Ecrits N°3

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Ecrits SF TG
Hiver 2003/2004 Volume 1
Numéro 3
Société de Formation Thérapeutique du Généraliste
Réflexion
Tranche de vie
2003 Bilan très positif, 2004 plein de promesses…
Vous en rêvez ? venez le faire à la SFTG…
Anthropologie
Recherche
Humeur
......
Liste des articles :
• Editorial
1
• Journée européenne
des langues
2
• Comme l’oiseau...
3
• DCI et placebo
4
• Intoxication par le plomb 6
• Suivre un patient cloné
7
• Groupes locaux
8
En 2003 de nombreuses activités ont ponctué la vie de la SFTG
• Réalisation de 43 séminaires dans le cadre conventionnel de la FPC,
avec un taux de remplissage maximum, une richesse des thèmes et une convivialité inégalée… sans passer sous silence les « SFTG folies » à la Rochelle,
qui regroupent dans un superbe cadre 4 séminaires, et se terminent par une
soirée conviviale, ouverte aux familles…
Cette année ce n’est pas moins de 45 séminaires que nous vous proposons,
avec une dizaine de nouveaux thèmes.
Vous pouvez les découvrir sur notre site : www.sftg.net
• Grandes manifestations du département sciences humaines et sociales
avec 2 temps forts :
- Avignon : théâtre et médecine sur le thème de l’animalité, où nous avons
travaillé durant 48 h dans le magnifique cadre du Palais des Papes, autour de
comédiens, philosophe, psychanalyste, éthologiste. Bien sûr, le problème des
intermittents a donné une ambiance très particulière au cadre et au lieu, mais
la richesse du contenu fut une nouvelle fois fabuleuse.
- Pondichéry (Inde) : troisième grand voyage du groupe Anthropologie
et médecine, à la découverte de la culture indienne et des médecines indotibétaines. 33 médecins se sont plongés durant 15 jours dans la culture indienne, allant de l’immersion «new age» à Auroville à l’abord des médecines
Ayurvédiques et Tibétaines auprès de praticiens, en passant par la pratique
des Assanas et du Yoga. L’ensemble fut réalisé dans un cadre exceptionnel,
sans concession à l’occidentalisme. La prochaine étape se fera dans l’Himalaya et sera consacrée entièrement à la rencontre de la médecine tibétaine.
• Colloque DCI , premier colloque d’une série de rencontres/colloques
consacrés à la thérapeutique. Une fois de plus la SFTG se place au cœur
de l’actualité en osant aborder ce thème brûlant. Grande richesse dans
ce colloque réalisé avec la participation de la Direction Générale de la Santé
et la Mutualité Française. Les actes du colloque seront bientôt diffusés.
• Effervescence du département recherche.....
• Créativité des groupes locaux.....
En 2004 le cru devrait être encore meilleur ! Bonne année à tous.
Patrick OUVRARD
Vice Président de la SFTG
Ecrits SFTG
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Réflexions, à l’occasion de la journée européenne des langues
(26 septembre 2003)
D
Si nous pensons tous la
même chose, alors nous
ne pensons pas !
(c’est pas de moi ...)
ans le domaine de la médecine et des
sciences, la langue véhiculaire est l’anglais.
Les revues de publications construisant l’état
de la science sont des revues anglophones.
Les publications dans les autres langues, notamment les publications de synthèses permettant
par exemple aux médecins de se former et
de s’informer, s’appuient toutes sur des références presque exclusivement de publications
anglophones.
Les congrès internationaux localisés dans un
pays européen non anglophone se tiennent de
plus en plus en anglais sans que les débats ne
soient traduits dans la langue du pays d’accueil.
(exemple : le congrès sur le Sida à Paris en
juillet 2003)
Ainsi, les médecins et scientifiques des pays
non anglophones ont l’obligation pratique de
publier les résultats de leurs travaux en anglais,
de s’exprimer en anglais dans les congrès internationaux, et d’écrire leurs posters en anglais, même si le congrès se déroule dans leurs
pays. (Ainsi en France les seuls posters écrit
en français sont ceux des québécois qui les
écrivent systématiquement dans les deux
langues …)
Ainsi, les praticiens qui souhaiteraient avoir
accès à « l’information source », soit sous forme papier soit sous forme électronique, sont
condamnés à le faire en anglais. Ceux voulant
participer dans leur pays à des congrès internationaux les intéressant doivent comprendre
l’anglais.
L’EMEA, l’agence européenne du médicament
dispose d’un site Internet exclusivement en
anglais.
