14
I
Combattre la crise du mal-logement,
un enjeu démocratique
Le mal-logement, moteur du décrochage
des couches populaires
R E N O U V E L L E M E N T E T É L A R G IS S E M E N T
D E S S IT U A T IO N S D E M A L - L O G E M E N T
Le mal-logement s’aggrave et s’enracine, mais au-delà de ce premier constat, ses
v isa g es se div ersif ient et se renou v ellent . Il touche d’abord ceux qui sont
privés de logement, mais aussi ceux qui sont logés dans des conditions peu satisfai-
santes. Pour eux, si le confort sanitaire s’est considérablement amélioré depuis un
demi-siècle, ils sont confrontés à un renouvellement des situations problématiques
d’habitat. On pense notamment à l’importance de la précarité énergétique, ainsi
qu’à l’obsolescence de certaines fractions du parc immobilier, comme les copro-
priétés, construites massivement au cours des Trente Glorieuses.
La dégradation de la situation se vérifie avec l’ a g g ra v a t ion de la sit u a t ion des
mé na g es priv é s de domic ile personnel, qu’il s’agisse des personnes sans
domicile, ou d’hébergés contraints chez des tiers. Dans de nombreux départe-
ments, l’hébergement d’urgence ne répond que très partiellement à une demande
qui a explosé sous l’effet notamment des mouvements migratoires et de l’impossi-
bilité pour de très nombreuses personnes, dénuées de droits et de moyens, de pré-
tendre à d’autres formes d’habitat. Cette pression ne permet pas de rendre effectif
l’accueil inconditionnel de toute personne privée de domicile personnel, pourtant
reconnu dans la loi depuis 2009.
Pour tous c eu x q u i doiv ent a f f ront er le ma rc h é pou r a c c é der à u n log e-
ment , que ce soit pour un premier logement (les jeunes), une mutation nécessitée
par l’agrandissement du ménage (les familles) ou suite aux aléas de la vie (sépara-
tion, perte d’emploi ou problème de santé), l’ ex a c erb a t ion des c onc u rrenc es
c ondu it à u ne f orme de « lu t t e des pla c es » . À la sélection par le marché des
demandeurs de logement les plus solvables, répond la concurrence qui s’installe à
tous les niveaux d’une offre publique insuffisante, qu’il s’agisse d’hébergement ou
de logement. Les structures d’hébergement comme les organismes Hlm sont alors
conduits à mettre en place des mécanismes de tri particulièrement sélectifs, susci-
tant chez les demandeurs un découragement qui les conduit parfois à ne plus rien
attendre. Ces difficultés d’accès ont aussi pour effet un abaissement des exigences
vis-à-vis du logement. Cela touche évidemment les plus modestes, mais beaucoup
plus largement ceux qui renoncent à des logements adaptés à la taille du ménage
ou de meilleure qualité.
Pour c eu x q u i sont log é s, le confort sanitaire de base s’améliore, mais d’autres
indicateurs de qualité des conditions d’habitat se dégradent, que l’on pense au sur-
peuplement, au froid à domicile ou à l’effort financier excessif, ces deux derniers
items ayant été intégrés depuis 2016 aux chiffres du mal-logement de la Fondation
Abbé Pierre. Le noyau dur de la précarité énergétique est ainsi constitué de plus
de 3,5 millions de personnes modestes (1 443 000 ménages) ayant eu froid à leur