Ecrits SF TG Hiver 2003/2004 Volume 1 Numéro 3 Société de Formation Thérapeutique du Généraliste Réflexion Tranche de vie 2003 Bilan très positif, 2004 plein de promesses… Vous en rêvez ? venez le faire à la SFTG… Anthropologie Recherche Humeur ...... Liste des articles : • Editorial 1 • Journée européenne des langues 2 • Comme l’oiseau... 3 • DCI et placebo 4 • Intoxication par le plomb 6 • Suivre un patient cloné 7 • Groupes locaux 8 En 2003 de nombreuses activités ont ponctué la vie de la SFTG • Réalisation de 43 séminaires dans le cadre conventionnel de la FPC, avec un taux de remplissage maximum, une richesse des thèmes et une convivialité inégalée… sans passer sous silence les « SFTG folies » à la Rochelle, qui regroupent dans un superbe cadre 4 séminaires, et se terminent par une soirée conviviale, ouverte aux familles… Cette année ce n’est pas moins de 45 séminaires que nous vous proposons, avec une dizaine de nouveaux thèmes. Vous pouvez les découvrir sur notre site : www.sftg.net • Grandes manifestations du département sciences humaines et sociales avec 2 temps forts : - Avignon : théâtre et médecine sur le thème de l’animalité, où nous avons travaillé durant 48 h dans le magnifique cadre du Palais des Papes, autour de comédiens, philosophe, psychanalyste, éthologiste. Bien sûr, le problème des intermittents a donné une ambiance très particulière au cadre et au lieu, mais la richesse du contenu fut une nouvelle fois fabuleuse. - Pondichéry (Inde) : troisième grand voyage du groupe Anthropologie et médecine, à la découverte de la culture indienne et des médecines indotibétaines. 33 médecins se sont plongés durant 15 jours dans la culture indienne, allant de l’immersion «new age» à Auroville à l’abord des médecines Ayurvédiques et Tibétaines auprès de praticiens, en passant par la pratique des Assanas et du Yoga. L’ensemble fut réalisé dans un cadre exceptionnel, sans concession à l’occidentalisme. La prochaine étape se fera dans l’Himalaya et sera consacrée entièrement à la rencontre de la médecine tibétaine. • Colloque DCI , premier colloque d’une série de rencontres/colloques consacrés à la thérapeutique. Une fois de plus la SFTG se place au cœur de l’actualité en osant aborder ce thème brûlant. Grande richesse dans ce colloque réalisé avec la participation de la Direction Générale de la Santé et la Mutualité Française. Les actes du colloque seront bientôt diffusés. • Effervescence du département recherche..... • Créativité des groupes locaux..... En 2004 le cru devrait être encore meilleur ! Bonne année à tous. Patrick OUVRARD Vice Président de la SFTG Ecrits SFTG Page 2/8 Réflexions, à l’occasion de la journée européenne des langues (26 septembre 2003) D Si nous pensons tous la même chose, alors nous ne pensons pas ! (c’est pas de moi ...) ans le domaine de la médecine et des sciences, la langue véhiculaire est l’anglais. Les revues de publications construisant l’état de la science sont des revues anglophones. Les publications dans les autres langues, notamment les publications de synthèses permettant par exemple aux médecins de se former et de s’informer, s’appuient toutes sur des références presque exclusivement de publications anglophones. Les congrès internationaux localisés dans un pays européen non anglophone se tiennent de plus en plus en anglais sans que les débats ne soient traduits dans la langue du pays d’accueil. (exemple : le congrès sur le Sida à Paris en juillet 2003) Ainsi, les médecins et scientifiques des pays non anglophones ont l’obligation pratique de publier les résultats de leurs travaux en anglais, de s’exprimer en anglais dans les congrès internationaux, et d’écrire leurs posters en anglais, même si le congrès se déroule dans leurs pays. (Ainsi en France les seuls posters écrit en français sont ceux des québécois qui les écrivent systématiquement dans les deux langues …) Ainsi, les praticiens qui souhaiteraient avoir accès à « l’information source », soit sous forme papier soit sous forme électronique, sont condamnés à le faire en anglais. Ceux voulant participer dans leur pays à des congrès internationaux les intéressant doivent comprendre l’anglais. L’EMEA, l’agence européenne du médicament dispose d’un site Internet exclusivement en anglais. Au-delà des polémiques gauloises sur la protection de notre langue française, j’ai le sentiment que certains arguments en faveur d’une plus grande