Au-delà des polémiques gauloises sur la protection de notre langue française, j’ai le sentiment que certains arguments en faveur d’une
plus grande diversité linguistique ne sont pas
suffisamment développés.
Publier ses travaux en anglais est un exercice plus ou moins facile selon l’aptitude des
chercheurs à la langue anglaise. La publication
de travaux fait référence à l’expression d’une
pensée, une fois les données transcrites. Penser
dans une langue qui n’est pas la sienne, c’est
nécessairement et inéluctablement appauvrir
l’originalité et la singularité de sa pensée.
Quelle est la proportion parmi nos chercheurs
allemands, italiens, espagnol, portugais, danois,
français, etc., qui maîtrisant parfaitement l’anglais souvent en raison d’histoire familiale particulière, peuvent affirmer que leur pensée ne
subit aucune altération lors de l’écriture en
anglais ?
N’y a-t-il pas un risque de voir progressivement les modes de pensées européennes non
anglophones se mettre en position d’infériorité par rapport à la pensée des anglophones
de naissance ?
Et que dire à l’immense majorité des praticiens
qui ne disposent pas du temps nécessaire pour
lire en anglais l’état de la science à un moment
donné, et qui doivent donc s’en remettre à
des intermédiaires, souvent intéressés ?
Imaginer des solutions qui ne soient pas des
mesures anti-anglaises, mais des mesures de
promotions des autres langues, c’est permettre de ne pas uniformiser les modes de pensée
dans le domaine médical et scientifique; c’est
rendre accessible aux communautés médicales
non anglophones les données validées sur le
plan international, donc donner des outils majeurs à la démocratisation de ce secteur.
Ces solutions (traductions systématiques des
publications et des communications orales par
exemple, ou création d’une revue européenne
de publication multilangue) sont évidemment
coûteuses.
Mais dans quel monde voulons nous vivre ?
Dr Didier Seyler
Ecrits SFTG
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Innocent comme le jeune oiseau
suspendu à la mamelle
E
lle est mal dans sa peau. Depuis son
enfance, elle est toujours la seconde, la
moins brillante, la moins regardée, sans doute
moins aimée. De petites fugues en mensonges
plus graves, d’expériences tabagiques en
surdosages de haschich, elle a fini par
s’installer dans un état psychotique
Craignant la contagion de l’appareil à tension,
elle refusait toute approche, même de toucher
la main d’un autre ; enfermée toute la journée
dans une chambre dont elle avait supprimé
tout rideau, tout tapis et couverture, elle
refusait toute nourriture, forcément impure
et a fini par être hospitalisée à Montfavet (le
Centre Hospitalier Psychiatrique proche...)
quand son état ne lui a pas permis de résister
aux pompiers du village.
Le traitement neuroleptique l’a bien améliorée :
elle a repris confiance en elle, perdu la peur
du contact physique. Il a fallu de longs mois
pour qu’elle retrouve sa forme et ses formes,
elle est ressortie pour s’installer avec un ami
rencontré dans les couloirs de psychiatrie
où l’avait amené une bonne névrose bardée
d’épisodes dépressifs
Le ménage marche bien mais Catherine et
Frédéric s’inquiètent de ne pas pouvoir avoir
d’enfants : malgré l’avis des psychiatres qui
les suivent, ils diminuent progressivement
leurs traitements et peuvent les arrêter sans
troubles apparents. Psy et généralistes sont
très fiers de leur succès thérapeutique sur
le plan mental. Par contre les règles ne
reviennent pas, et c’est au gynéco de déclencher la longue enquête de la stérilité… qui
retrouve l’inévitable hyperprolactinémie…
avec selle turcique normale.
Du coup, l’absence de cause la rend un peu
dépressive et la psychiatre lui recommande un
somnifère dont les effets sont très nets sur son
conjoint : il couche son poids lourd dans un
rond point, heureusement sans mal pour lui. Je
mène alors un interrogatoire serré pour savoir
ce qu’il consomme : aucun médicament,
plus de haschich, pas de produits interdits…
enfin… sauf… avoue-t-il difficilement….le
lait de sa compagne
« Mis au sein » matin et soir, il pense que c’est
ce qui lui a permis de remonter la pente, de
reprendre le volant, de ne plus se droguer, de
larguer le « shit » et les tri-cycliques. Quant à
elle, elle apprécie cette « habitude », elle aurait
ainsi repris l’appétit et un bon état physique.
