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I. INTRODUCTION
Les monnaies officielles, « de facilitateur d’échanges, sont devenues une fin en soi ». Elles sont « un
objet d’accumulation, un vecteur d’appropriation de la richesse au détriment du lien social et de
l’intérêt collectif ». Par leur utilisation spéculative, elles se sont globalement déconnectées de
leur usage initial. Pour preuve, notamment, ce chiffre : 98 % des transactions en monnaies
« officielles » circulent dans les sphères spéculatives et seulement 2 % dans l’économie réelle
au niveau mondial. Cette affirmation de Patrick VIVERET, philosophe et ancien conseiller maître
à la Cour des comptes, interroge quant à la place de la monnaie dans notre système
économique, son rôle, et les alternatives qui permettraient de lui redonner sa place de moyen
d’échange dans une économie non spéculative.
Aujourd’hui, dans un contexte où l’économie de notre territoire est en panne, est-il
envisageable de décentrer notre regard pour observer ce qui se passe dans d’autres territoires,
régionaux, nationaux, internationaux, sans a priori idéologique, et dans un seul objectif : la
relocalisation de l’activité, l’aménagement harmonieux de notre territoire, l’engagement dans
les voies de l’innovation pour un mieux vivre ensemble ?
Comment se préparer aux enjeux de demain, en articulant le bien être local et les enjeux
internationaux ? Comment initier des alternatives pour que des projets territoriaux, adaptés
aux spécificités locales mobilisent efficacement les compétences et les énergies en stimulant
des échanges de proximité, créateurs d’un supplément de richesse mis au service de légitimes
solidarités ?
Pour développer ces alternatives, des habitants de plusieurs communes de France ont créé des
devises indexées à l’Euro : les monnaies locales complémentaires. C’est ainsi qu’après
l’Abeille, première monnaie locale à voir le jour dans la commune de Villeneuve-sur-Lot (Lot-
et-Garonne) en janvier 2010, d’autres projets se sont concrétisés, grâce à des initiatives
populaires, et qu’une diversité de projets sont en cours d’élaboration, dans de nombreuses
régions françaises, hormis le quart nord-est, moins impliqué dans cette dynamique émergente.
Le mouvement engagé de développement des monnaies locales complémentaires n’est pas un
mouvement seulement français, puisque l’on recenserait à travers le monde environ 5 000
monnaies locales qui circulent de façon complémentaire aux monnaies officielles. Des
expériences, regroupées sous l’appellation de « Monnaies complémentaires » sont conduites
dans la plupart des grands pays du monde et en particulier en Europe. Elles ont pour objectif
de participer à un développement économique, solidaire, responsable et durable d’un territoire
en relocalisant les échanges de biens et de services. Ces initiatives locales sont toutes de nature
à développer une économie de proximité, complémentaire d’une économie mondialisée.
L’intérêt des monnaies locales complémentaires est désormais consacré au plan législatif,
puisque la loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 en assure la reconnaissance
dans son article 16.