diversité linguistique ne sont pas suffisamment développés. Publier ses travaux en anglais est un exercice plus ou moins facile selon l’aptitude des chercheurs à la langue anglaise. La publication de travaux fait référence à l’expression d’une pensée, une fois les données transcrites. Penser dans une langue qui n’est pas la sienne, c’est nécessairement et inéluctablement appauvrir l’originalité et la singularité de sa pensée. Quelle est la proportion parmi nos chercheurs allemands, italiens, espagnol, portugais, danois, français, etc., qui maîtrisant parfaitement l’anglais souvent en raison d’histoire familiale particulière, peuvent affirmer que leur pensée ne subit aucune altération lors de l’écriture en anglais ? N’y a-t-il pas un risque de voir progressivement les modes de pensées européennes non anglophones se mettre en position d’infériorité par rapport à la pensée des anglophones de naissance ? Et que dire à l’immense majorité des praticiens qui ne disposent pas du temps nécessaire pour lire en anglais l’état de la science à un moment donné, et qui doivent donc s’en remettre à des intermédiaires, souvent intéressés ? Imaginer des solutions qui ne soient pas des mesures anti-anglaises, mais des mesures de promotions des autres langues, c’est permettre de ne pas uniformiser les modes de pensée dans le domaine médical et scientifique; c’est rendre accessible aux communautés médicales non anglophones les données validées sur le plan international, donc donner des outils majeurs à la démocratisation de ce secteur. Ces solutions (traductions systématiques des publications et des communications orales par exemple, ou création d’une revue européenne de publication multilangue) sont évidemment coûteuses. Mais dans quel monde voulons nous vivre ? Dr Didier Seyler Ecrits SFTG Page 3/8 Innocent comme le jeune oiseau suspendu à la mamelle E lle est mal dans sa peau. Depuis son enfance, elle est toujours la seconde, la moins brillante, la moins regardée, sans doute moins aimée. De petites fugues en mensonges plus graves, d’expériences tabagiques en surdosages de haschich, elle a fini par s’installer dans un état psychotique Craignant la contagion de l’appareil à tension, elle refusait toute approche, même de toucher la main d’un autre ; enfermée toute la journée dans une chambre dont elle avait supprimé tout rideau, tout tapis et couverture, elle refusait toute nourriture, forcément impure et a fini par être hospitalisée à Montfavet (le Centre Hospitalier Psychiatrique proche...) quand son état ne lui a pas permis de résister aux pompiers du village. Le traitement neuroleptique l’a bien améliorée : elle a repris confiance en elle, perdu la peur du contact physique. Il a fallu de longs mois pour qu’elle retrouve sa forme et ses formes, elle est ressortie pour s’installer avec un ami rencontré dans les couloirs de psychiatrie où l’avait amené une bonne névrose bardée d’épisodes dépressifs Le ménage marche bien mais Catherine et Frédéric s’inquiètent de ne pas pouvoir avoir d’enfants : malgré l’avis des psychiatres qui les suivent, ils diminuent progressivement leurs traitements et peuvent les arrêter sans troubles apparents. Psy et généralistes sont très fiers de leur succès thérapeutique sur le plan mental. Par contre les règles ne reviennent pas, et c’est au gynéco de déclencher la longue enquête de la stérilité… qui retrouve l’inévitable hyperprolactinémie… avec selle turcique normale. Du coup, l’absence de cause la rend un peu dépressive et la psychiatre lui recommande un somnifère dont les effets sont très nets sur son conjoint : il couche son poids lourd dans un rond point, heureusement sans mal pour lui. Je mène alors un interrogatoire serré pour savoir ce qu’il consomme : aucun médicament, plus de haschich, pas de produits interdits… enfin… sauf… avoue-t-il difficilement….le lait de sa compagne « Mis au sein » matin et soir, il pense que c’est ce qui lui a permis de remonter la pente, de reprendre le volant, de ne plus se droguer, de larguer le « shit » et les tri-cycliques. Quant à elle, elle apprécie cette « habitude », elle aurait ainsi repris l’appétit et un bon état physique. Je lui ai expliqué que la lactation induite par les neuroleptiques avait été entretenue par son copain : pour devenir papa il faudra qu’il cesse de têter… Quand je l’ai raconté au téléphone à la psychiatre, après un silence très analytique, elle a proposé