Je lui ai expliqué que la lactation induite par
les neuroleptiques avait été entretenue par
son copain : pour devenir papa il faudra qu’il
cesse de têter…
Quand je l’ai raconté au téléphone à la
psychiatre, après un silence très analytique,
elle a proposé la reprise des neuroleptiques
car elle craint les effets du sevrage lacté sur
le couple. J’avoue que j’hésite ; le routier estil plus dangereux en syndrome de manque ou
avec un syndrome extrapyramidal ?
Si les médecins du travail et les médecins
conseil savaient tout cela ….Comment
réagiraient-ils ? Dois-je appeler le gynéco ?
De toute façon ils ont très bien compris mon
schéma plein de flèches sur les interactions
hypophyso-endocrino-mammaires.
Dr Bernard Senet
Association Escoleta
Avignon
Ecrits SFTG
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Anthropologie et représentation
Or, quand il y a
prescription
en DCI,
cela conduit
dans 90% des cas
à la délivrance
Dans les sociétés traditionnellement étudiées
par les ethnologues, la notion de personne diffère de celle à laquelle nous sommes habitués, et
l’administration d’un remède, quelle que soit sa
forme, ne se conçoit pas séparée du traitement
rituel qui l’accompagne.
Lorsque dans son cabinet un médecin rédige une
ordonnance, il prescrit des médicaments, « remèdes selon raison », mais il fait plus : par l’acte
de prescrire, par la façon dont il va présenter et
expliquer son ordonnance, il va y ajouter ce que
Levi-Strauss a appelé l’efficacité symbolique.
L’homme est un être de relations et de symboles
au sens de « équivalents significatifs du signifié,
relevant d’un autre ordre de réalité que ce dernier»; au-delà de l’effet biologique du médicament, il y a la représentation qu’en a le malade.
d’un médicament
1. Qu’est-ce que la DCI a bousculé dans
la représentation du médicament ?
en générique
Un médicament est un objet qui
« entre dans le champ économique »,
présenté dans un emballage, reconnaissable par son nom, sa couleur, sa
galénique. Les études portant sur ces
caractéristiques intéressent au premier
chef les laboratoires et semblent relever
plus du marketing que de la médecine.
Cependant, nous ne saurions nous contenter de renvoyer les caractéristiques
matérielles des médicaments au marketing, car ce sont des objets saturés
de sens, supports d’élaborations symboliques, et si nous réfléchissons sur
ce que la prescription en DCI a changé
dans les représentations du médicament, ce sera d’abord en référence aux
aspects visibles.
Quand le pharmacien exécute l’ordonnance en DCI, il vend les molécules dont il dispose, c’est-à-dire que
la marque et l’aspect du médicament
peuvent varier. Le patient connaît
donc une perturbation quant à la symbolique qui entoure la forme extérieure. Interrogé sur les difficultés induites
par la prescription en DCI, le pharmacien de mon quartier affirme qu’elle ne
pose pas de problème, car le médecin
a fait le travail en amont, mais qu’en
revanche, les clients sont encore réticents devant les génériques considérés
comme des « ersatz » . Or, quand il
y a prescription en DCI, cela conduit
dans 90% des cas à la délivrance d’un
médicament en générique .
Le plus grand changement concerne
le nom : jusqu’ici, les médicaments
Avec la prescription en DCI, c’est la représentation du médicament qui est bousculée.
Lorsque Patrick Ouvrard m’a demandé de participer à l’atelier « Anthropologie et représentation du médicament : DCI et placebo », j’ai
envisagé la question sous deux angles : le médicament comme « objet technique » et l’acte
de prescrire, analysé comme rituel, introduisant
ainsi l’effet placebo. Il se trouve que le débat,
très riche, a porté exclusivement sur l’acte de
prescrire et sur l’effet placebo, ce qui montre
que c’est là que se situe le questionnement des
médecins.
Je résumerai d’abord quelques éléments d’anthropologie des représentations du médicament,
puis j’apporterai un éclairage anthropologique
sur l’acte de prescrire.
étaient désignés par leur « nom de
fantaisie », cette formulation constitue à elle seule tout un programme.
Certains médicaments familiers sont
désignés noms communs, précédés
de l’adjectif possessif «Ai-je pris
mon lexomil® ?» ; la DCI introduit
une distance, dira-t-on aussi familièrement « Ai-je pris mon bromazepan ? ». Il y a du symbole dans le
mot : le nom du médicament sollicite la force de l’imaginaire, et les
laboratoires le savent. Si d’un côté il
peut être fâcheux pour le patient de
ne pas retrouver ses habitudes, ses
repères, d’un autre côté en revanche,
le nom de la molécule, incompréhensible pour la plupart des utilisateurs
se trouve enveloppé de mystère et de
science. Comme dans les glossolalies,
ces langues secrètes des chamans et
officiants de certains cultes animistes, c’est précisément parce qu’on ne
comprend rien que c’est efficace. Il
se pourrait que, désigné ce nom savant, le médicament cesse d’être un
produit de consommation courante
pour retrouver sa spécificité dans la
gamme des produits industriels.
