le contrôle et l`utilisation des gamètes et des embryons

4.3.2 La santé génésique : le contrôle et l'utilisation des gamètes et des
embryons
Josephine Johnston, LLB, MBHL
Objectifs d'apprentissage
1. Comprendre les enjeux éthiques et juridiques susceptibles d'être soulevés par le prélèvement de gamètes,
la réception de gamètes de donneurs et la création d'embryons aux fins de la procréation médicalement
assistée.
Cas
Après 18 mois de tentatives de grossesse infructueuses, Mara (32 ans) et Tony (37 ans) consultent la Dre Garcia
pour une fécondation in vitro (FIV), en utilisant les ovules de Mara et le sperme de Tony. Après le premier
prélèvement d'ovules, huit embryons sont créés. La Dre Garcia décide de transplanter un embryon et de congeler
les sept autres. Cependant, avant de consentir à l'implantation, Mara et Tony demandent à la Dre Garcia de faire
un test de diagnostic génétique préimplantatoire (DGP) sur l'embryon pour en déterminer le sexe, car ils
préféreraient que leur premier enfant soit un garçon.
Question
1. La Dre Garcia devrait-elle prescrire un test de DGP pour aider Mara et Tony à choisir le sexe de leur enfant?
Poursuite du cas
Le premier transfert d'embryon échoue. Le couple veut faire une nouvelle tentative, mais cette fois-ci, il demande
à la Dre Garcia de transplanter trois embryons plutôt qu'un seul, pour accroître leurs chances de grossesse.
Question
2. La Dre Garcia devrait-elle transférer plus d'un embryon à la fois? Dans l'affirmative, y a-t-il une limite au
nombre d'embryons qui devraient être transplantés en même temps?
Poursuite du cas
La Dre Garcia décongèle trois embryons; un seul survit au stade du blastocyste et est implanté dans l'utérus de
Mara. Malheureusement, cette nouvelle tentative échoue également. Mara et Tony demandent à la Dre Garcia de
décongeler les quatre derniers embryons; deux survivent au stade du blastocyste. Mara et Tony révèlent alors au
médecin qu'ils sont cousins. De plus, depuis le premier transfert d'embryons, ils ont appris que certains membres
de leur famille étaient atteints d'albinisme. Mara et Tony demandent au médecin de faire un DGP sur les embryons
et de n'implanter que ceux qui ne sont pas porteurs des gènes autosomiques récessifs de l'albinisme oculo-cutané.
Question
3. La Dre Garcia devrait-elle prescrire un test de DGP sur les embryons, en vue du dépistage des gènes
responsables de l'albinisme?
Poursuite du cas
Le DGP sur les deux derniers embryons indique la présence de la mutation génétique. Mara et Tony décident de
recommencer le processus de FIV, mais en ayant cette fois-ci recours au sperme d'un donneur. Mara et Tony
indiquent à la Dre Garcia qu'ils ont l'intention de recruter un donneur de sperme en faisant paraître une annonce
dans un journal universitaire local et en offrant 1 000 $ pour le don de sperme.
Question
4. La Dre Garcia devrait-elle accepter que Mara et à Tony aient recours à un donneur de sperme à qui ils
verseront 1 000 $?
Poursuite du cas
À partir du sperme du donneur, la Dre Garcia peut créer dix embryons, dont deux sont transplantés et huit sont
congelés. Mara devient enceinte et donne naissance à deux petites filles en bonne santé. (Ce cas se poursuit dans
l'étude de cas 4.3.3, « La conservation et l'élimination des gamètes et des embryons ».)
Question
5. La Dre Garcia devrait-elle conserver des renseignements sur les circonstances de la conception des jumelles,
y compris des renseignements sur la santé du donneur de sperme et sur son identité, afin que cette
information puisse être communiquée aux jumelles lorsqu'elles seront plus âgées?
Discussion
Q1. La Dre Garcia devrait-elle prescrire un test de DGP pour aider Mara et Tony à choisir le sexe de leur
enfant?