la reprise des neuroleptiques car elle craint les effets du sevrage lacté sur le couple. J’avoue que j’hésite ; le routier estil plus dangereux en syndrome de manque ou avec un syndrome extrapyramidal ? Si les médecins du travail et les médecins conseil savaient tout cela ….Comment réagiraient-ils ? Dois-je appeler le gynéco ? De toute façon ils ont très bien compris mon schéma plein de flèches sur les interactions hypophyso-endocrino-mammaires. Dr Bernard Senet Association Escoleta Avignon Ecrits SFTG Page 4/8 Anthropologie et représentation Or, quand il y a prescription en DCI, cela conduit dans 90% des cas à la délivrance Dans les sociétés traditionnellement étudiées par les ethnologues, la notion de personne diffère de celle à laquelle nous sommes habitués, et l’administration d’un remède, quelle que soit sa forme, ne se conçoit pas séparée du traitement rituel qui l’accompagne. Lorsque dans son cabinet un médecin rédige une ordonnance, il prescrit des médicaments, « remèdes selon raison », mais il fait plus : par l’acte de prescrire, par la façon dont il va présenter et expliquer son ordonnance, il va y ajouter ce que Levi-Strauss a appelé l’efficacité symbolique. L’homme est un être de relations et de symboles au sens de « équivalents significatifs du signifié, relevant d’un autre ordre de réalité que ce dernier»; au-delà de l’effet biologique du médicament, il y a la représentation qu’en a le malade. d’un médicament 1. Qu’est-ce que la DCI a bousculé dans la représentation du médicament ? en générique Un médicament est un objet qui « entre dans le champ économique », présenté dans un emballage, reconnaissable par son nom, sa couleur, sa galénique. Les études portant sur ces caractéristiques intéressent au premier chef les laboratoires et semblent relever plus du marketing que de la médecine. Cependant, nous ne saurions nous contenter de renvoyer les caractéristiques matérielles des médicaments au marketing, car ce sont des objets saturés de sens, supports d’élaborations symboliques, et si nous réfléchissons sur ce que la prescription en DCI a changé dans les représentations du médicament, ce sera d’abord en référence aux aspects visibles. Quand le pharmacien exécute l’ordonnance en DCI, il vend les molécules dont il dispose, c’est-à-dire que la marque et l’aspect du médicament peuvent varier. Le patient connaît donc une perturbation quant à la symbolique qui entoure la forme extérieure. Interrogé sur les difficultés induites par la prescription en DCI, le pharmacien de mon quartier affirme qu’elle ne pose pas de problème, car le médecin a fait le travail en amont, mais qu’en revanche, les clients sont encore réticents devant les génériques considérés comme des « ersatz » . Or, quand il y a prescription en DCI, cela conduit dans 90% des cas à la délivrance d’un médicament en générique . Le plus grand changement concerne le nom : jusqu’ici, les médicaments Avec la prescription en DCI, c’est la représentation du médicament qui est bousculée. Lorsque Patrick Ouvrard m’a demandé de participer à l’atelier « Anthropologie et représentation du médicament : DCI et placebo », j’ai envisagé la question sous deux angles : le médicament comme « objet technique » et l’acte de prescrire, analysé comme rituel, introduisant ainsi l’effet placebo. Il se trouve que le débat, très riche, a porté exclusivement sur l’acte de prescrire et sur l’effet placebo, ce qui montre que c’est là que se situe le questionnement des médecins. Je résumerai d’abord quelques éléments d’anthropologie des représentations du médicament, puis j’apporterai un éclairage anthropologique sur l’acte de prescrire. étaient désignés par leur « nom de fantaisie », cette formulation constitue à elle seule tout un programme. Certains médicaments familiers sont désignés noms communs, précédés de l’adjectif possessif «Ai-je pris mon lexomil® ?» ; la DCI introduit une distance, dira-t-on aussi familièrement « Ai-je pris mon bromazepan ? ». Il y a du symbole dans le mot : le nom du médicament sollicite la force de l’imaginaire, et les laboratoires le savent. Si d’un côté il peut être fâcheux pour le patient de ne pas retrouver ses habitudes, ses repères, d’un autre côté en revanche, le nom de la molécule, incompréhensible pour la plupart des utilisateurs se trouve enveloppé de mystère et de science. Comme dans les glossolalies, ces langues secrètes des chamans et officiants de