La couleur également intervient
dans la charge symbolique. Il n’est
qu’à voir sur Internet le nombre
de sites traitant de la symbolique
des couleurs pour être persuadé de
l’intérêt que suscite cette dernière.
M. Akrich relate l’expérience suivante : on administre respectivement
à trois groupes de patients souffrant
d’hypertension des gélules blanches,
des comprimés, des gélules rouges.
Les gélules rouges ont donné de
meilleurs résultats, les patients ont
affirmé que le dosage était plus fort
dans les gélules rouges. Ce résultat
peut aussi être interprété par le fait
que le rouge est la couleur du sang,
par la loi de similarité, le semblable agit sur le semblable, mais voilà
que nous entrons dans le système
de la magie. Dans la même logique,
Laplantine donne des exemples de
traitements d’homéopathie populaire : on soigne les affections hépatiques par la grande gentiane jaune, les
maladies des yeux par le bleuet pour
les yeux clairs, par le plantain pour
les personnes qui ont l’iris foncé.
La galénique aussi sollicite l’imaginaire : pourquoi certains malades croient-ils une injection plus
efficace que l’absorption du même
produit par voie buccale? La galénique est en outre considérée comme
un facteur clef de l’observance.
M. Akrich fait référence à un sondage
IFOP effectué en 1991 : 37% des patients affirmaient demander une forme galénique précise à leur médecin.
Ce type d’enquête construit des équivalences entre des catégories de patients et des formes de médicaments.
Tout changement dans la galénique
risque donc d’agir sur la force symbolique, et par là, sur l’effet placebo.
Avec la prescription en DCI, le rôle
du médecin pour faire adhérer le patient à son traitement se trouve amplifié. A cette composante à l’évidence
rationnelle de son acte, le médecin va
ajouter de l’efficacité symbolique au
médicament.
Ecrits SFTG
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n du médicament : DCI et placebo
2. L’acte de prescrire : Docteur, saviezvous que vous étiez un magicien ?
Plus personne aujourd’hui ne doute
de l’importance primordiale de la
relation entre le médecin et le malade. La façon de prescrire compte
autant que ce qui est prescrit, l’effet
placebo met en exergue l’importance
de la manière dont sont administrés
les soins. Les anecdotes rapportées
par les médecins participant à l’atelier « Anthropologie et représentation
du médicament : DCI et placebo »
attestent la pertinence de cette thèse.
Certains malades déclarent « aller
mieux » depuis qu’ils ont téléphoné
pour prendre rendez-vous. Un des
participants à l’atelier a adopté la position courageuse de ne pas forcément
conclure une consultation par une
ordonnance, et pourtant il soigne.
L’acte de prescrire est du point de vue
de l’anthropologie un rite. Qu’estce qu’un rite ? Citons Marc Augé
« Le rite correspond à l’accomplissement de certains gestes dans un ordre prescrit ; ces gestes sont accompagnés ou non de paroles (….) ces
gestes consistent en signes formels
(….) et en manipulations d’objets ou
de substances.» Avec le rite, nous
abordons le domaine de la magie; Marcel Mauss cite la médecine parmi les arts tout entiers pris
dans la magie. Lévi-Strauss donne
trois conditions pour que la magie
soit efficace : la croyance du magicien à l’efficacité de ses techniques,
la croyance du consultant et la confiance de l’opinion collective. Les
conditions sont remplies dans l’acte
de prescrire; ces considérations sur
la magie ne tendent pas à remplacer
l’efficacité biologique des molécules
dans le traitement des maladies, elles
s’intéresse à ce qui agit « en plus ».
Dire qu’il y a du rite magique dans
l’acte médical n’enlève rien au savoir scientifique et à la compétence
technique du médecin. Cela revient
à dire qu’au delà des domaines de
savoir et de compétence, par l’effet
symbolique qu’il impulse dans le médicament, par la force de sa parole,
le médecin peut soulager, soigner,
déclencher le processus de guérison.
La force et la parole, primordiales
dans la relation médecin-patient,
sont en outre des notions appartenant –certes non exclusivement– au
domaine de la magie. La magie est
dans le verbe, les marabouts musulmans africains écrivent des versets
du Coran sur une planche, lavent la
planche et le client boit l’eau.