Les lois canadiennes sur la question du choix du sexe sont claires. La Loi sur la procréation assistée de 2004 (ci-
après désignée la « Loi »)1 interdit toute intervention qui permettrait d'« identifier le sexe d'un embryon in vitro,
sauf pour prévenir, diagnostiquer ou traiter des maladies ou des anomalies liées au sexe » (alinéa 5(1)e]). Donc,
en vertu de la loi canadienne, la Dre Garcia ne peut prescrire un DGP pour aider Mara et Tony à choisir le sexe de
leur enfant, simplement parce qu'ils préféreraient avoir un garçon.
La question du choix du sexe des embryons — que certains pays autorisent — soulève d'intéressants arguments
éthiques, à la fois pour et contre cette pratique. Certains de ces arguments reposent sur la notion voulant que les
parents devraient être autorisés à exercer le plus de choix possible lorsqu'ils décident de fonder une famille. Les
tenants de cette position allèguent que le choix du sexe devrait être autorisé, car il permet aux parents de
contrôler l'équilibre entre les sexes au sein de leur famille et d'obtenir la famille qu'ils souhaitent. Ceux qui
s'opposent au choix du sexe des embryons établissent un lien entre ce type de contrôle et l'évolution de la
perception des enfants, qui seraient désormais perçus comme des « produits » et non comme des personnes à
apprécier et à aimer pour ce qu'elles sont. Les opposants au choix du sexe allèguent en outre qu'autoriser cette
pratique pourrait donner lieu à la naissance d'un plus grand nombre de garçons que de filles dans les cultures qui
ont une préférence pour les garçons.
Q2. La Dre Garcia devrait-elle transférer plus d'un embryon à la fois? Dans l'affirmative, y a-t-il une
limite au nombre d'embryons qui devraient être transférés en même temps?
Le transfert de plus d'un embryon à la fois augmente les probabilités de grossesses multiples (p. ex., jumeaux,
triplés). Bien que la grossesse soit évidemment le but de la FIV, les grossesses multiples, en particulier s'il y a trois
fœtus ou plus, présentent des risques importants à la fois pour la mère et ses bébés.
La Loi actuelle ne limite pas le nombre d'embryons qui peuvent être transplantés chez une femme en même
temps, mais cette question pourrait vraisemblablement être abordée dans de futurs règlements qui seront adoptés
sous le régime de la Loi.
En 2006, des comités de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada ainsi que le Conseil de la Société
canadienne de fertilité et d'andrologie ont approuvé une directive clinique sur le nombre d'embryons qui devraient
être transférés chez une femme en même temps. Cette directive recommande qu'au plus deux embryons au stade
de la segmentation (embryons mis en culture pendant deux ou trois jours) soient transférés en même temps chez
les femmes de moins de 35 ans et que le médecin envisage le transfert d'un seul embryon, si la femme présente
un excellent pronostic (Mara satisfait aux critères énoncés dans cette directive clinique pour définir un « excellent
pronostic »). Cette directive formule également des recommandations pour les femmes de différents âges et de
pronostics différents, selon lesquelles le nombre d'embryons pouvant être transférés augmente à mesure que les
chances de réussite semblent diminuer. On y inclut également une recommandation générale selon laquelle il
faudrait envisager le transfert de moins d'embryons lorsque ceux-ci sont au stade du blastocyste que lorsqu'ils
sont au stade de la segmentation.
La Dre Garcia devrait étudier cette directive avec soin avant qu'elle et ses patients décident du nombre d'embryons
à transférer en même temps. Ils doivent soupeser leur désir de maximiser les chances de grossesse en regard du
désir d'éviter d'exposer la mère et les bébés éventuels à des risques additionnels. Une démarche prudente
consisterait à ne pas transférer plus que le nombre maximal d'embryons recommandés dans la directive clinique
(dans le cas de Mara, il s'agirait de deux embryons) et à laisser à la patiente le choix d'opter pour un nombre
d'embryons inférieur au nombre maximal recommandé (en d'autres mots, Mara pourrait opter pour le transfert
d'un seul embryon). Pour faciliter la décision de la patiente, la Dre Garcia devrait lui expliquer clairement les
risques médicaux importants associés à une grossesse multiple.