certains cultes animistes, c’est précisément parce qu’on ne comprend rien que c’est efficace. Il se pourrait que, désigné ce nom savant, le médicament cesse d’être un produit de consommation courante pour retrouver sa spécificité dans la gamme des produits industriels. La couleur également intervient dans la charge symbolique. Il n’est qu’à voir sur Internet le nombre de sites traitant de la symbolique des couleurs pour être persuadé de l’intérêt que suscite cette dernière. M. Akrich relate l’expérience suivante : on administre respectivement à trois groupes de patients souffrant d’hypertension des gélules blanches, des comprimés, des gélules rouges. Les gélules rouges ont donné de meilleurs résultats, les patients ont affirmé que le dosage était plus fort dans les gélules rouges. Ce résultat peut aussi être interprété par le fait que le rouge est la couleur du sang, par la loi de similarité, le semblable agit sur le semblable, mais voilà que nous entrons dans le système de la magie. Dans la même logique, Laplantine donne des exemples de traitements d’homéopathie populaire : on soigne les affections hépatiques par la grande gentiane jaune, les maladies des yeux par le bleuet pour les yeux clairs, par le plantain pour les personnes qui ont l’iris foncé. La galénique aussi sollicite l’imaginaire : pourquoi certains malades croient-ils une injection plus efficace que l’absorption du même produit par voie buccale? La galénique est en outre considérée comme un facteur clef de l’observance. M. Akrich fait référence à un sondage IFOP effectué en 1991 : 37% des patients affirmaient demander une forme galénique précise à leur médecin. Ce type d’enquête construit des équivalences entre des catégories de patients et des formes de médicaments. Tout changement dans la galénique risque donc d’agir sur la force symbolique, et par là, sur l’effet placebo. Avec la prescription en DCI, le rôle du médecin pour faire adhérer le patient à son traitement se trouve amplifié. A cette composante à l’évidence rationnelle de son acte, le médecin va ajouter de l’efficacité symbolique au médicament. Ecrits SFTG Page 5/8 n du médicament : DCI et placebo 2. L’acte de prescrire : Docteur, saviezvous que vous étiez un magicien ? Plus personne aujourd’hui ne doute de l’importance primordiale de la relation entre le médecin et le malade. La façon de prescrire compte autant que ce qui est prescrit, l’effet placebo met en exergue l’importance de la manière dont sont administrés les soins. Les anecdotes rapportées par les médecins participant à l’atelier « Anthropologie et représentation du médicament : DCI et placebo » attestent la pertinence de cette thèse. Certains malades déclarent « aller mieux » depuis qu’ils ont téléphoné pour prendre rendez-vous. Un des participants à l’atelier a adopté la position courageuse de ne pas forcément conclure une consultation par une ordonnance, et pourtant il soigne. L’acte de prescrire est du point de vue de l’anthropologie un rite. Qu’estce qu’un rite ? Citons Marc Augé « Le rite correspond à l’accomplissement de certains gestes dans un ordre prescrit ; ces gestes sont accompagnés ou non de paroles (….) ces gestes consistent en signes formels (….) et en manipulations d’objets ou de substances.» Avec le rite, nous abordons le domaine de la magie; Marcel Mauss cite la médecine parmi les arts tout entiers pris dans la magie. Lévi-Strauss donne trois conditions pour que la magie soit efficace : la croyance du magicien à l’efficacité de ses techniques, la croyance du consultant et la confiance de l’opinion collective. Les conditions sont remplies dans l’acte de prescrire; ces considérations sur la magie ne tendent pas à remplacer l’efficacité biologique des molécules dans le traitement des maladies, elles s’intéresse à ce qui agit « en plus ». Dire qu’il y a du rite magique dans l’acte médical n’enlève rien au savoir scientifique et à la compétence technique du médecin. Cela revient à dire qu’au delà des domaines de savoir et de compétence, par l’effet symbolique qu’il impulse dans le médicament, par la force de sa parole, le médecin peut soulager, soigner, déclencher le processus de guérison. La force et la parole, primordiales dans la relation médecin-patient, sont en outre des notions appartenant –certes non exclusivement– au domaine de la magie. La magie est dans le verbe, les marabouts musulmans africains écrivent des versets