En face du médecin : le patient; l’effet placebo pointe les projections
du malade, le rôle de l’imaginaire.
L’anthropologie s’intéresse à ce que
les gens pensent. Madeleine Akrich
et Cécile Méadel se sont inscrites
sur Internet à des listes de discussion de patients atteints d’une même
maladie (cancer du sein, maladie de
Parkinson, syndrome de fatigue chronique et fibromyalgie). Les malades
du cancer ne remettent pas en question la chimiothérapie, mais pour
lutter contre les effets secondaires
et sans doute aussi pour garder une
sorte de contrôle sur eux-mêmes, certains se tournent en même temps vers
d’autres médecines et expérimentent
des traitements parallèles. Certains
colistiers contestent l’efficacité de ces
médicaments qui viennent s’ajouter
Marie-Louise Pellegrin : « Imaginaire et symbolique dans la définition du remède », in La philosophie du remède, Jean-Claude Beaune
dir., Champ Vallon, 1993.
Claude Levi-Strauss : Anthropologie structurale I, Plon, 1974 (1958)
chapitre 10.
idem : 229
Madeleine Akrich : « Le médicament comme objet technique » in
Revue Internationale de Psychopathologie : les médicaments de l’esprit, 1996, n°21 : 135-158.
Philippe Pignarre : Qu’est-ce qu’un médicament ? La Découverte, 1997
Sur cette question : Sylvie Fainzang : Médicaments et Société, PUF,
2001 : 43
Information donnée en séance plénière au colloque du 17 octobre
M. Akrich : op. cité
Marcel Mauss : « Esquisse d’une théorie générale de la magie »,
l’Année Sociologique, 1902-1903. Essai publié dans Sociologie et
Anthropologie, PUF,1991 (1ère ed. 1950)
au traitement principal. « Dans leur
optique ceux qui se sortent bien de la
chimiothérapie et, plus généralement
de la maladie, sont susceptibles d’appartenir à deux catégories, ceux qui
ont le moral et la chance d’avoir un
organisme qui réagit bien aux traitements conventionnels et ceux pour
lesquels l’effet placebo fonctionne, le
médicament servant alors de support
à une croyance qui s’auto-réalise ».
Le sujet du colloque était « la prescription en DCI ». La question
« Comment prescrire ? » ne trouve
sa réponse que dans l’acte, c’est-àdire dans le rite. Finalement, la DCI
centre la délivrance de l’ordonnance
sur la façon de prescrire en libérant
le médecin des marques des laboratoires.
Confronté dans son cabinet aux maux
que génère la misère, au stress des
cadres trop occupés, aux angoisses
diverses, le médecin généraliste se
trouve investi d’un rôle social comparable à celui des prophètes-guérisseurs africains étudiés par Marc
Augé, avec en plus l’accès aux molécules les plus performantes qu’il
va socialiser en y introduisant du
placebo. L’évocation des guérisseurs
africains me suggère une question :
qu’est-ce que les guérisseurs et chamans peuvent apprendre aux médecins formés aux techniques les plus
performantes ? Ne serait-ce pas cette
capacité à socialiser la maladie et la
guérison et à exercer une force qui
ressemblerait à un effet placebo démultiplié ?
Denise BREGAND
Anthropologue
François Laplantine : Anthropologie de la maladie, Payot, 1992
(1986) : 186.
Cf. les groupes Balint
David Le Breton : Anthropologie du corps et modernité, PUF, 1990 :
194
Marc Augé : Pourquoi vivons-nous ? Fayard, 2003 : 99
Levi-Strauss : op. cité : 192
Jeanne Favret-Saada : Les mots, la mort, les sorts, Gallimard, 1977. Le
monde de la sorcellerie et de la maladie s’ouvre à elle quand elle entre
dans le discours de la sorcellerie. « la force », telle que la nommait les
habitants du bocage, désignait la capacité de survie, de production et
de reproduction.
Madeleine Akrich et Cécile Méadel : « Prendre ses médicaments/
Prendre la parole » in Sciences sociales et santé : les médicaments des
prescriptions aux usages, mars 2002, vol. 20, n°1
Marc Augé : op.cité
La façon de
prescrire compte
autant que
ce qui est prescrit,
l’effet placebo
met en exergue
l’importance de la
manière dont
sont administrés
les soins
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Intoxication par le plomb de l’enfant et de la femme enceinte
Prévention et prise en charge médico-sociale
Conférence de
consensus de Lille
5 et 6 novembre 2003
Dans le préambule, la charte d’Ottawa est rappelée et il est noté que la lutte
contre l’intoxication au plomb repose avant tout sur une politique dynamique
de résorption de l’habitat insalubre et de lutte contre l’exclusion sociale.