Q3. La Dre Garcia devrait-elle prescrire un test de DGP sur les embryons, en vue du dépistage des gènes
responsables de l'albinisme?
L'albinisme n'est habituellement pas une maladie qui menace le pronostic vital, bien que différents problèmes de
santé soient associés aux différentes formes d'albinisme. Le présent scénario nous amène à nous interroger sur les
états jugés suffisamment graves pour justifier un dépistage génétique sur les embryons avant leur implantation. Il
n'y a pas de lois précises sur cette question au Canada, et il existe des arguments éthiques pour et contre le
dépistage.
Tout comme les tests visant à déterminer le sexe, les tests de dépistage des affections génétiques (et d'autres
caractères génétiques) peuvent être perçus comme un exercice approprié que certains qualifient même de « liberté
procréative ». D'autres, en revanche, peuvent considérer ces pratiques comme une extension inappropiée du désir
de la patiente de contrôler son corps et le traitement médical qu'elle reçoit . Les tenants de ces tests de dépistage
y voient un moyen de prévenir des souffrances, alors que certains de ses opposants s'inquiètent du fait que ces
tests sont fondés sur des stéréotypes négatifs de la vie des personnes handicapées et qu'ils auront pour effet de
dévaloriser ces personnes.
Avant que la Dre Garcia ne prescrive un test de DGP pour le dépistage de ce caractère génétique ou de tout autre
caractère génétique, elle devrait proposer à ses patients de consulter un conseiller en génétique qui devrait être en
mesure d'expliquer aux patients quels troubles génétiques peuvent être détectés par le DGP et lesquels ne le sont
pas. Le conseiller devrait également pouvoir aider les patients à mieux comprendre les effets de l'albinisme dans la
vie de tous les jours, afin qu'ils puissent fonder leur décision concernant le DGP sur des faits plutôt que sur des
hypothèses.
Q4. La Dre Garcia devrait-elle accepter que Mara et Tony aient recours à un donneur de sperme à qui ils
verseront 1 000 $?
La Loi interdit l'achat de spermatozoïdes ou d'ovules d'un donneur (paragraphe 7[1]). Elle permet cependant aux
cliniques titulaires d'une autorisation de rembourser les frais supportés par un donneur en conformité avec les
règlements établis sous le régime de la Loi [alinéa 12[1]a]. Mara et Tony ne sont pas titulaires d'une autorisation
au sens de la Loi; ils ne peuvent donc pas verser d'argent au donneur de sperme, que ce soit à titre
d'indemnisation ou de remboursement des dépenses. Dès que le règlement applicable entre en vigueur, la clinique
de la Dre Garcia (à la condition d'être autorisée en vertu de la Loi) pourra rembourser les frais reliés au don
supportés par les donneurs volontaires de spermatozoïdes et d'ovules (sur présentation de reçus par les
donneurs), mais ne pourra rembourser aucun autre coût.
Certains pays autorisent la rémunération des donneurs et cette question soulève elle aussi d'intéressants
arguments éthiques, à la fois pour et contre. Certains commentateurs s'inquiètent de la moralité inhérente à la
pratique qui consiste à offrir de l'argent en échange de dons d'ovules ou de sperme et d'autres se préoccupent des
conséquences qui pourraient découler du fait de payer pour obtenir des gamètes (p. ex., des personnes
physiquement ou émotionnellement inaptes pourraient être encouragées à faire des dons). D'autres, au contraire,
allèguent qu'il est injuste de s'attendre à ce que des donneurs d'ovules et de sperme consacrent temps et effort, et
aient parfois à endurer de l'inconfort et même de la douleur, sans avoir droit à quelque rémunération. D'autres
encore craignent que l'offre d'ovules ou de sperme ne puisse suffire à la demande si aucune indemnisation (outre
le remboursement des dépenses) n'est offerte aux donneurs.