du Coran sur une planche, lavent la planche et le client boit l’eau. En face du médecin : le patient; l’effet placebo pointe les projections du malade, le rôle de l’imaginaire. L’anthropologie s’intéresse à ce que les gens pensent. Madeleine Akrich et Cécile Méadel se sont inscrites sur Internet à des listes de discussion de patients atteints d’une même maladie (cancer du sein, maladie de Parkinson, syndrome de fatigue chronique et fibromyalgie). Les malades du cancer ne remettent pas en question la chimiothérapie, mais pour lutter contre les effets secondaires et sans doute aussi pour garder une sorte de contrôle sur eux-mêmes, certains se tournent en même temps vers d’autres médecines et expérimentent des traitements parallèles. Certains colistiers contestent l’efficacité de ces médicaments qui viennent s’ajouter Marie-Louise Pellegrin : « Imaginaire et symbolique dans la définition du remède », in La philosophie du remède, Jean-Claude Beaune dir., Champ Vallon, 1993. Claude Levi-Strauss : Anthropologie structurale I, Plon, 1974 (1958) chapitre 10. idem : 229 Madeleine Akrich : « Le médicament comme objet technique » in Revue Internationale de Psychopathologie : les médicaments de l’esprit, 1996, n°21 : 135-158. Philippe Pignarre : Qu’est-ce qu’un médicament ? La Découverte, 1997 Sur cette question : Sylvie Fainzang : Médicaments et Société, PUF, 2001 : 43 Information donnée en séance plénière au colloque du 17 octobre M. Akrich : op. cité Marcel Mauss : « Esquisse d’une théorie générale de la magie », l’Année Sociologique, 1902-1903. Essai publié dans Sociologie et Anthropologie, PUF,1991 (1ère ed. 1950) au traitement principal. « Dans leur optique ceux qui se sortent bien de la chimiothérapie et, plus généralement de la maladie, sont susceptibles d’appartenir à deux catégories, ceux qui ont le moral et la chance d’avoir un organisme qui réagit bien aux traitements conventionnels et ceux pour lesquels l’effet placebo fonctionne, le médicament servant alors de support à une croyance qui s’auto-réalise ». Le sujet du colloque était « la prescription en DCI ». La question « Comment prescrire ? » ne trouve sa réponse que dans l’acte, c’est-àdire dans le rite. Finalement, la DCI centre la délivrance de l’ordonnance sur la façon de prescrire en libérant le médecin des marques des laboratoires. Confronté dans son cabinet aux maux que génère la misère, au stress des cadres trop occupés, aux angoisses diverses, le médecin généraliste se trouve investi d’un rôle social comparable à celui des prophètes-guérisseurs africains étudiés par Marc Augé, avec en plus l’accès aux molécules les plus performantes qu’il va socialiser en y introduisant du placebo. L’évocation des guérisseurs africains me suggère une question : qu’est-ce que les guérisseurs et chamans peuvent apprendre aux médecins formés aux techniques les plus performantes ? Ne serait-ce pas cette capacité à socialiser la maladie et la guérison et à exercer une force qui ressemblerait à un effet placebo démultiplié ? Denise BREGAND Anthropologue François Laplantine : Anthropologie de la maladie, Payot, 1992 (1986) : 186. Cf. les groupes Balint David Le Breton : Anthropologie du corps et modernité, PUF, 1990 : 194 Marc Augé : Pourquoi vivons-nous ? Fayard, 2003 : 99 Levi-Strauss : op. cité : 192 Jeanne Favret-Saada : Les mots, la mort, les sorts, Gallimard, 1977. Le monde de la sorcellerie et de la maladie s’ouvre à elle quand elle entre dans le discours de la sorcellerie. « la force », telle que la nommait les habitants du bocage, désignait la capacité de survie, de production et de reproduction. Madeleine Akrich et Cécile Méadel : « Prendre ses médicaments/ Prendre la parole » in Sciences sociales et santé : les médicaments des prescriptions aux usages, mars 2002, vol. 20, n°1 Marc Augé : op.cité La façon de prescrire compte autant que ce qui est prescrit, l’effet placebo met en exergue l’importance de la manière dont sont administrés les soins Ecrits SFTG Page 6/8 Intoxication par le plomb de l’enfant et de la femme enceinte Prévention et prise en charge médico-sociale Conférence de consensus de Lille 5 et 6 novembre 2003 Dans le préambule, la charte d’Ottawa est rappelée et il est noté que la lutte contre l’intoxication au plomb repose avant tout sur une politique dynamique de résorption de l’habitat insalubre et de lutte contre l’exclusion sociale. Toujours dans le préambule, le