis des décennies. 42 % de plus à subir un effort financier excessif
pour payer leur logement. 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à
cause de son coût.
Seul signe de réel progrès, l’absence de confort sanitaire de base
poursuit sa décroissance, conformément à un mouvement historique
d’amélioration de la qualité des logements et d’élévation des standards de vie.
99 % des logements disposent désormais d’eau courante, WC intérieurs et
chauffage. Mais d’autres critères que le confort sanitaire de base, s’imposent
désormais pour distinguer les logements confortables des autres. On pense par
1 Voir « Les chiffres du mal-logement ».
PARTIE I
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Introduction 13
exemple à des éléments apparemment moins graves, mais bien plus répandus,
comme l’inconfort thermique, les infiltrations d’eau, le bruit ou l’humidité, qui ont
pourtant des conséquences avérées sur la qualité de vie, la santé ou la scolarité.
De tels chiffres pointent évidemment l’insuffisance des politiques menées pour
combattre le mal-logement. Mais ils suggèrent aussi que le ma l- log ement
n’ est pa s q u u ne a f f a ire de log ement . L’extension des difficultés que ren-
contrent de nombreux ménages tient aux ef f et s c u mu la t if s des dy na miq u es
q u i a f f ec t ent le c h a mp du log ement (insuffisance et inadaptation de l’offre,
augmentation du coût du logement, obsolescence de certaines fractions du parc
immobilier, etc.) et des dy na miq u es dé mog ra ph iq u es, soc ia les ou é c o-
nomiq u es, qu’il s’agisse de l’évolution des structures familiales, qui provoque
une augmentation du nombre de ménages qui ne comptent qu’un seul adulte, de
la transformation du travail qui s’accompagne d’une extension de la précarité, ou
de la montée des inégalités au sein de la société. Le rapprochement des évolutions
observées dans le champ du logement avec celles qui affectent ces autres domaines
emporte les ménages les plus modestes dans une spirale de difficultés et fragilise
les classes moyennes. C’est cela qui permet de comprendre pourquoi le nombre de
personnes confrontées à des difficultés de logement, loin de régresser, continue à
augmenter.
Une telle situation interpelle au moment où la France va connaître des échéances
politiques importantes qui vont engager le pays pour les cinq ans à venir. Quelle
place va tenir le logement et plus précisément le traitement du mal-logement dans
les politiques publiques ? Comment la politique du logement va-t-elle prendre
en compte les évolutions majeures qui ont contribué à modifier en profondeur la
situation sur le front du logement ?
Parmi ces évolutions, il faut d’abord s’inquiéter de l’enracinement du mal-lo-
gement et du rôle du logement dans la création de nouvelles inégalités et le
décrochage des couches populaires. Faire du logement un vecteur d’équité et
un rempart contre l’insécurité sociale constitue donc un enjeu majeur pour la
période à venir. Autre évolution et non la moindre, nous assistons à un profond
mouvement de creusement des inégalités spatiales entre villes et territoires,
mais aussi au sein d’une même zone géographique. Polarisé socialement, le
mal-logement l’est aussi d’un point de vue territorial et les inégalités sociales se
conjuguent avec des inégalités spatiales de plus en plus marquées, au point que
certains territoires décrochent et fonctionnent comme des enclaves.
14
I
Combattre la crise du mal-logement,
un enjeu démocratique
Le mal-logement, moteur du décrochage
des couches populaires
R E N O U V E L L E M E N T E T É L A R G IS S E M E N T
D E S S IT U A T IO N S D E M A L - L O G E M E N T
Le mal-logement s’aggrave et s’enracine, mais au-delà de ce premier constat, ses
v isa g es se div ersif ient et se renou v ellent . Il touche d’abord ceux qui sont
privés de logement, mais aussi ceux qui sont logés dans des conditions peu satisfai-
santes. Pour eux, si le confort sanitaire s’est considérablement amélioré depuis un
demi-siècle, ils sont confrontés à un renouvellement des situations problématiques
d’habitat. On pense notamment à l’importance de la précarité énergétique, ainsi
qu’à l’obsolescence de certaines fractions du parc immobilier, comme les copro-
priétés, construites massivement au cours des Trente Glorieuses.
La dégradation de la situation se vérifie avec l’ a g g ra v a t ion de la sit u a t ion des
na g es priv é s de domic ile personnel, qu’il s’agisse des personnes sans
domicile, ou d’hébergés contraints chez des tiers. Dans de nombreux départe-
ments, l’hébergement d’urgence ne répond que très partiellement à une demande
qui a explosé sous l’effet notamment des mouvements migratoires et de l’impossi-
bilité pour de très nombreuses personnes, dénuées de droits et de moyens, de pré-
tendre à d’autres formes d’habitat. Cette pression ne permet pas de rendre effectif
l’accueil inconditionnel de toute personne privée de domicile personnel, pourtant
reconnu dans la loi depuis 2009.
Pour tous c eu x q u i doiv ent a f f ront er le ma rc h é pou r a c c é der à u n log e-
ment , que ce soit pour un premier logement (les jeunes), une mutation nécessitée
par l’agrandissement du ménage (les familles) ou suite aux aléas de la vie (sépara-
tion, perte d’emploi ou problème de santé), l’ ex a c erb a t ion des c onc u rrenc es
c ondu it à u ne f orme de « lu t t e des pla c es » . À la sélection par le marché des
demandeurs de logement les plus solvables, répond la concurrence qui s’installe à
tous les niveaux d’une offre publique insuffisante, qu’il s’agisse d’hébergement ou
de logement. Les structures d’hébergement comme les organismes Hlm sont alors
conduits à mettre en place des mécanismes de tri particulièrement sélectifs, susci-
tant chez les demandeurs un découragement qui les conduit parfois à ne plus rien
attendre. Ces difficultés d’accès ont aussi pour effet un abaissement des exigences
vis-à-vis du logement. Cela touche évidemment les plus modestes, mais beaucoup
plus largement ceux qui renoncent à des logements adaptés à la taille du ménage
ou de meilleure qualité.
Pour c eu x q u i sont log é s, le confort sanitaire de base s’améliore, mais d’autres
indicateurs de qualité des conditions d’habitat se dégradent, que l’on pense au sur-
peuplement, au froid à domicile ou à l’effort financier excessif, ces deux derniers
items ayant été intégrés depuis 2016 aux chiffres du mal-logement de la Fondation
Abbé Pierre. Le noyau dur de la précarité énergétique est ainsi constitué de plus
de 3,5 millions de personnes modestes (1 443 000 ménages) ayant eu froid à leur
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