Toujours dans le préambule, le jury attire l’attention sur le paradoxe entre les
connaissances anciennes et le caractère tardif de la mise en place d’actions... en se demandant pourquoi il faut tant d’investissement quasi militant
de quelques personnes pour que des mesures publiques soient enfin prises...
Suite à ces recommandations, qu’est ce qui peut changer dans la pratique
des médecins de la SFTG ?
par
Mady Denantes
représentante
de la SFTG
au comité
d’organisation
de la conférence
de consensus
Saturnisme
Le jury constate une importante sous
déclaration des cas d’intoxication au
plomb et « dans les régions où les
professionnels se sont mobilisés, le
rapport de la DGS montre que seuls
0,7% des signalements des cas de saturnisme ont été réalisés dans le cadre de la médecine libérale. Pourtant
les médecins libéraux (généralistes
et pédiatres) ont un rôle essentiel par
leur connaissance des familles et de
l’habitat, la tenue et la conservation
du dossier médical. »
Nous savions déjà que nous devions
doser la plombémie chez les enfants
vivant dans un logement construit
avant 1949 et dégradé; chez les enfants vivant à proximité d’une source
d’exposition industrielle et en cas
d’agressivité de l’eau d’adduction
avec des canalisations en plomb.
Le jury nous recommande de porter
une attention particulière aux communautés de gens du voyage, particulièrement exposés (terrain pollué,
maniement de matériel pollué)
Ces dosages doivent être répétés chez
les enfants exposés et même au-delà
de 7 ans, en particulier chez les jeunes filles.
Le jury recommande que tout professionnel prenant en charge une femme
enceinte repère le risque d’exposition
au cours de l’examen prénatal du
4éme mois et que les femmes ayant
été contaminées dans l’enfance bénéficient d’une surveillance et d’une
protection particulière au risque
plomb.
Le plomb traverse la barrière placentaire, la plombémie diminue au
2e trimestre par hemodilution et remonte au 3 ème trimestre par relargage osseux. L’imprégnation par le
plomb durant la grossesse provoque
un risque de retard intra-utérin, une
HTA et une altération du développement cérébral.
« Le jury demande l’application rapide en France de la directive européenne abaissant de 800 à 300µg/l
la plombémie autorisée chez les travailleurs exposés.
« Par ailleurs pour une femme en âge
d’avoir des enfants, le jury recommande que la limite maximale de la
plombémie soit portée à 100µg/l.»
Pour les enfants, malgré la difficulté
de définir le seuil qui sépare les enfants intoxiqués des enfants exposés,
on retient aujourd’hui le seuil de
100µg/l.
Comment toucher les généralistes
et les mobiliser ?
Le jury recommande :
- la mise à disposition des professionnels médicaux, paramédicaux et
sociaux d’un questionnaire simple et
d’un guide méthodologique afin de
faciliter les conditions de repérage
des cas d’intoxication par le plomb.
- la publication de l’imprimé de
Déclaration Obligatoire
- que figurent sur les certificats de
santé du 8e jour et 9e et 24e mois des
items permettant d’identifier le risque
de Ipb en raison de la nature des lieux
d’habitation des enfants.
Et encore :
- que l’enseignement de la santé publique au cours de la formation initiale de tous les professionnels de santé
puisse les amener à adopter une véritable démarche de santé publique.
- des séminaires de formation; « le
jury recommande au Comité paritaire
de formation professionnelle conventionnelle que le thème « santé environnement » (habitat et extérieur)
soit considéré comme prioritaire. »
- une information sur les procédures
en prévoyant un système d’aide aux
procédures et aux conduites à tenir
par l’intermédiaire d’un référent et
d’un « numéro vert » national.
Que faisons nous de ces enfants
exposés et/ou intoxiqués…
1- Répéter les dosages (le jury recommande la gratuité de toutes
les plombémies chez les enfants
exposés) tous les 6 à 12 mois si la
plombémie est en dessous de 100,
tous les 3 à 6 mois si la plombémie
est supérieure à 100.
2- Chez les enfants ayant une plombémie supérieure à 100µg/l :
Une ALD 30, une déclaration obligatoire au médecin inspecteur de
santé publique de la DDASS avec
un signalement sans délai, qui peut
être nominatif, par téléphone, télécopie permettant aux services de
la DDASS de mettre en place les
mesures de prévention individuelle
et collective autour d’un cas et une
procédure de notification anonymisée au moyen d’une fiche spécifique dont le format définitif n’est
pas encore arrêté.