Enfin, sur le plan de la pertinence morale de payer pour obtenir des gamètes, on craint que cette pratique ne fasse
en sorte que le corps humain ou la procréation humaine soient désormais perçus comme des « produits ». En
d'autres mots, le fait d'offrir de l'argent en échange d'ovules ou de sperme aurait pour effet de considérer ces
substances, ainsi que les organismes desquels ils proviennent et les enfants qui pourraient en naître, comme des
produits qui peuvent être achetés et vendus, plutôt que comme un bien sacré ou inestimable en soi.
Q5. La Dre Garcia devrait-elle conserver des renseignements sur les circonstances de la conception des
jumelles, y compris des renseignements sur la santé du donneur de sperme et sur son identité, afin
que cette information puisse être communiquée aux jumelles lorsqu'elles seront plus âgées?
La Loi exige que la Dre Garcia recueille des renseignements sur « l'identité, les caractéristiques personnelles,
l'information génétique et les antécédents médicaux » de tous les donneurs (article 3 ), mais elle ne devrait pas
communiquer cette information aux jumelles. La Loi exige plutôt que cette information soit communiquée à
l'Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée (l'Agence), qui conservera ces renseignements dans un
registre (article 17).
L'Agence pourra divulguer tous ces renseignements, à l'exception des renseignements permettant d'identifier la
personne, aux jumelles si elles en font la demande. Les renseignements sur l'identité du donneur de sperme ne
pourront être dévoilés qu'avec le consentement écrit de l'intéressé [paragraphe18(2)]. De plus, l'une ou l'autre
jumelle pourra demander à l'Agence si elle est génétiquement apparentée à une autre personne conçue par don de
sperme, et l'Agence devra lui communiquer toute information sur sa parenté génétique [paragraphe 18(4)]. En
conséquence, si les jumelles sont informées qu'elles ont été conçues par don de sperme (aucune loi n'exige que les
enfants le soient), elles pourront avoir accès à des renseignements sur la santé du donneur de sperme et pourront
savoir si elles sont parentes avec d'autres personnes également conçues par don de sperme (p. ex., un futur
mari). Elles pourraient aussi connaître l'identité du donneur de sperme si ce dernier consent à la divulgation de
cette information.
Bien qu'aucune loi n'exige que les enfants soient informés qu'ils ont été conçus à partir de gamètes de donneur, et
que rien ne garantisse que les enfants pourront connaître l'identité du donneur, des arguments éthiques favorisent
l'ouverture et l'honnêteté sur ces questions. Des études sur l'adoption et les témoignages d'enfants (aujourd'hui
devenus adultes) conçus à partir de gamètes de donneur révèlent que certaines personnes jugent très important
que leurs parents leur disent la vérité sur leur conception et qu'elles puissent avoir un jour la possibilité de
rencontrer les personnes avec qui elles ont des liens génétiques de parenté, alors que d'autres personnes
accordent peu d'importance à la parenté génétique. En raison de ces divergences d'opinions, il serait bon que la Dre
Garcia privilégie la prudence et qu'elle encourage ses patients à dire la vérité à leurs enfants au sujet du recours à
des dons de gamètes. Elle pourrait aussi envisager d'instaurer dans sa clinique des programmes d'information sur
les dons et exiger que ses patients discutent de la question avec un conseiller, un psychologue ou une travailleuse
sociale avant d'avoir recours à un donneur.
Références
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http://laws.justice.gc.ca/en/A-13.4/index.html.
Lectures et Ressources
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nonmedical reasons. Fertility and Sterility 2004; 82(Suppl. 1): S232-5.
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(Includes information about any regulations made under the Act.)
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Shanner L, Nisker J. Bioethics for clinicians: 26. Assisted reproductive technologies. CanadianMedical
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