jury attire l’attention sur le paradoxe entre les connaissances anciennes et le caractère tardif de la mise en place d’actions... en se demandant pourquoi il faut tant d’investissement quasi militant de quelques personnes pour que des mesures publiques soient enfin prises... Suite à ces recommandations, qu’est ce qui peut changer dans la pratique des médecins de la SFTG ? par Mady Denantes représentante de la SFTG au comité d’organisation de la conférence de consensus Saturnisme Le jury constate une importante sous déclaration des cas d’intoxication au plomb et « dans les régions où les professionnels se sont mobilisés, le rapport de la DGS montre que seuls 0,7% des signalements des cas de saturnisme ont été réalisés dans le cadre de la médecine libérale. Pourtant les médecins libéraux (généralistes et pédiatres) ont un rôle essentiel par leur connaissance des familles et de l’habitat, la tenue et la conservation du dossier médical. » Nous savions déjà que nous devions doser la plombémie chez les enfants vivant dans un logement construit avant 1949 et dégradé; chez les enfants vivant à proximité d’une source d’exposition industrielle et en cas d’agressivité de l’eau d’adduction avec des canalisations en plomb. Le jury nous recommande de porter une attention particulière aux communautés de gens du voyage, particulièrement exposés (terrain pollué, maniement de matériel pollué) Ces dosages doivent être répétés chez les enfants exposés et même au-delà de 7 ans, en particulier chez les jeunes filles. Le jury recommande que tout professionnel prenant en charge une femme enceinte repère le risque d’exposition au cours de l’examen prénatal du 4éme mois et que les femmes ayant été contaminées dans l’enfance bénéficient d’une surveillance et d’une protection particulière au risque plomb. Le plomb traverse la barrière placentaire, la plombémie diminue au 2e trimestre par hemodilution et remonte au 3 ème trimestre par relargage osseux. L’imprégnation par le plomb durant la grossesse provoque un risque de retard intra-utérin, une HTA et une altération du développement cérébral. « Le jury demande l’application rapide en France de la directive européenne abaissant de 800 à 300µg/l la plombémie autorisée chez les travailleurs exposés. « Par ailleurs pour une femme en âge d’avoir des enfants, le jury recommande que la limite maximale de la plombémie soit portée à 100µg/l.» Pour les enfants, malgré la difficulté de définir le seuil qui sépare les enfants intoxiqués des enfants exposés, on retient aujourd’hui le seuil de 100µg/l. Comment toucher les généralistes et les mobiliser ? Le jury recommande : - la mise à disposition des professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux d’un questionnaire simple et d’un guide méthodologique afin de faciliter les conditions de repérage des cas d’intoxication par le plomb. - la publication de l’imprimé de Déclaration Obligatoire - que figurent sur les certificats de santé du 8e jour et 9e et 24e mois des items permettant d’identifier le risque de Ipb en raison de la nature des lieux d’habitation des enfants. Et encore : - que l’enseignement de la santé publique au cours de la formation initiale de tous les professionnels de santé puisse les amener à adopter une véritable démarche de santé publique. - des séminaires de formation; « le jury recommande au Comité paritaire de formation professionnelle conventionnelle que le thème « santé environnement » (habitat et extérieur) soit considéré comme prioritaire. » - une information sur les procédures en prévoyant un système d’aide aux procédures et aux conduites à tenir par l’intermédiaire d’un référent et d’un « numéro vert » national. Que faisons nous de ces enfants exposés et/ou intoxiqués… 1- Répéter les dosages (le jury recommande la gratuité de toutes les plombémies chez les enfants exposés) tous les 6 à 12 mois si la plombémie est en dessous de 100, tous les 3 à 6 mois si la plombémie est supérieure à 100. 2- Chez les enfants ayant une plombémie supérieure à 100µg/l : Une ALD 30, une déclaration obligatoire au médecin inspecteur de santé publique de la DDASS avec un signalement sans délai, qui peut être nominatif, par téléphone, télécopie permettant aux services de la DDASS de mettre en place les mesures de prévention individuelle et collective autour d’un cas et une procédure de notification anonymisée au moyen d’une fiche spécifique dont le format définitif n’est pas encore arrêté. 