3- Adresser les enfants au-dessus de
250 µg/l dans une structure capable
d’évaluer l’intoxication et de discuter l’indication d’un traitement
chélateur.
4- Donner du fer chez les enfants carencés et maintenir un apport en
calcium comme pour tout enfant.
5- Protéger les enfants pendant les
travaux avec respect de la cohésion
de la famille et recherche de son
adhésion
6- Une surveillance renforcée du développement neuropsychologique
des enfants intoxiqués, notamment
lors des examens des 9e et 24e mois,
3-4 ans et 5-6 ans en école maternelle et si besoin les adresser tôt à
des services spécialisés (CAMSP
ou CMPP) pour une évaluation
diagnostique approfondie.
7- La prise en charge des troubles
développementaux n’a pas de spécificité. Elle sera identique à celle
des enfants présentant ce type de
troubles.
Et pour les femmes enceintes…
Le but du repérage chez la femme
enceinte est :
- de soustraire la femme enceinte au
risque d’exposition au plomb.
- de lui donner des conseils hygiénodiététiques appropriés : vérifier que
le régime répond aux besoins en fer
et en calcium et ne pas hésiter à supplémenter en cas de doute.
- de mettre en œuvre la protection du
bébé dès la naissance
- d’anticiper les mesures de prévention pour les grossesses ultérieures.
Dr Mady Denantes
Ecrits SFTG
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SOIGNER UN PATIENT CLONÉ ?
Récemment, le clonage humain a fait la une de l’actualité.
Les scientifiques doutent. Les philosophes écrivent. Les juristes rappellent que c’est interdit. Les comités
d’éthique et les théologiens réaffirment leur opposition.
Revenons au clonage.
Des questions physiologiques.
A ce stade, je vois 3 ordres de
questions :
La recherche vétérinaire a déjà
cloné quelques mammifères supérieurs. On a observé des processus
de vieillissement prématuré.
Tout ce qu’ils expriment est passionnant à lire, mais... peu importe.
Je sais que certains humains sont
capables de toutes les transgressions et de toutes les folies. Donc,
un jour, un enfant cloné arrivera
dans mon cabinet de généraliste.
Notre patient cloné sera-t-il athéromateux à 12 ans, comment le
soigner, annoncer un pronostic
péjoratif ?
Quelles nouvelles pathologies inconnues cela pourrait-il engendrer ?
Et la seule question qui se pose
vraiment pour mon quotidien professionnel est : « Que vais-je faire
avec ce patient ? ».
Et s’il veut des enfants ?
Je propose cette comparaison. Je suis très antimilitariste.
C’est
«
psychanalytique
».
Mon grand-père maternel a été
gravement blessé à Verdun en
1916. Il en a gardé des séquelles toute sa vie. Je l’ai très bien
connu : il habitait près de chez nous
et nous a quitté lorsque j’avais
26 ans.
Le médecin, s’il connaît le projet
de clonage (et même s’il le désapprouve) aura peut-être des informations sur l’origine du patient,
que le patient cloné ignore. Je
connais un enfant, né par insémination artificielle par don de sperme. Je ne sais pas s’il le sait.
Vendredi soir, le lendemain du début de la guerre en Irak, le dernier
patient (vers 20h30 —donc chez un
docteur fatigué), est un jeune militaire français, du retour du Kosovo,
en partance pour la Côte d’Ivoire.
Qui vient exprimer sa souffrance physique et morale. Je l’ai
écouté, palpé, puis j’ai prescrit
radios et traitement. Pendant
30 minutes.
Instinctivement, j’ai eu envie de
l’expédier. S’il souffre, c’est bien fait
pour lui, il a fait le mauvais choix, du
côté des porteurs de violence et
de mort. Mais, sa souffrance existe.
C’est la seule réalité qui doit exister
aux yeux d’un médecin digne de
ce métier. En effet un minimum
d’esprit critique (d’humanisme
aussi) oblige à se poser cette
question : la réalité que j’ai devant
les yeux n’est-elle pas parfois plus
forte que mes grands principes?
Des questions liées au secret.
Des questions psychologiques.
Comment va se construire la
relation avec le soignant, avec
cet enfant, cet adolescent, cet
adulte, né par clonage.
Comment se structure un psychisme à partir d’une conception biologiquement si particulière, d’un
désir d’enfant si inhabituel.
Quelles pathologies psychiques
pourraient-en découler?
Comment se développe la personnalité de quelqu’un qui est le
double d’un autre, né double-miroir, de la volonté d’un autre, qui
voulait un double de soi-même,
pour soi seul ? Ou qui voulait un
nouvel être identique à celui qui
vient de disparaître?
En effet, quel est le désir d’enfant de ce parent unique, de ces
parents qui veulent un clone ?
Pourquoi ne pas avoir d’enfants
par la « méthode classique » ?
Et donc, comment ce patient vit-il
tout cela ?
On peut désapprouver certains
comportement humains, sans
pour autant perdre la confiance,
car on est tolérant.
En effet,
un minimum
d’esprit critique
(d’humanisme aussi)
oblige à se poser
cette question :
la réalité que j’ai
devant les yeux
n’est-elle pas
parfois plus forte
que mes grands
principes?
Que dire ou ne pas dire ?
Conclusion.
Certaines de ces questions ne
sont pas neuves, d’autres moins
explorées. Mais in fine, il me paraît
assez urgent de se les poser à la
lumière de notre pratique, loin des
Cénacles et Assemblées où délibèrent des gens remarquables,
mais parfois plus éloignés du vécu
quotidien que le médecin généraliste.
Ne croyez-vous pas qu’il vaut
mieux se les poser avant, plutôt
que devant les faits? Autrement
dit trop tard.
Dr Luc Beaumadier
Luc Beaumadier
Secrétaire Général
de la SFTG
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Pouvons et devons nous optimiser notre fonctionnement ?
La diversité naît du désir d’expression des différents groupes, et c’est de ce foisonnement
que la SFTG tire sa force et sa qualité.
Dés sa naissance, les principes ont été établis; pour la SFTG, l’indépendance est un des
secrets fondamentaux.
Mais pouvons-nous, au sein de cette sorte de maison commune qui défend la même qualité, avoir un langage et un travail mieux partagés, et comment pouvons-nous mieux nous
connaître, nous reconnaître ?
Nous tentons, Parisiens pas trop Parisiano-Centrés, de faciliter les rencontres Avignonnaises
ou Rochelloises, par exemple. Mais il existe bien d’autres lieux où les groupes locaux sont
actifs, bouillonnants, productifs, inventifs, et sans doute nombre d’entre nous savent que,
pas loin, dans un bout de région limitrophe, un groupe de FMC existe, et défend des vertus
qui nous sont communes, où des généralistes aimeraient bien se fédérer pour faire une
FMC digne de ce nom, et que la SFTG serait un lieu de reconnaissance pour ceux là.
Il a été souvent entendu, au cours des séminaires de FPC ou dans les rencontres d’une
autre nature tels les groupes théâtre, philosophie, recherche, éthique, anthropologie, psychologie médicale, un désir et une nécessité de mieux communiquer entre nous, d’être
encore plus transversaux, d’aider au développement d’une initiative locale et de lui proposer de s’appuyer sur la logistique du National. Certes, il existe le site www.sftg.net, des
tas d’informations et de liens. Mais ne négligeons pas les bon vieux moyens, courriers et
téléphone, et le contact direct.
A la demande du Bureau National, je vous propose d’être la personne interface entre les
groupes locaux et le National. Bien entendu, il ne s’agit pas de se substituer aux questions
pratiques de secrétariat ou administratives. Pour ce faire, il y a l’équipe de secrétariat dans
nos locaux qui rendent opérants l’organisation des séminaires et réunions, les courriers et
nombre d’autres contacts. Il est plutôt question de voir avec les présidents et secrétaires de
groupes locaux, mais aussi à ceux d’entre vous qui pensent pouvoir engager une initiative
particulière, comment le Bureau peut vous aider, d’entendre si des nécessités spécifiques
émergent ici ou là, si on peut mettre plus de fluidité, voire si on peut faciliter l’émergence
d’un nouveau groupe local.
Quelles sont vos attentes, quels sont vos besoins ?
Faisons mieux, peut-être, même si nous faisons déjà bien.
Antoine de BECO
82 Route de Longpont
91700 Sainte Geneviève des Bois
Tel : 01 60 15 60 60
E mail : [email protected]
•Luc Beaumadier
•Patrick Ouvrard
•Philippe Regard
Maquette/Réalisation :
•Patrick Ouvrard
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AVIGNON Palais des Papes - 13 ET 14 JUILLET 2004
Séminaire Expression, Théâtre et Médecine
L’HUMOUR MEDECIN
voir le site www.sftg.net pour les modalités d’inscription.
Les programmes des séminaires 2004
(45 séminaires FPC et 3 séminaires FAF)
ainsi que le bulletin d’inscription
sont disponibles au téléchargement sur notre site internet (en Pdf)
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