3- Adresser les enfants au-dessus de 250 µg/l dans une structure capable d’évaluer l’intoxication et de discuter l’indication d’un traitement chélateur. 4- Donner du fer chez les enfants carencés et maintenir un apport en calcium comme pour tout enfant. 5- Protéger les enfants pendant les travaux avec respect de la cohésion de la famille et recherche de son adhésion 6- Une surveillance renforcée du développement neuropsychologique des enfants intoxiqués, notamment lors des examens des 9e et 24e mois, 3-4 ans et 5-6 ans en école maternelle et si besoin les adresser tôt à des services spécialisés (CAMSP ou CMPP) pour une évaluation diagnostique approfondie. 7- La prise en charge des troubles développementaux n’a pas de spécificité. Elle sera identique à celle des enfants présentant ce type de troubles. Et pour les femmes enceintes… Le but du repérage chez la femme enceinte est : - de soustraire la femme enceinte au risque d’exposition au plomb. - de lui donner des conseils hygiénodiététiques appropriés : vérifier que le régime répond aux besoins en fer et en calcium et ne pas hésiter à supplémenter en cas de doute. - de mettre en œuvre la protection du bébé dès la naissance - d’anticiper les mesures de prévention pour les grossesses ultérieures. Dr Mady Denantes Ecrits SFTG Page 7/8 SOIGNER UN PATIENT CLONÉ ? Récemment, le clonage humain a fait la une de l’actualité. Les scientifiques doutent. Les philosophes écrivent. Les juristes rappellent que c’est interdit. Les comités d’éthique et les théologiens réaffirment leur opposition. Revenons au clonage. Des questions physiologiques. A ce stade, je vois 3 ordres de questions : La recherche vétérinaire a déjà cloné quelques mammifères supérieurs. On a observé des processus de vieillissement prématuré. Tout ce qu’ils expriment est passionnant à lire, mais... peu importe. Je sais que certains humains sont capables de toutes les transgressions et de toutes les folies. Donc, un jour, un enfant cloné arrivera dans mon cabinet de généraliste. Notre patient cloné sera-t-il athéromateux à 12 ans, comment le soigner, annoncer un pronostic péjoratif ? Quelles nouvelles pathologies inconnues cela pourrait-il engendrer ? Et la seule question qui se pose vraiment pour mon quotidien professionnel est : « Que vais-je faire avec ce patient ? ». Et s’il veut des enfants ? Je propose cette comparaison. Je suis très antimilitariste. C’est « psychanalytique ». Mon grand-père maternel a été gravement blessé à Verdun en 1916. Il en a gardé des séquelles toute sa vie. Je l’ai très bien connu : il habitait près de chez nous et nous a quitté lorsque j’avais 26 ans. Le médecin, s’il connaît le projet de clonage (et même s’il le désapprouve) aura peut-être des informations sur l’origine du patient, que le patient cloné ignore. Je connais un enfant, né par insémination artificielle par don de sperme. Je ne sais pas s’il le sait. Vendredi soir, le lendemain du début de la guerre en Irak, le dernier patient (vers 20h30 —donc chez un docteur fatigué), est un jeune militaire français, du retour du Kosovo, en partance pour la Côte d’Ivoire. Qui vient exprimer sa souffrance physique et morale. Je l’ai écouté, palpé, puis j’ai prescrit radios et traitement. Pendant 30 minutes. Instinctivement, j’ai eu envie de l’expédier. S’il souffre, c’est bien fait pour lui, il a fait le mauvais choix, du côté des porteurs de violence et de mort. Mais, sa souffrance existe. C’est la seule réalité qui doit exister aux yeux d’un médecin digne de ce métier. En effet un minimum d’esprit critique (d’humanisme aussi) oblige à se poser cette question : la réalité que j’ai devant les yeux n’est-elle pas parfois plus forte que mes grands principes? Des questions liées au secret. Des questions psychologiques. Comment va se construire la relation avec le soignant, avec cet enfant, cet adolescent, cet adulte, né par clonage. Comment se structure un psychisme à partir d’une conception biologiquement si particulière, d’un désir d’enfant si inhabituel. Quelles pathologies psychiques pourraient-en découler? Comment se développe la personnalité de quelqu’un qui est le double d’un autre, né double-miroir, de la volonté d’un autre, qui voulait un double de soi-même, pour soi seul ? Ou qui voulait un nouvel être identique à celui qui vient de disparaître? En effet, quel est le désir d’enfant de ce parent unique, de ces parents qui veulent un clone ? Pourquoi ne pas avoir d’enfants par la « méthode classique » ? Et donc, comment ce patient vit-il tout cela ? On peut désapprouver certains comportement humains, sans pour autant perdre la confiance, car on est tolérant. En effet, un minimum d’esprit critique (d’humanisme aussi) oblige à se poser cette question : la réalité que j’ai devant les yeux n’est-elle pas parfois plus forte que mes grands principes? Que dire ou ne pas dire ? Conclusion. Certaines de ces questions ne sont pas neuves, d’autres moins explorées. Mais in fine, il me paraît assez urgent de se les poser à la lumière de notre pratique, loin des Cénacles et Assemblées où délibèrent des gens remarquables, mais parfois plus éloignés du vécu quotidien que le médecin généraliste. Ne croyez-vous pas qu’il vaut mieux se les poser avant, plutôt que devant les faits? Autrement dit trop tard. Dr Luc Beaumadier Luc Beaumadier Secrétaire Général de la SFTG LETTRE AUX GROUPES LOCAUX 24 rue Wurt 75013 Paris Téléphone : 01 45 81 09 63 Télécopie : 01 45 81 09 81 Adresse de messagerie [email protected] La passion de la formation La convivialité des échanges Retrouvez-nous sur notre site Web ! Contactez-nous à : www.sftg.net Ecrits SFTG Trimestriel Directeur de la publication : •François Baumann Comité Scientifique : •Isabelle de Beco •François Baumann Pouvons et devons nous optimiser notre fonctionnement ? La diversité naît du désir d’expression des différents groupes, et c’est de ce foisonnement que la SFTG tire sa force et sa qualité. Dés sa naissance, les principes ont été établis; pour la SFTG, l’indépendance est un des secrets fondamentaux. Mais pouvons-nous, au sein de cette sorte de maison commune qui défend la même qualité, avoir un langage et un travail mieux partagés, et comment pouvons-nous mieux nous connaître, nous reconnaître ? Nous tentons, Parisiens pas trop Parisiano-Centrés, de faciliter les rencontres Avignonnaises ou Rochelloises, par exemple. Mais il existe bien d’autres lieux où les groupes locaux sont actifs, bouillonnants, productifs, inventifs, et sans doute nombre d’entre nous savent que, pas loin, dans un bout de région limitrophe, un groupe de FMC existe, et défend des vertus qui nous sont communes, où des généralistes aimeraient bien se fédérer pour faire une FMC digne de ce nom, et que la SFTG serait un lieu de reconnaissance pour ceux là. Il a été souvent entendu, au cours des séminaires de FPC ou dans les rencontres d’une autre nature tels les groupes théâtre, philosophie, recherche, éthique, anthropologie, psychologie médicale, un désir et une nécessité de mieux communiquer entre nous, d’être encore plus transversaux, d’aider au développement d’une initiative locale et de lui proposer de s’appuyer sur la logistique du National. Certes, il existe le site www.sftg.net, des tas d’informations et de liens. Mais ne négligeons pas les bon vieux moyens, courriers et téléphone, et le contact direct. A la demande du Bureau National, je vous propose d’être la personne interface entre les groupes locaux et le National. Bien entendu, il ne s’agit pas de se substituer aux questions pratiques de secrétariat ou administratives. Pour ce faire, il y a l’équipe de secrétariat dans nos locaux qui rendent opérants l’organisation des séminaires et réunions, les courriers et nombre d’autres contacts. Il est plutôt question de voir avec les présidents et secrétaires de groupes locaux, mais aussi à ceux d’entre vous qui pensent pouvoir engager une initiative particulière, comment le Bureau peut vous aider, d’entendre si des nécessités spécifiques émergent ici ou là, si on peut mettre plus de fluidité, voire si on peut faciliter l’émergence d’un nouveau groupe local. Quelles sont vos attentes, quels sont vos besoins ? Faisons mieux, peut-être, même si nous faisons déjà bien. Antoine de BECO 82 Route de Longpont 91700 Sainte Geneviève des Bois Tel : 01 60 15 60 60 E mail : [email protected] •Luc Beaumadier •Patrick Ouvrard •Philippe Regard Maquette/Réalisation : •Patrick Ouvrard © SFTG 2004 AVIGNON Palais des Papes - 13 ET 14 JUILLET 2004 Séminaire Expression, Théâtre et Médecine L’HUMOUR MEDECIN voir le site www.sftg.net pour les modalités d’inscription. Les programmes des séminaires 2004 (45 séminaires FPC et 3 séminaires FAF) ainsi que le bulletin d’inscription sont disponibles au téléchargement sur notre site internet (en Pdf)